Author

Julia Escudero

Browsing
Eau Rouge
crédits : Ronny-Schönebaum

Avec un nom de groupe comme Eau Rouge, il est aisé de penser que le trio est l’une des nouvelles fiertés de la France. Point du tout, originaires d’Allemagne, les rockeurs se sont rencontrés dans un sous-sol de Stuttgart, c’est d’ailleurs là qu’on produit les meilleures rencontres underground. Si leur nom ne vous est pas encore familier, le groupe formé en 2014 n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Après une signature chez Adp Records et Warner Chappel, ils s’ajoutent aux bandes-sons de publicités comme Citroën et Red Bull mais aussi à celle de la série Netflix « We are the wave ». Le fameux show inspiré du roman « La Vague » de Todd Strasser, lui même inspiré d’une expérience psychologique réalisée dans un lycée Californien baptisé « La troisième Vague » qui avait pour but de faire comprendre aux élèves comment le totalitarisme et le nazisme avaient pu être à ce point suivis pendant le seconde guerre mondiale en Allemagne. Les élèves avaient néanmoins trop pris goût au jeu de la dictature obligeant l’expérience à s’arrêter. Un sujet donc qu’il peut toujours être intéressant de (re)découvrir sous la forme de lectures et/ou d’une série à la bande originale qui claque.

Nouveau single, nouvel album

Eau Rouge c’est avant tout de l’indie rock rétro, en les écoutant difficile de ne pas penser à Phoenix pour ses riffs enlevés et sa bonne humeur distillée. La preuve en est encore donnée avec son tout nouveau single « I know that you know ». Nostalgique de l’électro rock des années 2010 ? Le voilà de retour dans une version remise au goût du jour. Tout comme avait su le faire Pony Pony Run Run ( ça vous manque autant qu’à moi cette époque musicale en évoquant ce nom ?), le groupe démarre son titre très fort, plongeant dans une atmosphère où qualité et danse riment à la perfection. La rythmique est puissante, le riff se répète pour mieux plonger l’auditeur dans son univers, le flow est naturel, construit, joyeux, propre. Les voix se font aiguës, celle de Jonas, épaulée par celle de Bo se répondent avec beauté. Le refrain est construit en spiral, invitant à se plonger dans les notes pour mieux s’y enivrer, on danse sans s’en rendre compte, parce que le morceau l’ordonne. Pourtant l’âme pop, l’âme rock de la bande ne se perdent pas face à l’attrait du dancefloor ( tu te souviens les clubs ? C’était bien pour nous comme pour leurs gérants qui souffrent actuellement affreusement). Pas de soucis, le club en attendant, tu peux le recréer à la maison avec la joyeuse bande d’Eau Rouge.  Les instruments sonnent juste, les voix sont maîtrisées, tous les ingrédients du succès sont là. Pour illustrer « I know that you know », la joyeuse troupe a choisi de créer un clip pop haut en couleurs qui mettra un peu de joie de vivre dans un quotidien qui commence sérieusement à manquer de luminosité. Cette pépite est extrait d’un nouvel opus à venir.

En effet, le groupe présentera son second album studio au printemps 2021, digne successeur de « Nocturnal Rapture » qui lui avait permis une belle tournée  avec notamment des passage au Lollapalooza (Berlin), au SXSW (USA) et à The Great Escape (UK). En espérant qu’il lui sera possible de distiller ce nouvel opus sur scène à sa sortie, Eau Rouge risque d’ici là de faire couler beaucoup d’encre. On sait que vous savez que vous allez adorer vous déhancher sur leurs guitares hypnotisantes.


Découvrez le clip d' »I know that you know »


Alice Animal
Crédit Yann Orhan

Pas facile d’être mise sur un piédestal pour la tornade blonde Alice Animal. La rockeuse prépare son album qui paraîtra au printemps et en donne un avant-goût avec son single « Tes éléphants roses ». Si l’heure de l’émancipation féminine ( et féministe) a sonné depuis quelques années, la chanteuse suit le mouvement refusant « un amour qui détruit », d’être l’addiction d’un regard et d’un seul homme.  Aidée d’une guitare aussi électrique que féline, la chanteuse joue de sa voix suave pour scander comme un hymne son besoin d’indépendance à l’aide d’un texte écrit par Pierre-Yves Lebert. « I will survive » chantait Gloria Gaynor en 1978 se plaçant dans l’histoire comme l’icône de la femme forte quittée et pourtant plus forte seule. Autre époque, autre moeurs, avec une métaphore filée sur l’addiction, Alice Animal s’émancipe, n’ayant besoin que d’être elle et de s’assumer. A trop être aimée on se perd et parfois il est bon de rappeler à ces messieurs qu’une femme n’est pas une héroïne, elle a simplement besoin d’être elle-même. C’est au cours d’un road movie brutal à la « Telma et Louise » qu’elle illustre son propos. Pas de voyage en solo pour notre rockeuse qui préfère enchaîner son compagnon de route dans son coffre pour mieux s’en débarrasser plus tard. De quoi faire le deuil de feu une relation destructrice. En attendant de se plonger corps et âme dans son univers en 2021  sur l’album « Tandem » découvrez  que le sauvage « Tes éléphants roses’.

 


Découvre le clip de « Tes éléphants roses »


Autre registre, autre école pour Cyril Brière et son « Eté indien (quand on quitte la ville) ».  Si son nom ne vous est pas familier, vous l’avez pourtant connu dans le groupe Sans Sebastien notamment à travers son titre déjanté « Sous ma jupe ». Il avait été utilisé dans le B.O de la série »Daybreak » sur Netflix dont l’arrêt est d’ailleurs une des grossières erreur de la plateforme. Il signait un titre aussi dansant que drôle et culte. Aujourd’hui en solo Cyril Brière qui n’a rien perdu de son mordant a décidé de se livrer au cours d’un titre à fleur de peau. Son »Dans l’été Indien ( quand on quitte la ville) » s’avère être une promenade intime où amour, privation de liberté et douleurs s’accordent.

La composition signée Laurence G Do ( Le Couleur) a été utilisée par le musicien pour parler du manque à venir. Le manque d’un compagnon qu’il faudra quitter faute de visa canadien pour Cyril, alors exilé à Montréal, qui au grès d’un été indien pleure un amour outre-Atlantique. La fin de cette histoire sous le soleil, alors que les arbres font mentir les températures, se dessine au cours d’un titre doux-amer où douceur et joie d’avoir vécu se confrontent au manque inexorable. Ces sentiments Cyril Brière leur donnent une palette de couleurs pastel au grès de notes pop sucrées et de mélancolie comme sait en écrire la chanson française. Cette histoire, il la raconte : « Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas le quitter, je ne voulais pas de ce nouveau chapitre dans ma vie, mais cette fois et pour une des premières fois de ma vie, je découvrais les limites de ma liberté, je n’avais pas le choix. »

Un clip charnel

2020 nous aura beaucoup appris en terme de privations de libertés. Cette privation, le chanteur y aura goûté dès 2017, alors qu’administration et amour ne riment pas ensemble. Contrairement à amour et éléments qui eux s’additionnent à la perfection.

Pour livrer le premier extrait de ce nouvel opus à paraitre en 2021, le musicien livre un clip sensible et magnifique portant aux nues l’amour charnel entre deux hommes avec autant de pudeur que de contenus explicites. Douceur , bienveillance et photographie instantanée avant le départ se croisent au grès d’une promenade entre nature et espace. A regarder et écouter comme une dernière bouffée d’air frais avant d’être enfermés.


Découvrez le clip de « Dans l’été indien (quand on quitte la ville) »


Le mardi 6 octobre, il fait très froid dans la capitale française. Les jours de pluie se suivent et se ressemblent un peu, morose à l’air du Covid et de ses restrictions. Alors que les concerts se font très rares, celui d’Alexandrie et de Grand Palladium aux Trois Baudets s’annonce comme une bénédiction. Un brin de découvertes francophones, fera plaisir à voir et entendre. D’autant que, si le protocole sanitaire est respecté à la lettre, l’ambiance s’approche plus des concerts du temps d’avant avec la possibilité de prendre un verre au restaurant à l’étage entre deux sets et une convivialité palpable dans la petite salle. L’enjeu n’est plus aujourd’hui de prouver qu’il est possible de s’offrir un live en salle mais bien de retrouver le spectacle vivant.

Alexandrie

Le chanteur venu dévoiler pour la première fois à Paris son projet solo donne le La à la soirée. Au synthé, Antoine Passard ne cache pas sa joie d’être sur scène et de pouvoir s’offrir ses premiers pas parisiens. Il faut dire que le voyage est partie intégrante de son premier essai en solo intitulé « Loin ». Et s’il est difficile de voyager en ce moment, pouvoir le faire en musique à travers les notes du chanteur s’avère être un instant de répit bienvenu. Le voyage, le passage des grandes étendus aux grandes villes se déclament à travers ses paroles où les rimes sont nombreuses.

Avec sa chemise féline et son visage angélique, le musicien distille une électro-pop qui sent  la nouvelle vague française. On pense à Pépite, forcément, dans ce côté rétro-actuel qui connait parfaitement ses classiques et qui lui aussi invite à lever les voiles et à suivre les courants marins. Un clin d’œil qui  parait d’autant plus logique qu’Alexandrie publiait le 30 septembre le clip de son dernier single intitulé « Le Phare ». En cette nuit parisienne, alors que les concerts s’annulent à la chaîne et que le MaMA venait d’officialiser avoir lui aussi renoncé à son édition 2020, le phare n’est-il pas le simple fait de profiter d’un concert et d’un peu de musique ? On pourrait presque pousser les festivités assises bien après 22 heures pétantes, nous autres mélomanes devenus Cendrillon. Les grands artistes Antoine Passard et son musiciens les convoquent sur scène à coup de notes calibrées qui rentrent en tête et de voix aigue très joliment maîtrisée. Pas de surprise donc quand il balance une reprise de Balavoine : « Vivre ou survivre ». Question d’actualité me direz vous, d’ailleurs vous êtes plutôt team vivre ou survivre ? Ce soir là on vit. On vit en respectant les gestes barrières, on fait attention, tout le monde souhaite garder la petite étincelle allumée, s’assurer que les salles de concerts reste un lieu sécurisé. On vit pourtant dans la salle chaleureuse, on rit même des blagues d’Alexandrie  » Et là vous pouvez danser… ah non ». Non, on n’y pense même pas, on se concentre sur ses morceaux rétro-modernes.  Et peut-être qu’on danse un peu au fond de nos têtes seuls ou même avec toute la salle.

Grand Palladium

Même salle et pourtant changement de décors avec Grand Palladium. Cette fois-ci la folk s’invite dans la petite salle. Fait rare, cette dernière se décline en français dans le texte. Si les deux hommes orchestres présents devant nous ce soir là sont souvent comparés à Bob Dylan et autres Simon & Garfunkel ( rien que ces deux monuments), ils ajoutent une touche frenchy à cette grande histoire musicale et donc changent complètement la donne. Déjà parce qu’autour d’instruments traditionnels, les  compères chantent en chœur poussant leurs voix à l’unisson. Cet aspect de leur musique rappelle que la folk française, elle, passe aussi par une tradition bien à nous. Forcément , le duo convoque la puissance des chants bretons, leur faculté à unir et à se faire facilement hymne collective. Le tout est agrémentés de belles influences anglo-saxonnes. Grand Palladium a du talent, les instruments s’enchaînent avec fluidité, les voix sont belles, l’émotion est palpable. Les paroles, elles sont au centre des préoccupations des deux amis dont la complicité scénique fait plaisir à observer. Leur show ce soir là est un véritable moment convivial. Pour peu, il serait facile de se croire invités chez deux potes. Ils parlent de la vie, font rire, font pleurer, le tout avec une bienveillance chaleureuse. Les mets sont excellents chez les copains de Grand Palladium, ils se déclinent en notes tantôt sucrés tantôt chaudes toujours pleines d’harmonie.

Point de fioritures inutiles, Grand Palladium compose ses mélodies avec efficacité et va droit au but, droit au cœur même. Les interactions sont nombreuses, le duo interpelle son audience, dialogue avec elle, raconte ses morceaux, le sourire aux lèvres. Aujourd’hui assister à un concert est un moment précieux, un acte quasi-militant. Grand Pallidium rappelle avec justesse que ce genre d’évènements sont nécessaires et que la musique, même masquée est la plus belle des sources de frissons et de communion.