Author

Julia Escudero

Browsing

lux aeterna

Si l’Étrange festival qui touche à sa fin dimanche 13 septembre a vécu nombre de temps forts, la diffusion du dernier film de Gaspar Noé était sans équivoque le plus attendu. Le réalisateur italo-argentin est par ailleurs l’un des poulains de l’évènement année après année. 2019 lui permettait d’offrir Climax en avant-première et de présenter la première de The house that Jack built de Lars Von Trier. Cette année c’est donc avec le très attendu Lux Aeterna qu’il revient en portant à l’affiche Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle. Ce 12 septembre une standing ovation attend d’ailleurs le réalisateur et Béatrice Dalle dans une salle pleine à ras-bords soit à 60% de sa capacité, Covid-19 oblige.

Lux æterna de quoi ça parle ?

béatrice dalle charlotte gainsbourg gaspar noe

Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.

Lux æterna, est-ce que c’est bien ?

lux aeterna

Un peu de contexte tout d’abord, le moyen-métrage de Gaspar Noé tient d’une commande à réaliser en urgence pour le festival de Cannes. C’est au bluff selon ses dires que le metteur en scène a promis un film sans même en connaître le sujet. Fort de son nom et de ses très grandes réussites, « Irréversible » restera dans les anales du cinéma français, ce dernier a su vite s’entourer d’un casting cinq étoiles réunissant Béatrice Dalle la sulfureuse et la douce mais téméraire Charlotte Gainsbourg pour un film qui évoquera la sorcellerie. Changement de registre d’ailleurs pour le cinéaste puisque le film est pour la première fois de sa carrière tout public donc loin de son traditionnel interdit aux moins de 16 ans et s’attire la sympathie des Cahiers du cinéma pour la première fois, comme quoi la qualité viendrait d’un manque de violence ou peut-être d’un point du vue interne sur le monde du cinéma selon ces derniers. Passons le discours sur le cinéma d’épouvante et sa perception par la critique en France, il est connu de tous ses amateurs. Avant même le début du film, Dalle n’a de cesse de vanter les mérites de l’oeuvre « Il est trop bien » allant jusqu’à ajouter qu’il est sa plus grande fierté. Doit-on la croire ? Verdict.

Objet étrange que ce Lux ætera qui a bien sa place au festival qui le projète en presque avant-première. Etrange dans son traitement où l’improvisation est mot d’ordre mais aussi dans son approche et ses couleurs. Puisque le métrage se partage l’affiche entre deux points forts : la rencontre de deux actrices opposées dans leurs tempérament et l’image et le jeu de plans et de couleurs. Le sujet finalement parait secondaire. D’entrée déconseillé aux épileptiques,  il met en image la Cène et la passion du Christ sous un jeu de lumières justement prompt à créer une crise d’épilepsie. Fort de son recule sur le travail de cinéaste, le film joue la carte d’un second degrés et d’un recul volontaire à l’aide de citations piquantes dévoilées à dose régulière sous forme de panneaux. On ne peut enlever à Gaspar Noé sa capacité à créer une atmosphère, ici de plus en plus étouffante à mesure qu’elle frôle avec l’anarchie et l’hystérie.

L’autre point fort du réalisateur étant sa capacité à travailler en équipe, connu pour laisser les acteurs improviser sur les plateaux, il semble ici leur donner une carte blanche intégrale construisant son récit sur les personnalités des deux stars, leur offrant l’occasion d’être elles-même face caméra. Un long dialogue entre elles, franchement savoureux et dévoilé sur un écran coupé en deux fera ainsi l’unanimité pour un public adepte de ses deux femmes. Béatrice Dalle, la grande gueule, exubérante et attachante balance quelques grandes phrases bien senties sans se prendre au sérieux et avec un ton naturel et parlé. Les hésitations dans le discours, l’absence de fluidité propre à la vraie vie sont ainsi mises en lumière. Timide mais éblouissante, Charlotte Gainsbourg ponctue la conversation avec pudeur.

Les sorcières sont bien au programme, oui, puisqu’une scène de bucher doit être filmée mais aussi et comme c’est introduit le dialogue parce qu’il est facile de ré-adapter le discours de la sorcière sur la femme de 2020. Béatrice Dalle ne serait-elle pas jetée au bucher par son producteur et son chef opérateur alors qu’une femme prend le pouvoir derrière la caméra ? N’est-ce pas aussi le cas des autres actrices qu’on n’écoute pas et qu’on ne comprend pas ? Une femme déterminée ne serait-elle pas une sorcière lorsqu’elle tente de prendre du pouvoir ? En choisissant également de créer une oeuvre en deux langues anglais et français, Noé pousse cette incompréhension entre les êtres et peut-être aussi, semble-t-il s’amuser à demi clin d’oeil, entre une équipe de cinéma qui joue entre coups bas et incapacité à être dirigée. Puisque tout le monde semble chercher à prendre le pas sur l’autre, à dépasser son rôle. La lumière y est un incroyable vecteur de tension et d’angoisse tout comme le son qui lorsqu’il perturbe la communication devient diviseur.

Gaspar Noé semble s’adresser dans ce moyen métrage aux érudits. Si le film parle du cinéma et était destiné au festival de Cannes, il est l’occasion de tacler, remettre à sa place, créer des situations qui paraissent vécues. Quitte à laisser de côté un spectateur lambda qui comprend ce qu’on lui dit mais ne peut ressentir les scènes qui lui sont proposées. L’histoire quasiment laissée de côté au profit du sentiments et d’hystérie collective déstabilise et fait de cet objet cinématographie une bête de festival bien plus qu’un métrage à laisser entre toutes les mains. C’est probablement l’un des points noirs du film qui dit des choses mais finalement sans trop en dire et sans les dire à tout le monde. Les citations parfois amusantes ramènent le propos à sa place, laissant à tous l’occasion brève de faire partie de cette aventure. Un brin décousu l’oeuvre manque peut-être de la violence propre à Noé, n’en déplaise à certains, pour mieux appuyer son propos et le rendre plus lisse. L’épreuve vécue par les actrice se transforme parfois aussi en épreuve pour le spectateur lui aussi agressé par la lumière et le son. Est-ce une façon de l’intégrer au récit et la montée en tension palpable ? L’hystérie d’ailleurs comme la sorcellerie reste des maux que l’on attribuait volontiers à la femme, en ces temps de percée féministe, le discours semble tomber à pic sans jouer l’axe de la redite des réseaux sociaux.

Loin d’être exempt de défauts, le film séduira un public déjà conquis et initié tout en mettant ses actrices en son centre. Il pourra néanmoins laisser complètement sur le carreau, certains spectateurs dépossédés de l’instant. A en juger pourtant par l’euphorie galvanisante en sortie de salle 500, les fans du cinéastes, les cinéphiles farouches y trouveront leur compte. D’autres pourraient y voir un clip joliment mis en scène mais trop improvisé et manquant d’une construction plus linéaire. Point de choc et de scène qui empêcheront de dormir la nuit au programme, mais une réflexion abstraite à reprendre pour mieux l’intégrer. A ne pas mettre dans toutes les mains donc.

Sortie en salle prévue le 23 septembre.

Bande-annonce


possessor film 2020 extrait

Très attendu par les aficionados de cinéma de genre, « Possessor » s’est joué pour sa deuxième diffusion à l’Etrange Festival à guichets fermés. Il faut dire que le long-métrage du fils de David Cronenberg ( La Mouche, Chromosome 3) n’a rien à envier à la qualité à laquelle nous a habitués le père. Entre place du travail destructrice de la personne, danger des nouvelles technologie, caméra précise et effets carrément gores, l’oeuvre est jouissive. On vous raconte.

Possessor de quoi ça parle ?

Tasya Vos est membre d’une organisation secrète : grâce à des implants dernier cri, elle peut contrôler l’esprit de qui bon lui semble. Jusqu’au jour où le système bien rôdé de Tanya s’enraye. Elle se retrouve alors coincée dans l’esprit d’un homme, dont le goût pour la violence se retourne contre elle.

Possessor, pourquoi c’est bien ?

possessor film 2020brandon cronenderg

 

Si Cronenberg père est connu pour son rapport au corps et son obsession pour ses transformations, cette marque de fabrique revient volontiers dans le travail du fils. Loin d’être un simple film d’époque, le réalisateur Brandon Cronenberg signe ici un métrage puissant qui aurait pu aussi bien sortir au sommet de l’âge d’or du cinéma d’épouvante (dans les années 70 à 80) que dans nos sombres années 2020. Loin des grandes sorties horrifiques actuelles souvent édulcorées, ce Possessor s’évertue à repousser les limites, osant tout ou presque, choquant par son visuel fort en hémoglobine tout en gardant pourtant un ton froid et posé. Le corps, lui est vu sous toutes ses couture. La sexualité y est omniprésente et prend en fonction de ses protagonistes plusieurs visages questionnant presque le genre du bout des doigts lors d’une scène au graphisme époustouflant. L’identité, au coeur de l’intrigue, celle qui attache aux proches y est sans cesse questionner. Sommes-nous une somme de souvenirs ? Le reflet de nos impulsions ? semble-t-il questionner.

D’entrée, le malaise est palpable. D’abord celui d’une héroïne brillamment interprétée par Andréa Riseborough (Birdman). C’est d’ailleurs avec un casting 5 étoiles que l’oeuvre qui avait choqué au festival de Sundance se déploie. A l’affiche, on retrouve par ailleurs Tuppence Middleton (Sense 8), Jennifer Jason Leigh (Atypical, Les sentiers de la perdition)  ou encore Sen Bean (Golden Eye, Game of throne) qui rejoint la famille des acteurs de GOT que l’on découvre sous un nouveau jour dans les métrage horrifiques de l’Etrange Festival  à l’instar de Maisie Williams, incroyable dans The Owners).

La guerre psychique pour le contrôle du corps est au centre de cette fable éprouvante où les penchants violents de chacun ne font qu’accroître une sur-enchère de frustrations et de goût pour le travail bien fait. Savoir rester soi-même plutôt qu’avoir la liberté d’être une personne échangeable dans la société, est ici une valeur centrale du travail de Cronenberg qui pousse son propos à son apogée. A cela s’ajoute une atmosphère aussi viscérale que macabre qui prend vie dès les premières secondes du film sans jamais perdre de temps. Le spectateur y est valorisé alors qu’il n’est jamais pris pour un incapable de se raccrocher à une histoire, il y est au contraire embarqué sans jamais être noyé dans une profusion de détails contextuels. Sobre dans son propos, cette oeuvre entre science-fiction et thriller ne lésine jamais sur les moyens visuels. D’abord grâce à des décors à couper le souffle mais aussi et surtout par l’explication des sentiments grâce la mise en images lors de nombre scène où la dualité se superpose, où les visages se mélanges et où le flou et les effets de couleurs se succèdent. L’abstrait y devient très concret alors que trouble et intensité se côtoient. La bande son signé Jim Williams également sublime fait vibrer ce récit graphique. Tasya réussira-telle à contrôler le corps de Colin ? A s’adapter en quelques jours à une vie qui n’est pas la sienne tout en ne s’oubliant pas ?  Toutes ces questions trouveront réponses au court d’une heure quarante haletante de bobine à ne pas laisser entre toutes les mains. Nul doute que ce Possessor a tout pour devenir culte auprès des fans de cinéma de genre au coeurs bien accrochés.

En espérant que le film se distribue dans les cinémas français qui sont souvent frileux lorsqu’il s’agit de diffuser de l’horreur bien construite. L’Etrange Festival, lui, se poursuit au Forum des Images jusqu’au 13 septembre.

Découvrez la bande-annonce de Possessor

 

festival des festival

Jeudi 27 août 2020, près de six mois après la fermeture des salles de spectacles, alors que la quasi-totalité des festivals d’été avaient été annulés et que nombreux des derniers à tenter de maintenir une édition avec mesures sanitaires se voyaient tout bonnement interdits en dernière minute, Rock en Seine proposait un condensé des festivals sous une forme bien atypique. Nommé le Festival des festivals, l’événement avait du festival sa multiplicité d’artistes et son cadre : le parc de Saint-Cloud. Exit pourtant ce qui faisait l’âme de Rock en Seine et ce qui fait jaser depuis plusieurs années d’ailleurs : le rock. Si les précédentes éditions ne regorgeaient pas d’artistes de rock mais plutôt de musiciens issus de nombreux registres actuels, l’événement semblait avoir pris en compte la demande de ses festivaliers en programmant en tête d’affiche Rage Against the Machine.

Oui mais, le Covid étant passé par là, les musiciens internationaux n’étant plus en mesure de tourner, la soirée ayant dû être organisée en un temps records,  la place était, naturellement, donnée à la scène française. Pourquoi pas ? Cette dernière regorge de musiciens de talents et l’initiative à elle seule mérite d’être saluée.

C’est finalement le principe d’une émission de télévision à ciel ouvert qui avait été retenue avec à la présentation Naguy et une diffusion sur France 2. L’affiche elle, majoritairement accès vers le très grand public (télévision oblige), Calogero, Dadju, Camelia Jordana y étaient, s’offrait pourtant quelques noms intéressants : Sébastien Tellier, Pomme, Jeanne Added, Philippe Katherine. Serait-ce l’occasion de parler de la détresse du spectacle vivant qui a tout juste reçu des directive permettant une timide reprise et de prouver la nécessité de reprendre une vie musicale malgré la Covid ? La question n’est pas si vite répondue.

Retour en festival : se souvenir des jolies choses

res 2020

Pour les 1500 personnes ayant réussi à se procurer une place (gratuite), le rendez-vous était donné à 20 heures au parc de Saint Cloud. Port du masque obligatoire, gel hydro-alcoolique, le top  des goodies du moment étaient présents, tout comme la fameuse distanciation sociale, celle-là même qui est contre-nature pour nous autres humains qui vivons en société.  Face aux scènes, deux espaces se regardent : l’un accueillant ses food trucks, bar, toilettes, et de nombreuses tables très éloignées les unes des autres, le second espace lui regorgeant de chaises distanciées pour permettre de profiter du spectacle sans risque.  Certains spectateurs avaient d’ailleurs choisi d’arriver très tôt et de faire la queue pour bien se placer sur les fameuses chaises, avec l’envie certaine d’être au plus près de la scène. Impossible de ne pas avoir le cœur serré en contemplant ce joli spectacle, ce condensé rapide de vie festivalière qui a cruellement manqué à l’été 2020. Qu’il est bon, se dit-on de retrouver un semblant de normalité dans le milieu musical. Un peu avant le début des festivités, Roselyne Bachelot elle-même, avec son entourage impressionnant, s’offre un passage côté foule pour rejoindre très certainement son espace VIP.

Un message fort (il faut déconfiner le  spectacle vivant) ou pas (on peut déconfiner si c’est télévisé) chacun y verra ce qu’il souhaite, il est néanmoins plus que temps pour le gouvernement d’écouter les demandes des acteurs de ce secteur et d’agir rapidement, ce qui semble avancer à pas timides.

Un peu avant 21 heures, un chauffeur de salle vient préparer le public, lui indiquant de s’approcher des premiers rangs, de quand il faudra applaudir et autres joyeusetés. Naguy entre en scène, sourire aux lèvres, professionnel et offre une présentation rodée.  Il est accompagné à la présentation par Leïla Kaddour. Les artistes vont bientôt arriver sur scène.

Une belle initiative mais …

Les mais sont pourtant nombreux. S’il est logique en temps normal de présenter un « spectacle » de musique avec légèreté et le sourire aux lèvres, le ton n’est pas le bon aujourd’hui. Puisqu’au plaisir de retrouver  une ambiance de festival s’ajoute la réalité actuelle du milieu. Les professionnels du spectacle vivant se tuent à crier leur détresse : un spectacle, un concert, un festival met des mois voire des années à s’organiser, il fait travailler de très grandes équipes, intermittents mais aussi personnel embauché par les tourneurs, lieux, management, agence de communication … et l’incapacité à s’organiser est devenu critique. N’en déplaisent à certains lecteurs du Figaro qui selon un sondage réalisé par le journal, ne souhaitaient pas à 58% que le gouvernement vienne en aide à ce secteur, il est un véritable pilier de l’économie française. Des emplois sont perdus, des emplois souvent réalisés par des passionnés qui se sont déjà battus en travaillant sans relâche pour exercer leur profession.  Mais pas uniquement nombreux sont les métiers à découler des événements : conducteur de tour bus, sécurité, techniciens, food trucks, producteurs et agro-alimentaire livrant le catering et les food trucks, transports variés pour acheminer les spectateurs … c’est tout une économie essentielle qui s’écroule et qui aura besoin de temps et de soutien pour se relever. Dans ce contexte, les demies jauges des zones rouges restent problématiques et ne permettent pas toujours pour les producteurs de ne pas travailler à pertes. Beaucoup de zones floues méritent un éclaircissement.

Le spectacle n’est pas un caprice de 2020, il existe dans l’histoire humaine depuis toujours, l’art également : théâtre, musique, gladiateur, rien n’a été inventé au cours des dernières années. L’art fait réfléchir, transgresse, fait avancer le Monde, parfois il se contente de divertir et c’est déjà pas mal. Avec tout cela en tête, il est plus difficile bien sûr de prendre un événement qui pourrait être la bonne façon de parler du problème au grand public, avec légèreté.

L’émission est lancée par une brève interview de Roselyne Bachelot, qui parle de « sentiment de sécurité » à donner en salle par le biais de masques et de distanciation. Ces méthodes permettent un grand pas en avant : celui d’une réouverture progressive mais l’interview assez simple se contente de redonner ces nouvelles directives et non de répondre aux nombreuses questions encore en suspens.

Place aux artistes

jeanne added izia
Jeanne Added et Izïa / capture d’écran Twitter de Rock en Seine

C’est finalement eux que nous sommes venus voir. Calogero ouvre le bal et en profite pour dire un mot sur les intermittents, mais au cours des brèves interviews de chaque artiste, le sujet est vite ramener à une promotion plus joyeuse : la tournée reprogrammée en 2021. Nombreux sont d’ailleurs ceux à rappeler que les plus petits artistes, les indépendants, n’ont pas la chance d’être reprogrammés. D’ailleurs c’est bien eux qui manquent à l’appel. Faire place à de grands noms pour attirer le public et l’audimat est évidemment cohérent mais il est dommage alors que Rock en Seine prévoyait la présence de groupes de grandes qualités tels que Structures ou Bandit Bandit de ne pas leur avoir fait une petite place sur scène. Heureusement le festival leur offrait quelques jours avant une belle session promo entre interviews et réseaux sociaux.

Autre bémol : cette idée télévisée que la musique ne soit  représentée que par des chanteurs / interprètes et non des musiciens. Exit donc les groupes place aux chanteurs uniquement. Cette obsession de la reprise et l’hommage en duo comme à la  « Nouvelle Star » manque toujours cruellement de saveurs.

Il ne faut pas être trop dur pour autant : si le format d’un titre par artistes est très très loin de se rapprocher de ce qu’est un concert et de la cohésion qui sera synonyme de talent, le simple fait de revoir de la musique jouée en live est un plaisir qu’il ne faut bouder.

De même que de nombreux temps forts musicaux qui viennent agréablement ponctuer la soirée : Catherine Ringer et son hommage à Rachid Taha, qu’elle confiera avoir été demandé par la production. Grande gueule, la chanteuse en profite pour dénoncer en quelques mots la situation  dans le monde musical actuel et n’a rien perdu de son tonus. Pomme, qui pensait « que 2020 serait son année » confie devoir faire preuve de patience et offre un morceau avec la grâce qu’on lui connait. Philippe Katherine en début de soirée puis en concert en fin de soirée amuse comme toujours par son côté grand guignolesque (souvent imité, jamais égalé) .

Jeanne Added et Izïa en duo qui reprennent l’immense « Glory box » de  Portishead  est l’un des temps fort de Evènement, même si Jeanne Added offre une performance vocale au-dessus de celle de son acolyte. Les deux femmes se font une accolade de fin de performance, le présentateur s’amuse en rappelant qu’on avait dit « 1 mètre 50 de distance », comme si certains yeux n’étaient pas rivés sur les écrans à la recherche de la petite faute qui prouvera que non, on ne peut pas déconfiner le spectacle vivant. Pourtant, il est vrai que la musique unis et qu’ il est compliqué de toujours aller contre notre nature au risque de perdre encore un peu du bon qui restait dans ce Monde.

A quoi bon reprendre « Angela » de Saïan Supacrew si c’est pour édulcorer ses paroles très sexuées ? Pourrait-on se demander. L’initiative aura pourtant fait le succès d’Hatik qui semble séduire un large public et lui aura permis ses nombreux passages en radio. Jane Birkin ne sera pas là ce soir, son titre ayant été enregistré en avance.

Alain Souchon, qu’on ne présente plus s’offre lui trois courts titres. Rodé des plateaux télévisés gère son timing comme un professionnel et se plie au jeu des questions/ réponses avec aisance.

Sébastien Tellier est aussi de la partie. Quel immense plaisir d’ailleurs d’entendre les premières notes de « La Ritournelle » en duo avec Charlotte Gainsbourg. Dommage de ne pas avoir interprété ce superbe titre dans son intégralité qui de plus était porté par des musiciens de talent.

Christine and the Queens (ou juste Chris ?) ajoute son grain de folie à la partie et ses pas de danse.

Ce méli-mélo de performances courtes coupées d’interviews brèves deviendra, pour ceux qui étaient au Parc de Saint-Cloud ce soir-là et ce malgré les averses de début de soirée, un souvenir heureux sorte de parenthèse masquée à la morosité d’une année qui s’étire bien trop. Restera à attendre que les nombreux acteurs du spectacle vivant puissent tous reprendre leurs événements dans le format que l’on connait et qui vient à beaucoup trop nous manquer.


Niandra Lades

Si la scène indépendante française regorge de pépites, il est parfois difficile de toutes les écouter, de toutes les découvrir. Il suffit pourtant de tendre l’oreille, d’arrêter de courir quelques secondes pour tomber sur un album d’une qualité indéniable et se laisser imprégner par un travail construit de bout en bout. Et si l’objet album est aujourd’hui remis en question, personne n’en écouterait plus parait-il , la musique se consommerait comme au fast-food, en zapping, avec urgence et sans prendre le temps de poser un nom sur les saveurs, il serait hérétique de traiter la musique de Niandra Lades avec si peu de respect. Certains titres se dégustent en menu intégral et méritent de prendre le temps d’être savourés. Peut-être est-il temps d’arrêter là l’analogie avec l’alimentation mais cette dernière semble remporter plus de suffrage sur les réseaux sociaux que la culture pourtant riche en sources d’émerveillement et de réflexions.

A en croire la biographie de Niandra Lades, nul besoin de courir pour être créatifs. Le quintet originaire de Clermont-Ferrand semble comme Grand Blanc avant lui, s’être inspiré d’une ville qui laisse au temps le loisir de s’écouler, à la nature de frétiller, pour mieux se plonger dans l’apprentissage musical. Si le TGV ne passe pas par chez eux, les bandes sonores elles sont bien présentes. Alors, ces cinq garçons « imaginaires » ont pris le temps de s’imprégner des 90’s de The Cure à Chokebore, de digérer ces références et puis d’innover. Exit une entrée en matière folk sur ses deux premières galettes, il est temps de laisser place au rock. Ce « You drive my mind » s’ouvre d’ailleurs sur le très puissant « Wrong Way Men » et ses guitares excitées. La pop sombre s’invite à une partie à toute allure alors qu’un refrain aussi instinctif que rythmé résonne en une mimique vocale inoubliable. Une claque d’entrée qui permet de poser ses valises, d’arrêter tout, le temps, la vie, et les obligations pour se concentrer sur l’objet ici en écoute. A 2 minutes 15, guitares et batteries s’emballent, on se surprend à hocher la tête comme sur un bon vieux Nirvana, le tourbillon est lancé, la machine prend de l’ampleur.

Voyage dans le temps entre pop et rock

Pas le temps de se reposer que la formation casse déjà sa dynamique donnant vie avec une logique implacable à une pop sombre qui sent bon Robert Smith. « You Drive my mind » qui donne d’ailleurs son nom à cette galette sait sublimer ses mélodies. Comme toujours lorsque la pop est bonne, qu’elle rencontre le rock, les riffs s’enchaînent naturellement. Le cocon est créé alors que le spectre de Blur règne maintenant sur l’album.

Fluidité toujours lorsque « The Same Boat » dévoile ses premières notes. Là encore pop entraînante et rock mélodique sont de la partie. Les accords se font gimmicks, la voix invite l’auditeur -déjà conquis- à rejoindre cette fête entre ombre et lumière comme les 90’s savaient si bien en créer. On descend d’un ton, et pourtant l’intensité augmente. Avec « #Untitles W/ Bass », on flirte avec la ballade. La fluidité des accords est à noter. Le titre s’avale d’une traite, s’intègre comme un classique, entre dans notre répertoire doudou en à peine quelques secondes. Niandra Lades ne joue jamais la carte des fioritures, n’est jamais grandiloquent. Non, sobriété, aisance et pop instinctive lui suffisent amplement. Nul besoin de casser les genres, de chercher à flirter avec des références 90’s dans l’air du temps et se faire mousser pour créer des titres efficaces au format relativement court (3 à 4 minutes en moyenne) qui donnent une envie compulsive d’appuyer sur repeat en boucle.

Il serait pourtant dommage de se contenter de répéter puisque chaque titre s’inscrit dans une continuité bienvenue et bien écrite où synthé, guitare, basse et batterie se donnent facilement la réplique. D’ailleurs voilà que « Malvo » fait la part belle à la basse, donne à sa pop un léger accent psyché, une batterie obsédante et une noirceur  en tourbillons. Voilà qui est vrai, les années 90 étaient puissantes, le rock avait alors une patte. D’ailleurs vous vous souvenez la bande originale des teen movies américains de ces années-là?  Tôt ou tard, une grosse fête se profilait et si on n’y twerkait pas, on s’y déhanchait sur du rock entêtant et qualitatif. Nous voilà enfin arrivés à ce passage particuliers avec « The Witches », sa voix filtrée et ses riffs percutants. Le voyage touche bientôt à sa fin, plus que trois titres avant d’appuyer sur repeat. « Where is your Smile » plus aérien pourrait être un titre « coming of age » comme on dit au cinéma tant il inspire l’aventure et le road trip.

A un morceau de la fin, la rage adolescente d’un groupe à la maturité indéniable refait surfasse, n’y aurait-il pas un fond de Nada Surf dans ce « Don’t throw your Rights » ? Titre pertinent s’il en est, le rock est une révolution nécessaire, la culture un vecteur de réflexion vital, ne l’oublions pas. Les guitares s’emballent, montent en puissance et comme lorsqu’un bon concert va se terminer, alors que les oreilles bourdonnent et que les larsens résonnent, l’osmose est à son apogée. « It’s Time » de se dire au revoir sur une note plus apaisée, toujours aussi entêtante, toujours très bien réalisée.

Produit par Pascal Mondaz, cet opus paru en avril 2020 alors que les oreilles et les esprits étaient occupés à combler le néant extérieur par une anxiété bien trop naturelle, devrait être la bande originale de ton automne, de ton année et même de ta décennie. A écouter comme une amulette en souhaitant fort qu’il pourra faire revivre la candeur des années 90, son talent et son esprit de « Desintegration ».

Bonne nouvelle, le groupe est en tournée 2020 du  1er août au 14 novembre avec une date parisienne le 13 novembre. Ne les manque pas !

Viens acheter « You Drive my Mind » ici, tous les frais sont reversés à des artistes talentueux !

 

« You Drive my mind » de Niandra Lades à écouter ici