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Julia Escudero

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Tous les ans, lorsque le mois de septembre pointe le bout de son nez, le moral descend. Malgré les folles promesses de l’automne, la reprise de la vie, les possibilités qu’apporte une nouvelle année, impossible de ne pas penser à la période estivale avec un point au coeur. Cette drôle d’année 2021 apporte pourtant, une fois n’est pas coutume, une rentrée bien particulière. Exit la nostalgie du soleil qui nous aura largement boudé cette année. A la place, il faudra compter sur un besoin furieux de revivre pleinement. Après des mois de fermeture pour de nombreuses salles de concerts, un timide retour de certaines d’entre elles au début de l’été, voilà que septembre est synonyme de réouverture pour la plupart d’entre elles. Une réouverture accueillie évidement avec une prudence extrême, transformant un moment de live en un fragile bijou de cristal  à tenir précieusement entre ses mains et à chérir.

Pam-Risourie_Popup-du-Label_2021
Photo : Louis Comar

La fin du mois d’août voyait rouvrir l’un des clubs chouchous de la capitale, le Pop Up du Label, son restaurant, sa salle underground à taille très humaine et sa terrasse. Si le lieu parisien avait pour habitude d’attirer les foules grâce à ses lives de qualité à bas prix et son atmosphère bouillonnante, le 1er septembre ne faisait pas exception à la règle. Bien au contraire, puisque la foule était venue s’entasser en masse dans et devant la fameuse salle. A l’extérieur, les tables prises d’assaut y étaient recouvertes de victuailles, bières, cocktails et autres tapas. Une baignoire  coupée en deux parties et ainsi devenue fauteuils venait parfaire un décors moderne face à une foule relativement jeune qui profitait de la soirée… assise ou non. Le temps avait enfin fait place à la clémence et c’est dans ce contexte bien particulier, d’une beauté festive enivrante, que pouvaient commencer à jouer les trois groupes  venus performer ce soir là face à un public bienveillant.

Du rock … sous toutes ses formes

Dans la petite salle obscure face au photomaton et au décors bétonnée, Sinaïve a la lourde tâche d’ouvrir le bal. Le quatuor strasbourgeois comme il se plait à le préciser en début de set, place un décors planant. Rock personnalisé s’il en est, le choix mélodique de la formation aime à jouer de ses instruments et ses riffs planant. Les intros travaillées se font longues et psychédéliques alors que des boucles de notes se répètent à l’infini. Le live du groupe se déguste comme un trip sous acide et pourrait avoir sa place en ouverture d’un festival. Un brin sombre, joliment contestataire, savamment aérienne, il se répète à l’infini avant que la voix grave et parfaitement posée de son chanteur à mèche noire ne vienne l’habiller. Originale, le groupe paritaire ajoute à ses instruments traditionnels des maracas. Le rythme est important pour nos compères qui prolongent leurs titres, les faisant passer par de nombreuses vagues et de nombreuses phases. L’ombre de The Smith plane sur le set et ce n’est pas le tee-shirt de la batteuse en hommage à Johnny Marr et son visage grave qui viendront contredire ce tableau. Le soin porté aux instruments est tel que l’ombre de Led Zepplin plane presque au dessus de la soirée. Bien plus garage que le groupe précédemment nommé, le combo ne lâche rien et redonne au rock son esprit libre et obscure.

Toutes les bonnes choses ont une fin, et il est temps de faire place à The Huile et son registre bien plus punk rock. Pour les mauvais élèves au fond de la salle qui n’auraient pas suivi, le ton décalé du quatuor ne laisse pas de doute quant à ses origines : l’évocation de la ville de Sens donne un indice supplémentaire. Vous ne l’avez toujours pas ? Pourtant la réponse est simple : le groupe compte parmi ses rangs un éminent membre des géniaux Johnny Mafia, la relève punk rock française. Avec l’énergie qu’on leur prête volontiers, nos musiciens se lancent dans un joyeux bordel organisé où les effluves de bière et de franches rigolades entre potes suintent derrière chaque note. Plus loquaces que leurs prédécesseurs, les copains n’hésitent pas à communiquer franchement avec leur audience. Ce qu’ils ont mangé et cette sauce « Il y avait un peu de soja je crois dedans, c’était délicieux » comme de leur manque de capacité à savoir quoi raconter « C’est d’ailleurs pour ça que je vous dis ça » sont tour à tour abordés. On rit volontiers au cours de ce four men show au bon goût de « Jackass ».  Pourtant l’heure n’est plus à l’humour quand les notes s’emballent. L’envie de pogoter pourrait bien se faire sentir alors que les refrains tranchant évoquent avec modernité un passé propre à la candeur des années 2000 autant qu’à la fougue des 70’s.  Le tout envoie franchement et fraîchement. Et alors que le temps passe une certitude se crée : sur scène, les musiciens auront toujours 20 ans et le public revivra cette insouciance encore et encore. Une cure de jouvance !

Pam Risourié conclut la soirée en une ritournelle

Il est 22 heures bien sonnées quand la tête d’affiche de la soirée, Pam Risourié fait son apparition scénique. Ceux qui travaillent actuellement à la sortie de leur premier album ont une longueur d’avance : la qualité indéniable de leurs morceaux. Voix aérienne, apaisante et maîtrisée se fait l’écho divin d’instruments rock aux tonalités rêvées. En version enregistrée, tout n’est que beauté chez Pam Risourié. Les airs sont lancinants, écrits et harmonieux. Sur scènes les titres s’enchaînent avec fluidité. Si la petite scène ne permet que des pas restreints, les hochements de têtes sont nombreux. Nos musiciens vivent pleinement leurs performance. Dehors, alors que la salle pleine à ras-bord n elle, n’en perd pas une note, le monde s’est arrêté. Seule persiste une performance millimétrée où chaque soupire a sa place et son importance. Les morceaux tapent fort dans les corps et dans les coeurs, entraînant un tourbillon aussi apaisant que positif. A pas de velours, le groupe crée son nid avec professionnalisme. Les looks travaillés de ses acolytes s’ajoutent à ce moment sensible et poétique comme une ritournelle. La musique masse les esprit sans oublier de chauffer une foule qui oscille en rythme.

La tristesse de ce Monde tient sûrement en ses finalités. On ne saurait retenir un moment indéfiniment même lorsqu’il est la promesse d’un automne heureux, d’un renouveau nécessaire. Il faut alors quitter la salle et respirer l’air parisien, certes moins chaud avec la nuit maintenant installée. Pour garder l’instant encore un peu contre soi, les éclats de rire se font entendre sous les arcades, il faudra se décaler doucement mais sûrement, jusqu’à quitter ce lieu à pas de velours et le sourire aux lèvres.


Miles Kane
Miles Kane – DR

L’automne est là ! Et qui dit retour de vacances dit également rentrée musicale chargée. On vous propose une sélection à mettre dans vos oreilles pour concocter la parfaite playlist musicale de la rentrée 2021. Au programme : du très bon et de l’excellence à écouter en regardant les feuilles tomber !

Baptiste W. Hamon & Barbagallo – le Split

Sept titres pour prolonger l’été, c’est bien ce que proposent Baptiste W. Hamon en duo avec Barbagallo. C’est en 2019 que l’idée de collaborer ensemble naît dans la tête des musicien. Le second prend alors les routes pour suivre Tame Impala en tournée australienne. C’est pourtant enfermés chez eux, en distanciel comme le veut la tradition de 2020 que le projet prend forme. L’envie de rêver d’un ailleurs ensoleillé les pousse peut-être, alors que le soleil lui tape fort sur les murs, seul témoins de rues désertées. « Ils fument » et « Nous nous reverrons » sont les bases de cette épopée chanson française aux belles couleurs country. Les instruments portés à quatre mains prennent alors des notes rondes entre douceur et riffs aériens. La voix romantique de Baptiste W. Hamon prend des assonances entre années 70 et 80 alors que la modernité s’invite dans ce trip rétro chic. « Maria » promet une promenade amoureuse près de l’eau alors que « Le bleu du ciel » conclut cette galette sur une voix féminine et une urgence à vivre entre positivité et bienveillance. Un moment délicat construit comme un souvenir estival, à conserver alors que l’automne pointe le bout de son nez.

H-Burns & the stranger quartet- Burns on the wire

La folk sensible de Léonard Cohen traverse les générations, s’invite dans tous les foyers et ne quitte jamais ceux qui y touchent. H-Burn ne pourra pas dire le contraire. Alors que l’immense musicien avait déjà à son actif l’une des plus belles reprises du monde de la musique grâce au culte « Hallelujah » de Jeff Buckley, le musicien tente de relever le pari et d’offrir un album hommage digne de ce monument. Un défi difficile mais pas impossible et finalement relevé haut la main. Il faut dire que pour H-Burn, Cohen est une histoire d’amour qui débute dès son enfance. Son père lui jouait « Suzanne » lors de soirées magiques au coin du feu. Plus tard, en vacances à Montréal, il s’offre un pèlerinage sur les traces de son idole sur le plateau du Mont-Royal. Pour réaliser « Burns on the Wire », le musicien fait appel aux premiers albums de Cohen mais aussi aux meilleurs musiciens du moment. Pomme, sa voix douce, et sa guitare s’offre une reprise à fleur de peau de « Suzanne », Lou Doillon et son timbre suave s’invitent à pas de velours sur « Goodbye » et « So Long, Marianne » alors que l’époustouflant Kevin Morby offre son lot de frissons sur l’édifiant « The partisan ». La relecture est là, poétique, respectueuse, construite, enivrante. H-Burns n’oublie pas de reprendre « Who by fire » l’un des plus beaux morceaux des années 70. Au court de ses douze titres, le chanteur fait de l’ombre à Buckley, convoque l’esprit de l’immense songwriter qui manque cruellement au monde musical actuel. Une ballade entre passé et présent, simplement grandiose.

Miles Kane- Don’t Let It Get You Down

La bonne nouvelle de cette rentrée 2021, c’est bien le retour de Miles Kane. Le membre de The Last Shadow Puppets et de The Jaded Heart Club sera en effet de nouveau dans les bacs le 21 janvier avec un nouvel opus baptisé « Change the Show ».  La chanteur profite de la fin de l’été pour teaser comme il se doit ce jet avec un premier extrait intitulé « Don’t Let is get you down », un titre pêchu aux sonorités soul, pop et diaboliquement efficaces. Il y prend des allures de crooner, joue d’une voix en retenue, de rythmiques soutenues, et d’une énergie communicative. Ce quatrième opus a pris forme à la suite d’une collaboration avec le groupe de pyscho-rock Sunglasses for Jaws. A cela s’ajoute une longue période de vide pour le Monde entier qui a permis au musicien de prendre le temps de composer l’album solaire qu’il souhaitait proposer. Un moment haut en couleurs, travaillé et soigné, et un Must Have à pré-commander tout en découvrant au compte goutte les extraits qui en seront proposés.

Sweet Gum Tree- Lifelines

L’automne sera folk ou ne sera pas ! Et ça tombe bien puisque quel courant musical pourrait mieux représenter les feuilles qui tombent, la nostalgie et la joie d’un nouveau départ que ce dernier ? -on évitera de parler de la météo qui elle n’a pas changé quelque soit la saison- Dans le registre, « Sweet Gum Tree » promet un très beau moment. Il faut dire qu’Arno Sojo, de son vrai nom profite d’une très belle discographie et a su s’entourer des plus grands. De Tindersticks à The Church en passant par Isobel Campbell (Belle and Sebastian), la liste de ses collaborations procure quelques frissons d’émerveillement. C’est donc sans grande surprise que « Lifelines », extrait de l’album « Silvatica » à paraitre en novembre soit une telle réussite. Une intro au riff entraînant et lumineux, une voix grave et envoûtante, un couplet qui s’invite naturellement en tête, un refrain savamment orchestré : tous les ingrédients sont réunis pour créer la parfaite recette folk. Douceur et bienveillance sont de la partie alors que les aigus acoustiques s’ajoutent à une rythmique présente et des montées en puissance qui parlent au coeur. Un titre qui pourrait bien être la bande originale d’une vie, à écouter en boucle pour mieux s’approprier l’album, une fois les dernières feuilles au sol, en espérant que le Monde puisse avoir la même promesse de liberté que ce que les notes ici jouées évoquent.

Eyedress – MULHOLLAnD DRIVE

Et de cinq albums au compteur pour le producteur et chanteur Idris Vicuña aka Eyedress. Le 27 août, le prodige de la pop électronique aux accents psychés est de retour avec un album au nom aussi évocateur que ses compositions : « Mullolhand Drive ». Si l’on pense à Lynch lorsque ce nom est prononcé, le musicien prodige partage son génie et sa capacité à créer hors des sentiers battus. Alors qu’il publiait l’été dernier l’ébouriffant « Let’s Skip to the Wedding », le musicien s’est rapidement entouré d’artistes pointus pour les inviter à collaborer sur son nouvel essai. Parmi eux, on retrouve l’iconique King Krule qui apporte sa pierre à cet édifice aérien, puissant et enivrant. Le ton est donné dès le premier titre qui donne d’ailleurs son nom à l’album. Une petite merveille de 2 minutes 16 parfaitement construite en ascension entre voix planante et riffs dream pop. Une fois écouté, impossible de ne pas tomber follement amoureux de l’univers d’Eyedress. La suite prend la route de montées vertigineuses et lumineuses (« Somethin about you »), d’accents rock obscure et aspirés comme inspirés (« Long night at the 711 »), d’introduction iconique et de montée en tension pour mieux frapper fort ( le sombre tourbillon « Spit on your Grave ») ou  de jazz romantique (« You Know Me »). Chaque titre propose son panel d’émotions et d’inspirations musicales, chaque morceau est unique et pourtant le tout prend une forme aussi cohérente qu’envoûtante. Un moment entre beauté et intensité dont vous ne devriez surtout pas vous passer. Vous me remercierez plus tard.


réalisatrices films horreurLa planète Cannes est dans tous ses états, le film de Julia Ducourneau, « Titane », a gagné la Palme d’Or. Un exploit, disent-ils, une femme qui remporte le précieux trophée, nous voilà si loin de Polanski et son César. Et puis, il faut se le dire, le second film de la réalisatrice est loin d’être un film banal puisqu’elle livre ici un film de genre jusqu’au-boutiste. Un cinéma boudé par l’élite française, très rarement soutenu. Difficile de ne pas penser aux nombreux cinéastes forcés de réaliser leurs métrages à l’étranger pour pouvoir proposer de l’horreur française. Pascal Laugier (à qui on écrivait une lettre d’amour ici)  ne pourra pas dire le contraire lui qui de plus avait écopé du  plus gros avertissement , avec un interdit aux moins de 18 ans, lors de la sortie en salle de Martyrs, ayant pour incidence une perte tragique de possibilité d’audimat, de salles de diffusion et donc de rentabilité. Julien Maury et Alexandre Bustillo avaient eux-même fait les frais de ce mauvais traitement du cinéma d’épouvante lors de la sortie en salle du -moyen mais là n’est pas la question- Au Yeux des Vivants.  Jugé dérangeant, le cinéma d’horreur est souvent passé à la trape. Quelques débordements en salles avaient d’ailleurs été l’excuse idéale pour limiter la diffusion de certaines pellicule. Cela avait d’ailleurs été le cas, avec le -très mauvais mais là n’est pas le sujet- film Annabelle de John R. Leonetti.  Quelques débordements dans une salle et le voilà déprogrammé de nombreux cinéma. Le film d’horreur aurait un public intenable, enfantin peut-être même, qu’il faudrait punir ?

Et ce public au reflet de ceux qui le créent ne seraient-ils que des hommes qui passeraient leurs pellicules à créer des personnages féminins sans grandes personnalités, tout juste bonnes à se faire découper en petites tenues ? Point du tout ! De Laurie Strode (Halloween)à Sidney Prescott (Scream) en passant par les plus actuelles Tree Gelbman (Happy Birthdead) ou l’évidente Ellen Ripley (Alien), les femmes fortes ont souvent le beau rôle dans les films de genre. Le registre s’offre d’ailleurs d’innombrable finesses lorsqu’il se fait analyse social et qu’il tend un miroir sombre de la société qui nous entoure comme Ari Aster a si bien su le faire avec son « Midsommar » . Et ces visages féminins ils ne sont pas seulement devant la caméra, ils se situent aussi derrière. Le genre n’est pas et ne doit pas être enfermé dans des clichés. Que les femmes puissent en faire est une évidence qu’il semble incongrue d’évoquer. Pourtant puisque la chose doit encore être prouvée, voici une sélection d’oeuvres qu’il faut avoir vues, signées par des femmes plurielles et talentueuses. A découvrir, non pas pour le genre de la personne qui les signe, mais pour toutes leurs immenses qualités cinématographiques.

Dark Touch de Marina de Van

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S’il fallait prouver qu’un film d’horreur peut avoir de nombreuses dimensions, Dark Touch mériterait d’être toujours cité en exemple. Le métrage très sombre de Marina de Van s’approprie toute la violence de l’inceste pour le retranscrire avec raffinement et sobriété. D’ailleurs, un sujet aussi lourd ne mérite-il pas une approche toute aussi difficile ? Plan par plan, la talentueuse réalisatrice plonge son spectateur dans le mutisme de Neve, sa jeune héroïne, aussi amochée et sensible qu’une certaine Carrie, des années plus tôt. Le traitement de la bobine, l’effet de froideur et de douleur laissée sur son spectateur sont autant de preuves de son aboutissement total. La française Marina de Van n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’elle signait déjà en 2002, le viscérale « Dans ma peau ». Si « Dark Touch » est à l’heure actuelle son dernier film en tant que réalisatrice, il mérite aujourd’hui encore d’être visionné. Sa sensibilité au service d’une horreur jamais gratuite manque cruellement au paysage audiovisuel actuel.

De quoi ça parle ?

En Irlande, dans une maison isolée à la campagne les objets et les meubles tuent les habitants en se jetant sur eux. Seule une enfant survit, alors que la police refuse de tenir compte de son témoignage.

Mister Babadook de Jennifer Kent

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Et si la maternité n’était pas un long fleuve tranquille ? La difficulté d’élever un enfant seule pour une femme est une vérité souvent tut. Après tout n’est-ce point tout bonnement son rôle ? Là encore, la thématique est d’une certaine violence pour qui la subit.  C’est cette peur canalisée, cette difficulté à s’entendre avec son enfant qui sert ici de sous-titre à l’oeuvre. Pour personnifier les appréhensions de son héroïne et son immense colère, Jennifer Kent crée un monstre issu d’un livre d’enfants : « Mister Babadook ». Outre le drame psychologique qui emplit brillamment ce métrage fascinant, la réalisatrice sait créer son horreur. Les jump scares fonctionnent parfaitement, les codes du genre sont présents sans être clichés, la tension monte de bout en bout à mesure que le message se dévoile. Une réussite.

De quoi ça parle ?

Amelia, veuve, élève seule son fils de six ans Samuel sujet à des terreurs nocturnes. Mais un jour arrive chez eux, sans aucune raison, un livre de contes appelé Mister Babadook. Samuel, son fils, est certain que le Babadook hante ses rêves et cauchemars tandis qu’Amelia se sent harcelée par une présence maléfique. Un soir, alors qu’elle lit à son fils ce fameux livre, le cauchemar prend vie et plusieurs événements étranges se produisent. Mister Babadook finit par se montrer, à effrayer Amelia et Samuel avant que celle-ci ne finisse finalement par lui faire peur et qu’il ne se réfugie dans le sous-sol où elle le nourrit.

Jennifer’s Body de Karyn Kusama

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Comédie horrifique par excellence, Jennifer’s Body est aujourd’hui une oeuvre culte dans le paysage horrifique. Certains y verront une critique cachée de l’image du corps féminin, d’autres auront peut-être une pensée émue pour « La Mutante » tandis que la plupart se laisseront porter par le flow barré de ce film qui se déguste comme un bonbon entre scènes gores et ton complètement décalé. Une nouvelle mise en scène du mythe du succube, le démon féminin qui abuse sexuellement des hommes pendant leur sommeil mais cette fois-ci pour mieux les manger…  Avec en tête d’affiche Megan Fox, Amanda Seyfried et Adam Brody, ce film grand public n’en reste pas moins un plaisir coupable à partager entre potes ou à (re)découvrir pour se booster le moral. A noter que, si les films mettant en scène des incubes ou des succubes vous intéressent, il existe un mockbuster de « Paranormal Activity » intitulé « Paranormal Entity » qui joue justement sur les mêmes codes que le célèbre film mais en changeant les caractéristiques de son démon.

De quoi ça parle ?

Lycéenne dans une petite ville américaine, Jennifer est une beauté fatale à qui aucun garçon ne résiste. Cette bombe cache pourtant un petit secret : elle est possédée par un effroyable démon. Mangeuse d’hommes à tous les sens du terme, elle se transforme peu à peu en créature pâle, maladive et meurtrière… Needy, sa discrète amie d’enfance, va désespérément tenter de protéger les jeunes hommes de la ville, à commencer par son petit ami Chip…

Saint Maud de Rose Glass

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Premier long-métrage pour la britannique Rose Glass qui gagne en un seul essai le Grand Prix du jury de Gerardmer. Il faut dire que son Saint Maud s’avère être un récit à fleur de peau pour parler du fanatisme religieux. Là encore la violence répond à la violence et canalise l’horreur comme l’exutoire de pratiques encrées dans la société. La réalisatrice prend le pari de créer une héroïne fragile et influençable dont les pratiques l’enferment dans un isolement malsain aux confins de la folie. Parfois contemplatif, l’oeuvre profite d’une montée en puissance sur son final et d’un traitement intime qui touche au drame. La psychologie de ses personnages, le jeu de ses actrices, la dureté de son propos sont autant de bonnes raisons de découvrir ce métrage hybride et puissant. Restera à prendre son mal en patience puisque, loin d’être exempt de défauts, ce premier essai pourra prendre trop son temps pour parler de sa thématique centrale : une conversion récente qui plonge son personnage principal dans une descente aux enfers. S’il peut s’avérer complexe pour le cinéma d’horreur de s’offrir de véritables sorties sur grand écran, Saint Maud a failli déroger à la règle. Il devait être dévoiler en salles obscures en avril 2020. Mais la pandémie, une fois de plus, a tout détruit sur son passage.

De quoi ça parle ?

Maud, infirmière à domicile, s’installe chez Amanda, une célèbre danseuse fragilisée par la maladie qui la maintient cloîtrée dans son immense maison. Amanda est d’abord intriguée par cette étrange jeune femme très croyante, qui la distrait. Maud, elle, est fascinée par sa patiente. Mais les apparences sont trompeuses. Maud, tourmentée par un terrible secret et par les messages qu’elle pense recevoir directement de Dieu, se persuade qu’elle doit accomplir une mission : sauver l’âme d’Amanda.

The Bad Batch d’Ana Lily Amirpour

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C’est en réalisant les très prisés A Girl Walks Home Alone at Night et sa suite que’Ana Lily Armipour rencontre le succès. Il faut dire que la réalisatrice puise dans son histoire familiale pour créer : ses parents ont fuit l’Iran lors de la révolution iranienne en 1979. Son premier métrage c’est à 12 ans qu’elle le réalise. Son oeuvre phare, se déroule d’ailleurs en Iran et parle de vampires et d’amour. Sans concession, la réalisatrice revient en 2016 avec The Bad Batch disponible sur Netflix. Un métrage barré qui suit une jeune héroïne aux membres amputés par des cannibales dans une société futuriste.  Loin d’être un film anodin, il s’offre un immense casting (Suki Waterhouse, Keanu Reves, Jason Momoa, Jim Carrey …) et une critique aussi acerbe que celle de Romero de la société contemporaine et de ses luttes des classes. Les « mauvaises graines » de cette oeuvre au visuel très fort y sont expulsés et forcés de survivre dans un environnement aussi hostile que déshumanisé. Un parallèle évident pourrait être fait avec les camps de sans papiers qu’ont connu les américains durant le mandat de Donald Trump. Avec une bande son pop, un look d’une modernité pointue, une ironie maitrisée, un romantisme aussi improbable que candide et de la violence omniprésente et calculée , ce Bad Batch est un OVNI inclassable et immanquable.

De quoi ça parle ?

Bannie au milieu d’un désert peuplé d’indésirables, une jeune femme tente de trouver sa place parmi les drogués et les cannibales.

A noter qu’en 2017, nous vous parlions déjà d’horreur au féminin avec XX dont la critique est à lire ici.


 

Hozier : Take me to Church

En 2014, impossible de passer à côté de l’immense single d’Hozier « Take me to church » qui créait en musique une critique acerbe de l’endoctrinement Catholique. Depuis, l’irlandais a prouvé, une nouvelle fois s’il le fallait, son génie incontestable grâce à un deuxième album parfait de bout en bout « Wasteland baby! » qu’il faut absolument écouter (vous me remercierez plus tard). Toujours est-il que si son premier titre a connu un tel succès c’est aussi en raison de son clip d’une puissance et d’une importance rare. Transposant le message de son morceau à la discrimination et la violence dont sont victimes les personnes LGBTQI+ en Russie, le chanteur a immédiatement suscité une forte réaction et s’est offert deux millions de vues en une seule nuit. Réalisé par Brendan Canty, la vidéo aussi choquante soit-elle, met en lumière une réalité d’une laideur absolue dont il est important de parler. C’est d’ailleurs parce qu’il est si juste qu’il est si terrible à regarder. Le temps n’aura pas encore fait son oeuvre puisque la situation reste affreusement contemporaine dans ce pays pas si lointain (et pas seulement ..). Une bonne raison donc, de continuer de faire circuler le message en espérant qu’à force d’ouvrir les yeux, il puisse un jour devenir un souvenir marqué au fer rouge.

Run the Jewels : Close your eyes (and count to F**k) Feat. Zack de La Rocha

En 2015, le duo Run the Jewels, composé de El-P et Killer Mike, s’offrait un featuring puissant avec l’immense Zack de la Rocha (Rage Against the Machine). Pas étonnant quand on écoute son titre d’une grande force et qu’on l’additionne à la présence du rockeur engagé de découvrir un clip choc au message fort. Mettant en scène les conflits raciaux aux Etats-Unis mais aussi le mouvement Black lives Matters, le clip traité par son réalisateur comme un film, plonge le spectateur dans une forme de boucle sociale éprouvante . Les portraits des deux personnages : le policier blanc et le jeune homme noir sont composés au minima : ils sont la représentation d’une société qui se perd dans une lutte qui ne fait pas sens. D’ailleurs alors que les deux protagonistes se battent, la raison de cette altercation n’est jamais montrée. Elle semble plutôt se perpétrer et se répéter de jour en jour. La journée débute alors que les deux hommes épuisés semblent reprendre un combat routinier, elle se termine avec la promesse d’une violence qui recommencera au petit matin. « Je ressentais une responsabilité à cet effet. Nous devions exploiter les paroles, l’agression et l’émotion de la pièce, et transposer le tout dans un film qui initierait une conversation productive sur la violence motivée par les conflits raciaux » expliquait d’ailleurs A.G Rojas, son réalisateur. Une vidéo inoubliable qui se fait l’écho juste d’une actualité terrible qui ne semble pas trouver de fin.

 

VIKKEN – Pour une amie

Artiste trans qui a choisi de mettre en avant son identité en montrant des images de sa transition dans son premier clip « C’est OK », Vikken parle avec finesse d’identité. « J’ai juste une question pour vous. Je vois qu’il y a écrit « Madame », vous venez pour une amie ? Parce que ce n’est manifestement pas vous. Je pense que vous n’êtes pas la personne que vous dites être. Êtes-vous Madame ou êtes-vous Monsieur ? » scande-t-il avec force au court d’un titre hallucinant de profondeur et de sophistication. Celui qui a été le coup de coeur du jury des Inouïs du Printemps de Bourges 2021, et c’est bien mérité,  invite de nombreuses figures connues à le rejoindre sur ce clip :  Jeanne Added, November Ultra, Daria Marx (fondatrice entre autres de Gras Politique), Anna Carraud, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull... Si en live l’expérience Vikken se vit comme une claque nécessaire, il dévoile ici en images un message fort à surtout mettre entre toutes les mains.

SOKO – Let Me Adore You

Impossible de ne pas tomber fou amoureux de la musique de Soko qui rencontrait le succès en 2007 avec le titre « I’ll kill her ». Dans le clip à fleur de  peau de « Let me adore you » sorti en juillet 2020, la chanteuse lo-fi indie pop se dévoile dans son quotidien. Loin de l’image de chanteuse performeuse, la musicienne a utilisé plusieurs années d’images tournées chez elle, dans sa maison à Los Angeles pour mettre en avant sa famille  homoparentale. On y découvre Soko dans son cocon et son rôle de mère de famille. Jasper Rischen a documenté la vie de cette famille épanouie et heureuse pendant de nombreuses années, non pas dans l’idée d’en faire un clip mais pour créer des souvenirs indélébiles. Soko raconte : « Nous avons décidé de mettre ces images sur le plus intime des morceaux. Les ‘Rainbow families’ ont besoin de plus de représentation, donc c’est un moyen de rappeler aux gens que ça existe une famille gay très heureuse. » Un moment de perfection et de douceur dans lequel il fait bon se plonger.

Namoro – Echos

Namoro, nous avions eu la chance de les découvrir au Co alors que les deux musiciennes faisaient un release party semi-confinée pour la sortie de leur très bel album « Cassia Popée ». C’est d’ailleurs le mythe de cette figure imaginaire non binaire, aux trois yeux et aux trois bouches, un souvenir que l’on s’invente pour mieux s’y reconnaitre, que raconte cet album construit et surprenant où trips chamaniques riment avec électro moderne. Avec leurs voix de sirènes, les musiciennes reviennent avec le morceau « Echos » et ses paroles très fortes. Pour habiller ce titre aussi puissant qu’enivrant, Namoro l’illustre avec un clip mettant en avant les marches lesbiennes  à travers des images de manifestations et rassemblements lgbtqi+ du XXeme et XXIeme siècle. Un titre et des images en miroir avec une histoire qui se joue encore aujourd’hui. Avec force et bienveillance, les musiciennes rassemblent et militent : « N’oublions jamais que nous sommes là depuis toujours et qu’on ne laissera personne nous empêcher de quoi que ce soit !  » ajoutent-elles. Aucun besoin d’attendre le mois de juin pour que le message fasse sens.

Skip The Use – The Story Of Gods And Men

L’unité tient à coeur à Skip The Use. Le groupe mené par l’inénarrable Mat Bastard n’a de cesse de véhiculer des messages positifs à travers ses compositions et ses clips. Des messages de luttes sociales nécessaires, avec la force et la détermination du rock, du vrai qui n’a pas froid aux yeux. « The story of gods ans men » n’échappe évidemment pas à cette règle. Sorti en 2014, il est peut-être même la synthèse des thématiques qui tiennent à coeur au groupe. Pour donner de la force à son message, le combo a choisi de reconstituer les tableaux les plus emblématiques de l’histoire, d’Eugène Delacroix à Michel-Ange. Il y met en avant ceux qui parlent de combats et d’engagements et se les réapproprie pour mieux parler d’unité. Les thématiques y sont nombreuses alors que l’espoir prend toujours la dominante de cet appel très clair à l’unité. Les différences peuvent être belle, la violence est une hérésie, rappelle le groupe à juste titre.  Une façon de faire réfléchir ses nombreux fans comme il se plait à l’évoquer, petit pas par petit pas, les choses peuvent toujours évoluer.

Ruby Rose : Break free

C’est en juillet 2014 que sort le très puissant clip de « Break Free » signé Ruby Rose. Mannequin, animatrice, DJ, actrice, elle a depuis beaucoup fait parler d’elle à travers le monde notamment grâce à son rôle dans la série « Orange is the new black » dans laquelle elle jouait en 2015 et 2016. Il est apparemment possible pour une personne d’avoir tous les talents puisque ce morceau s’avère être une prouesse instrumentale entre voix aérienne, mélodie soignée et  montées en puissances raffinées. Pourtant c’est surtout son clip qui saura retenir l’attention. Contextuellement, si 2014 parait proche, beaucoup de choses ont eu le temps d’évoluer et ce pour le mieux. En ces temps pas si reculés, il était encore rare de parler de trans identité, d’expression du genre et de sortie des statuts co. L’idée même pouvait être marginalisée. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ce « Break Free » dont la réalisation sensible est tout simplement sublime aurait du être diffusé en boucle absolument partout. Sa thématique puissante touche et ouvre les esprits. Indémodable et  toujours essentiel.

Miley Cyrus -Mother’s Daughter

Tout comme Taylor Swift, Miley Cyrus tient à parler de son engagement féministe. La chanteuse aux milles facettes qui a su, n’en déplaise à certain.es, créer un véritable renouveau d’une pop mainstream, le prouve à nouveau à travers le clip de son titre « Mother’s Daughter ».  Elle y traite du droit de chaque femme à disposer de son propre corps et en profite pour mettre en avant une partie de la diversité féminine. Un droit toujours bafoué à travers le monde et qui est toujours l’occasion de juger et de débattre. Comme toujours, la chanteuse n’hésite pas à utiliser des images fortes et ne fait aucune concession.  A ses côtés on retrouve les mannequins transgenres Aaron Philip et Casil McArthur mais aussi la danseuse Amazon Ashley et même la mère de Miley Cyrus. Un clip puissant qui habille un moment de pop bien sentie et moderne. A ne pas manquer.