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Dernière Palme d’Or en date, le nouveau film du réalisateur iranien Jafar Panahi est sorti ce mercredi 01 octobre au cinéma. Une œuvre éminemment sociale, philosophique et surtout très drôle, que nous avons eu la chance de découvrir une semaine avant sa sortie en présence du réalisateur dans le cadre du club300 Allocine. Le film représentera la France, pays co-producteur, aux prochains oscars. On vous donne notre avis.

Traqué depuis des années par le régime de son propre pays, emprisonné même à deux reprises, Jafar Panahi n’a pas peur nous dit-il. Il n’arrêtera jamais de faire des films et de dénoncer la politique autoritaire et liberticide de son pays. La Palme d’Or qui lui a été décernée est aussi là pour récompenser sa bravoure, sa ténacité et son héroïsme. Voilà plus de 30 ans qu’il réalise des films. Et il était grand temps d’honorer sa filmographie.

UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar Panahi

Jusqu’où ira la violence ? un simple accident

Un Simple Accident raconte l’histoire d’un garagiste, ancien prisonnier politique, qui se retrouve confronté à l’un de ses tortionnaires. C’est du moins ce dont il est persuadé au départ, avant que le doute s’installe et ne commence à le ronger…

Jafar Panahi tire son récit d’histoires vraies entendues en prison lors de sa dernière détention. Il rend hommage à toutes les victimes du régime iranien, ceux qui, par exemple, se sont retrouvés torturés seulement pour avoir demandé à ce que leur salaire leur soit versé. C’est le cas du personnage principal du film, incarné par Vahid Mobasseri. L’apparence tout à fait ordinaire de ce dernier, renforcée par la subtilité de ses réactions tourmentées, entre confusion et adrénaline, tend à rendre l’histoire d’autant plus crédible.

La question majeure qui traverse le personnage au cours du récit – est-ce la bonne personne ? – va exister également chez d’autres, puisqu’à mesure qu’il fait appel à des camarades précédemment torturés par le supposé même homme, dans le but qu’ils identifient ce dernier, Vahid va voir la situation lui échapper. Chacun.e veut en faire son affaire. La question devient rapidement alors : faut-il se venger ? Et qui aura cette « chance » de s’en occuper ?

Le réalisateur pointe du doigt le cercle vicieux de la violence, où le sentiment de vengeance piétine toute ébauche de réflexion chez certains. « Est-ce que cercle s’arrêtera un jour ? Le film questionne l’avenir, pas la rédemption » nous dit-il le soir de la projection.

 

Jusqu’où le doute existe ? un simple accident

Jafar Panahi a dû tourner clandestinement dans son propre pays, puisqu’interdit de réaliser des films. Et cette réalisation embarquée, qui doit de fait se faire discrète, apporte au film une touche de réalisme. Il n’y a jamais rien de trop, ni dans les situations, ni dans les réactions, ni dans les décors.

Ce qui aurait pu être différent en revanche, c’est l’écriture du récit. Une chose nous a un peu gênés, et ne nous a pas permis de nous accrocher vraiment à l’histoire, même si nous comprenons le parti-pris du réalisateur. Cette chose, c’est l’absence de confrontation directe. Car le supposé tortionnaire est, durant la majorité du film, inconscient. Ainsi, la confrontation se fait davantage entre les personnages du même « camp », celui des victimes. Et nous comprenons bien la volonté de montrer cette dynamique précise. Sauf qu’au bout du compte, le suspense disparait progressivement, et le film commence à tourner un peu en rond. Nous aurions préféré que le supposé tortionnaire s’immisce réellement dans la tête du personnage principal en avançant des arguments, qui, petit à petit, le font réellement douter. Dans le cas présent, le doute a du mal à exister. Et sans le doute, l’intrigue tombe en un sens un peu à l’eau. Mais heureusement, le point suivant permet de ne pas perdre l’attention…

 UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar Panahi

L’humour comme symbole important de la société iranienne

Ce que l’on a beaucoup aimé d’Un Simple Accident, c’est sa qualité humoristique. Et c’est l’un des points forts les plus relevés dans les avis autour du film. Ce dernier est très drôle. Et être capable d’insérer de l’humour dans des sujets aussi graves et préoccupants relève d’un sacré talent.

« Les iraniens ont beaucoup d’humour. Dans la société, on fait beaucoup de blagues, on aime rigoler et être joyeux. C’est quelque chose que la république islamique a toujours chercher à empêcher : remplacer ces moments de joie par des cérémonies religieuses, ou de deuil… Cet humour est important pour le réalisme du film » nous confie le réalisateur au Forum des Images.

 

Un Simple Accident ressort donc avec la plus haute récompense du festival de Cannes, bien que son réalisateur ne cache pas sa tristesse de ne pas pouvoir représenter son propre pays. Avec son petit budget et ses conditions éprouvantes de réalisation, le film relève le défi d’être aussi bien une œuvre sociale, engagée et humoristique


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Du 5 au 16 septembre, le cinéma étrange prend possession du Forum des Images de Paris. L’Etrange festival y pose en effet ses valises le temps de dévoiler aux fans et aux curieux les pépites internationales du genre, de présenter les équipes des films et de proposer avant-premières comme rétrospectives.  L’équipe de Pop & Shot, sur place, vous fait découvrir ses coups de coeurs.

Après une séance d’ouverture alléchante entre zombies et tatouages l’heure est au drame fantastique avec The Dark.

The Dark: Renaissance au coeur des ténèbres

The dark l'étrange festival

Le cinéma autrichien n’a pas à rougir face à ses comparses américains, japonais ou anglais bien souvent plus plébiscités. La preuve en images avec The Dark de Justin P Lange et Klemens Hufnagl qui raconte selon son résumé officiel:

L’histoire de Mina, une jeune fille morte-vivante qui hante la forêt sombre dans laquelle elle a été assassinée quelques années auparavant. Elle fait alors la rencontre d’Alex, un jeune aveugle qu’on a kidnappé et enfermé dans une voiture.

Lors de ces premiers instants, The Dark brouille les pistes, jouant d’abord sur l’humour et la montée en tension pour perdre un spectateur désireux de deviner les tenants et aboutissants du métrage. L’arrivée dans la maison hantée, la hache, tant d’éléments parfaitement maîtrisés qui semblent faire pencher la balance de ce récit vers l’horreur.

Viens pourtant le deuxième temps, celui qui fait place à la sensibilité alors que nos deux enfants paumés, détruits par la vie se rencontrentThe dark l'étrange festival et apprennent doucement mais sûrement aux côtés l’un de l’autre. Avec la sensibilité que l’on a pu connaitre dans Morse de Thomas Alfredson, The Dark prend son spectateur par la main et lui apprend a aimer ses personnages bien loin des apparences dont ils sont victimes. Véritable conte noir subtile qui sait créer son suspens et ses questionnements (à tel point qu’une accros aux spoilers comme moi- oui ça existe- ne demandait qu’à pouvoir apprendre au plus vite les tenants et aboutissants qui régissent ce spectacle). Si certaines des réponses ne sont données qu’à demi-mots, les sentiments eux sont exploités à la perfection. Grâce à la musique déjà, qui provoque les flash back explicatifs mais aussi et surtout grâce à des personnages autant en retenue qu’en nuances qui distillent leurs maux sans jamais basculer dans le pathos. A quoi peut-on survivre? Quel facteur peut-il apporter une renaissance? Reprendre foi en un être humain semble dire le métrage qui ne ménage pas la candeur des enfants qu’il raconte. S’en suit un périple épique ponctué de scènes gores nécessaires et maîtrisées qui crée autant un profond sentiment de malaise qu’il provoque l’empathie. La relation entre les protagonistes de l’histoire, parfaitement écrite, se tisse avec douceur et chasteté au fur et à mesure qu’avance l’oeuvre. Sans jamais basculer dans le cliché, le film danse sur la pointe des pieds et diffuse son émotion avec cette même légèreté.

On revit à travers les blessures les plus douloureuses pas à pas avec nos héros qui nous prouvent que le grand-méchant n’est pas toujours celui qu’on croit. Avec douceur et poésie, cette oeuvre qui aurait, s’il fallait souligner son unique faiblesse, gagné à développer son dernier acte, nous plonge dans ce passage transitoire. Reste à se laisser prendre dans ce récit aussi sombre que lumineux en prenant les mains froides de ses excellents jeunes acteurs Nadia Alexander et Karl Markovics.

Impossible d’en sortir indemnes.