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Julia Escudero

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La Chute de la maison Usher, de quoi ça parle ?

La Chute de la Maison Usher  disponible depuis le 12 octobre 2023 sur Netflix suit Roderick et Madeline Usher, des frères et sœurs jumeaux et entrepreneurs, qui ont bâti un véritable empire pharmaceutique autour d’un médicament anti-douleur. Lorsqu’une mystérieuse femme révèle au monde entier leurs secrets sordides, les membres de cette famille vont commencer à dévoiler leur vraie nature.

La chute de la maison Usher, est-ce que c’est bien ?

Chaque année, la tradition persiste. Pour Halloween, Mike Flanagan dévoile sur Netflix une nouvelle série. Voilà qui est encore plus excitant que de revoir « Love Actually » avant noël. Et chaque année la question se pose, sera-t-il aussi bon que les précédentes fois ? « Haunting of Hill House » était un chef d’œuvre sur le deuil, « Bly Manor » l’histoire d’un amour maudit, le sommet de son travail « Midnight Mass » était une lettre fascinante sur la religion et la rédemption, « Midnight Club » sorti hors saison, avait été injustement boudé alors que ce « Fait moi peur » centré sur la maladie était également une excellente histoire. « La Chute de la Maison Usher », cette fois, librement inspiré de l’œuvre d’Edgar Alan Poe promettait donc de passer un excellent moment de frissons. Et ça tombe bien, puisque, effectivement, Flanagan nous plonge une fois de plus dans une série complexe, très écrite et particulièrement brillante. Certes « Midnight Mass » gagne la palme de la meilleure série qu’il aie pu réaliser mais celle-ci vaut largement le détour.

On aurait été beaux, on aurait fait pleurer les corbeaux

C’est donc l’univers du célèbre auteur qui aura inspiré Flanagan pour ce nouveau coup d’éclat. En pratique, comme toujours la série est très bavarde. Les personnages, très bien écrits et interprétés par les acteur.rices avec lesquels il a l’habitude de travailler shows après shows. On a plaisir à retrouver ses chouchous de Carla Gugino ( à l’opposé des rôles très doux qu’elle campe habituellement), Kate Siegel, Zache Gilford et les autres … On y retrouve également les dialogues verbeux et formulations très écrites que l’on connait au réalisateur. Cette fois-ci l’intrigue se découpe en actes dont chacun s’inspire d’une nouvelle de Poe. Et comme, il s’agit ici de rendre hommage à ce géant de la littérature fantastique avec classe, nombreux sont les passages récités sous forme poétique. L’exploit que nous propose donc le réalisateur c’est de conjuguer cela à un récit fourni sans jamais tomber dans les pièges évidents de la lourdeur ou du prétentieux. Evidemment,  comme on le retrouve chez l’auteur, la présence d’un corbeau  va faire basculer l’existence dorée et privilégiée des personnages – tous abjects- que l’on suit dans un cauchemar noir qui laissera peu de place à l’émotion. Le corbeau ici, il peut aussi se lire de manière très littéraire : celui qui signe un courrier anonyme et menaçant. Sauf qu’il n’est pas uniquement menaçant, il est létal. Pas de spoiler ici, il est dit dès les premières minute que chaque enfant Usher a trouvé la mort dans des circonstances dramatiques. Chacune de ces tragédies est une nouvelle interprétation d’un conte noir, de Poe donc modernisé au possible, et remettra au goût du jour des écrits comme « Le cœur révélateur » ou « Le double assassinat de la rue Morgue », considéré comme le premier roman policier de l’histoire moderne. Le corbeau c’est la femme qui les pourchasse . Et si dans les années 1800, l’évocation de l’oiseau pouvait en elle seule paraitre effrayante, elle risquait en 2023 de vite devenir désuète. Heureusement pour nous, Flanagan sait gérer un récit et rend effrayant un oiseau donc les ailes noires paraissaient plus enclines à faire peur aux enfants qu’aux adultes. La poésie rencontre le gore, parfois extrêmement violent mais dont l’esthétique léchée fait qu’il entre parfaitement dans la dynamique construite. Les sauts dans le temps qui suivent le récit de Rodrick Usher (Bruce Greenwood) coulent avec aisance, construisant ainsi plusieurs dynamiques de suspens.  La folie dont sont pris les protagonistes se dévoile en toute pertinence. Rien n’est laissé au hasard, et un indice sur chaque mort est par ailleurs donnée en début de chaque épisode. Décors et costumes vertigineux s’ajoutent et perfectionnent une œuvre qu’il faut absolument voir.

Eh bien! Dansez maintenant

Tout ça ne serait rien sans le sens et les engagements que met Flanagan dans sa « Chute de la maison Usher ». Il y a l’évidence chute des bébé du népotisme. Critique acide d’enfants, aujourd’hui adultes, devenus monstrueux de par leur filiation. Qu’importe d’ailleurs que la découverte de leur bonne naissance eu été tardive, fut-elle à l’adolescence ou l’âge adulte, la bonne fortune arrivée les transforme. Pour se sentir exister sous l’œil de leur père mais aussi par eux-même chacun.e est amené.e à créer sa propre entreprise. Grassement payée par papa certes, mais avec l’impression d’avoir créer leur bonne fortune puisque papa juge durement et ne donne qu’une fois convaincu de la prospérité qu’engendrera l’entreprise. Hors et comme le dira Camille (Kate Siegel), les enfants Usher ne créent pas, ils font travailler d’autres pour eux. Et tout est ici question de filiation : l’héritage qui revient de droit même s’il doit être pris de force. Et cet héritage pourri jusqu’à l’os, celles et ceux qui en profitent. La méritocratie est bien plus intéressante aux yeux de notre narrateur. Dans un conte noir, l’idée parait effectivement sensée.

Mais c’est finalement en fin de série que son sens le plus profond est dévoilé dans sa totalité. Bien sûr l’écologie, la limite du capitalisme, l’exploitation dans le travail sont abordés mais le cœur même du sujet c’est bien de parler de la génération précédente et de son immense égoïsme. Et si pour s’offrir toutes les possibilités, en toute impunité, il suffisait de laisser payer le prix fort à la génération suivante ? Ne serait-ce pas la meilleure manière de faire ?

Singe qui rit, single qui pleure

Pour appuyer son propos, Flanagan n’hésite pas à parler clairement des test sur les animaux. Un long discours limpide y est dédié. Appuyant sur la caractère souvent inutile de la chose, comme les tests pour les maquillages. L’humain y est également montré comme abjecte et bien plus bestial que le chimpanzé torturé pour lui sauver la vie. De nombreuses tirades viennent s’ajouter à ce propos. Celle sur les enfants exploités, les dérives de la drogue, de l’alcool, du sexe quand on a accès à tout, en tête de liste. Les tests sur les animaux ne sont pas les seuls concernés puisqu’ils sont aussi effectués sur les humains, surtout dans les pays défavorisés en mentant allègrement sur les conséquences engendrées sur les population. Et comment représenter le bourreau qui est à la tête de ces méfaits ? Eh bien simplement comme un bouffon. Flanagan ne laisse rien au hasard. Rappelant que les pharmaceutiques peuvent être d’une acidité létale et que bien mal appris celui ou celle qui ne saurait sans méfier. En ce monde obscure, la démone qui torture notre famille a plus de compassion, de douceur et d’humanité que la famille dépeinte.

Le cœur comme révélateur

The Fall of the House of Usher. (L to R) Carla Gugino as Verna, Willa Fitzgerald as Young Madeline in episode 105 of The Fall of the House of Usher. Cr. Eike Schroter/Netflix © 2023

Pour contrebalancer, deux personnages donnent un ton plus lumineux au récit : Annel Lee ( la femme de Rodrigue) et Leonor. Elles sont empruntes d’empathie. Mais attention, la beauté peut se pervertir. C’est aussi ce qui transparait lorsque l’on regarde les enfants grandir : Frederick et Tamerlane. Enfants ils sont le foyer, la candeur. Adultes, rongés par l’argent, ils sont les plus monstrueux de leur fratrie. Les conjoints, spectateurs et victimes apportent eux et elles aussi du relief et ne vient que prouver de la monstruosité de la famille Usher.

En particulier celle qui est le personnage le plus fascinant : Madeleine. La sœur jumelle magnifique, brillante, forte et hautement machiavélique.  Elle apporte avec elle la question de la quête d’immortalité. Un propos souvent abordé dans les contes sombres et y répond encore une fois par la modernité tout en questionnant l’intelligence artificielle. Elle est celle qui manipule, sorte de Gemini Cricket inversé, qui souffle les idées diabolique à celui qu’elle perverti. Madeleine a une noble cause en tête : changer le monde mais pas forcément pour le meilleur. Simplement pour son meilleur à elle.

En finalité, Flanagan s’intéresse à la question du Et si ? Avec des si on refait le monde dit-il. Si Rodrigue avait fait les bons choix que serait-il devenu ? Que seraient devenus ses enfants ? La réponse est donnée pour mieux mettre en perspective l’importance des décisions qui sont des choix de vie et pour rappeler ce qui compte vraiment.

La véritable richesse nous dit-il, est bien celle de la famille et de l’amour. C’est pour cette raison que l’homme le plus riche du monde n’est pas celui auquel on pense. Et si cette morale parait facile ou évidente, elle est amenée dans une conclusion brillamment interprétée et livre un savant écho à une vision du monde qui n’aura pas changer de 1800 à 2023.


playlist automne 2023Buck Meek : « Haunted Mountain » – balade dans les montagnes miraculeuses

Le brillant guitariste de Big Thief, Buck Meek a aussi une carrière solo. Son nouvel album est bien plus country que la folk rock à laquelle il nous a habitué, quoique le dernier né du groupe d’Adrianne Lenker, « Born for loving you » a lui aussi sa vibe emprunte d’une Amérique solaire. Ce « Haunted Mountain » est en réalité une promenade à travers les chemins lumineux de l’amour. Un concentré de joie, loin des brouillards rocailleux auxquels l’oreille est habituée. Jeune marié, profitant d’une nature sauvage qui l’inspire et lui rappelle sa place dans le monde, Buck Meek nous prend par la main avec bienveillance pour promettre des temps apaisés. L’amour certes, mais sous toutes ses formes de la plus platonique, à celle de la maternité jusqu’à l’évidence amoureuse, tout passe en revu. La cadence promet un périple au cours duquel il fait bon vivre. Pour illustrer son propos, le chanteur choisit de faire une référence musicale à son pays, l’Amérique et reconstitue au mieux cette culture toujours aussi neuve empreinte de son Texas natal. C’est pourtant dans les montagnes portugaises que la majeure partie de la galette se voit écrite. Facile d’accès, il n’en oublie pas d’emprunter aux plus grands, Neil Young en tête de liste, pour se livrer. Si les paroles sont légères les mélodies le sont tout autant et respirent l’apaisement d’un feu de camp (« celui de « Dragon new warm mountain I believe in you » peut-être ?). Refrains entêtants la disputent à couplets rodés, le tout porté par le voix unique de Buck Meek qui sonne comme celle d’un ami qui vous veut du bien. Idéal pour commencer cette rentrée sur les meilleurs sentiers.

The National : « Laugh Track » – sourire sous son plaid

C’est la surprise ! The National avait déjà sorti un album cette année et les voilà déjà de retour ce 18 septembre avec un nouvel opus « Laugh Track ». Le successeur de « First two pages of Frankenstein » s’inscrit dans une ambiance bien plus post punk et se révèle dans une forme de noirceur à fleur de peau. Il faut tout de même reconnaitre à The National sa capacité à créer des morceaux évidents à l’oreille comme faisant partie d’un paysage dans lequel on aime cocooner. C’est notamment vrai en ce qui concerne le plus grand titre de cet opus, »Weird Goodbyes » qui s’offre une atmosphère aussi apaisante qu’enivrante. Il faut dire qu’on y retrouve en featuring l’immense Bon Iver. L’alliance des deux ne pouvait que créer un titre intemporel dont la mélodie frapperait juste et fort. Ce n’est pas le seul invité à prendre sa part de galette sur ce nouveau bijou. Au cours de titres hantés et puissants, on retrouve la voix famillière de Phoebe Bridgers sur le titre éponyme, « Laugh Track » donc. L’occasion de se payer quelques jolies notes avec l’une des artistes les plus en vogue du moment. Mais c’est aussi à travers des titres comme « Dreaming » que The National rappelle la puissance lyrique dont ils sont capables. La voix grave comme un étendard, il entend bien entraîner son auditeur dans une valse captivante dans laquelle il est aisé de se laisser entraîner. Album doudou des premiers soirs d’automne, il vous fera apprécier pleinement les feuilles qui tombent, les plaids et le thé bien chaud, qui l’accompagnent parfaitement.

Slowdive : »Everything is alive », sensibilité mathématique

On ne présente plus Slowdive. Valeur incontestable de la shoegaze et de la dream pop, grand parmi les grands depuis 1989, le groupe adoré fait son retour dans les bacs en 2023. La formation sait prendre son temps. Il aura fallu que 6 années s’écoulent entre leur dernier né « Slowdive » et ce nouveau bijou « Everything is alive ». Ce qui est toujours moins que les douze années qui séparaient les deux opus précédents. Toujours est-il que cette nouvelle galette a fait couler beaucoup d’encre, promis des concerts à guichets fermés en quelques heures seulement et a créé une ébullition de joie au sein des amateurs de scène indé. Avec logique puisque la sauce prend dès les premières secondes de cet album à la pureté rare, aussi aérien et léger qu’infiniment construit. Le groupe maîtrise, il faut le dire parfaitement son jeu. Slowdive, on le sait mais on prend toujours plaisir à le redécouvrir, écrit avec une précision millimétrée. Les notes sonnent avec une effervescence calculée et une retenue magnifiée. Le groupe surprend par sa capacité mathématique à frapper juste qui, pour une fois, ne s’oppose en rien à la grandeur des sentiments qu’il évoque. Trip psyché apaisant, voltiges mélodiques riment, aussi surprenant que cela puisse paraitre, avec retenu. Au cours de ce périple de 8 titres, le groupe pose ses bases. Chaque titre s’élevant magnifiquement. Il faudra porter une attention toute particulière à l’excellent « Prayer Remembered », deuxième joyau de ce magnifique jet. À moins que, et là sera la force d' »Everything is alive », la capacité à créer des intros qui font mouche immédiatement et placent parfaitement chaque titre dans son contexte, ne soit le plus gros point fort d’un objet qui n’a pas un seul temps faible. La mélancolie automnale n’aura jamais été aussi bien écrite.

Half Moon Run : « Salt », le piment de la saison

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Il ne saurait être de beaux moments à l’automne sans compter sur Half Moon Run. Et ça tombe bien, les canadiens étaient de retour en 2023 avec un nouvel opus qui, comme à leur habitude, évoque aussi bien les grands espaces verdoyants qu’une pop indie qui vient toucher à la folk. Invitation permanente à l’évasion, le groupe garde la touche qui lui est propre dans ce « Salt » qui apporte néanmoins une effervescence, un brin plus lumineuse qu’à l’accoutumée. En la matière, un morceau comme « Hotel in Memphis », aux notes énergiques et à la cadence accélérée assume bien plus sa capacité pop que ne le faisait le plus intimiste « Full Circle » pépite du groupe qui lui a valu sa notoriété. Vivons nous une réinvention d’Half Moon Run pour autant ? On lui retrouve ses mimiques traditionnelles : voix aérienne qui s’allie à un clavier tout aussi léger tout comme les couplets très écrits qui ont su faire sa force. La production carrée et propre de cet opus vont d’ailleurs avec ce à quoi le combo nous a habitués. Seulement les rythmiques s’y emballent donnant une lumière ocre à l’ensemble, plus énergique, vibrante et même dansante. Un voyage en musique, au chaud, sans sortir de chez soi.

L – Raphaële Lannadère : « Cheminement », tendresse sinueuse

Le cheminement, selon le dictionnaire c’est l’idée de poursuivre son chemin, d’avancer, d’évoluer. Au cours de ses quinze ans de carrière, L n’a cessé d’évoluer et de se frayer un chemin bien à elle dans cette jungle qu’est la scène musicale actuelle. Cheminement, c’est le nom de son cinquième album.Et il y a quelque chose d’indéniablement de passionné à cet album. Recueil liturgique et élégiaque aux différentes influences de L. Des Beatles à Greta Thunberg en passant par Miriam Makeba, L tisse des cantiques quasi amoureux pour les célébrer. Dans son morceau « Greta », L reprend le discours de Greta Thunberg à l’ONU en 2019 : « How dare you ? » . Il est difficile de passer à côté du morceau unificateur, « Ensemble » en collaboration avec Sandra Nkaké. La voix cristalline de L se mêle à la voix profonde de sa consoeur, et offre de nombreuses dimensions à ce titre inoubliable. Le chemin qu’emprunte la chanteuse s’offre de nombreux détours et ose mélanger les genres, de la chanson et aux inspirations d’ailleurs. Autre particularité de l’album ; la performance live. « L’idée, c’était de voir comment l’art contemporain pouvait trouver sa place sur scène et ce que ça pouvait apporter de sensible et d’onirique à un concert de chansons » confie Anne-Sophie Bérard, sa collaboratrice pour la scénographie. Passer de la représentation à l’exposition en somme.Une chose est sûre, L n’a pas fini de cheminer.

Lany : « A beautiful Blur » – flou optimiste

Un peu d’optimisme en cette saison ! Si les précédents albums sélectionnés se laissent subjuguer par la mélancolie des arbres ocres, Paul Klein, de son vrai nom, change les codes. Le chanteur qui a conquis le public avec des titres comme « Malibu Nights » ou encore « cowboy in LA » reprend la recette qui a lui valu le succès en remettant au goût du jour le rock alternatif. Le point fort de Lany est sa capacité à créer des refrains entêtants et de garder l’attention de son auditeur grâce à des bridges bien sentis qui se délient en fin de titres. La production, signée Mike Crossey est épurée et permet de plonger pleinement dans ce jet de douceur solaire. Comme si on pouvait y capter les derniers rayons avant que l’hiver ne débarque. Lany ne s’y interdit rien, du rock, de la pop mais aussi des brins d’électros. Et le tout prend incroyablement bien. Tel Harry Styles, le chanteur s’envole vers une pop sensible et à fleur de peau. Pas étonnant donc de le retrouver nommé aux Pollstar Awards 2022 dans la catégorie « Meilleure Tournée Pop », aux côtés de la superstar mais aussi des Jonas Brothers et de BTS. Balades qui pourraient se faire l’illustration de passages cinématographiques s’entremêlent avec des titres plus dansants, conçus pour se magnifier en live. Il sera de passage à Paris le 13 novembre pour tester cette théorie. Et permettre de voir les feuilles tomber comme la meilleure nouvelle de l’année.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis & Julia Escudero


Tuerie – Prix Joséphine 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Il est en France une tradition de prix décernés par l’industrie dont la justesse des lauréats semble parfois manquer de cohérences. Des découvertes qui n’en sont pas, des albums oubliés, la pluralité musicale de notre pays effacée. En ce sens le Prix Joséphine fait office d’OVNI dans le paysage. En 2023, il célébrait sa seconde édition. Dans le détail, des journalistes musicaux font un premier tri des albums français qui ont marqué l’année via une liste de candidats. Mais c’est finalement un jury composé d’artistes qui a la lourde tâche de choisir 10 finalistes parmi les 40 albums qui leur sont proposés puis de sélectionner un  ou une seul.e gagnant.e. Une démarche originale qui permet aux artistes valoriser d’autres artistes en ayant pleinement conscience de leur travail et de leur processus créatif. Cette année, Eddy de Pretto était le président de ce jury et particulièrement ravi de pouvoir effectuer ce travail de sélection et de récompense. Autre particularité, il récompense l’album qui marque une année et se base uniquement sur le format album.

C’est le 27 septembre en partenariat avec Fip Radio que le prix Joséphine révélait donc son grand lauréat à la suite des performances lives des 10 finalistes. Il est essentiel de relever la grande qualité de la sélection. La diversité y était de mise, faisant la part belle à des courants musicaux pluriels, des albums divinement écrits et produits mettant en lumière une nouvelle scène en pleine éclosion d’une immense richesse.

And the winner is …

Tuerie & Eddy de Pretto – Prix Joséphine 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

C’est Tuerie qui remporte le prix Joséphine 2023 pour son album Papillon Monarque. Une esthétique qui mélange le Hip Hop, le gospel et la soul. Son flow est un véritable vent de fraîcheur, une claque en pleine tête emprunte d’une grande richesse et d’une véritable originalité. La force de ses compositions est certainement ce qui a séduit le jury.

Retrouvez le palmarès du Prix Joséphine 2023

  • ٣ (Trois) – Acid Arab
  • La grande désillusion – Benjamin Epps
  • Le ciel est partout – Blaubird
  • Mádibá – Blick Bassy
  • Prophétie – Eesah Yasuke
  • Dans cent ans – Flavien Berger
  • Moussa – Prince Wally
  • Papillon Monarque – Tuerie
  • Les Royaumes minuscules – Voyou
  • La symphonie des éclairs – Zaho de Sagazan

Samedi 26 août, troisième jour de Rock en Seine 2023 toute en nuance durant lequel la délicatesse d’une Ethel Cain ou bien encore d’un Tamino se seront disputés aux gros sons envoyés par L’Impératrice, Coach Party ou bien encore The Chemical Brothers.

Ce troisième jour de Rock en Seine devait être brulant, fantômes victoriens, sorcières, cheveux de feu et peau diaphane, canines ensanglantées. Oui, ce troisième jour de Rock en Seine avant même de commencer, laissait un goût amer dans la bouche de certains et certaines. En effet, la divine formation anglaise, Florence + The Machine a dû annuler sa venue à la suite de soucis de santé. On souhaite à Florence un prompt rétablissement. Les plus téméraires avaient tout de même revêtu leurs tenues de Sabbat. Robes longues, dentelles, couronnes de fleurs et la mine peut-être un peu moins rayonnante qu’à l’accoutumée. La Reine-mère aurait pu être fière. Partout où elle passe (ou pas, en l’occurrence), elle y sème son lot de paillettes et d’admiration.

Le culte Ethel Cain

Ethel Cain - Rock en Seine 2023 - crédit : Pénélope Bonneau Rouis
Ethel Cain – Rock en Seine 2023 – crédit : Pénélope Bonneau Rouis

À 15h20, une jeune prêtresse qui installe encore son culte monte sur scène. Ethel Cain. Si son nom ne vous dit rien, rendez vous dans vos églises virtuelles les plus proches (Spotify, Deezer, Apple Music, etc…) et écoutez donc son homélie. Entre hérédité et cannibalisme, Ethel Cain nous entraine dans son univers moite et sombre du Sud des États-Unis. Dès son arrivée sur son scène, ses fidèles hurlent à s’en arracher la gorge, les poumons prêts à éclater (si toutefois c’est possible). « MEEMAW! » -Mamie en États-uniens du Sud- résonne dans le parc de Saint-Cloud. La désignée sourit tout au long de sa performance, ça en est presque déroutant lorsque l’on sait de quoi elle parle… Preacher’s Daughter, son premier album est une véritable prouesse musicale dont on vous parle ici. Après 40 minutes bien trop courtes où elle chante ses morceaux phares (« House in Nebraska », « American Teenager », notamment), Ethel Cain d’un sourire gracieux disparaît de la scène. L’assistance peine à se décrocher de la scène, espérant peut-être apercevoir à nouveau leur idole une dernière fois.

Mélange des genres

L’un des aspects les plus positifs quand on est en festival, c’est d’avoir l’opportunité de se laisser porter vers des territoires vers lesquels on ne serait pas forcément allés d’ordinaire. C’est ce qui s’est passé sur la Grande Scène avec Altın Gün. Même si le public était en nombre, malgré le fait d’être en plein après midi, beaucoup de spectateurs avaient du mal à bien prononcer le nom du groupe et semblaient dubitatifs quand, se renseignant, ils lisaient « rock anatolien ». Pourtant, trêve de préjugés, assez rapidement, le mélange d’électro, de compostion 60’s/ 70’s et de musique traditionnelle en provenance d’Asie Mineure aura totalement fait mouche et conquis le public. Sur un rythme enlevé, particulièrement dansant et donc totalement approprié à une fin d’après midi d’un samedi voué à être festif, Altın Gün aura été une très bonne découverte.

L'Impératrice - Rock en Seine crédit Pénélope Bonnneau Rouis
L’Impératrice – Rock en Seine crédit Pénélope Bonnneau Rouis

Des découvertes mais aussi des classiques. Voilà déjà un an, de leur propre aveux que nous n’avions pas vu L’Impératrice à Paris. Cocktail à paillette sucré, pop langoureuse aux instants disco, la recette venait évidemment à manquer à nos grises régions qui de fait manquaient de chaleur tropicale. C’est donc sur la grande scène que le groupe mené par Flore Benguigui, mais attention tout de même à bien garder en tête que L’Impératrice est un groupe à part entière où chaque membre à son importance,  vient saluer son public. Toujours solaire, le groupe balance ces plus gros succès, qui sont à ce jour nombreux de Peur des filles à Agitations Tropicales. Toujours bavard le groupe enjoint le public à danser de la façon « La plus bizarre qui soit ».  » Proposez moi un mouvement à faire avec les mains! » demande Flore, coeur lumineux sur la poitrine avant de lancer le public à se laisser entièrement aller. Voilà une bonne représentation de ce qu’est L’Impératrice, un espace de liberté où la bienveillance colle à des mélodies lumineuses.

Fascination Tamino

À 18h30, le petit chouchou de la rédaction -après tout, ne mérite-t-il pas ce sobriquet?- se hisse sur les hauteurs de la scène Cascade. Du haut de son 1m90, Tamino contemple la foule avec son flegme habituel, le sourcil grave et l’oeil noir. Il semble un peu intimidé pendant quelques secondes et il se ressaisit. Les premières notes de « The Longing » démarrent et le public qui n’avait encore pas fini de hurler, redouble d’effort. Les morceaux s’enchainent avec fluidité et beauté. Tamino prend peu à peu ses aises et se déploie. Possédé par la musique, il embrase presque la scène qui prend des nuances de rouge, puis d’orange. Belle surprise que de voir un artiste gagner en assurance au fil des concerts. Autre surprise du set, deux nouveaux morceaux, que Tamino joue, confiant de son talent, sans vraiment les présenter. Les vrais disciples le suivront, il le sait. Rock en Seine est bien pieux ce soir. La fascination qu’il crée est sans borne, la foule est silencieuse, subjuguée par ce Louis Garrel belge, qui chante, et qui joue pas dans des films et qui ressemble pas tant que ça à Louis Garrel finalement. Après un set époustouflant par sa grâce et sa justesse, Tamino chante son morceau chéri, « Habibi ». La foule l’applaudira longtemps, comme une seule âme, partageant le même amour pour ce jeune artiste qui ne cesse de nous éblouir.

Get the party started !

En début de soirée, alors que le soleil commençait à lentement décliner, la scène de Firestone s’est enflammée grâce à Coach Party. L’énergie donnée par le groupe mixte anglais aura fait se remuer un public bien plus garni qu’à l’accoutumée au son d’un bon vieux rock en provenance de l’île de Wight. Le rock riot girl d’une formation survoltée fait instantanément mouche alors que chaque titre set bon l’essence d’un rock écrit avec précision. Pas besoin de miser sur l’originalité quand on sait penser les morceaux et que chaque note frappe juste. D’autant plus qu’il est bin de mettre en avant dans ce registre qui confère au punk une énergie féminine. Sorte de release party ne disant pas son nom (leur album sort en septembre ), Coach Party aura assurément conquis son public et gagné de nombreux fans avec leur performance d’hier. Ils pourront les redécouvrir en concert à Paris au mois de novembre, avis aux adeptes de rock !

La fin de la soirée se dessine sous le signe de l’électro. Entre noirceur, jeux d’écrans aussi malaisants qu’enivrants et gros riffs qui dépotent, The Chemical Brothers transforment le parc de Saint-Cloud en une discothèque à ciel ouvert réservé au fêtards les plus pointus. Ils pourront finir de danser sur les beats endiablés de Charlotte de Witte.

La journée du samedi aura été intense et plurielle et préparera à embrasser à pleine bouche la dernière journée de festivités et les très attendus The Strokes.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis, Alexandre Bertrand, Julia Escudero

Photos : Pénélope Bonneau Rouis