Else est le premier long-métrage de Thibault Emin. Film de genre français, l’exercice est assez rare chez nous pour avoir envie de le soutenir. Le projet d’art et essai met en scène Anx (Matthieu Samper) et Cass (Edith Proust) enfermés dans un appartement alors qu’une épidémie sévit : « les gens fusionnent avec les choses ». Ce presque huis clos a de quoi faire rêver, mais ne précipitons pas les choses puisque le rêve a vite fait de tourner au cauchemar.
ART ET ESSAIE ENCORE
Si la photographie et la chromatographie sont superbes et que l’exercice de style est assumé de bout en bout comme une expérimentation, il n’est pas certain que ce laboratoire emporte l’audience. Très vite, la technique et la forme prennent le dessus sur tout : flous à outrance, caméra-épaule consciencieusement mal cadrée… Chaque tentative ressemble un peu plus à une propre parodie de son procédé. La dernière partie va jusqu’à s’évanouir dans de longs plans abstraits de l’épidémie, rappelant les salles de projection du Centre Pompidou dans lesquelles les visiteurices passent une tête puis s’éclipsent après n’avoir rien compris à ce plan séquence de trente-huit minute en slowmotion sur la mort du Christ et l’avènement du capitalisme. Else veut se donner un style unique qui finit par ressembler à tout ce qui existe déjà en cinéma indé.
WHAT ELSE ?
L’idée de départ est intéressante, mais son exploitation est décourageante. Que ce soit l’écriture masculine et ultra-clichée du personnage de Cass, jeune femme insouciante, spontanée et libre comme l’air (pour changer) ou le jeu des comédien.ne.s qui transpire l’artifice, rien dans la forme finale ne parvient à convaincre vraiment. Le propos lui-même est particulièrement confus. Certaines scènes démarrent avec une belle intensité et s’échouent dans une mièvrerie esthétique regrettable. Thibault Emin ne sait pas vraiment où il va avec son film, et le public non plus. Sauf si…
VIRÉE INTESTINALE
Une scène restera marquée à jamais dans les quelques esprits qui ont vu ce film. Alors que l’appartement d’Anx est infesté par l’épidémie, il doit fuir. Et le seul moyen de fuir est le vide-ordure. La descente en rappel s’apparente très vite à un POV d’étron (pardonnez cette poésie). Le vide-ordure ressemble à un intestin dont Anx serait la crotte. À l’appui de cette analyse scato : l’anus géant par lequel Anx sort de l’immeuble. Pet foireux ou métaphore raté, il n’est pas évident de savoir si la chasse a ou non été tirée.
bien essayé
Peu de choses resteront donc de ce premier métrage digestif : un visuel chiadé qui peine à se modérer ainsi qu’une bonne idée bizarrement exploitée. La tentative est louable mais le résultat n’est pas encore là. Else aurait gagné à ne pas se vouloir ésotérique et à tout pris artistique, le propos et la narration en pâtissent bien trop et cela est dommage. Alors même s’il reste quelques traces dans la cuvette, la curiosité et le soutien aux jeunes projets originaux peuvent justifier un visionnage, pour l’expérience.
Huit ans après son dernier long-métrage (Microbe et Gasoil, 2015), Michel Gondry, réalisateur d’Eternal sunshine of the spotless mind, Be kind, rewind ! et de beaucoup de clips…
Second long-métrage de Léa Mysius (réalisatrice de l’acclamé Ava) présenté hors compétition à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, Les Cinq Diables souffrait d’une bande annonce un peu taciturne mais…
Le mois de juin est arrivé si vite cette année que l’affaire semble surréaliste. Les températures passant du brûlant à la neige, à la grêle puis à la chaleur encore, n’ont pas aidé à voir défiler les saisons. Certains évènements, eux, sont de bonnes façon de se situer à nouveau dans l’espace temps. C’est d’autant plus agréable lorsqu’ils sont attendus. C’est ainsi que dans le tourbillon d’une année où la vie avait repris si vite qu’elle aurait pu évoquer une certaine scène de « Big Fish » et son temps qui passe en accéléré, que le Champs Elysées Film Festival ouvrait à nouveau ses portes.
La vieille, l’évènement avait abrité sa cérémonie d’ouverture le soir de la fête de la musique. Un parallèle qui n’est pas une simple coïncidence. En effet, chaque année, et c’est bien là que nous voulions en venir, le festival en plus du cinéma fait la part belle à la scène émergente musicale sur le rooftop du Publicis. Un sans faute à tous les coups puisque la crème de la musique a pu y défiler en format showcases. D’Hervé à Fishbach en passant par Silly Boy Blue ou Kiddy Smile, tous ont joué pour l’iconique évènement qui rend la plus belle avenue du Monde infiniment plus belle.
Deux showcases et une vue à couper le souffle
En ce 22 juin, le rooftop accueille donc pour la seconde fois de la saison quelques privilégiés qui ont pu se procurer une invitation pour y découvrir une vue très « Aristochats » de la capitale. Cette année, plus besoin d’être un invité du festival, quelques places sont aussi proposées à la vente aux spectateurs. Et le précieux ticket vaut le coup d’être pris. Pour s’y rendre, il suffit de prendre un ascenseur, direction les hauteurs. Là comme disait Baudelaire, tout n’est que luxe, calme et volupté. Un service au petits oignons attends les festivaliers et ceux qui font le cinéma franco-américain. Quelques bulles à savourer, des pop-corns, et même quelques découvertes de marques venues proposer leurs produits capillaires. La terrasse végétalisée s’il vous plait, en elle-même est déjà magnifique. Des tables y sont installées, un piano également en son centre. Pourtant, c’est surtout sa vue sur l’Arc de Triomphe qui attire. Le monument retrouve ses lettres de noblesses, loin d’être un simple passage touristique.
Il est un peu plus de 22 heures 30 lorsqu’Albin de La Simone se présente sur scène. Le musicien ne cache pas son plaisir à être là, dans ce cadre là. Il brise la glace avec une première blague, s’excusant de la fermeture du bar pendant les temps des showcases pour mieux respecter les artistes. Armé d’un simple piano, il est venu défendre son nouvel opus « Happy End » paru en 2021 mais pas seulement. En effet, comme il le souligne il est également jury pour le festival. Face aux végétaux, tous les regards sont tournés vers le chanteur. Ses notes filent dans le ciel, comme une prière collective. L’instant est calme, d’une beauté rare. Le temps qui court trop vite s’arrête et se heurte aux mélodies à fleur de peau de notre hôte, concentré sur ses titres, bavard lorsqu’ils finissent. Le tempo léger invite à l’introspection, bande originale d’un instant suspendu, là-haut au dessus du Paris d’antan. Le set passe trop vite.
Un Nouveau départ
Une courte pause, le temps de changer de plateau et voilà qu’Ade débarque sur scène. L’ancienne chanteuse de Therapie Taxi a pris son envol en solo. C’est d’ailleurs sa première fois seule sur scène. Pour masquer son émotion, elle joue la carte des plaisanteries et explique avoir pris le temps de se coiffer, un bandana sur les cheveux pour preuve, et donc ne pas vouloir se décoiffer en ajustant sa guitare. Ce nouveau projet est tout frais et seuls deux titres seront interprétés en live ce soir. Dont son premier single « Tout Savoir ». Loin du groupe qui a fait sa gloire, elle offre une pop française pétillante. Son timbre particulier, reconnaissable entre tous, évoque tout de même ses débuts. Notamment parce que la chanteuse possède une facilité tubesque impressionnante. Le refrain entre immédiatement en tête, classique instantané. Ces premiers pas sont une belle réussite et ils se prolongent au court d’un DJ set qui durera jusqu’à la clôture du rooftop. Comme dans un conte de fée, il faut quitter le lieu magique et retourner au quotidien et à l’avenue emplie de voitures et de badauds. Pas besoin d’abandonner sa pantoufle pour y retourner, le festival se poursuit jusqu’au 28 juin !
Jeu-concours ! On commence l’année très fort avec un premier jeu-concours cinéma. Au programme des places à gagner pour vous et un plus un pour assister à la…
Imaginez un peu. Nous sommes en 1996, une époque aujourd’hui jugée incroyablement cool par le marketing et les boutiques de vêtements. La pop culture est à son apogée.…
Avec Boîte Noire, c’est une immersion totale dans le monde de la sureté aérienne que propose Yann Gozlan. L’histoire est celle de Matthieu Vasseur, un jeune acousticien en poste au BEA qui met à profit son ouïe pour enquêter sur des accidents aériens. Son quotidien est chamboulé lorsque le crash d’un avion de plus de 300 personne survient dans les Alpes. Entre paranoïa et théories complotistes, cette mystérieuse catastrophe en fait voir de toutes les couleurs aux personnages du film.
Boite Noire, est-ce que c’est bien ?
C’est bien connu, la France choisit ses films et plébiscite certains genres. Si la comédie et le drame sont toujours des valeurs sures, le film de genre et son petit cousin le thriller sont souvent boudés pour laisser faire les américains, reconnus eux comme maîtres du genre. Pourtant, certains réalisateurs s’amusent à faire mentir les nationalités, rappelant qu’il existe une certaine fierté nationale en nos terres et que l’Hexagone n’est pas en reste quand il s’agit de créer du polar, des enquête et du suspens tendu. C’est ici avec l’optique de se frotter aux maîtres Outre-Atlantique, n’hésitant pas au passage à citer les plus grands, que le réalisateur Yann Gozlan a choisi de se tenter au registre en s’appuyant sur une thématique très précise : le monde de l’aviation. Pour réussir son coup, le metteur en scène s’est entouré d’un casting cinq étoiles : Pierre Niney, Lou De Laâge ou encore André Dussolier. Pari réussi ?
Créer un thriller haletant, en prenant soin d’utiliser toutes les ficelles du genre a particulièrement tenu à coeur au réalisateur qui prend le temps plan par plan d’établir son cadre de travail. Le résultat, fera sans aucun doute passer un bon moment au spectateur mais pourra, d’un point de vue expert, s’avérer parfois prévisible. La faute sûrement à un soin méticuleux apporté à reprendre les codes établis par les idoles du réalisateur, qui finit par tomber dans un excès de bonnes intentions et donc à absorber quelques clichés pour mieux les réadapter à sa sauce.
Néanmoins, la plus belle réussite, indiscutable, de Boîte Noire se trouve dans le travail de recherche est d’observation réalisé par l’équipe du film au plus près du BEA. Il est ainsi possible d’en apprendre beaucoup sur tout le secteur de l’aviation, ses contrôles de sécurité, sur la fiabilité des appareils, de quoi potentiellement rassurer les aviophobes bien que le sujet du film soit un crash. Les dialogues, les informations, sont la preuve d’un travail de fourmis réalisé en amont par une équipe dévouée qui en a appris immensément sur les métiers autour de ce secteur qui fait toujours rêver. Après tout, l’homme n’a-t-il pas toujours rêvé de voler ? Dans ce même axe de précision, il est important de souligner l’immense qualité du travail fait par l’équipe de décoration, ses choix pointilleux et sa capacité à poursuivre l’immersion au delà du simple cadre du scénario. Avec ça en tête, les quelques approximations qui perdurant (la date du salon du Bourget notamment) ne sauraient choquer qu’un public initié. Reste également à souligner que si l’intrigue se tient en octobre 2020 et ne fait pas état de la pandémie, c’est surtout parce qu’il a été tourné en amont, soit fin 2019.
Une réalisation carrée
Techniquement, tout est au point. Yann Gozlan gère très bien l’image et fait ressentir le plus justement chaque émotion du film. Le plan séquence à couper le souffle de la scène d’ouverture est d’ailleurs un bon moyen de mettre le spectateur dans le bain et de lui introduire l’élément central de l’intrigue : la boîte noire. Cet aspect du film est d’ailleurs l’une de ses plus belles forces. La photographie est impeccable. Les plans prennent le temps d’exister. Le réalisateur aime à filmer les émotions de ses personnages et surtout de son protagoniste, il prend le temps plan après plan, scène après scène. Chaque moment semble s’attarder face à la caméra qui invite le spectateur à ne pas en perdre une miette. De ce choix, la paranoïa devient plus palpable, les expressions du visage se scrutent une à une. L’intrigue se pose et s’impose avec douceur.
Le son est un des éléments clé de ce film. C’est dans un premier temps l’outil de travail principal de Matthieu Vasseur (Pierre Ninney), ce qui n’est pas sans rappeler « Le chant du loup » d’Antonin Baudry. Dans un second temps c’est aussi le moyen d’accentuer et de sublimer chaque scène du film. Il faut donc tendre l’oreille à chaque instant afin de ne rater aucun détail de Boîte Noire. Attention tout de même à ne pas se laisser berner par les faux sentiments de « peur » créés par la bande son pour compenser les lacunes de certaines parties du scénario. En effet, la musique vient souvent à remplacer les effets de mises en tension pour mieux créer un sentiment d’angoisse qui pourrait autant se gérer par le son que par l’image.
Pourtant cette immersion auditive a aussi pour qualité de créer un récit axé sur son protagoniste. En immersion avec son oreille très fine, le spectateur est entraîné dans un tourbillon de sons auxquels se fier ou non. Il se laisse retourner par ses acouphènes, et vit avec d’autant plus de force ses doutes. Cette quasi omniscience accentue le sentiment de connivence avec Matthieu Vasseur. Les turbulences liées à ce sens incroyablement développé deviennent synonymes de confiance et de partage. Ainsi comme avec les plus plus grands enquêteurs des Etats-Unis, notre frenchie crée un personnage entier auquel il est simple de se raccrocher. Pourtant, tout on long de l’intrigue les personnages sont en constante évolution. Ainsi, le spectateur se retrouvera en conflit face à un personnage principal psychorigide et jusqu’au-boutiste qui l’enfonce avec lui dans sa paranoïa. Lou de Laâge, dans le rôle de Noémie Vasseur la femme de Matthieu, réussi avec brio à faire de son personnage secondaire un caractère qui prend de plus en plus de poids au fur et à mesure du film. Sa performance est d’autant plus impressionnante que l’actrice a été castée en dernière minute et n’a eu que peu de temps pour bien rentrer dans la peau de son personnage. Une coupe de cheveux aura permis de lui durcir les traits pour en faire une femme forte et carriériste, pilier de l’intrigue. Le diable est dans le détail, et ce n’est pas l’équipe de Boîte Noire qui fera mentir l’adage.
Au demeurant, Boîte Noire est un thriller français au beau casting qui mérite d’être vu et apprécié. Déjà parce qu’il prouve que de grands moyens et de belles idées existent dans tous les registres du cinéma français mais aussi parce qu’il promet un bon moment de divertissement tout en soulignant des enjeux majeurs du monde actuel et ses technologies. Il y a fort à parier que le métrage trouvera son public et ce sera mérité puisqu’à l’exception de quelques longueurs, il relève le défit et suit avec passion le cahier des charges qu’il s’était fixé.
Fierté nationale, notre Florian Zeller, nous rapporte des Etats-Unis (où il n’a pas pu se rendre Covid oblige mais l’idée est là…), non pas un mais deux Oscars…
Du 2 au 13 septembre 2020 s’est tenue la 26ème édition de L’Étrange Festival au Forum des Images à Paris. Malgré la COVID et le climat anxiogène environnant, tout s’est déroulé à merveille pour que ce festival puisse se tenir dans des conditions irréprochables.
L’Étrange Festival 2020 : Une compétition éclectique
La compétition internationale, qui avait sacré l’an dernier l’excellent Vivarium , a débuté par le film d’ouverture Tomiris, une fresque épique kazakhe sur la reine Tomyris, libératrice de son peuple face à l’invincible Empire Perse. Un peplum avec en tête d’affiche une figure féminine forte prompte à être une source d’inspiration, il n’en fallait pas plus pour que le film récolte le Prix Nouveau Genre de cette 26ème édition de l’Étrange Festival.
Le très attendu Possessorde Brandon Cronenberg (lauréat dans la catégorie court métrage l’an dernier) aura tenu ses promesses. Un moment violent et charnier qui place l’identité au coeur de ses problématique. Le jeune Brandon marche sur les traces de son père et lui emprunte son goût pour la chaire et le raffinement horrifique. Retrouvez-en la critique complète ici.
Suscitant la curiosité dès les premières images présentés pour annoncer la programmation, le premier long métrage du réalisateur sud africain Ryan Kruger, Fried Barry, aura confirmé les premières impressions. Sorte d’OVNI autant généreux que foutraque, il n’aura pas laissé insensible les spectateurs, certains adhérant totalement à l’expérience, alors que d’autres ne se seront pas laissé prendre au jeu de cette histoire d’ » ET sous crack » déambulant dans les rues du Cap. On vous raconte tout ici.
Beaucoup plus classiques de manière formelle, mais tout aussi plaisants, étaient The Owners, là aussi un premier long métrage, de Julius Berg (notre favori pendant une grande partie du festival) et aussi Sputnik, premier long d’Egor Abramenko. Si The Owners a fait l’objet d’un article dédié, Sputnik peut être qualifié de film réussi sur l’histoire d’un cosmonaute soviétique, dans les années 80, revenant d’une mission spatiale avec un passager bien particulier à son propre bord. Suspense, tensions, qualité de mise en scène indéniable, Sputnik est un film efficace proposant un spectacle maîtrisé. Et une superbe créature par dessus le marché !
A Dark, Dark Man, polar kazakh, aura pu décontenancer par son rythme contemplatif auquel se prête le superbe cadre dans lequel le film d’Adilkhan Yerzhanov. Avec une pointe d’onirisme rafraîchissante, le film dans ses dernières minutes prend un tour plus classique mais aussi plus universel. De quoi permettre à tout public de pleinement appréhender le cinéma de Yerzhanov et de s’offrir une touche de dépaysement.
Du dépaysement, Get The Hell Out, comédie horrifique taïwanaise à base de zombies mêlant critique parlementaire et karaoké, en aura offert ! Ne se prenant jamais au sérieux, le film de I-Fan Wang offre un joyeux bordel qui finit par communiquer sa bonne humeur au public. Litres d’hémoglobine, gags, héroïne badass et mise en boite de politiciens véreux se disputent le premier rôle de ce métrage qui n’est pas sans rappeler Mayhem, lui aussi diffusé à l’Etrange festival en 2017. Un divertissant rafraîchissement en somme.
En matière de divertissement, Destruction Finale, film catastrophe sud coréen se sera posé là aussi. Sorte d’Armageddon au Pays du Matin Calme, le film sait se faire divertissant avec sa bande de quasi pieds nickelés appelée à devoir sauver leur pays alors qu’ils n’y étaient pas préparés tout en ayant un petit fond politique, léger mais déplaisant. En effet, parmi ceux mettant des bâtons dans les roues des héros on retrouve… l’armée américaine! Rejoignant en cela d’autres films de genre se permettant de critiquer la présence yankee en Asie ( The Host ou bien encore Shin Godzilla, vu au PIFFF en 2017). De plus, l’objectif final pour sauver la Corée est de mettre une bombe atomique en plein coeur du Mont Paektu. Quand on sait que le surnom de la famille des dictateurs nord coréens est « la lignée du Mont Paektu », on se dit que c’est tout sauf innocent…
Random Acts of Violence. Droits réservés : Elevation Pictures
Random Acts of Violence ayant clairement déçu par rapport au reste de la compétition, passons plutôt à Relic, long métrage de Natalie Erika James à la poésie horrifique inoubliable. Alors que d’autres s’attellent à créer des Boogeymen effrayants, Relic, rappelle que la mort peut prendre le visage plus commun de la vieillesse et du temps qui passe. La réalisatrice australienne dépeint avec son métrage la douleur des proches de ceux qui sont dépossédés de leurs personnalités lorsque l’âge les rattrape. A l’instar d’une certain « It follows », le film s’évertue a passer par la métaphore pour créer un monstre bien plus effrayant que ceux que l’on retrouve habituellement sur grands écrans. Fin, joliment écrit, Relic redonne ses lettres de noblesse au cinéma de genre rappelant que la plus grande des horreurs se cache dans le quotidien. Drame et détresse se mêlent alors qu’une scène particulièrement claustrophobe saura glacer le sang des amoureux de grands frissons. Le final grandiose allie la beauté au malaise, évoque les sentiments avec pudeur sans jamais sortir de son cadre horrifique. Un véritable coup de coeur, à ne surtout pas manquer et qui profitera d’une sortie aux cinémas le 7 octobre 2020.
Des choses à dire Fanny Lye Deliver’d en avait aussi avec cette histoire de mère au foyer dans l’Angleterre du XVIIème siècle voyant son environnement être bouleversé par l’arrivée d’un jeune couple en fuite bien loin de toutes les convenances auxquelles son quotidien morne avait pu l’habituer. Renvoyant dos à dos toute forme d’emprise spirituelle étroitement liée par diverses formes du patriarcat, on finit par assister au véritable portrait d’une femme, s’élevant par elle même au fur et à mesure des tragiques péripéties se produisant dans sa ferme. L’occasion pour elle d’opérer une véritable mue absolument grisante dans les derniers instants du film.
Plus banale et moins fascinant que les autres métrages en compétition, Spree, s’offre néanmoins un rythme entraînant et un casting des plus sympathiques ( avec en tête d’affiche Joe Kerry de Stranger Things). Cette critique des réseaux sociaux qui suit Kurt tuant sans remords dans l’espoir de s’attirer des followers profite d’une belle forme de second degrés, d’humour et de quelques scènes de meurtres jouissives. Lui manque néanmoins une véritable montée en puissance pour tenir le spectateur de bout en bout sans tomber dans la redite ou la facilité. Quelle plaisir néanmoins de retrouver Micha Barton et David Arquette dans des rôles où le second degrés est maître mot.
Image extraite de Kajillionaire, Prix du Public de l’Étrange Festival . Credit : Matt Kennedy / Focus Features
Cette appréciation est évidemment à contrebalancer par rapport à l’accueil plus qu’enthousiaste reçue par Kajillionaire de Miranda July, une comédie mêlant arnaques, dynamiques relationnelles et émancipation. Le formidable accueil donné par le public est tel qu’il fallut qu’une seule projection pour désigner de façon nette que le film serait le lauréat du Prix du Public de L’Étrange Festival 2020.
L’Étrange Festival 2020 : Des pépites en veux tu en voilà !
La catégorie Mondovision permet, comme son nom l’indique, de découvrir des œuvres venant d’horizons bien loin des standards auxquels le public peut être habitué. Cette édition de L’Étrange Festival aura permis de découvrir notamment…
Survival engagé mettant aussi bien en scène une vision bienveillante de la nature que de la femme, toutes deux maltraitées par l’Homme. Si le métrage ne lésine pas sur les effets de mise en scène et sur son relationnel en première partie, il change complètement de registre dans son dernier acte. Un moment de cinéma atypique, bien ficelé sous forme de conte noir qu’on vous raconte ici.
Shakespeare’s Shitstorm
Le titre du film devrait à lui seul donner une idée du type de métrage ici diffusé. Le dernier film du barré Lloyd Kaufman tient toutes ses promesses et va même au delà. Au programme des seins, des excréments ( d’orques entre autre), beaucoup de sang et des blagues sur les pets. Le délirant métrage ne s’arrête pas là et se permet d’être la satire du monde contemporain alors que les social justice warriors en prennent pour leur grade à coup de blagues franchement déplacées et franchement drôles. C’est lourd, certes, mais c’est fait pour. Ce nanar assumé saura satisfaire un public déjà conquis à l’estomac bien accroché. Pas la peine néanmoins de chercher une diffusion en salles obscures, la bande-annonce vous aura prévenu, il ne sera diffusé que dans trois cinémas !
The trouble with being born avait déjà fait parlé de lui avant cette diffusion à l’Etrange Festival. Il avait notamment été au coeur d’une polémique l’accusant d’avoir un propos volontairement pédophile. Il est facile de nos jours d’ailleurs d’attaquer toute oeuvre qui pourrait déranger, le récent « Mignonnes » en étant un exemple criant de plus. Le film qui nous intéresse lui traite avec une certaine finesse de l’intelligence artificielle mais aussi et surtout de la solitude humaine qu’aucune machine ne saura réellement combler. La réalisatrice Sandra Wollner dresse le portrait d’une petite machine aux traits humains, à l’identité bafouée et flouée qui ne fera que revivre les erreurs du passé qui lui ont été transmises. Délicat, humain, The trouble with being born pourra avoir des images dérangeantes mais ne manquera pas de questionner l’homme, ses envies, ses troubles et ses complexes.
Impetigore est un film d’horreur indonésien très joliment exécuté. Sur fond de village perdu, de malédiction familiale, d’origine trouble et de sorcellerie, Joko Anwar tisse un long métrage doté d’images fortes et marquantes. Notamment, son plan final extrêmement efficace et glaçant…
L’Étrange Festival 2020 : les séances spéciales et autres confiseries
Faisant le buzz depuis sa présentation à Cannes l’an dernier, la dernière oeuvre de Gaspar Noé, le moyen métrage Lux Aeterna réunit Béatrice Dalle et charlotte Gainsbourg au court d’une oeuvre en roue livre où l’improvisation est de bon ton. Un film à l’hystérie prononcée, aux couleurs violentes et aux femmes fortes violentées dont on vous fait la critique ici.
Image extraite de Teddy, des frères Boukherma
Une autre oeuvre ayant fait parlé d’elle lors de sa présentation, que ce soit à Deauville, à l’Étrange ou à Venise ( dans la même semaine!) est le long métrage des frères Boukherma intitulé Teddy. Du nom de son personnage principal, un jeune homme déscolarisé précocement qui assiste aux exactions commises dans sa petite ville pyrénéenne par ce qui semble être bien plus qu’un loup… Aussi quand, il finit par être mordu, tout va finir évidemment par déraper. Quand P’tit Quinquin rencontre Hurlements au pays de Jean Lassalle, cela donne un mélange des genres savoureux au possible! Mention spéciale à l’épatant Anthony Bajon dans le rôle de Teddy mais globalement à l’ensemble du casting, Noémie Lvovsky en tête, donnant vie à une galerie de personnages sortant de l’ordinaire!
Parmi les œuvres proposées lors de la carte blanche de Marjane Satrapi, réalisatrice notamment d’un The Voices acclamé à l’Étrange Festival il y a quelques années, se trouvait Milla mis en scène par Shannon Murphy. Le moins étrange des films présentés à l’Étrange ne l’aura pas empêché de provoquer de nombreuses émotions dans la salle, les reniflements embués de larmes se faisant pleinement entendre à la fin de la séance. Pourtant, on pouvait redouter les gros sabots avec cette histoire d’une idylle entre une cancéreuse adolescentine et un junkie SDF la manipulant plus ou moins. Mais point de lourdeur pachydermique à la Love Story ici, Shannon Murphy réussissant à désamorcer tout les pièges dans lesquels son premier film aurait pu tomber pour livrer une oeuvre sensible et touchante. Profondément belle même dans ses deux dernières séquences. Une très belle réussite!
Parmi les courts métrages proposés cette année, si évidemment, il y a de tout au niveau qualitatif comme toujours, mention spéciale à Ik, Moordenaar du néerlandais Kim Kokosky Deforcheaux, glaçante variation sur un enfant violent qui rencontre un écolier similaire à lui qui évoque L’Autre de Robert Mulligan.
Enfin, cette 26ème édition de l’Étrange Festival s’est conclue par la diffusion du thriller d’espionnage sud-coréen L’Homme du Président de Min-Ho Woo. Rien à voir avec le nanar de Chuck Norris multi-rediffusé dans les années 90-2000 mais la narration des derniers jours de la présidence tyrannique du président Park en 1979. Bénéficiant d’un rythme enlevé et d’un suspense de tout les instants, L’Homme du Président aura su captiver le public de l’Étrange Festival et apporter une excellente conclusion pleine de retournements de situations pour cette édition s’étant déroulée dans un contexte plus que difficile…
L’ÉTRANGE Festival 2020 : PALMARÈS complet
Grand Prix Nouveau Genre : Tomiris , de Akan Satayev
Prix du Public : Kajillionaire, de Miranda July
Grand Prix Canal + du court métrage : Amandine, de Juan Carlos Mostaza
Prix du Public du court métrage : Nuage, de Joséphine Darcy Hopkins
Si l’Étrange festival qui touche à sa fin dimanche 13 septembre a vécu nombre de temps forts, la diffusion du dernier film de Gaspar Noé était sans équivoque…
Très attendu par les aficionados de cinéma de genre, « Possessor » s’est joué pour sa deuxième diffusion à l’Etrange Festival à guichets fermés. Il faut dire que le long-métrage…