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Julia Escudero

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Festival Chorus
Festival Chorus – Crédit photo : Louis Comar

L’an dernier, le fameux festival des Hauts-de-Seine, dont la nouvelle formule à la Seine Musicale avait été rodée en seulement quelques années avait bien eu lieu en juin. Au programme, une sélection hip hop et beaucoup de soleil pour accompagner l’un des premiers festivals à revoir le jour. Il va s’en dire que l’édition 2022 était des plus attendue d’autant que, le Monde n’aspirait plus qu’à danser. Seulement voilà que la météo avait bien décidé de faire des caprices. C’est ainsi que c’est sous une pluie battante qu’un public s’est déplacé en masse ce soir pour retrouver le chemin de la salle de Boulogne.

Une expérience festivalière léchée

Si ce temps dont il est si bon se plaindre a forcé quelques spectacles à se déplacer in door, la fête elle promet d’être folle. Loin de se contenter de miser sur une programmation dense, le festival a choisi cette année de jouer sur une session où tout est fait pour satisfaire un public varié. Exit donc les simples food trucks entre deux concerts, l’audience majoritairement jeune, mais pas que, est invitée à un grand show aux nombreuses paillettes. Par paillettes, il faut penser au mot littéralement puisqu’un stand de maquillage se tient dans les premiers mètres qui séparent le festivalier de l’entrée du lieu. La queue s’y fait vite dense alors que nombreux.ses sont celles.eux qui en ressortent étincelant.es. C’est déjà bon signe, rien de mauvais ne peut sortir d’un lieu pailleté.

Festival Chorus
Festival Chorus – Crédit photo : Louis Comar

Autre nouveauté : deux fripes ont posé leurs valises dans l’enceinte de la salle. L’une offre des panoplies tout droit sorties d’années 90 fantasmées rayures et chemises à motifs en tête de liste. On peut s’y faire plaisir pour la bonne cause puisque les bénéfices seront, c’est promis, reversés au SAMU social. Bonne nouvelle on peut lutter contre la surconsommation de la fast fashion, un vrai fléau s’il en est tout en donnant aux bonnes oeuvres. Mieux encore les excellentes Balades Sonores ont pris d’assaut un stand avec leurs poches pleines de vinyles ( et une sélection issue de la programmation en tête de liste) pour faire plaisir aux plus grands amateurs de musique. Et si vous n’avez pas trouvé votre bonheur en ces murs, passez les voir rue Trudaine dans leur caverne aux mille merveilles gouvernée par Pepito le chat, vous y trouverez tout ce dont vous rêvez.

Festival Chorus
Festival Chorus – Crédit photo : Louis Comar

Époque nostalgique veut (et à raison, dire que c’était mieux avant en un temps de pandémie et de guerre n’a plus rien de l’adage d’un vieux con en mal de son adolescence) les années 90/ 2000 ont aussi pris une place centrale dans l’immense salle aux nombreux couloirs. Des écrans de télévision rétros et une deux chevaux font ainsi office de scène pour DJ sets. Pour parfaire le tout une bande costumée, entre strass et chemises ouvertes arpente les lieux. Fitness humoristique, pompes mais surtout danse aux airs de fête populaire se tiennent en son centre.  Le public est là, unis avec la tête un peu éloignée des élections qui arriveront dans deux jours.

Le décors est posé et il rayonne. Tant mieux, dehors il fait toujours trop froid. C’est à 19 heures que la programmation se dévoile enfin. Mieux vaut porter des chaussures confortables, il s’agira de courir d’une salle à une autre.

A salles variées, programmation pluri.elles

C’est donc les énervés de Johnnie Carwash qui ouvrent le bal sur la scène Club Rififx en souterrain. Comme le soulignera plus tard Maëva Nicolas de Bandit Bandit, le groupe fait en plus partie d’une scène française rock qui met more women on stage dont sa chanteuse. Le public est encore peu nombreux, certes, mais il est aussi hyper réceptif. Normal, la force garage d’une formation jusqu’au boutiste qui s’ose à un univers touchant au punk tape juste et fort. Impossible de rester impassible face à une déferlante d’énergie qui réveille plus que la douche liée à la pluie extérieure (il sera bon se plaindre de ce temps médiocre au mois d’avril encore un peu) et a le bon sens de réchauffer. Johnnie Carwash a autant de peps que de style et ce retour du rock français mérite toujours d’être soutenu au moins parce qu’il rime avec espoir.
C’est d’ailleurs grâce à notre combo qu’on pourra croiser hors scène mais dans les couloirs, la moitié d’Ottis Coeur, la tornade Margaux, autre groupe rock féminin divinement qualitatif et qui signe également les illustrations du groupe.

La soirée ne fait que commencer et voilà déjà que c’est à l’auditorium qu’il faut courir pour apprécier un spectacle bien particulier à la scénographie à couper le souffle : celui de Lucie Antunes. En préambule, il est important d’évoquer que la musicienne fait partie du renouvellement d’une scène 100% instrumentale qui s’ose sans vergogne à s’aventurer dans des contrées d’explorations musicales loin des genres des et des sentiers battus. A tel point qu’il est essentiel de vivre ses performances pleinement et comme un tout où l’intelligence du spectateur est autant flattée que son sens esthétique. Machine rodée oui, sophistiquée surtout, la musicienne s’entoure de bras mécaniques pilotés par le collectif Scale, qui se colorent et se déploient avec la beauté d’un ballet classique à mesure que les notes défilent. Qu’il est bon de découvrir de véritables propositions scéniques. Côté instruments l’électro la dispute aux percussions, maîtresses d’un moment aussi hypnotisant qu’élégant et millimétré. Un spectacle dont il est difficile de se lasser et vaut son pesant de billet verts.

Urbain sur Seine

Sam Wise - Chorus - 2022
Sam Wise au Festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Dehors donc, il fait un froid qui attaque les os. La pluie a quand même décidé dans sa grande bonté de calmer le jeu et peut-être qui sait, de se dire que c’est bon personne n’est venu là pour souffrir, la semaine dernière il neigeait quand même. En ce 8 avril donc, c’est sur le parvis qu’il faut tremper ses chaussures dans les flaques d’eau. C’est un londonien qui nous y attend, heureusement, eux ont l’habitude des températures basses. Sam Wise y débarque avec une certaine simplicité, sweat sur les épaules et DJ en arrière scène. Il distille un hip hop bien senti et accrocheur sous l’oeil bienveillant d’une poignée d’étudiants qui en profitent pour faire des selfies. La machine est huilée, les basses tabassent, le flow est bon. Basique peut-être mais n’est ce pas le mot qui a remis Orelsan au coeur de toutes les conversations. Il discute d’ailleurs volontiers avec l’audience et l’invite à un petit jeu « Quand je dis Sam, vous dites Wise » … « Sam ?!!! » « Wise » répond elle. Heureusement son nom a assez de gueule pour valoir d’être scandé par une foule, pas sûr que Michel Dupont aurait autant la classe.

L’air du hip hop est bien présente, c’est chose connue. C’est pour ça d’ailleurs que le festival avait l’année précédente fait la part belle à un rap français qui fait vibrer dans les cours de récré. Mais le rock lui, reprend une ascension fulgurante jouant d’un retour aux fondamentaux : les caves, les sons crasseux, les voix caverneuses. D’ailleurs sous sa mèche de cheveux volante, le chanteur de Dawaere cache une voix bien rauque et surtout bien rock. La scène post-punk est dans la place de soir, le timbre à la Idles en plus (certains diraient à la Nick Cave mais auraient-ils raison ?), la touche énervée en bonus suprême. Les guitares saturent et la petite scène du Club Riffix commence à bien se remplir. L’envie de pogoter est là, l’énergie tape partout comme des ondes qui tabassent. Tous les coups ne sont pas fait pour faire mal et cette claque derrière la tête fait office d’oasis dans une programmation plus grand public. A moins qu’elle ne soit pas celle que l’on croit.

Casser les codes

Un petit tour par la grande scène où l’on croise Pi’erre Bourne et son hip hop à la mode US pourrait bien faire mentir cette dernière phrase. Un écran géant en arrière scène lui permet d’ailleurs de s’afficher sous forme de dessin animé, dollars dans les mains à travers ses aventures. Le bonhomme s’offre un bain de foule dès le premier titre, la fosse est bouillante (contrairement à dehors où vous a-t-on dit qu’il faisait froid ?), le hip hop a la saveur d’un tour en low rider. Chill, classique, sautillant, un brin peut-être hors loi et la sauce balancée n’est pas pour déplaire.

Pourtant il est temps de revenir un paragraphe plus haut, sur ce cliffangher complètement fou, quelle scène n’est pas celle que l’on croit ? On dit que des jeunes qu’ils ne connaissent plus la vraie musique. C’est faux, l’habit de fait pas le moine (cachez vos grands-parents, les meilleurs proverbes sont de sortie, ça va swinguer). Et c’est Sofiane Pamart qui vient révolutionner le jeu. Il est fascinant de voir le succès tant mérité que s’offre cet artiste hors normes. Vêtu comme un DJ dans le coup ou un rappeur zélé, c’est en réalité un prodige du classique qui se cache derrière des vestes argentées et des casquettes. D’aucun dirait qu’en trois accords à la Chopin, dont il a, c’est indéniable le magnifique touché, l’audience s’enfuirait. Après tout qui écoute encore du classique ? Tout le monde à priori, c’est d’ailleurs pour lui que le festival est aujourd’hui si rempli. La file d’attente est sans fin, et nombreux seront celles.eux, déçu.es qui ne pourront assister à la performance de la soirée donnée dans l’Auditorium. Difficile d’en dire plus, puisque les rédacteurs de ces lignes auront eux aussi dû rester à la porte. Il sera pourtant rapporté de source sûre que de nombreux rappels auront lieu ce soir et pour l’avoir déjà vu performer, il sera aisé de largement conseiller de prendre des places au plus vite pour son prochain concert près de chez vous. Son album est également disponible sur le stand des Balades Sonores. Cette claque là est peut-être la plus forte, en un temps où l’accès à la musique est illimité, le classique peut encore avoir la cote si tant est qu’il perde son recul prétentieux faussement élitiste.

Une autre difficulté de circulation empêchera de bien profiter du show de French 79 en extérieur, là où il ne fait pas bon, les blagues les plus longues sont les meilleures. Les stands sont pris d’assaut, tous les visages sont pailletés et il faut attendre longtemps pour se délecter d’une bière ou d’un cornet de frites. Rien de bien grave, quelques pas de danse au centre de la salles, quelques morceaux issus des scènes 90’s/ 2000 et voilà que la bonne humeur perdure.

Barre de Paul Dance

Il est 23 heures 45 et la billetterie débite encore quelques tickets, normal, Paul Kalkbrenner débarque sur la Grande Scène. Cette dernière est pleine à craquer et quand le DJ entre dans l’arène tous les portables sont braqués sur lui. Ce sont autant de petites étoiles dans la nuit agitée. Les smartphones en poches et voilà que l’assistance se met à danser frénétiquement. Pas besoin d’artifices pour ce grand monsieur qui devant un écran aux jeux simples balance du très gros son. Les corps ondulent, les notes aussi, la fête est folle et si belle quand un public vibre en choeur.

Reste à saluer la dernière woman on stage de la soirée dans son immense duo Bandit Bandit. Le couple de Bonnie & Clyde à la française déborde d’une énergie communicative. Certains de leurs titres, références voulus à une scène française passée et plutôt 60’s leur valent la réputation de groupe OVNI qui peut séduire tout en se regardant amoureusement dans le blanc de l’oeil. Le couple ce soir a pourtant décidé de sortir les grosses guitares qui balancent. Maëva, la chanteuse est possédée, elle se rend dans le public, danse les cheveux dans les yeux, le tambourin à la main. Sa tendre moitié,  Hugo Helerman, de noir vêtue, donne à sa guitare des notes sensuelles. Sur « Maux » les deux s’offrent une danse endiablée en duo, bouche contre bouche, où confrontation et passion se marient si bien. Ces quelques instants ont une cinématographie à la pureté indéniable, un grain de folie communicatif et tapent fort dans l’amour fusion. La musicienne prend le temps de présenter un morceau personnel, s’attardant sur sa condition de femme malédiction ou bénédiction, qu’il aura fallu appréhender mais son rock lui, fait mouche bien au delà de toute considération genrée. S’il faut encore le dire alors oui, les femmes aussi savent faire un rock incisif et sans concession, que l’affaire soit ainsi prouvée.

Bandit Bandit - Chorus - 2022
Bandit Bandit au Festival Chorus 2022 – Crédit photo : Louis Comar

La soirée terminée, il faudra tout de même rentrer, la pluie s’est arrêtée, le froid lui ne compte pas encore s’en aller. Tant pis, s’il est bon se plaindre en musique, la chaleur humaine, elle, est l’épicentre de tous les festivals.


Les restrictions levées et voilà que la reprise musicale a déjà de quoi donner des nuits blanches. Les concerts s’enchaînent et ne se ressemblent pas, les sorties d’albums et de singles aussi. De beaux noms français et internationaux se dévoilent , se révèlent et promettent des beaux jours emplis de belles notes. Difficile de se garder le cap ? Pas de soucis, Popnshot vous propose un petit tour de ses coups de coeur féminins. De la folk au rock en passant par la chanson française, vous nous remercierez plus tard.

Wet Leg

Amies depuis le collège, les deux anglaises originaires de l’Île de Wigt, Rhian Teasdale et Hester Chambers, forment WET LEG, un duo féminin aujourd’hui excessivement remarquée dans la sphère rock. Leur particularité ? Ne pas avoir encore sorti d’album (le premier arrive le 8 avril) mais susciter déjà un réel engouement. La raison n’est pas difficile à trouver à l’écoute de leur premier single « Chaise Longue » sorti l’été dernier. Celui-ci n’a l’air de rien au départ, mais finit par vous asséner une puissante et aimable chiquette. Au travers d’un minimalisme et d’une efficacité fulgurante, on y trouve tout ce que l’on cherche pour procrastiner encore et toujours : une voix nonchalante, un refrain terriblement entêtant et un soin apporté aux instruments faisant de l’ensemble une déflagration jouissive. Le duo sera de passage à Paris au Point Ephémère le 14 mai 2022.

SPRINTS

Groupe originaire de Dublin mené par l’incroyable Karla Chubb, Sprints a sorti en ce début d’année l’EP le plus excitant et mieux foutu de l’histoire des petits albums : A Modern Job EP. Sur cinq titres animés d’une même rage subjuguante, le groupe irlandais fait preuve d’un savoir-faire digne de plusieurs années d’expériences. Ils viennent pourtant d’arriver, et on ne pourrait pas rêver mieux, puisque leur new punk si singulier et maitrisé est déjà de taille à embraser des voitures en plus de nos cœurs. Vite l’album ! Par pitié !

Lonny

Étoile filante entre pop et folk, en français dans le texte, Lonny a déjà su se faire remarquer par les plus grands. Il lui a suffi de trois singles d’ailleurs pour convaincre et toucher droit au cœur. Il faut dire que la musicienne, inspirée par une rupture sait mettre des mots sur ses maux. En découle une sophistication indéniable mais aussi un sens de la mélodie à fleur de peau. Difficile de ne pas penser à une certaine Pomme dans son approche guitare voix sensible et sa faculté à créer et se raconter. Avec sa voix de velours et une douceur rare, la chanteuse distille un conte aérien sous forme de cocon où il fait bon se laisser cajoler. Et c’est peut-être ce qu’elle fait le mieux tout en se dévoilant sur son premier album « Ex-Voto » sorti le 21 janvier. Déjà remarquée, elle fait partie de la sélection des Chantiers des Francofolies 2022, elle s’offrira également une Cigale de Paris le 27 septembre prochain. Il y a de la grâce chez Lonny, ses textes dévoilés sur la pointe des pieds. Échos sublimes se dressent comme des vagues au cour d’un album refuge, qui se laisse aussi bien écouter enroulé dans un plaid que la tête perdue dans les nuages un soir de printemps.

LaFrange

Folk française, encore mais c’est un registre bien différent avec LaFrange! Voix aérienne la dispute à la guitare sèche alors que folk et chanson cohabitent. Chez la chanteuse, tout est question de douceur et d’émotions à fleur de peau. Sincère dans sa démarche elle se reconnait fan de Belle and Sebastian ou encore de Big Thief. L’évidence donc de retrouver parmi ses cordes leur âme sensible et leur capacité à faire frissonner avec autant de grandeur que de simplicité. Envolées maîtrisées, accords précis à la douceur d’une comptine, elle enveloppe dans son aura et s’apprécie auprès d’un feu de cheminée qui crépite. Pour plonger dans son univers triste à la lumière pourtant évidente, la musicienne publiait le 11 mars son troisième EP « Sad Love Songs ». Candeur et grâce y arpentent 7 titres à la sincérité troublante, lettres secrètes et recueil haut en poésie. De quoi apprécier la pluie, invitée non désirée de ce début de printemps.

Hurray for the riff raff

Février marquait le grand retour retour d’HURRAY FOR THE RIFF RAFF le projet d’Alynda Segarra. Intitulé « Life on Earth », ce nouveau jet de 11 morceaux s’essaie au grand huit émotionnel. Auto-proclamé nature punk, la galette s’offre des nuances variées qui séduisent et déstabilisent. Impossible de ranger l’essai dans les petites cases archi segmentées dans lesquelles on colle habituellement les artistes. Avec sa voix un brin cassée, parfaitement maîtrisée, elle dévoile des morceaux pour survivre s’osant à parler du désastre en cours. Côté compositions, « Pierced arrows »offre un vrai tournant rock au refrain bien senti, « Pointed at the sun » joue sur une guitare plus aiguë, des digressions un brin pop et un ton enjoué, le morceau éponyme, lui, surprend par sa douceur instinctive, si proche de la ritournelle qu’on penserait à un conte de noël, ou bien peut-être une parenthèse à la « Sound of Silence ». OVNI inclassable, aussi varié que la vie sur Terre, il permet de sentir le Monde vibrer titre après titre.  Si l’on en croit la citation, le Monde est un bel endroit, il vaut la peine qu’on se batte pour lui, HURRAY FOR THE RIFF RAFF donne raison à la seconde partie.

Clea Vincent

Et si on profitait du printemps pour s’offrir un grand bain de soleil ? C’est bien ce que propose Cléa Vincent avec son nouvel EP « Tropi-Cléa 3 ». A travers ses 6 titres, la musicienne offre une cure de vitamine D entre chaleur et influences sud-américaines. On pense forcément à une certaine scène des années 90, son esprit libertaire et serein dont on a bien besoin en 2022. Les titres s’enchainent avec l’esprit des tubes de l’été d’un temps où le hashtag se nommait dièse et où il était bon boire des cocktails aux couleurs multiples. Avec sa voix cristalline, la chanteuse ajoute à ses compositions rétro-modernes une belle note qualitative comme a su le faire également les excellents musiciens de Pépite. Chanson français sous les tropiques, où les langues se mélangent alors que les températures montent. La fête nous avait manquée, elle n’en sera que plus belle habillée de paillettes et de pastels.

Texte : Léonard Pottier et Julia Escudero

 


hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert
hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert

Mardi 8 mars, les prémices d’un printemps très attendu pointaient le bout de leur joli nez dans la capitale française. Le lundi avait été marqué par un froid violent, bien trop hivernal qui laissait supposer que la chaleur  reviendrait un jour. Et puis, doucement mais sûrement quelques degrés supplémentaires ont commencé à laisser percevoir le retour des bourgeons. Bien assez du moins pour donner une note joyeuse à une soirée qui obligerait à dire au revoir au Bus Palladium. La salle mythique du quartier de Pigalle allait devoir baisser son rideau aux couleurs rock de façon – probablement- définitive à la mi-mars. Le coup de massue était tombé dans un post Facebook sans crier gare. L’annonce avait été si confidentielle qu’elle aurait pu passer pour anecdotique. Remplacer pourtant ce lieu ampli d’une histoire si riche par un hôtel n’avait rien d’anodin. Et d’ailleurs devant la salle staff et public s’en désolent, en gardant le sourire. « C’est une grande perte » peut-on entendre sous l’enseigne rouge emblématique. Il est donc temps de faire un dernier tour de bus et avec Hoax Paradise, la route promet d’être belle.

Beauté féroce

hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert
hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert

Le public est venu en nombre ce soir là. Et il est plus que réactif. Côté fosse,  le chanteur de Burning Jacks passe parmi la foule avec son immense « A + le Bus » écrit en rouge sur le torse. Le rock ne mourra jamais, il permettra toujours de s’amuser et ce même si on ferme ses institutions. En avant dernière partie de soirée, la folle troupe de Laura Naval s’avance sur scène. Les guitares vibrent à fond, le show promet d’être sauvage. Vêtue d’un top à paillettes et d’une veste longue, la belle hypnotise. Féline et touchante à la fois, elle lance le bal. Difficile de ne pas être pris d’un besoin incompressible de se jeter en avant scène alors qu’une marée d’énergie s’empare de l’assemblée. Un premier titre diablement rock se dévoile par couches. La voix grave de Laura inonde les lieux, l’efficacité du groupe est aussi communicative que sa sincérité. La veste tombe alors qu’un second titre se dévoile. Précis, Hoax Paradise aime à maîtriser au millimètre ses instruments. La basse de J.C ronronne joyeusement, les guitares frappent fort, la batterie suit le mouvement. Il faut deux titres pour que Laura prenne la parole face à une foule déjà chauffée à  bloc, elle remercie l’assistance d’être là, encore et encore. Cette dernière lui répond volontiers et la communion est là, palpable.

En anglais dans le texte, la troupe distille ses notes. Avec la grandeur de ceux qui savent parler au plus grand nombre, le groupe propose un set groovie aux mille facettes. Les paillettes sont de la partie, sur les vêtements et dans les yeux. La tornade Hoax Paradise semble impossible à arrêter. Le temps passe à toute allure alors que la fièvre gagne. Sa chanteuse s’ose à une danse frénétique en diable avec le corps et le cœur alors que les morceaux s’enchaînent. Quelques remerciements plus tard et la voilà dans la fosse, séduisant joyeusement ceux qui croisent son regard. Elle devient alors égérie qui rappelle que le rock est une grand messe qui ne laisse personne derrière. Captivante, elle balance ses mots sans une fausse note malgré les bons qui pourraient l’essouffler. Son souffle ne peut d’ailleurs se faire court que lorsqu’elle prend une gorgée d’eau ou qu’elle s’arrête pour à nouveau remercier le Bus et rappeler leur joie à être présents sur ces jolies planches qui manqueront au tout Paris. « Bordel que c’est bon d’être là! » balance Laura, on ne peut qu’approuver. En ce qui semble être une poignée de minutes, il faut déjà se dire au revoir et laisser le groupe quitter la scène. Certains demandent un rappel qui ne pourra malheureusement pas être joué. Des salutations clôtureront ce moment d’osmose. Une dernière cigarette est vite consumée dans ce fumoir toujours trop enfumé et dont les effluves manqueront elles aussi. Un dernier coup d’œil aux pochettes accrochés sur les poteaux, aux canapés qui ont trop vécus et à la torpeur encore présente parmi les membres du groupe qui vient de jouer. La conclusion parfaite d’un souvenir qui ne sera pas oublié.

hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert
hoax paradise au bus palladium ©Kévin Gombert

Sylvie Kreusch Boule noire de paris
Sylvie Kreusch

Sylvie Kreusch, peut-être la connaissez vous déjà. Vous auriez pu la lire dans le New-York Times ou le Washington Post. Pour ce qui est de notre équipe c’est à travers les mots de Marteen Devoldere (Balthazar) qu’elle nous est apparue la première fois. De passage à Bourges, le prodige était venu défendre sur scène son side project Warhaus, justement en duo avec la talentueuse jeune femme. Au cours de l’interview que nous avions ensemble,  il n’y allait pas par quatre chemins : pour lui Sylvie était une muse. Il suffisait déjà de voir sa performance, sa voix reconnaissable entre toutes , sa sensualité, l’originalité et la dose d’affirmation qu’elle apportait à ce magnifique projet pour être conquis. Alors forcément quand la dame sortait en novembre 2021 l’album « Montbray » l’envie de tendre l’oreille s’est présentée instinctivement.

Grand bien en fut pris puisque la musicienne a eu le bon goût de créer un album O.V.N.I hors des contraintes du temps et des genres et offrant pourtant une grande dose de modernité bien sentie. Finalement le 23 février, la belle s’offrait un concert enivrant à la Boule Noire de Paris. Il fallait y être.

 

La danse du serpent à sonnettes

A quoi ressemble une muse sur scène demanderez-vous ? Eh bien elle hypnotise. Dès  lors qu’elle entre en scène dans sa tenue oversize beige qui allie classe et singularité, les discussions s’arrêtent, les  yeux se braquent sur elle. Avec Sylvie Kreusch, la place n’est pas au chichi, au jeu de scène surfait et sur-exploitée. Avec la determination d’une héroïne d’un film de Tarantino, la chanteuse prend possession de l’espace scénique. Les longs échanges avec le public sont proscrits. Non pas qu’elle ne s’offrira pas quelques remerciements ou qu’elle ne prendra pas le temps de raconter sa joie à être sur scène ce soir là, néanmoins l’approche de son live passe par deux canaux  bien précis : les rythmiques et le corps. Pour le premier la musicienne est venue accompagnée de deux batteries qui donnent des sonorités quasi world à son univers où sensualité est maîtresse. Pour le second comme habitée, elle n’a de cesse de danser de façon cinématographique.

Avec une esthétique digne du film noir, notre musicienne virtuose ondule. Ses mouvements invitent au jeu de séduction là où ses notes, elles, se font aussi pop que langoureuse. On pense à Lana Del Rey, évidemment, elle en a au moins l’étoffe royale. Les instruments eux ont tout de l’incantation tribale, ils transportent. Dignes d’hymnes hypnotiques, ils appellent à l’attention, à l’envie de suivre chaque geste aussi précis que naturel. Ce n’est d’ailleurs pas l’incroyable  morceau Shangri-La qui fera mentir cette perception.

La Boule Noire de Paris a deux forces : elle possède ce côté intimiste, presque crasseux propres aux petites salles cultes de la capitale. Mais surtout, elle surprend toujours par ses dessins coquins sur ses murs en moquettes. Topo, elle évoque à la fois la bière bon marchée qui colle à la peau du rock et au sol et la débauche maîtrisée d’un club d’hôtesse confidentielle. C’est peut-être elle d’ailleurs qui donne à la performance de l’incroyable Sylvie Kreusch cet aspect encore plus viscérale et cinématographique. Comme dressée sur un podium, elle appelle la foule à suivre chaque note. L’assistance en redemande alors que quelqu’un lui crie qu’elle « est la meilleure » avec coeur.

Il faudra pour autant laisser partir la charmeuse de serpents, inépuisable maîtresse de cérémonie que rien ne semble pouvoir arrêter. C’est avec la même élégance et sensualité qu’elle quitte la scène laissant derrière elle le sentiment magique d’avoir vécu et partagé un véritable moment emprunt d’art. La muse nous aura tous inspirés.