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Julia Escudero

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The Hives @ l'Olympia Paris 2021
Photo : Louis Comar

Mercredi 17 novembre 2021, après une journée beaucoup trop fraîche dans la capitale française, le froid a laissé passer quelques rayons de soleil, et une chaleur mitigée. Assez du moins pour permettre à quelques fans téméraires d’attendre le retour de la légende suédoise, The Hives, devant les portes de l’Olympia. Amassés devant la grille, ces fans inconditionnels espèrent bien prendre d’assaut le premier rang  pour vivre la fameuse tornade venue du Nord de pleine face. Logique, le groupe de trente ans d’âge est réputé pour ses incroyables performances live.

Quelques heures avant de monter sur scène, Howlin’ Pelle Almqvist, le chanteur sirotait dans les loges un café chaud, confiant au passage être un peu malade. La faute à de nombreuses journées sans repos à courir les salles et les scènes. Pourtant rien ne pourra l’arrêter ni l’empêcher de tout donner en concert. C’est la passion de la scène qui les pousse, lui et sa folle troupe de compères en noir et blanc, à exister. « Je suis content que vous soyez là les gars, mais personne ne viendrait, je continuerai quand même à faire des concerts. » s’amusait-il d’ailleurs.

Come On !

Il est 20 heures lorsque le concert commence sur une performance survoltée de The Dahmers. Originaire de Suède, le groupe de rock garage féru d’horreur, arbore des costumes de scène noir et blanc mais cette fois à l’effigie d’un squelette. Enervés et énergiques, la joyeuse bande balance franchement, bondit et rugit tout en insistant sur sa passion du gore et son envie de donner des frissons. Pas vraiment étonnant quand on sait que la fine équipe a choisi le nom d’un tueur en série comme étendard. Côté public, la chaleur monte d’un cran et les notes acérées font mouche. Aiguisée comme une pointe de couteaux, les morceaux entrent autant en tête que les périples du célèbre serial killer qui n’avait pas hésité à ouvrir le crâne d’une de ses victimes. Détail atroce, on en conviendra.

The Hives @ l'Olympia Paris 2021
Photo : Louis Comar

Les lumières se rallument, avec une violence presque douloureuse. L’heure pour certains de se ruer sur l’un des nombreux bars de la salle et prendre quelques victuailles avant de se lancer dans l’arène.  Un show de rock se doit de sentir la bière et la sueur. Pour la deuxième partie, l’audience peut compter sur The Hives qui débarquent enfin, à 21 heures sous un tonnerre d’applaudissements. Sans grande surprise les musiciens balancent d’emblée leur titre « Come On » en invitant le public à se déchaîner. Dans leurs nouveaux costumes du meilleur effet, qui brillent dans le noir, ils transforment immédiatement l’Olympia en un immense garage où le rock est roi. Le costume, expliquait le chanteur, est bien la façon d’être encore plus punk que les punks. Après tout, faire un pied de nez aux tenus traditionnellement associées au courant, n’est-ce pas la meilleure façon de se rebeller ? Le ton est donné.

L’heure du crime

La sauce prend complètement alors que les titres s’enchaînent « Main Offender » précède « Go right ahead » alors que Pelle enchaîne les sauts et les bonds, se jetant régulièrement de son ampli, les cheveux au vent. Garder le rock’n’roll sexy malgré les âges ? Voilà l’une des problématique d’une formation qui une fois sur scène n’a rien perdu de sa superbe et de sa folie. Le frontman n’a de cesse d’interpeller la foule, de lui parler. En anglais, en français avec aisance et un fort accent qui lui fait prononcer le U d’album. L’initiative est appréciée de tous alors que la foule maintenant devenue un seul corps répond favorablement à chaque demande et à chaque note distillée par les maîtres de la soirée.

Il est temps d’écouter un nouveau morceau et « Good Samaritan »parue en 2019, ce qui dans l’histoire des Hives est particulièrement récent, fait trembler les murs de la mythique salle. Le groupe sait composer son histoire et s’inspirer de ses icônes, recréant l’univers particulier d’un the Sonics, Social Distortion ou même des Dead Kennedys en un nouveau jus dosé et actuel.  La set-list défile : « Two Timing Touch », « My Time is coming », « Hate to say I told you so » s’enchaînent.

Les yeux écarquillés, la tête pleine de notes, voilà que notre frontman interpelle la foule pour lui expliquer qu' »It’s my time ». Evidement après les confinements, les restrictions, les interdictions, qu’il est bon que l’heure soit enfin au lâcher prise, à l’amusement. L’anarchie rock, le tourbillon d’ondes déchaînées, vibrantes, larsenantes, enragées n’aura jamais été si pertinente, si bestiale et primordiale. Voilà donc que le messe est dite « If it’s my time, then it’s your time! » balance-t-il comme un cris de guerre. La troupe est alors mise à contribution. Il faut lever les mains, il faut répondre, il faut crier, et le tout fait office d’exutoire parfait. Un show de The Hives laisse les chichis au placard. Pas d’écrans, pas d’artifices, seule l’énergie compte. Et cette dernière se propage en ondes de chaleur et de notes. Elle percute chaque membre du public maintenant électrisé comme un pantin, sommé de danser. Quelques sauts en plus et voilà que l’onde touche jusqu’au plus réticent des spectateurs, qui a maintenant les bras dans les airs.

Une petite pause ?

« On va prendre 10 secondes de pause. » explique maintenant le leader. Non, impossible, les corps et les esprits sont chauffés, personne ne peut s’arrêter. « C’est pour mieux repartir pourtant. » justifie-t-il. Les pieds tapent, l’audience en demande plus, l’apogée du show, bouillante comme si son équipe venait de marquer un but, l’Olympia est un stade qui réclame d’être nourri et le rappel arrive alors comme une délivrance. Il en faut plus, laisser les pensées vagabonder et se perdre, encore dans les guitares saturées. Le groupe revient sur « I’m Alive » avant d’inviter toute l’assistance à s’accroupir. Ceux qui sont familiers des concerts de rock connaissent bien le principe, rester assis pour mieux bondir tous ensemble. The Hives faisait partie des précurseurs du mouvement. Le dernier saut de la soirée est collectif et enragé. Côté morceau, c’est « Tik Tik Boom » qui clôt les festivités. Tik, tik, tik, le temps passe si vite quand on s’aime.


Midnight Mass saison 1 Midnight Mass : de quoi ça parle ?

Une communauté fait face à des événements miraculeux et à de sombres présages après l’arrivée d’un mystérieux prêtre.

Midnight Mass : pourquoi c’est bien ?

Le mois d’octobre est signe de bons présages pour les fans de cinéma de genre. Halloween leur permet en effet de faire le plein de métrages plus ou moins qualitatifs à visionner en masse, histoire de rendre les feuilles qui tombent un peu plus rouges sang et beaucoup moins déprimantes. Le géant du streaming Netflix l’a bien compris, proposant chaque année au cours de ces dates clés plus de rendez-vous pour les amoureux du genre que la Saint-Valentin ne pourrait en offrir. Et, fidèle comme elle peut l’être, elle a fini par s’acoquiner avec Mike Flanagan pour s’assurer d’offrir en plus, une proposition qualitative, devenue, grâce à ses abonnés, promesse de résultats fructueux. Il faut dire que le réalisateur avait habitué à l’excellence avec ses « The hunting of Hill House » et sa suite toute aussi fine « The Hauting of Bly Manor ».  Bien qu’inégal avait déjà acquis ses lettres de noblesses avec une petite merveille en guise de coup d’essai et ce, sans budget, « Abstentia » puis l’incroyable prouesse « The Mirror » qui avait de quoi donner le tournis en quelques images. Facile donc de lui pardonner ses quelques sorties de pistes, j’ai nommé « Sans un bruit » et « Ne t’endors pas » qui loin d’être mauvais étaient pourtant quelques crans en dessous du lot.

Quête de Rédemption

sermonts de minuit NetflixHabitué aux dialogues construits, aux personnages écrits et aux intrigues qui se déplient comme autant de bonbons savamment distribués, son nouveau jet « Sermons de minuit » en français dans le texte ne pouvait que laisser entrevoir le meilleur. Et pour cause, cette mini-série pourrait bien être, la masterpiece d’un cinéaste au talent indéniable. C’est sur une petite île isolée que le réalisateur nous donne rendez-vous dans une univers très Stephen King -ien ( en admettant qu’il soit possible de faire de ce nom monumental un adjectif comme se fut le cas pour Lovecraft).  Sur cette île donc, il se passe peu de choses, et pourtant au milieu de cette communauté relativement pauvre, meurtrie par une marée noire qui a laissé les pécheurs locaux dans une certaine panade, se terrent un groupe de personnages pluriels aux intrigues toutes plus fascinantes les unes que les autres. Riley (Zack Gilford), qui semble d’ailleurs donner le la à toute la tribu revient sur l’île suite à sa sortie de prison lié à un accident de voiture en état d’ébriété. Dans cette bourgade où la religion est maîtresse, où l’Amérique pieuse reprend ses droits, la foi est partagée, mais aussi délaissée. Pourtant Riley, lui, devient à mesure que les épisodes passent la conscience d’un public de prime abord captivée par une doctrine religieuse grandissante. Car c’est bien là que se situe le coeur de l’intrigue de « Midnight Mass », doit-on croire sans sourciller les préceptes religieux si ceux-ci sont la promesse de miracles et même du plus grande des miracles, repousser la mort ? Personnifier par l’arrivée d’un nouveau prêtre charismatique, beau parleur et incroyablement attachant, la religion se répand sur l’île à toute vitesse comme une maladie extrêmement contagieuse. En cause peut-être le besoin de croire, très certainement la peur de la mort, encore plus certainement la part de popularité d’une foi qui pourrait aussi bien être le nouvel Instagram à suivre.

Chacun y trouve son compte, d’autant plus que les miracles eux, pleuvent et que la Bible, citée à tout va, devient la justification à chaque action, empêchant par ailleurs les habitants de douter. Et malheur, d’ailleurs à celui qui remettrait en cause la parole divine. Pour construire son récit, Flanagan embrigade dans un premier temps le spectateur dans son discours, l’endoctrine même jusqu’à lui faire perdre la raison. Le fantastique, l’horreur est sous-jacente, non dite, si discrète qu’elle se fait oublier. Ses personnages emblématiques, ceux qui inspirent la confiance comme Erin Green (Kate Siegel déjà vu dans les « Hunting of »), sont eux-mêmes les portes-paroles de cette vision brandie. Notre réalisateur prend alors sont temps, peint son cadre, y ajoute un rythme lent, le saupoudre de dialogues tous plus fascinants les uns que les autres. L’empathie est là et lorsque la nature réelle du propos se dévoile enfin, il devient impossible de ne pas se choquer d’à quel point le croyant peut se laisser aveugler par ses croyances. Pour parfaire son propos, Flanagan oppose ses discours, le prêtre convaincu et convaincant qui parle au nouvel athée Riley, qui oppose des arguments recevables à d’autres argumentaires au court de réunions évoquant le parcours de croix du chemin de la rédemption.

Du Stephen King dans l’âme

Dans le cadre de l’horreur, il est toujours aisé de brandir la carte de Stephen King et d’accorder à chaque auteur la grâce du maître. Pourtant ce qui constitue réellement l’oeuvre du King est bien souvent oublié. Ce n’est jamais tant pourtant sa qualité à créer un mal absolu, non, mais bien sa capacité à dépeindre avec détails et précisions une communauté qui n’aura de cesse de rappeler que le mal absolu est bien humain et se cache parmi les plus écoutés.  Ce « Sermons de minuit » n’aura de cesse de rappeler pour des raisons évidentes « Salem » et pourtant ce sont d’autres oeuvres qui en auront le même cheminement de « Dôme » et son sheriff en  miroir avec Beverly aux « Tommyknokers » et leur prise de possession du corps et de l’esprit qui seront les plus proches de cette oeuvre. Flanagan crée ses personnages avec la même main que le maître, les rendant si détaillés qu’ils sont attachants dans leurs nombreux défauts. La comparaison ne tombe pas de nul part quand on sait que le monsieur avait brillamment porté sur écran « Doctor Sleep » (la suite de Shining) ou encore « Jessie » une fois de plus pour Netflix.  Stephen King racontait que pour que l’horreur fonctionne il fallait aimer ses personnages, Flanagan en a tenu compte rendant chacun de ses apôtres parfaitement bien écrit.

Il y aura aussi pour les connaisseurs, une référence qui ne serait sans rappeler « Carrie », le livre du moins, dans son final aussi grandiose que glaçant.  Et certainement aussi, à n’en pas douter dans le personnage de Beverly qui aurait bien du plaisir à discuter avec la maman de Carrie White au court d’une tea party entre extrémistes. L’ombre du King encore et toujours mais cette fois-ci clin d’oeil à sa toute première oeuvre.

Après moi, le chaos

Midnight Mass netflixEt si une seconde chance était possible et si la mort était évitable ? C’est bien cette peur qui pousse l’Homme vers un besoin viscéral de croire et c’est cette même peur qui pousse notre communauté à communier sans cesse avec une doctrine qui pourtant devient de plus en plus sectaire. Doucement mais sûrement, le réalisateur glisse cette notion à travers ses répliques. Un prêtre poussé vers le clergé en raison de la mort de sa jeune soeur, un héros rongé par la culpabilité d’avoir accidentellement ôté la vie, une femme démente en bout de course, une autre sur le point de donner la vie, un sherrif et son fils ayant perdu la mère de leur foyer, un dialogue long et fascinant à mi-parcours entre deux personnages clés, la peur de la mort en opposition à la vie est sur toutes les lèvres et pousse au pire. Celle de la seconde chance aussi. Quelle serait-elle, par exemple pour une petite fille en fauteuil roulant ? Et pour celui qui l’y aurait mise ? Le besoin de rédemption pourrait bien venir du discours religieux, quitte à s’il le faut, en passer par l’apocalypse. Le plus sinistres desseins viennent toujours des meilleures intentions. Il sera d’ailleurs bon de se délecter d’un tout dernier monologue mettant en abime une façon d’aborder la vie et la mort bien plus spirituelle que bien des récits en amont.

La foi oui d’ailleurs, mais pas toutes les religions aux yeux d’une même communauté. Celle qui nous intéresse est chrétienne et le sherrif musulman est lui mis au banc. Flanagan en profite pour rappeler d’un trait de crayon fin et bien construit que l’Amérique raciste domine toujours, que la tolérance et l’ouverture d’esprit devraient être plurielles, que même là où les similitudes sont nombreuses, il est aisé de pointer les différences pour faire de l’autre un ennemi.

« Midnight mass » se déroule avec lenteur et prend le temps d’installer son intrigue, laissant toujours planer un soupçon d’angoisse sous les bons mots et les belles tirades. Il prend le temps de créer un point de non retour, une apogée sombre qui se dessine inéluctablement avec l’accord général. Son dernier acte saura, lui, satisfaire les férus d’horreur qui jusque là devront simplement s’éprendre d’une atmosphère très bien ficelée. Loin d’être un simple récit horrifique, cette mini- série est un véritable voyage spirituel dénonçant avec sophistication les défauts d’une foi aveugle sans pour autant oublier de rappeler que les croyances sont autant de liens et de besoins pour des humains qui en ont une nécessité absolu.  Méfiez-vous des faux prêcheurs, n’hésite-t-elle pas à rappeler comme le fait l’excellent « Brimstone » disponible aussi sur Netlfix et que nous n’auront de cesse de conseiller.

Pour Halloween, pour les beaux jours, pour rappeler que l’horreur est l’un des meilleurs vecteurs de réflexions nourries, que vous soyez fans de genre ou non, regardez « Midnight Mass », offrez lui un esprit critique et ouvert, interrogez-vous, régalez vous en. Prenez et regardez le tous car ceci est l’oeuvre la plus aboutie de Flanagan, livrée pour vous.

Découvrez la bande-annonce de Midnight mass


 


 

Marqué depuis sa plus tendre enfance par l’univers  à fleur de peau de l’immense Léonard Cohen, H-Burns a décidé de rendre hommage à l’icône disparue à travers un album tout aussi sublime que l’oeuvre qui l’inspire. Intitulé « Burns on the Wire »,  l’opus de reprises réuni autours du musicien une troupe d’artistes tout aussi passionnés et talentueux : The Stranger Quartet qui offre les choeurs féminins de cet album mais aussi des featurings avec Pomme, Lou Doillon, Kevin Morby et Bertrand Belin.  De l’excellence donc qui se dévoile note après note entre témoignage d’un amour inconditionnel pour l’oeuvre d’un grand artiste et ré-écriture sublime. H-Burns a pris le temps de répondre à nos question et se confie sur sa relation avec le répertoire de Leonard Cohen, le travail de composition et d’écriture, le live et son pèlerinage à Montréal. Interview.

H-Burns
H-Burns. crédits photo : Marine Lanier

– Comment t’est venue l’idée de créer « Burns on the Wire », ton album hommage à Leonard Cohen ?

H-Burns : Lors d’un voyage à Montréal en 2016, je me faisais un petit « pèlerinage » Cohen en plein hiver. Il faisait -20 degrés dehors, je passais tous les jours sur le plateau devant sa maison, les bagel shops où il traînait, avec un peu de chance je serais tombé sur lui. Quelques semaines après il disparaissait, ça a été le point de départ.

– Leonard Cohen c’est aussi une histoire de famille pour toi, quels souvenirs ce musicien t’évoque-t-il ?

H-Burns : Les premiers vinyles écoutés dans ma maison familiale, les premiers morceaux entendus et appris à la guitare avec mon père. Je pense qu’on a tous une histoire plus ou moins familiale ou intime avec Cohen, il y’a un vrai truc de transmission dans son œuvre.

H-Burns : la critique musicale en France est très comme ça, si tu essaies de rester fidèle à l’œuvre, tu es « trop sage » et si tu essaies de la bouleverser, tu es prétentieux.

– Quelles appréhensions avais-tu à l’idée de reprendre les titres d’un artiste culte comme Leonard Cohen ?

H-Burns : Ce qui est risqué c’est d’être soit dans la parodie, soit dans le «  je vais retourner les morceaux et en faire quelque chose de complètement différent ». Qui plus est la critique musicale en France est très comme ça, si tu essaies de rester fidèle à l’œuvre, tu es « trop sage » et si tu essaies de la bouleverser, tu es prétentieux, comment oser ! J’ai pour ma part je crois essayer de choisir quelque chose dans le respect de l’oeuvre, tout en tachant de personnaliser les arrangements.

– Tu as sept albums à ton actif, le jeu de la reprise est-il plus évident que le travail de composition ? 

H-Burns :Il était surtout très important pour moi à ce stade, 7 albums c’est beaucoup de choses dites et écrites, se mettre dans le cerveau d’un autre permet de chercher un second souffle dans ses propres créations.

-Comment as-tu transposé ton univers et ta touche personnelle dans les morceaux de Cohen ?

H-Burns : En essayant en studio d’aborder le son comme si je travaillais sur un disque de H-Burns, sans trop sentir le poids de la légende sur ma tête.

– Tu as fait le choix de ne reprendre que les quatre premiers opus du musicien. Pourquoi avoir choisi cette période de sa carrière ?

H-Burns : Parce que c’est celle qui pour moi est la plus fondatrice, elle est aussi la plus lisible dans son oeuvre, sur un laps de temps très réduit, il a écrit toute une nouvelle histoire de la folk.

-Sur cet album, tu t’es entouré de nombreux artistes comme Lou Doillon, Pomme, Kevin Morby, Bertrand Belin … pourquoi leur as-tu proposé cette collaboration ?

H-Burns : Chacun avait je crois quelque chose à voir de plus ou moins proche avec son œuvre, et l’idée était de réunir des artistes aux univers assez variés. Lou avait déjà collaboré avec Adam Cohen, Bertrand et Kevin avait déjà repris Cohen, Pomme est une artiste avec plein d’influences Folk qui passe beaucoup de temps à Montréal. Tout cela m’a paru hyper cohérent.

H-Burns feat. Pomme - Suzanne

-Comment chacun a-t-il apporté sa vision de Leonard Cohen à ce projet ? Comment avez-vous travaillé ensemble sur cet album ?

H-Burns : C’était différent avec chaque personnalité. Mon « job » était d’essayer de sentir la sensibilité de chacun dans le choix des chansons et des méthodes de travail. Pomme, Lou Doillon et Bertrand Belin sont chacun venus au Studio CBE à Paris enregistrer leurs parties, et Kevin Morby a fait ça depuis son studio.

– Cette pluralité de musiciens rappelle aussi que la musique, malgré le décès de son interprète, unie et marque les générations. Comment expliquerais-tu l’impact que peut avoir l’œuvre d’un artiste des années après la publication de son œuvre ?

H-Burns :Je l’expliquerai par cet espèce d’aura spirituelle  de poète intemporel que dégage Cohen, dans son œuvre, dans ses chansons dépouillées, et dans sa façon d’être comme au dessus, de prendre de la hauteur. On touche à quelque chose de très spirituel.

– Cet album, tu le défends également sur scène. Te sens-tu une responsabilité à garder vivante l’âme  d’un artiste qui ne peut plus porter sa voix sur scène ? A quoi peut-on s’attendre quand on vient voir ce spectacle ?

H-Burns : Responsabilité lourde mais que j’endosse avec grand plaisir chaque soir. On sent vraiment un rapport intime des gens dans le public avec certaines chansons, c’est un vrai moment intense et partagé que de jouer ces chansons sur scène.

– Tu disais à Toute la culture : «  j’étais arrivé à un stade de ma carrière où je voulais reprendre les chansons des autres ». Souhaiterais-tu créer de nouveaux albums hommages à d’autres musiciens qui t’ont inspiré ?

H-Burns :Pour l’instant, tous ceux à qui j’aimerais rendre hommage un jour sont encore vivants, pourvu que ça dure longtemps et que je ne me pose pas la question dans les prochaines années!


cat power big thief Simon and Garfunkel Trois albums cultes
 

Le support numérique a radicalement changé les habitudes de consommation de musique. Fini l’attente d’un album pensé dans son intégralité. Bonjour le zapping, les morceaux écoutés jusqu’au refrain, l’attention perdue en moins de trois minutes et bien sûr les conditions douteuses de rémunérations pour les artistes. Pourtant, fort heureusement, à la montée des, convenons-en, bien pratiques plateformes de streaming, s’oppose un retour en puissance de l’objet vinyle. Outre son esthétisme, son très beau son, il permet de (re)découvrir dans sa totalité un album et de s’y immerger face après face. L’été ayant déjà laissé place à l’automne de cette étrange année 2021 et son timide retour à un Monde où concert est synonyme de contraintes pour ses organisateurs, une sélection de vinyle s’impose. Pour aller avec les couleurs de saison, les feuilles qui tombent et les coeurs lourds qui s’imposent à la fin de la trêve estivale, nostalgie, mélancolie et beauté seront au rendez-vous des trois oeuvres parfaites à (re)découvrir track by track ci-dessous.

Simon & Garfunkel « Bridge over Troubled Water »

Simon & Garfunkel - Bridge Over Troubled Water

Paru en 1970, cette pépite est le tout dernier album studio du duo indémodable Simon &  Garfunkel. En 1971,il remporte à juste titre cinq Grammy Awards dont celui du meilleur album. Il figure également à la 51ème place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi par Rolling Stones. Si son pédigrée est si impressionnant c’est surtout parce que l’attention du duo a été portée sur la composition de chaque titre. A commencer par celui qui ouvre le bal et donne également son nom à l’album. C’est d’ailleurs Clive Davis, le patron de Columbia records qui choisit de placer ce morceau en ouverture de l’opus. Les temps ne changent pas tant que ça, puisque sa longueur (plus de 5 minutes de perfection) était déjà problématique à l’époque. Si l’on en croit le film « Presque Célèbre » de Cameron Crowe (qui avant sa carrière dans le cinéma était journaliste chez Rollin Stones), écouter Simon & Garfunkel en allumant une bougie permettrait de voir son avenir. Une très belle métaphore qui s’applique au ton folk rock de cet opus. Il faut dire que les titres emblématiques s’y enchaînent avec fluidité. A un premier morceau puissant succède « El Condor Pasa (If i could) », ses riffs aériens et sa structure aux nombreux accents envolés. Mélancolique oui mais pas toujours, la galette s’offre des temps joyeux et solaires (« Cecilia », le dansant  « Keep the Customar Satisfied », « Baby Driver », « Bye Bye Love »). L’apaisement est aussi de la partie alors que les sublimes voix des acolytes transportent leur auditeur au confins de la perfection quelque part entre un nuage planant des années 70 et une bienveillance iconique que l’on retrouve chez ces albums qui deviennent de facto vos meilleurs amis.

Big Thief  – « U.F.O.F »

Big Thief - UFOF

Trois notes à pas de velours et une voix envolée, voilà qui ouvre l’intime objet musical non identifié « U.F.O.F » chef d’oeuvre iconique du groupe américain Big Thief.  Cette prise de « Contact » plonge immédiatement l’auditeur dans un bain de bienveillance folk où tout n’est que beauté et volupté. La voix cristalline s’installe dans l’oreille, berce, virevolte. Il n’en faut pas plus pour tomber follement amoureux de la formation menée par la talentueuse Adrianne Lenker. Fondé à Brooklyn, le groupe sortait en 2016 son tout premier opus « Masterpiece ». Et si l’objet portait bien son titre, l’exigence y étant indubitablement au rendez-vous, ce troisième jet s’avère être en réalité le chef d’oeuvre ultime d’une formation qui y touche les étoiles.  Il faut attendre le deuxième titre pour découvrir le morceau « U.F.O.F » qui donne son nom à l’album. Ce single, le premier dévoilé en février 2019, allie la grâce d’une ritournelle poétique à un refrain si joliment travaillé qu’il promet de devenir un allié de force pour regarder la pluie tomber emballé dans un plaid. Chant des sirènes envoûtant qui appelle autant à l’aventure qu’à l’introspection, il précède l’immense et un brin plus entraînant « Cattails » qui fera également l’objet d’une sortie single en mai de la même année.  Sa folk aérienne y a la force des immense Moriarty, à moins que le timbre dream pop de sa chanteuse ne fasse mentir la comparaison. La légèreté et la douceur  font suite sur cette face A poétique où il est bon de se délecter de chaque note. Berceuse fabuleuse et compagnon d’aventure cosmique, il n’est pas étonnant de retrouver cet album parmi les nommés au titre de meilleur album de musique alternative au Grammy Awards 2020. La face B révèle aussi son lot de surprises à commencer par l’enivrant « Century », son refrain répétitif aux notes maîtrisées et sa beauté proche de celle de l’aurore. Il faudra tout écouter et tendre l’oreille sur « Terminal Paradise » avant de conclure sur « Magic dealer » qui embrume les yeux et les têtes comme un calumet fumé un soir de grisaille. Quand vous en aurez finit avec l’écoute, et sûrement répété sa lecture remettant inlassablement le bras sur le tout premier morceau de cette galette, il sera temps de se précipiter sur les sites de reventes de places.  Big Thief s’offre en effet une tournée française au mois de février 2021. 

Cat Power « Moon Pix »

cat power Moonshiner

Difficile de cataloguer l’iconoclaste Cat Power et ses compositions oscillant entre punk, folk et blues. Pourtant, si un mot devait effleurer la qualité de son univers, il faudrait mettre en avant son immense sensibilité. Et ce n’est pas « Moon Pix » paru en 1998 qui fera mentir l’adage. Ses sonorités profondes et mélancoliques y touchent à l’expérimentale et ce dès son exposition sur « American Flag ».  Repérée par Steve Shelley de Sonic Youth dans les années 90 alors qu’elle débarquait à New-York de son Atlanta natale, la musicienne a su s’imposer comme une figure culte, dont les qualités musicales ne peuvent être remises en doute.  De tous ces opus, « Moon Pix », le quatrième est l’un des plus encensés par la critique. Il faut dire que son prédécesseur, un brin plus grunge, lui avait déjà valu les félicitations du milieu estimant qu’elle y avait gagné en assurance. Cette fois-ci composé alors qu’elle vivait seule à la ferme et à la suite d’un état hypnagogique (état de sommeil conscient qui intervient au début de l’endormissement), il s’avère être un voyage hypnotisant, sensoriel et aussi léger qu’un murmure dans la nuit. Les titres s’y jouent avec douceur et s’y enchaînent avec aisance, quasi indissociables les uns des autres. Enregistré à Melbourne en 11 jours par la chanteuse, il est, si l’on en croit le magazine Rolling Stone, le meilleur enregistrée par la musicienne. Les notes aériennes de « Metal Heart » concluent la première face comme un secret partagé. Celui de l’écho d’une période musicale, d’une histoire aussi intime qu’universelle.  Il faudra pourtant attendre la face B pour  se plonger dans le titre « Cross Bones Style », premier single dévoilé de cette pépite qui touche à la perfection. Il pourrait être aisé en 2021, de penser un album comme une succession de singles et d’y imaginer passer aisément d’un registre à un autre. Ici, il n’en est point question tant le tout est construit comme une succession harmonieuse à l’atmosphère glaçante. « Moonshiner » se détache du lot, faisant la part belle à ses instruments sous forme de ritournelle planante et à la voix inimitable de Cat Power qui maîtrise autant ses envolées lyriques que ses chuchotements cassés. Difficile de ne pas se laisser porter, des papillons plein le ventre et des frissons parcourant  chaque millimètre de votre peau par cet objet entier que seul le format vinyle saura sublimer. Un must have pour habiller votre collection automne-hiver 2021 et prendre le temps de faire une pause au milieu de la vie qui reprend à toute allure.