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Léonard Pottier

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Album après album #3. Quoi de mieux en cette période si particulière que de dédier son temps libre à la découverte ? Certainement l’une des choses les plus stimulantes de notre existence. Chercher… Découvrir… Ne pas s’accommoder à quelconque confort, mais toujours se trouver dans un état d’esprit d’ouverture au monde, d’élargissement culturel, afin de faire jaillir un sentiment de satisfaction nous donnant l’impression de nous construire en même temps que notre cercle s’élargit. Voilà ce dont nous avons tous besoin, même sans nous en rendre forcément compte. Et quel moment plus adapté que celui que nous vivons en ce moment, confinés, à l’heure où absolument tout est disponible en ligne depuis chez soi !

Pour cette cinquième semaine (déjà !) de confinement, où les esprits s’échauffent et où le ras le bol général légitime commence à gagner de plus en plus de foyers (ce qui n’est pas une raison pour sortir davantage), beaucoup privés de toute forme d’épanouissement et gagnés par un ennui profond, il est grand temps de vous proposer l’épisode 3 de notre série consacrée à la découverte d’albums que nous tiennent à cœur, pour essayer de remonter le moral à ceux qui en ont besoin mais aussi pour vous faire voyager parmi des atmosphères diverses et uniques. Ces albums, choisis chaque semaine avec attention, comme nous le répétons à chaque fois, ne sont ni des classiques mondialement connus, ni des œuvres enfouies et secrètes inconnues de tous et de toutes. Ils font partie d’un juste milieu, entre évidence et confidentialité. Somme toute des classiques pour tous ceux qui voudront bien les reconnaître comme tel ! Il se peut évidemment que vous les connaissiez déjà, et c’est dans ce cas la parfaite occasion pour vous replonger dedans si l’envie vous prend. Cette semaine, ce sont deux albums intervenant tous deux à la fin d’une décennie que nous avons choisi de vous présenter.

 

ALbum n°1:  A WAY OF LIFE  (SUICIDE)

Troisième projet du duo le plus revêche de la musique moderne, A Way of life est avant tout une expérience unique en son genre, sans doute moins brutale et plus accessible que ne l’était déjà leur premier album, sorti en 1977, sobrement intitulé Suicide, météorite indescriptible ayant laissé une trace majeure sur toute la production musicale qui suivra, mais du moins toute aussi fulgurante. Dix ans séparent A Way of Life de Suicide, et le groupe composé d’Alan Vega et de Martin Rev ne semble pas avoir vieilli d’une ride. Au contraire, leur musique semble s’être dotée ici de nouvelles textures et profondeurs.  C’est un peu moins nerveux, tout aussi hypnotisant, et un peu plus abordable. Il y a toujours cette force spectaculaire, ce remue-ménage incessant et ce sentiment d’avant-garde qui se dégage de leur art, jamais soumis à quelconques formes de composition mais toujours attaché à l’enchère et à l’excès, jusqu’au point d’épuiser ses auditeurs. Oui, Suicide est une épreuve, faite de synthés primitifs, de répétitions et d’un chant aussi tortueux que bagarreur, crée par des mecs à l’attitude plus virulente que n’importe quel autre punk, mouvement auquel ils affirment d’ailleurs appartenir, sans que leur musique s’inscrive pour autant dans aucun genre particulier tant elle peut être rattachée à une multitude de styles variés : électro, rock, musique minimaliste, techno, new beat…  (ayons tout de même en tête qu’Alan Vega a eu l’envie de créer Suicide après avoir assisté à un concert des Stooges en 1969, précurseurs du mouvement punk). Mais c’est une épreuve nécessaire qui aura un fort impact sur votre manière de concevoir la musique, tant elle englobe tout un tas d’idéaux liés à une certaine forme de production et de composition : primaire, directe, violente, brutale, sauvage… Du rock à l’état pur, privé de tout artifices.

L’album attaque directement dans le dur, avec un « Wild in Blue » rugueux et revêche, sorte d’apothéose d’un savoir-faire ici totalement mûr, transcendé par un Alan Vega au plus haut de son intensité. Il ne chante pas, il donne son corps, son esprit et son âme à la musique qui rugit dans une répétition frénétique indomptable. Ce morceau est l’un des sommets de Suicide, tant il témoigne d’une démonstration de force de haute voltige qui vient assurer au groupe un retour réussi. Car on le sait déjà en écoutant ce premier morceau, l’album sera une claque.

La suite se gâte d’ailleurs avec des morceaux terriblement entêtants, dont les rythmiques et les mélodies aussi minimalistes que sauvages, comme on en a l’habitude avec le duo, trouvent une profondeur supplémentaire qu’auparavant, grâce à une production certes moins rentre-dedans mais davantage nébuleuse et inquiétante. L’album brille par sa maitrise tandis que sa noirceur prend constamment le dessus avec des compositions magistrales (« Rain of Ruin », « Dominic Christ »). C’est un concentré pur d’animosité, quelque chose d’à la fois terrifiant et sublime, de sombre et de lumineux… Bien que moins direct que le premier album, A Way of Life intègre plus de basse, plus de punch et s’affirme comme une œuvre à part et singulière, d’autant plus que deux morceaux en particulier retiennent notre attention, l’un pour sa beauté organique : « Surrender », une sorte de balade futuriste élevée par un cœur féminin des plus saisissants, et l’autre pour sa vivacité, « Jukebox Babe 96 », une sorte de rockabilly moderne sous drogue teinté de sonorités de l’espace.

A Way of Life est un bijou de la musique moderne, une œuvre grandiose qui continue encore aujourd’hui à faire effet et à influencer la production actuelle.

 

DOUBLE DOSE  (HOT TUNA)

Quittons maintenant l’univers tumultueux de Suicide pour s’intéresser à notre deuxième album de la semaine, Double Dose, un double album (d’où le titre) live de Hot Tuna, une musique plus classique et moins sauvage que celle de Suicide et qui, pourtant, procure elle aussi une belle claque à son écoute. Hot Tuna est un groupe américain composé de deux anciens membres de Jefferson Airplane : Jack Casady (basse) et Jorma Kaukonen (guitare) dont l’idée de départ est celle de jouer plusieurs classiques du blues réarrangé à leur manière. Leur premier projet, sorti en 1970, s’intitule Hot Tuna, un album live entièrement acoustique très réussi dans lequel ils interprètent principalement des reprises de blues. Double Dose intervient huit années plus tard, en 1978, et sonne comme l’aboutissement de leur travail, ici éclatant et concentré en un double album particulièrement jubilatoire. Malgré sa longueur (1h20), Double Dose n’admet aucun soupir et file tout du long à une vitesse éclair. Pas le temps de s’ennuyer une seconde, l’album est parfaitement construit et dosé, si bien que l’on se surprend à en redemander une dose lorsqu’il se termine. Les quatre premiers morceaux sont acoustiques et d’une beauté frappante, animés par la voix sensuelle de Jorma Kaukonen et son fluide jeu de guitare. La suite est entièrement électrique, un long chemin sans trêve, une continuelle avancée dans le merveilleux univers du blues, ici au meilleur de sa forme, allié à un rock fulgurant pour nous faire comprendre que ce dernier tire ses racines de là, du blues. Le rock et son essence même se joue dans nos oreilles. On y entend une musique traditionnelle à laquelle on a insufflé une intensité supplémentaire, un son détonant. Les morceaux sont d’une évidence implacable. Tout coule de source.

Double Dose a en réalité deux qualités principales qui lui permet de briller autant : des morceaux simples et terriblement efficaces, quelques-uns étant des reprises de certains classiques du blues (« Talking ‘bout you » de Chuck Berry ou encore « I can’t be satisfied » de Muddy Waters), ainsi que des musiciens fabuleux, dont la maitrise du rythme est ici primordiale. Tout ça élevé par une prise de son impeccable. Que faut-il de plus ?

« Funky #7 », en tant qu’ouverture du deuxième CD, donne directement la couleur : Double Dose ne passe pas par quatre chemins, il va à l’essentiel, prenant source à travers une musique aussi riche que complète et l’entraînant dans un tourbillon de guitare à la sauce rock’n’roll assumée. C’est net, c’est précis, c’est sublime.

By Léonard Pottier

The Night Chancers Baxter Dury
  The Night Chancers, Baxter Dury

  Depuis le génial Prince of Tears, avant-dernier projet en date du dandy britannique dans lequel il prouvait définitivement son talent, Baxter Dury n’a pas donné beaucoup de nouvelles. C’est aujourd’hui, dans une période difficile mais plus que jamais ouverte à la musique, qu’il fait son retour avec The Night Chancers, un nouvel album toujours aussi envoûtant. Avec la maitrise qu’on lui connaît, le chanteur insuffle à ce nouveau projet une profondeur sans égal dans sa discographie, élevée par une voix toujours aussi charnelle et magnétique.

 A l’occasion de cet évènement important de la carrière déjà bien remplie d’un artiste qui parvient à allier qualité et efficacité, nous avons eu la chance d’interviewer celui qui vous tiendra très certainement compagnie durant votre confinement et sûrement plus. C’est dans un hôtel parisien que Baxter Dury a accepté de répondre à nos questions concernant sa carrière et son nouvel album, bravant sa maladie qui ne lui permit pas d’être au meilleur de sa forme. D’une attitude désinvolte et d’un ton quelque peu nonchalant qui, on le sait, font partie de son identité mais aussi de son image d’artiste, élevés par un accent anglais bien prononcé, le chanteur ne nous a pas facilité la tâche, bien que toujours poli et à l’écoute de nos interrogations. Nous vous laissons découvrir cet entretien qui nous fait extrêmement plaisir de dévoiler :

Tout d’abord, j’ai l’habitude de débuter avec une question assez générale, afin d’en savoir un peu plus sur toi, notamment pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas forcément. Je voulais ainsi savoir ce que tu fais de tes journées. Quel est le quotidien de Baxter Dury ?

Baxter Dury : Interviews, interviews, interviews… (rires). Mon emploi du temps varie. Je fais beaucoup de choses. Ça dépend sur quel niveau tu te situes. Tu devrais poser des questions plus spécifiques. Par exemple, en ce moment, je fais la promotion de mon nouvel album et tout ce qui s’en suit. Cela engage évidemment des obligations promotionnelles comme des interviews, faire des photos et toute cette merde… Et cela dans plusieurs pays. En réalité, c’est amusant, à part quand tu as la grippe et que tu dois monter dans l’Eurostar à 5h du matin. Putain. Tu vois ce que je veux dire ?

Tu es occupé par la musique à chaque instant de ta vie ?

Baxter Dury : Non pas du tout, j’ai des pauses parce que tu as besoin de te reposer. Je suis pas ce genre de type bizarre totalement obsédé par la musique qui a constamment besoin de s’exprimer. J’ai de longues périodes comme ça puis j’arrête pendant un moment.

« Sur cet album, les histoires innocentes de ruptures ont fait jaillir des sentiments noirs mais qui, en tant que sujets de chansons, ne sont peut-être pas si sombres qu’on pourrait le penser. »

The Night Chancers est ton sixième album, qu’est ce qui a changé depuis que tu as commencé à faire de la musique ?

Baxter Dury : J’ai fait plus de six albums si tu comptes les collaborations etc. En réalité, j’ai fait beaucoup d’albums, je suis assez bon (rires). Ma vision a évidemment changé depuis les débuts. Je sais pas vraiment comment et je suis pas sûr d’être le meilleur commentateur de mon propre parcours. Mais je suppose que beaucoup de choses ont changé oui.

Ce nouvel album semble s’inscrire dans une évolution de ta part vers quelque chose de plus sombre, plus noir. Tu en as eu conscience lors de son élaboration ?

Baxter Dury : Hum… Plus sombre, je sais pas vraiment. Ça dépend ce que tu considères comme sombre. Lors de mon album précédent, il est vrai que je me trouvais dans un état d’esprit plus obscur. Pour autant, sur cet album, les histoires innocentes de ruptures ont fait jaillir des sentiments noirs mais qui, en tant que sujets de chansons, ne sont peut-être pas si sombres qu’on pourrait le penser.

 Par exemple la pochette de l’album, c’est très certainement la plus sombre parmi toutes celles que tu aies faite.

Baxter Dury : Oui, parce que la photo a été prise dans le métro et que tu ne peux pas faire plus clair que le désert (fait ici référence à la pochette de Prince of Tears). Tu ne peux pas comparer. Sur celui-ci, l’ambiance est plus claustrophobe. Je crois qu’être français (fait ici référence à son interlocuteur) implique une difficulté à choisir les implications narratives d’une histoire parce qu’une partie du langage doit se perdre. Tous mes albums sont équitablement lumineux et sombres à la fois.

The Night Chancers constitue donc la suite logique de ta musique ? Tu le perçois de cette manière ?

Baxter Dury : Je ne l’ai pas particulièrement pensé de manière logique, et ce n’est jamais sorti de cette façon je pense mais c’est l’album que je viens juste de terminer donc logiquement, il doit suivre le parcours de mon évolution.

Dans le clip de « Slumlord », le premier morceau de l’album à avoir été dévoilé, tu te mets en scène comme un débauché, alcoolique et drogué. Dans le mot slumlord, on retrouve d’un côté « slum » et de l’autre « lord », deux mots en contradiction. J’ai l’impression que tu aimes endosser des rôles de pouvoir : lord, prince… en les confrontant à des mots qui ne leur sont jamais associés en temps normal : slum, tears… D’où vient cette idée ?

Baxter Dury : La définition exacte de « slumlord » est une personne propriétaire de logements miteux, et qui exploite les personnes pauvres qui vivent à l’intérieur, en dépensant le moins possible pour l’entretien. Ça n’a rien de classe ni de loyal. C’est quelque chose de négatif.

« Je dois protéger une partie de la vérité. J’utilise des personnages pour éloigner les auditeurs de ma réalité et de mes pensées. C’est une technique de diversion. »

Alors que « Prince of Tears » révélait quelque chose de plus lumineux.

Baxter Dury : Prince of tears est plus fragile.

Tu aimes endosser des rôles ?

Baxter Dury : J’en ai besoin. Je dois protéger une partie de la vérité. J’utilise des personnages pour éloigner les auditeurs de ma réalité et de mes pensées. C’est une technique de diversion.

Comment tu composes tes morceaux ? Seul ou entouré ?

Baxter Dury : Parfois seul, parfois entouré… Je n’ai pas de règles à propos de ça. J’ai une équipe d’écriture. Par exemple, sur la chanson « Miami » du précédent album, c’est un ami à moi qui a écrit cette ligne de basse. Mon rôle est ensuite celui de répondre ensuite à ces propositions. Il y a certaines personnes qui ont une grande influence sur ce que je fais.

J’ai lu dans une interview à l’époque de Prince of Tears que tu plaçais la meilleure chanson en début d’album. C’est le cas ici avec « I’m not your dog » ?

Baxter Dury : J’en avais l’habitude oui, mais je ne l’ai pas fait sur cet album, parce que j’avais déjà en tête toute la construction. Je savais quel serait le début, le milieu, la fin… Je l’avais déjà séquencé avant de terminer les morceaux.

 Dans cette chanson d’ouverture, « I’m not your dog », tu introduis du français avec la phrase « ce n’est pas mon problème, je ne suis pas ton chienne », chanté par une voix féminine qui t’accompagne. D’où t’es venu l’envie de chanter en français ?

Baxter Dury : J’aime le français traduit par google. Il y a une maladresse, un accident de langage produit volontairement. C’est presque irrespectueux mais l’idée n’était pas d’être négatif envers le français. Musicalement, ce n’est pas destiné à être parfait car sinon ce ne serait pas très intéressant. On a proposé à certaines actrices françaises comme Marion Cotillard, Béatrice Dalle de le faire… Une de celles à qui on a demandé nous a dit que si elle le faisait, ça deviendrait trop cliché. Elle nous a conseillé de le laisser dans cette version pour que ça soit plus intéressant. Je crois que c’était une manière de me faire comprendre qu’elle n’aimait pas la chanson.

« Je m’excuse notamment auprès de tout le monde qui a collaboré sur cet album. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Mais je m’excuse. Ce sont des excuses gratuites, sans raisons… »

Dans la dernière chanson de l’album, une femme répète « Baxter loves you ». A qui t’adresses-tu lorsque tu lui fais chanter ça ?

Baxter Dury : A tout le monde. Je m’excuse. Je m’excuse notamment auprès de tout le monde qui a collaboré sur cet album. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Mais je m’excuse. Ce sont des excuses gratuites, sans raisons…

Pourquoi ne pas le chanter toi-même et le dire par l’intermédiaire d’une voix qui n’est pas la tienne ?

Baxter Dury : Ce n’est pas moi qui le dit mais je contrôle les paroles. C’est moi qui les ai écrites. Donc cela revient au même en un sens.

Tu sembles beaucoup influencé par Serge Gainsbourg. A quel point es-tu proche de sa musique ?

Baxter Dury : Un peu oui, mais je ne dirais pas beaucoup. En tout cas moins que ce que les gens pourraient penser. Il m’influence un peu, parfois.

En parlant d’influences, je trouve que « Slumlord » a de nombreuses similarités avec « Let’s Dance » de Bowie. Tu en avais conscience lorsque tu as écrit le morceau ?

Baxter Dury : J’ai réalisé cela à un moment où j’étais déjà bien avancé dans la composition du morceau. Quelques personnes m’ont fait la même remarque. J’ai empiré cet effet miroir en introduisant une rythmique qui sonne comme « Let’s Dance ». Au début de l’écriture de la chanson, je n’avais pas fait ce rapprochement mais lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai joué volontairement sur cet effet, en appuyant d’autant plus sur cette ressemblance.

 Il existe cet éternel débat du rock qui veut que l’on choisisse entre les Beatles ou les Stones. Personnellement, j’aimerais un peu modifier la question et te demander si tu es plus Beatles ou Bowie ?

Baxter Dury : Bowie je pense. Non… Enfin je sais pas… Egalité sûrement… Je suis très fier de la musique anglaise. Je suis fier des Beatles, autant que je suis fier de David Bowie. Tu comprends ? Je suis fier. Donc pourquoi devoir choisir un camp ? Je me référence sûrement un peu plus à Bowie parce qu’il est vraiment très sophistiqué. Mais on ne devrait pas créer de compétition.

Tu as fais plusieurs collaborations en parallèle à tes albums solos. Je voulais revenir sur celle récente avec Etienne de Crécy et Delilah Holliday sur l’album B.E.D, un disque que je trouve très bon et extrêmement efficace. Comment tu as rencontré Etienne et Delilah ?

Baxter Dury : J’étais à Paris et il m’a demandé de faire une chanson. Je m’ennuyais un peu parce que ça faisait longtemps que je séjournais ici et nous avons donc fait un album très rapidement.

Est-ce que cet album, B.E.D, t’a donné des idées pour ton nouvel album solo The Night Chancers ? En terme de recherche sonore, de composition…

Baxter Dury : Pas vraiment. Ce sont deux choses séparées qui sont arrivées très rapidement. Il n’y pas eu beaucoup à réfléchir et c’est ce que j’ai apprécié le plus.

Sur I’m not your god, j’ai cru entendre un son de basse similaire à certains sons que l’on peut entendre sur B.E.D

Baxter Dury : C’est juste de la musique électronique tu sais. Ça sort de machines. C’est comme ça que ça marche, et les sons peuvent se ressembler. Je n’y pense pas vraiment quand j’écris les morceaux. Je ne cherche pas à répéter les choses que j’ai produite, c’est le coup d’une fois et ensuite je n’y reviens pas.

Tu ne prévois donc pas de donner suite à cette collaboration avec Etienne de Crecy et Delilah Hollyday ?

Baxter Dury : Non, ça n’arrivera jamais. C’était le temps d’un seul album. Mais je n’y pense pas autant que toi, si tu commences à y penser, ça ruine tout. C’était une musique très simple, inconsciente, qui n’a pas demandé beaucoup d’efforts mais qui au bout du compte a bien fonctionné, justement grâce à ce côté instinctif. Le truc est de ne pas trop y réfléchir, sinon ça ne marche plus.

 Tu penses quand même collaborer avec d’autres artistes à l’avenir ?

Baxter Dury : Maintenant, après tout ça, et en fonction de ce qui se passera par la suite, j’aimerais davantage travailler avec des artistes américains, proches du hip-hop, comme Franck Ocean. Je trouve que la musique afro-américaine est bien plus intéressante que tout le reste.

« Les gens parlent du streaming aujourd’hui, mais avant ils parlaient d’autres choses tout aussi merdiques »

Ta façon de chanter, lente et intense, à la limite du parler parfois, tu l’as beaucoup travaillé ou c’est quelque chose de naturel chez toi ?

Baxter Dury : La plus grosse partie est naturelle, mais tu dois toujours travailler certaines choses. Rien ne vient vraiment simplement, on doit y consacrer du temps.

Tes chansons sont généralement courtes et répétitives. Cela fait partie de ton identité musicale ? Es-tu attiré par d’autres manières de composition ?

Baxter Dury : Oui, cela fait partie de mon identité musicale. Et en terme de composition, je suis maintenant attiré par des choses qui proviennent d’Amérique. Faire quelque chose de différent m’intéresse.

 Qu’est-ce que tu penses de l’industrie musicale aujourd’hui ?

Baxter Dury : ne sais pas vraiment. Je crois que des artistes comme moi seront toujours les mêmes. Je crois que tout va bien en fin de compte. Je n’y pense pas vraiment en réalité. Il ne faut pas trop s’inquiéter. Les gens parlent du streaming aujourd’hui, mais avant ils parlaient d’autres choses tout aussi merdiques. Des choses auxquelles je m’intéresse peu. Du moment que je me porte bien et que je paye mon loyer, je n’ai pas grand-chose à dire.

C’est tout pour moi, merci beaucoup !

Pochette Album Baxter Dury Carla's got a boyfriend

 Présenté à la dernière édition du fameux festival du film fantastique Gégardmer ainsi qu’à celle de l’Etrange festival, Vivarium de Lorcan Finnegan faisait partie des films attendus, suscitant une certaine curiosité avant sa projection. Et pour cause, le pitch avait de quoi séduire, annonçant quelque chose de tordu, mystérieux, et ancré dans le réel. La présence de Jesse Eisenberg, un acteur/romancier/dramaturge subtil et talentueux qui a fait ses preuves à de nombreuses reprises, n’en mettait pas moins l’eau à la bouche.

 L’histoire est la suivante : un jeune couple, Gemma et Tom, est à la recherche d’un premier bien immobilier. Curieux des manières d’un agent drôle et bizarre, mais plus bizarre que drôle, ils vont rapidement se trouver pris au piège à l’intérieur d’un quartier résidentiel aux allures futuristes et labyrinthiques, désert et terriblement angoissant. A partir de là, comment s’en échapper ?

 

Une vision accrue d’une société en perdition…

 Vivarium fait tout d’abord l’état d’un monde aseptisé et inodore. A travers le film de genre, Lorcan Finnegan partage sa vision douloureuse d’une société antipathique où chacun ne peut compter que sur soi-même. Partant d’une première critique qui est celle du prix démesuré des biens immobiliers, Vivarium pousse ses accusations à mesure que son histoire progresse : perte d’autonomie, pression sociale, cycle sans fin, monde moderne sans saveurs… Des situations somme toute de la vie courante, ici poussées à l’extrême. Sous couvert d’un univers fantastique, c’est toute une réalité qui s’écroule. Prisonniers, les personnages principaux, merveilleusement interprétés par un couple d’acteurs brillant (Imogen Poots aux côtés de Jesse Eisenberg), représentent les victimes parfaites, amoureux et crédules, dont la joie et l’espoir sont rapidement étouffés, et qui n’ont pas d’autres choix que de vivre aux dépens d’un monde sectaire. L’entrée en matière du film, qui refuse d’habituer le spectateur à tout cadre « sain » en empêchant à l’introduction de s’éterniser (le couple mord à l’hameçon dès les dix premières minutes), nous laisse plonger la tête baissée dans le piège tendu.

 

… renforcée par un univers claustrophobe intelligemment mis en scène

 Les décors donnent de quoi émoustiller notre regard, avec une esthétique de l’artificialité, qui sert au film à appuyer son propos. Ce quartier de rêve, dans lequel on promet aux personnages une vie idéale, a tout d’une devanture en carton, pourtant impossible à démolir. Habitations dont la similarité grotesque fascine tout d’abord avant de nous écœurer aussitôt le piège mis en place : nuages en papier-mâché, terrain de vie construit comme un gigantesque plateau de jeu que les plans en extrême plongée nous permettent de visualiser explicitement… Car oui, Vivarium est avant tout un jeu, qui tend à priver les humains de leur sensibilité, et où l’on repense avec nostalgie à des sensations primaires disparues : odeurs, sensation du vent sur la peau… Ils ne sont plus que des robots réduits à leurs fonctions sociales primaires et destinés à une vie monotone et claustrophobe. Les sentiments s’essoufflent à mesure que les actions deviennent mécaniques. Alimentés (nourriture, papiers toilettes, savon…) par une aide extérieure invisible et inatteignable, leurs êtres ne sont plus que besoin vitaux, pions d’une société qui, sous couvert de soutien, laisse pourrir les esprits au profit des corps reproductibles.

 

Un film surprenant

 Construit autour d’un mélange subtil et bien dosé entre réel et surnaturel, le scénario n’échappe cependant pas à quelques faiblesses ou grossièretés, à force de tentatives visant à pousser l’histoire dans ses retranchements, quitte à en perdre tout pragmatisme. Bien que l’idée du cycle semble se tienne assez justement, la fin peine à convaincre, tant elle restreint notre imagination. Atteint d’un léger essoufflement dans sa seconde moitié, Vivarium n’en reste pas moins une aventure atypique, à la fois jouissive de par le cadre qu’elle vise à fabriquer, et angoissante par les ressorts qu’elle utilise pour attiser notre empathie.

Depuis la sortie de leur premier album « When I Have Fears », les jeunes Irlandais (James McGovern au chant, Damien Tuit à la guitare, Cathal Roper à la guitare, Gabriel Paschal Blake à la basse Blake et Diarmuid Brennan à la batterie) qui forment The Murder Capital n’arrêtent plus de faire leur apparition lors de dates européennes. Déjà leur quatrième en France. Avec des salles de plus en plus grandes et réputées, le groupe ne cesse d’évoluer et de gagner en influence à chacun de ses passages par la capitale française, rendez-vous importants pour les étoiles montantes du rock. Une évolution marquée par une fréquence de venue régulière et un public en continuelle constitution. C’est le Café de la danse auquel les cinq garçons ont décidé de s’attaquer. Une salle magnifique et confortable, qu’ils étaient bien décidés à brutaliser. Car la musique du groupe n’y va pas de main de morte. Bien que sophistiquée, réfléchie et extrêmement construite, son côté sauvage a tendance à prendre le dessus sur tout le reste en live. Ils ont l’habitude d’un public irlandais déchaîné, ils voulaient voir de quoi nous étions capables, nous français, souvent plus modérés dans l’emphase. Pour en savoir un peu plus sur le groupe et leur premier album sorti en août dernier, vous pouvez retrouver l’interview qu’ils nous ont accordés en novembre juste ici.

Après un passage au Nouveau Casino qui aura marqué les esprits, qu’attendions-nous de cette nouvelle date parisienne ? Certainement une proximité public/artistes encore plus étroite étant donné la construction de la salle, qui veut que sa fosse, davantage en largeur qu’en longueur (contrairement au Nouveau Casino) nous donne la sensation de toucher la scène à n’importe quel endroit. L’expérience devait en être supposément plus intense. Avec l’énergie du groupe que l’on commence à bien connaître, fait d’une férocité scénique lié à un charme envoûtant, tout annonçait le meilleur à venir. Pari réussi ?

 

 

Junior Dad, le jeune Irlandais au charme déstabilisant

Avant de les accueillir, un jeune homme se lance dans le vide, seul, simple, touchant. Cette personne, c’est Junior Brother, un Irlandais à la voix étonnante. Accompagné de sa guitare, il ose avec un grand courage une prestation originale, livrant un folk déconcertant avec un arrière-goût de punk. En équilibre constant, Junior Brother joue de sa voix perdue à travers les âges et étonnamment envoutante, quoique parfois inconfortable. Mais l’artiste joue de cet agacement. Il ne semble avoir peur de rien, et nous fait vivre consciemment une épreuve, déstabilisante mais que l’on apprend à aimer, et qui, certainement, nous laissera des traces à l’avenir. Sous cette carapace inoffensive sommeille donc une force secrète. A surveiller de près.

 

Au tour de nos Irlandais préférés

 Prévu à 20h50, les garçons arrivent vers 21h05. Et finissent avant 22h. Un peu court, sachant qu’une ou deux reprises n’auraient fait de mal à personne. Mais le groupe ne semble pas vouloir déroger à l’identité unique de son premier album. Une première œuvre certes incroyablement forte et cohérente, qui n’admet aucune sortie de voie, mais dont l’unicité ne devrait pas refuser sur scène certains apports bienvenus. Sur dix chansons, neuf seulement sont jouées. Les quelques minutes qui précèdent l’entrée du groupe semblent faire partie de la prestation, avec trois morceaux dont les versions enregistrées passent dans la salle à fort volume, mais sans personne sur le devant de la scène. Le public attend, impatient. Une question nous taraude alors : si ces morceaux (d’ailleurs très bons) font partie de l’univers musical du groupe, pourquoi ne pas les avoir joués eux-mêmes ? Loin d’être une trahison à leur identité, cela aurait surement renforcé cette dernière, car les influences ne sont jamais que des influences, et servent à gagner en pertinence et en profondeur. Surtout avec un groupe comme The Murder Capital, qui emprunte à beaucoup d’autres pour créer et renforcer un univers cohésif et très intime. Bon…

 

Une puissance toujours sauvage…

 Quoi qu’il en soit, avec un seul album à leur actif, difficile d’allonger ses sets. On ne leur en veut qu’à moitié. Ce qui nous importe réellement, c’est la qualité de leur proposition. Ils ouvrent directement avec leur morceau phare : « More is Less », contrairement au Nouveau Casino où ils avaient opté pour « Slowdance », une phénoménale montée en puissance. Nous avions d’ailleurs regretté de l’entendre si tôt, à un moment où le son n’est pas encore tout à fait réglé et où le public a besoin d’une bonne claque pour s’échauffer. « More is Less » convenait ici d’avantage à une ouverture, commençant le concert sur les chapeaux de roue. Le chanteur descend directement vers nous pour former un cercle au milieu de la fosse. Nous sentons son envie de nous voir s’affronter sous la sueur. Un concert de Murder Capital n’admet pas l’immobilité et fait appel à notre physique. Nous sommes vite emportés dans un tourbillon sonore auquel il semble difficile d’échapper, même pour les plus timides qui se voient soudainement pousser des ailes en entendant le cri perçant du chanteur sur la fin de « More is Less ».

 

… atténuée par un dosage maitrisé

 Néanmoins, le groupe a plusieurs cordes à son arc et réussit comme toujours à doser parfaitement son show, alternant entre brutalité précipitée et spontanée (« Feeling Fades, violence calculée (« For Everything »), et douceur maîtrisée (« On Twisted Ground »). « Love Love Love » détient la particularité en concert d’être d’une intensité apaisante. Les mots d’amour se mélange à des coups de guitare incisifs, et font du sentiment central du rock, de l’art et de la vie une épreuve sonore à multiples facettes.

Le concert poursuit sa route, avec un groupe que l’on sent heureux et épanoui d’avoir réussi à atteindre ce stade. Leurs têtes nous inspirent les meilleurs sentiments, car on y lit l’effort et l’honnêteté d’une démarche. Ce qu’ils nous livrent est pure et sincère : leurs âmes de rockeurs, que l’on devine authentique. Le public, dont la moyenne d’âge semble assez élevée, nous prouve encore une fois que le rock intéresse de moins en moins les jeunes. Quel regret ! Car c’est un véritable moment de partage qui se produit au Café de la danse ce soir-là, un moment destiné à toute personne qui se sent habité en son intérieur par la jouissance du rock. Et quelle plus belle jouissance que celle-ci, spontanée et sincère. Autant intimiste que minimaliste, un concert de The Murder Capital réveille nos désirs enfouis et restés secrets, si bien que la salle transpire de partout quand les dernières notes se font déjà entendre… Trop tôt… Nous ne reviendrons pas dessus.

 

 

Un concert malheureusement non dénué de défauts

 Cependant, quelques reproches sont tout de même à notifier : tout d’abord, une qualité sonore décevante, qui n’aura pas permis de délivrer toute la rage de la prestation. On reste plusieurs fois sur notre faim, dû à un son brouillon et à des instruments que l’on a parfois du mal à identifier voire à entendre… Bof pour un concert de rock. Ensuite, la prestation des garçons semble un peu trop quadrillée, calculée… Peu d’improvisation, aucune expérimentation. Juste l’album, dans un ordre différent, mais l’album quand-même, avec exactement les mêmes notes, les mêmes montées, les mêmes paroles, le même rythme. Zéro surprises. On regrette ainsi le manque de prise de risques, qui refusera au concert toute envolée, chose pourtant immanquable à tout rockeurs qui se respectent…. On se contentera de ça pour l’instant. Mais pour leur prochaine tournée, le groupe a encore des choses à apprendre et à améliorer pour passer de bon à très bon. Pour un jour devenir mémorable… Qui sait ? Personnellement, nous misons sur eux sans hésitations.

 

Retrouvez juste ici l’interview qu’ils nous avaient accordé en novembre dernier !