Author

Julia Escudero

Browsing

L’Étrange Festival 2021 a tiré sa révérence le 19 septembre face à un public de fans toujours ravis de retrouver l’évènement le plus barré de la rentrée et les salles obscures du Forum des Images. Entre horreur, comédie, action, polars et drames, l’évènement a encore mis la barre très haut. On vous raconte.

C’est dans la grande tradition de L’Etrange Festival qu’est diffusé « The sadness » en deuxième partie de soirée pour son ouverture. Chaque année, l’évènement cinématographique dévoile une première perle adressée à un public plus vaste que le deuxième métrage toujours plus dure allant du très dérangeant au carrément gore. Et c’est dans la deuxième catégorie que tombe ce « The Sadness », film taïwanais signé Rob Jabbaz. Si le film de zombie vous enthousiaste mais que vous pensiez en avoir fait le tour, ce premier long métrage qui ne lésine par sur les effets d’hémoglobine  pourrait bien vous séduire. A condition d’avoir le coeur bien accroché. The Sadness étrange festival 2021Après des mois de pandémie, notre film dépeint la mutation d’un virus qui force ses victimes à massacrer et violer sans remords tout à chacun sans aucun aucun procès. Prétexte à un immense bain de sang et de boyaux, tout effort scénaristique semble presque désuet tant tout est préxtexte à un jeu de massacre jusqu’au boutiste. Bien plus que la course effrénée de deux amants pour se retrouver dans un Monde devenu  post-apocalyptique en quelques heures, le film se focalise sur des jeux de maquillages sobrement dégoulinants et sur une sur-enchère de perversions qui n’auront de cesse qu’une fois la bobine terminée. Exit finesse et raffinement, on tape ici dans le dure sans jamais reprendre son souffle. De quelques effets d’explosions de boite crâniennes qui pourraient faire sourire à des scène de torture bien moins réjouissantes, cette pellicule ne pourra s’adresser qu’à un public averti, cramponné à son siège et désireux de voir rouge pendant 99 minutes.

Le dernier film de Soi Cheang, Limbo était l’une des œuvres les plus attendues de cette édition de L’Étrange Festival 2021. Sans beaucoup de surprises, le polar hong-kongais a été à la hauteur des attentes placées en lui. D’une trame classique ( deux flics que tout oppose, l’un vétéran qui en a trop vu et l’autre tout droit sorti d’école, doivent collaborer lors de la traque d’un tueur en série qui ensanglante la ville), Soi Cheang va bien au delà de ce qui aurait pu n’être qu’un Seven-like.  Limbo ETRANGE FESTIVAL 2021Notamment grâce à un noir et blanc à tomber par terre de Siu-Keung Cheng. Loin d’un effet de style gratuit, dans Limbo il est là pour sublimer l’ahurissant décor naturel que représente les bidonvilles et autres immeubles miteux de Hong Kong dans lequel se déroule la traque acharnée d’un tueur en série. Limbo est de ce genre de films qui reste en mémoire et dont la claque visuelle est totalement prompte à être de celle qui fasse naitre de futures vocations cinématographiques.

De Hong Kong et sa structure démentielle il était aussi question dans Coffin Homes de Fruit Chan. Mais pas avec le même résultat… Si prise indépendamment les trois histoires d’horreur se passant dans les coffin homes, ces logements microscopiques qui prolifèrent à Hong Kong, ne sont pas sans intérêt, le défaut du film est de vouloir les relier ensemble et de franchement tomber dans la redite dans le dernier tiers du film en nous présentant de peu subtiles variations de scènes que l’on a déjà pu voir précédemment ! Coffin Homes aurait peut-être gagné à être moins long et/ou adopter la forme d’un film à sketchs.

Plus c’est long moins c’est bon ? La question peut se poser après Coffin Homes à la vision de Tin Can, sorte de wannabe-Oxygène, le film de Seth A. Smith a peiné à convaincre, tant son histoire semblait s’étirer sur 104 minutes plus que de raison, explicitant à plusieurs reprises des éléments de l’histoire se situant avant l’enfermement de l’héroïne alors que tout aurait pu être beaucoup plus épuré. En somme, là encore Tin Can aurait pu gagner à être plus resserré au lieu de se diluer progressivement dans son propre récit.

 THE SPINE OF THE NIGHT ETRANGE FESTIVAL 2021The Spine of Night, film d’animation de Philip Gelatt et Morgan Galen King projetée dans la catégorie Mondovision a tout d’une véritable Madeleine de Proust. Tant dans la forme ( de l’animation à l’ancienne loin, très loin des films Pixar auxquels le spectateur est conditionné depuis a minima plus d’une décennie) que dans le fond (un solide récit d’heroic fantasy fleurant bon les années 80 et les parties de Donjons et Dragons). Un très agréable voyage convoquant magie, viscères, épées à deux mains, Robert E.Howard ( la musique de Peter Scarbatello a des airs du Poledouris sur Conan) ou bien encore Lovecraft. Bref, The Spine of Night un dépaysement garanti, ce qui est ce que tout spectateur assidu de L’Etrange Festival vient chercher, non ?

Inexorable ÉTRANGE FESTIVAL 2021Deux ans après Adoration qui avait eu les honneurs d’une présentation à L’Étrange Festival, Fabrice du Weltz revenait avec son dernier opus, Inexorable. Toujours Benoît Poelvoorde au casting accompagné cette fois de Mélanie Doutey et Alba Gaia Bellugi. Inutile de dire qu’avec ce drame petit bourgeois se déroulant dans une maison de campagne et ou une invitée mystérieuse commence à saper les bases – bien fragiles – d’une famille en apparence bien sous tout rapport, le réalisateur belge prend un malin plaisir à chasser sur les terres de Claude Chabrol tout en prenant plaisir à y apporter sa touche toute personnelle et plus frontale. Un des films solides de la compétition de cette année.

Mad God aura pu désarçonner à entendre les avis en sortie de salles lors de sa double projection à L’Étrange Festival. Il faut dire que le film d’animation de Phil Tippett est à nul autre pareil. Pendant plus de 80 minutes, l’artisan des effets spéciaux de Jurassic Park, Starship Troopers ou bien encore RoboCop, Mad God étrange festival 2021nous présente une vision cauchemardesque de son imaginaire, le tout en stop motion, dans la droite lignée de Ray Harryhausen ! C’est le genre de projet qui légitime que le festival se déroulant en septembre au Forum des Images porte ce nom. Mais aussi c’est le genre de projet qui permet de perpétuer le fait que l’on parle du cinéma comme du Septième Art et rien que pour ça, Mad God, malgré le fait qu’il soit un peu décousu valait clairement le coup de nous être présenté !

Adilkhan Yerzhanov est l’un des chouchous de L’Étrange Festival et avait déjà eu l’occasion, l’an dernier notamment avec A Dark Dark Man, de nous présenter son style particulier ou l’absurde le mêle au contemplatif. Il revenait cette année avec deux films dont A Yellow Cat. Sorte de True Romance à la kazakhe, cette cavale sous fond d’histoire d’amour impossible pour un homme de main qui ne jure que par Alain Delon dans Le Samouraï vaut le détour, tant elle réussit tout aussi bien à amuser qu’à émouvoir dans ses dernières minutes… Encore une belle réussite pour Yerzhanov qu’on ne devrait pas tarder à revoir prochainement à L’Étrange Festival…

Concernant Offseason, avec son intrigue classique d’une jeune fille recevant une mystérieuse lettre la contraignant à revenir sur la terre ancestrale d’où vient sa famille pour régler une mystérieuse affaire, on pouvait s’attendre à tout… Et grâce au réalisateur Mickey Keating, cela signifie le meilleur ! Ayant parfaitement compris l’histoire qu’il met en image, le metteur en scène réussit à mettre en image l’un des meilleurs récits d’inspiration lovecraftienne qu’il ait été donné de voir récemment avec The Void. Avec une belle maîtrise du suspense, le spectateur est entraîné durant 82 minutes dans un récit haletant finissant par assumer pleinement ses références. L’un des coups de cœur de la rédaction lors de cette édition de L’Étrange Festival.

La coproduction internationale entre Sénégal, USA et France, Saloum du réalisateur Jean Luc Herbulot était attendue, des années après une première présentation de son auteur qui était resté en mémoire. Avec cette histoire commençant par trois mercenaires africains s’échappant d’une zone de guerre pour aller remettre un otage et une précieuse cargaison à un commanditaire trouvant refuge dans un mystérieux village, le film pose des bases qu’il va bien malicieusement balayer en plein milieu du métrage. En effet, avec une belle rupture de ton à la Une Nuit en Enfer, c’est dans une toute autre direction qu’Herbulot envoie ses personnages en nous faisant en prime une belle proposition de cinéma de genre en provenance d’Afrique. De quoi attendre avec impatience sa prochaine œuvre !

Sono Sion. Nicolas Cage. Deux nuances potentielles de grandiloquence dont l’alliance fait saliver depuis l’annonce du projet Prisoners of the Ghostland. Sorte de Los Angeles 2013 (ou New York 1997 selon les préférences) empreint d’un post apo très bis italien mais aussi de culture japonaise, c’est comme on pouvait s’y attendre du grand n’importe quoi. L’assumant totalement et ne cherchant à aucun moment à être autre chose que ce qu’il est Prisoners of the  Prisoners of the Ghostland étrange festivalGhostland est un bon plaisir coupable/divertissement dans lequel Nicolas Cage s’en donne à cœur joie sans bouder son plaisir malgré les misères infligés à son personnage de figure héroïque. Au sein d’un casting cosmopolite, Sofia Boutella ( Climax, Atomic Blonde) tire encore une fois son épingle du jeu démontrant que, quel que soit le type de projet auquel elle est rattachée, elle continue inlassablement à percer l’écran. Et si au final, le film ne va pas aussi loin dans son délire que par exemple un Mandy, présenté aussi à L’Étrange Festival il y a quelques années, le film est un véritable plaisir de spectateur à apprécier en festival mais aussi en dehors !


Champs Elysées Film Festival 2021Ce dimanche 10 septembre 2021, les Champs-Elysées sont pris d’assaut. Au coeur des préoccupations : l’Arc de Triomphe empaqueté par Jeanne-Claude et Christo. Le quartier d’accoutumé réservé aux touristes redevient pour l’évènement la coqueluche des parisien qui s’y entassent, s’approchent du monument, font la queue pour mieux le voir et en parler. La place de l’Etoile est alors pleine et déborde de badauds alors que le soleil lui pointe fièrement le bout de son nez et que la chaleur est au rendez-vous.

Ce cadre idyllique évoque un Paris intemporel, de ses expositions qui brasse les populations prenant possession d’un monument symbole de la ville, de son encrage dans l’histoire et en même temps d’une certaine modernité à un instant T. Quelque part au milieu de tout ce brassage, les arts après avoir été mis en pause pendant plus d’un an reprennent leurs droits. Sur la plus belle avenue du monde, l’art contemporain n’est pas le seul à avoir sa place. Le Champs Elysées Film Festival qui fait la part belle au cinéma indépendant français et américain y a repris ses droits. Après avoir été contraint de se tenir en numérique lors de son édition 2020 et de décaler son édition 2021 au mois de septembre, le voilà qui pause ses valises dix jours durant sur la célèbre avenue parisienne. Au programme, des films oui, du cinéma, des invités, des conférences mais aussi de la musique. Et pour se faire, quel meilleur cadre que le rooftop du drugstore du Publicis ?

Cléa Vincent ouvre le bal

Il est 17 H30 lorsque le rendez-vous est donné sur le rooftop. Un ascenseur permet à un nombre de spectateurs privilégié de se rendre sur lieu. Là haut tout n’est que luxe et volupté. Il fait beau, l’espace a été aménagé pour recevoir les convives dans les meilleurs circonstances. Une petite scène a été installée pour permettre aux deux vedettes de la soirée d’offrir leurs DJ sets face à l’Arc de Triomphe. La vue, d’ailleurs est imprenable. Pas besoin de faire la queue pour admirer le monument de près. La hauteur lui donne un nouveau cachet alors que chacun peut y aller de son commentaire. Paris se déroule aux pieds des spectateurs. Un bar offre un large choix de boissons aux festivaliers désireux de se rafraîchir. Un stand de glaces délicates complète le tableau. Elles se dégustent, tout comme de larges cônes de pop corn, en admirant la vue et le décors végétal de ce lieu hors temps et hors sol.Champs Elysées Film Festival 2021 cléa vincent

En se régalant de vanille, fraise, chocolat, coco, passion ou en dégustant une bière, les discussions vont bon train. Il ne manque que la musique pour parfaire l’instant. D’ailleurs, la voilà qui commence avec Cléa Vincent. La chanteuse indie française donne tout de suite le ton d’un DJ set clin d’oeil au cinéma et à son univers chansons françaises aux accents 90’s. C’est le thème de « Kill Bill » qui ouvre les festivités d’un set construit et carré qui ne cesse de se renouveler et changer d’univers. Vêtue d’un costume vert pastel et focalisé sur son set, la brunette passe des années 90 au r’n’b, s’amuse à diffuser le thème de « Grease » et fait danser l’assistance qui quelques verres plus tard se sent de plus en plus festive. Les tubes populaires s’enchaînent alors que Paris sous ses pieds profite de sa journée « Paris Respire », sans voiture. Difficile de ne pas se sentir privilégiés dans ce cadre idyllique.Champs Elysées Film Festival 2021 cléa vincent

Silly Boy Blue en set dansant

Le temps tourne vite en cette année bien étrange. Il faut alors ouvrir de grands parasols puisque la pluie menace de tomber. Rien ne saurait pourtant gâcher cet instant. Un photocall amuse quelques participants entre deux sets et c’est maintenant au tour de Silly Boy Blue d’entrer en scène. Coutumière du lieu, elle y avait déjà officié un showcase il y a trois ans, la musicienne en prend possession avec aisance. Silly Boy Blue sait multiplier ses facettes. Si sa pop mélancolique a la force de ce qui se fait de meilleur sur la scène indé française, si chacun de ses singles frappe juste, elle sait aussi y allier un côté mainstream sans se pervertir.

De t-shirts de Britney Spears à d’autres références populaires, il n’est pas surprenant de la voir les exporter dans le milieu du cinéma. C’est ainsi que pour sublimer sa robe noire, la chanteuse ajoute comme accessoire le coeur de l’océan, le fameux collier de Rose Dewitt Bukater dans « Titanic ». C’est d’ailleurs un set à cette image qu’elle distille: des classiques mainstream comme « Lolita » d’Alizée au culte « Boys and girls » de Blur en passant par Harry Styles, les morceaux variés invitent tout le monde à danser malgré les quelques gouttes de pluie qui se cumulent maintenant. Dans la nuit, l’Arc de Triomphe brille autant que le Coeur de l’Océan et presque autant que les étoiles montantes du cinéma indépendant qui fouleront le sol de l’avenue jusqu’au 21 septembre pour le Champs Elysées film festival.

 Champs Elysées Film Festival 2021 silly boy blue
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

balade meurtrièreDe quoi ça parle ?

Dans Balade Meurtrière, un enseignant part explorer en famille une côte isolée de Nouvelle-Zélande. La balade se transforme en cauchemar lorsque leur route croise celle d’un psychopathe et de son complice. Mais cette rencontre est-elle vraiment un hasard?

Est-ce que c’est bien ?

Et d’un premier film à la réalisation pour le Noé-Zelandais James Ashcroft qui s’offre ici une oeuvre sombre à ne pas mettre entre toutes les mains. Si les voisins australiens ont habitués les amateurs du genre à dévoiler des pépites d’une dureté sans fin où la cruauté prend des tournures plus qu’explicites, The Loved Ones et Wolf Creek ne nous ferons pas mentir, restait à voir de quel bois se chauffait la Nouvelle-Zélande pays avant tout connue pour ses paysages à couper le souffle.

Et il est bien vrai qu’en la matière, à en croire ce Balade Meurtrière, le pays aux verdures dignes des contées de Frodon a de quoi laisser les spectateurs sans air dans les poumons pour mieux encaisser les chocs qui les attendent. Il faut dire que’Ashcroft sait soigner son décors. L’affaire commence sobrement, et n’est sans rappeler le culte Funny Games du brillant Michael Haneke dans la présentation de sa famille. Sans se retrouver au coeur du bercail cliché et heureux avant le drame, c’est une famille classique que nous dépeint ici notre métrage. La mère, le père et le deux fils adolescents s’apprêtent à passer un heureux séjours dans la nature et un moment de convivialité. Jusque là, le cadre fixé s’avère être assez commun au cinéma de genre. Pourtant le rythme adopté, les plans de caméras qui filment la nature, la compréhension des personnages en quelques phrases clés notamment, sont autant de révélateurs d’un bon moment en perspective.

La quiétude va évidement être rapidement troublée par le rencontre de deux individus peu commodes aux intentions à peine cachées. Quoique et c’est finalement bien là que réside le noyau central du film, certaines de ces ambitions sont bien cachées et ne relèvent pas du simple manque de chance. C’est bien le pourquoi qui tiendra en haleine une audience estomaquée très rapidement. Puisqu’il ne faut attendre que très peu de temps pour que Balade Meurtrière ne révèle sa véritable froideur et sa capacité à aller au bout de son propos sans jamais ménager les sensibilités.

Ecouter la nature

balade meurtrière film 2021Il faudrait pourtant être bien attentif pour comprendre en moins de quelques plans la véritable ambition de ce film dont l’envie de juger et d’excuser ses personnages s’alternent sans jamais prendre le spectateur à partie. Les montagnes y sont rapidement sombres, le vert y est sapin, le beau temps est en demi-teinte. Tout ce qui est beau pourrait bien être moins éclatant qu’il n’y parait et n’est-ce point également le propre de l’humain ? C’est bien le cas du moins de notre protagoniste rattrapé par la fureur de l’homme qui le poursuit, devenu pour l’occasion boogeyman sans scrupule. A moins que ? Pourrait-on excuser au monstre d’avoir été créé ? Qui est le pire finalement entre Frankenstein et sa créature ? Une question à peine voilée clairement abordée au court de ce métrage dont les principales qualités sont évoquées dès le premier acte.

Froideur et violence

Puisque si la suite continue de se tenir et garde son ton méticuleux, polis, froid et emprunt d’une hémoglobine dosée mais viscérale, elle perd un peu de sa superbe une fois le secret dévoilé. Ce dernier, sans spoiler, est la clés de toute l’oeuvre et de tous les questionnements de notre maître de cérémonie qui tient quelque part aussi à juger l’impureté de l’homme dans sa passivité. Le complice du psychopathe se fait d’ailleurs le terrible échos du regard qui ne juge pas, qui aide et participe à moindre mesure. Reste que malgré une scène qui rappellera soyez-en certains le film Irréversible, des longueurs scénaristiques peuvent se faire ressentir, la faute à des arcs déjà vus ailleurs.

Outre ce défaut excusable, le métrage joue d’une photographie à couper le souffle, d’effets de caméras propres et soignés à l’image d’un anti-héros calculateur. Le spectateur, prisonnier comme une marionnette et témoins impuissant du pire, est autant à sa botte que ses personnages centraux forcés de subir leur calvaire. Et là, où Balade Meurtrière est une réussite, c’est bien aussi grâce à son jeu d’acteurs au poil et la performance émouvante de Miriama McDowell, criante de vérité. La performance de Mathias Luafutu est également à souligner dans le rôle du sociopathe au coeur plein.

Fable cruelle et morale

On ne change pas, le passé revient toujours vous hanter, le temps qui passe est une illusion, le Monde est un petit endroit, les malheureuses coïncidences existent ou bien ne vous promenez pas seuls dans la nature, voilà autant de mises en garde que l’on pourra imputer à ce road movie honnête et imparfait. A noter également que le film en VO s’intitule Coming Home in the Dark ce qui lui fait bien plus honneur que sa traduction française, beaucoup trop réductrice.

Ceux qui ont Canal + auront bientôt la chance de la découvrir sur la chaîne et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ne fait pas partie des films en compétition à l’Etrange Festival 2021.  A découvrir donc mais pas au court d’un séjour en camping.

Découvrez la bande-annonce


Le soleil brille dans le ciel francilien. Après des semaines de grisaille et de temps hivernal, la clémence semble être enfin de rigueur ce week-end. Et ça tombe bien, puisque ce 3 septembre 2021 voit de nombreux festivals ouvrir leurs portes. Parmi eux, le champêtre Essonne en Scène à Chamarande. Evénement familiale au décors somptueux s’il en est, il promet trois jours de festivités comme au bon vieux temps d’avant. Pour ceux qui n’habitent pas dans le coin, le long trajet promet un dépaysement à la hauteur de ce moment hors du temps, à déguster comme un weekend loin de la grande ville. Pour cadre, l’évènement a pris possession d’un château et de son immense parc. La scène lui fait face alors que food trucks et bars l’encadrent.

Sur les pelouses, les familles s’installent en position assise. Le décors pourrait bien rappeler un tableau impressionniste et ses déjeuners sur l’herbe. Il est 18 heures quand la musique envahi les âmes. La programmation soignée ne décevra pas et fera plaisir à une assemblée plurielle.

Et c’est parti !

 

Carole-Pele_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

Carole Pelé à la lourde tâche d’ouvrir les festivités. La belle est venue conquérir les coeurs des foules et distiller ses maux avec force et énergie. Vêtue d’une combinaison blanche, assistée d’un musicien, elle happe immédiatement l’attention. « Essonne en Scène j’ai rien à raconter » lance-t-elle en guise d’amuse-bouche avant de lancer son titre du même nom. Son flow fluide et la justesse de son timbre promettent un moment entre intimité et danse. Se canalisant sur l’avant-scène, la musicienne propose un show travaillé et pointu et des mélodies d’une modernité juste. Elle tape fort et vrai et se dévoile. D’angoisses face à elle-même aux amours déchus, la gravité de cette introspection musicale à la belle fibre artistique se fait plurielle lorsqu’elle devient festive. Comme Fauve avant elle, la chanteuse joue de notes sombres et d’un ton grave pour évoquer des peines universelles tout en parlant aux coeurs. Elle en profite pour faire un hommage à sa mère en lui dédicaçant un morceau qui contient des enregistrements de la voix de cette dernière.  Voir Carole Pelé sur scène évoque un instant privilégié, de ceux à vivre lorsque l’on assiste aux premiers pas d’une future grande de la musique. Comme pour un grand cru, la musicienne ne pourra que gagner avec le temps et les capacités à pousser ce projet esthétique en son apogée. « Nuit Blanche » conclut la performance avec beauté, la foule commence à s’électriser, la soirée sera belle et la nuit claire.

Le soleil est encore là et il serait regrettable de ne pas profiter des pelouses. Qu’à cela ne tienne pour mieux décoller plus tard, il faut reprendre des forces. Alors que certains, malins, commencent leurs repas ou en profitent pour boire quelques verres, Før débarque sur scène. Le duo homme femme, dévoile ses compositions pop rock entre guitare acoustique et violoncelle. Les voix aériennes se mélangent et n’ont pas à rougir face à une scène britannique pourtant avare de  ce type de composition. Les notes perchées s’envolent haut alors que le groupe assis invite avec poésie à l’introspection. Ce sera le dernier temps calme de la soirée.

For_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

Danser le nouveau Monde

Videoclub_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

La foule est prête, elle veut danser maintenant. Et ça tombe bien puisque la pop française de Videoclub s’invite maintenant à l’évènement. Sur scène, le trio inspire une sympathie immédiate. Les traits juvéniles de sa chanteuse ne trompent pas : les titres précis offrent une modernité bien construite. Avec ses accents 80’s, les compères ne sont pas sans rappeler Les Pirouette. La voix elle, déclinée en chant des sirène est aussi pointue que bienveillante. Avec Video Club, la fête promet d’être belle. Quelques classiques sont revisité, pimpés entre candeur et fraîcheur. La foule oscille sur « Un autre monde » de Telephone.  Elle ne s’assoira plus. Sauf peut-être si on lui demande de s’accroupir pour mieux bondir dans les airs. Volontaire, elle réagit à chaque mot de la maîtresse de cérémonie, qui la remercie chaleureusement de faire « revivre la culture et la musique en live ». Le moment pourrait sembler être la norme d’un été vibrant. Il n’en était plus rien depuis des mois. Difficile donc, de ne pas sourire franchement et voyant ces scènes d’euphorie partagées. Elle se prolongent d’ailleurs sur le titre « Euphories » que beaucoup reprennent en choeur. Il y a du Thérapie Taxi dans la formule de Videoclub et ce n’est pas le titre « Amour Plastique » qui fera mentir ce constat. Sa chanteuse, Adèle aujourd’hui seule face au départ du groupe de Matthieu promet de se lancer en solo. Avec ses accents qui sentent le chamalow et les fêtes foraines à deux, la belle garde le sourire face à cette séparation amoureuse aux relents doux-amers qui lui aura pourtant permis de se lancer. La suite ne pourra que lui sourire.

C’est aussi pour 47 TER que la foule s’est déplacée. Cette fois-ci dense et debout, elle se masse au premier rang en un tourbillon compact. Les membres les plus jeunes de l’audience sont en émoi. Le temps se rafraîchit à peine et l’atmosphère, elle, se fait bouillante. « C’est pas compliqué, expliquent les intéressés, on est trois, on va diviser le public en trois et voir qui sont les plus chauds ! ». Les demandes de faire du bruit, de sauter et d’interagir se font nombreuses. Bonne joueuse, la foule répond à tout. Le rap des compères est chaleureux comme l’été qui s’installe ne serait-ce que pour quelques jours sur la capitale. Les notes sont précises, sucrées et accessibles. Facile donc de chanter et de reprendre en choeur toutes les notes proposés. L’instant se fait grand messe pour mieux devenir leçon de gestion de foule, tous les rangs dansent volontiers alors que l’atmosphère familiale réjouit petits et grands. Lorsque « Côte Ouest » est joué, le public reprend ses paroles.  Avec légèreté mais en gérant sérieusement la scène, le trio attire naturellement la sympathie.  L’effervescence est telle que lorsque les musiciens sortent de scène, un groupe d’adolescents les attendent et tentent d’escalader les barrières pour les saluer.

Vianney, coqueluche de la soirée

Tout n’est pourtant pas parfait en ce moment champêtre. La faute peut-être à des mois compliqués avec une jauge impossible à prévoir, la restauration sera le point noir de l’évènements. Malgré la multitude de food trucks présents, la queue ne dégrossit pas et les estomacs gargouillent. Certains attendent plus de deux heures pour obtenir un burger ou une crêpe. Le lendemain, les festivaliers seront prévenus : il faudra commander tôt ou venir avec un pic-nique.

Vianney_Essonne-en-Scene_2021
Photo : Louis Comar

Pas le temps néanmoins de penser à manger puisqu’à Essonne en Scène, les concerts s’enchaînent sans laisser de répit aux spectateurs. Et c’est tant mieux puisque les saveurs musicales elles, se dégustent à l’infini et laissent un goût plaisant en bouche. C’est d’ailleurs au fils chouchou de la France, Vianney, de faire son entrée sur scène. Au cours des années, le gendre idéal a pris le temps d’évoluer et de devenir une figure inconditionnel de l’espace médiatique français. A mesure que la cote de popularité du chanteur grandissait, les a priori se sont formés. Certains préférant mettre en avant son aspect tout public en oubliant pourtant un fait d’une importance central : Vianney est un artiste live d’une grande qualité.  C’est bien ce qui avait été marquant lors de son tout premier concert au Café de la Danse et c’est bien ce qui reste vrai : cette machine à tubes qui fonctionnent sait particulièrement bien gérer son audience et se donner à fond. Vianney est une toupie qui s’approprie son espace scénique à la perfection. Les blagues fusent, grand public, construites alors que l’homme à la guitare saute dans les airs. Ne vous affolez pas s’il n’a pas besoin de toute une attirail de musiciens pour le suivre, comme il l’aime à l’expliquer, sa pédale de loop lui suffit amplement. L’air est encore chaud et la foule, compacte, n’à d’yeux que pour le chanteur. Il en profite pour enchaîner ses morceaux repris en choeur par l’assistance. Le moment de communion est beau d’autant plus qu’il unie en son sein toutes les générations. « Je m’en vais », « Dumbo », « Beau-Papa », « Pas là » ou encore « Moi aimer toi » sont scandés  face à un maître de cérémonie qui bondit dans les airs et fait des dingueries de ses acrobaties. Alors que le chanteur remercie le public qui a dû braver les contraintes sanitaires pour faire revivre la musique live, une pensée pourrait bien traverser les esprits. Si la musique est le langage universel, il est intéressant de noter à quelle vitesse un titre peut devenir culte et à quelle vitesse des paroles peuvent devenir une appropriation collective. La popularité d’un musicien en fait facilement un trésor national. C’es sûrement pour cette raison que la foule à tant de mal à laisser partir la tête d’affiche de la soirée. Malgré l’absence à la set-list de « Je te déteste » – un incident regrettable- il signe un sans faute retenu par des tonnerres d’applaudissements rappel après rappel. La fin des festivités semble tomber bien trop tôt alors que des navettes attendent les festivaliers souhaitant rentrer chez eux. Des souvenirs plein la tête, les oreilles qui bourdonnent, avec un silence à peine troublé par quelques conversations passionnées, les couches-tard ont loisir de se remémorer l’instant à mesure que les lumières de la ville s’approchent inexorablement.