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Julia Escudero

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Il y a des rendez-vous qui ne se manquent pas. Surtout lorsqu’ils se sont fait attendre. Après deux ans de ratés pour cause connue et un hôtel de ville de Paris qui se regardait comme ce lieu chéri de rencontres qui datent trop, le Fnac Live reprend enfin ses quartiers. Fête incontournable de l’été parisien, ces concerts gratuits sonnent chaque année comme un touchant dernier moment avant de se quitter pour l’été. Le festival a alors l’effluve sucré d’un dernier baiser, un flirt de trois jours en somme, quelles sont belles les amourettes de vacances. Chaque année promet son lot de nouveautés et de découvertes et fait la part belle à une scène française pétillante. Les règles ont été changées pour cette édition. Une seule entrée permet à des festivaliers, moins nombreux, moins tassés peut-être d’assister à cette grande communion. Côté pros, la cour de l’hôtel de ville s’est parée de ses plus beaux atours. Les statues dominent le lieu, clin d’œil artistique à l’histoire qui habite à nouveau les lieux du mercredi 29 juin au vendredi 1er juillet.

Que la fête soit belle

Paris est une fête, nous dit-on. Est-ce toujours vrai ? Non, mais quand le dicton sonne juste, il ébloui. Derrière, le cadre est somptueux, la mairie donc, sa place impressionnante, mais aussi derrière la scène, Notre-Dame de Paris qui contemple les festivités. Pas besoin pourtant de faire partie d’une élite pour profiter du spectacle. Jeunesse et familles s’y côtoient. Les plus jeunes sur les épaules de leurs parents. Lonny et PR2b ouvrent l’instant. La première propose de se plonger doucement dans le bain grâce à une pop folk enivrante, la seconde, radicalement plus énervée permet de s’échauffer pour mieux danser.

Jaques au Fnac live 2022
Jaques au Fnac live 2022 ©Kévin Gombert

C’est ensuite au tour de l’O.V.N.I Jacques de débarquer sur scène. Le chanteur aux cheveux longs mais au crâne rasé ne manque jamais de surprendre et de se positionner là où on l’attend le moins… comme dos au public pour son début de scène. Des écrans géants lui permettent de diffuser de courtes images et d’accentuer les bruits : un insecte qui rampe, un chien, une allumette qui brûle. Du déséquilibre créé par ces bruits, un poil irritants, née l’harmonie. Voilà donc notre hôte barré qui balance de l’électro inspiré par les micros espaces du quotidien. Surprenant vous dites ? Certainement mais c’est aussi en ça que Jacques séduit. Il finit néanmoins par reprendre le micro pour revenir à sa chanson française à la sauce nouvelle vague. Un mélange hybride entre ringardise assumée et modernité, un ton décalé au profit d’une voix précise. Le chanteur est avant tout un personnage : il ne laisse pas indifférent, on l’aime ou on le déteste mais surtout on ne l’oublie pas. Côté public c’est surtout de l’amour qui lui est donné en plus de pas mal de pas de danses. Les sets sont plutôt courts sur le Fnac Live, la place doit être donnée à chaque artiste.

Côté salons de l’Hôtel de Ville, au milieu des peintures au plafond et de ce cadre intemporel, une artiste tout aussi intemporelle vient jouer ses classiques : Jane Birkin. Elle fait la part belle à son répertoire, dans une ambiance tamisée et à fleur de peau. L’icône n’en oublie pas pour autant de mentionner Gainsbourg et de pousser quelques notes d' »Histoire de Melody Nelson ». Frêle et à fleur de peau, elle signe une performance immanquable.

Disco dansant

l'Imperatrice Fnac Live 2022
l’Imperatrice Fnac Live 2022 © Kevin Gombert

Dans le brouhaha de la ville, au milieu d’une foule conquise, les très attendus l’Impératrice débarquent sur scène. Le groupe signe une performance un peu à part, en effet, David le bassiste souffrant du Covid, n’a pas pu venir ce soir et a dû être remplacé en dernière minute par Romain Berguin. Une absence que la troupe comble. Vêtue de ses nouvelles tenues de scène : un cœur lumineux sur la poitrine, ceux qui ont enchantés le Coachella – les bruits de couloirs sont unanimes sur le sujet – font vibrer la foule. Leurs chansons françaises  au groove assumé fait toujours mouche tout autant que le sourire de Flore et ses pas de danse précis. Le set s’annonce néanmoins plus électro que sur sa version album, les sonorités changent légèrement, elles se réinventent pour toucher un plus large public. Sur « Peur des filles »- et le morceau n’est-il pas au combien d’actualité ?- la chaleur a pris d’assaut la place. Le cadre de rêve semble emplir de joie les festivaliers et le groupe dont le sourire est communicatif.

l'Imperatrice Fnac Live 2022
l’Imperatrice Fnac Live 2022 © Kevin Gombert

Il fait un peu moins chaud maintenant et la nuit est bien tombée. C’est pourtant le même sourire rayonnant qu’arbore Clara Luciani quand elle monte sur scène. Très vite, la musicienne ajoute une note de printemps au moment en interprétant « Les fleurs » auxquelles on pense avec elle. Dans une tenue rouge, un patte d’eph brillant  sur les hanches, elle masque sa timidité derrière quelques pas de danse auxquels elle invitera le public à se joindre. La main en l’air, agitée de façon dédaigneuse, comme pour repousser les mauvaises ondes est repris par une foule qui suit chaque indication de la musicienne. Côté public, le chanteur Hervé profite de l’évènement et prend un bain de foule. Sur « La Grenade » tout le monde chante. Un moment d’autant plus magique que lors d’un évènement comme celui-ci, le public n’est pas uniquement celui de la chanteuse. Le set se finit en apothéose sur le titre « Qui donne le nom à ma tournée », « Respire encore ». Le moment de communion est fort, l’instant est emprunt de chaleur. Il faut déjà se dire un premier au revoir.  Rien de trop déchirant pourtant, deux jours de célébrations sont encore programmés.

Clara Luciani fnac 2022
Clara Luciani fnac 2022 ©Kevin Gombert

Une deuxième journée entre Hip Hop, électro et public trop survolté

Doit-on encore et toujours rappeler que le Hip Hop a le vent en poupe chez la jeunesse ? Du coup évidemment lorsque l’on invite ses dignes représentants, nombreux sont ceux à répondre présents. Parmi les premiers temps forts de la journée, Jazzy Bazz est des plus attendus. Il fait un peu moins chaud aujourd’hui et pourtant ce qui est vrai dans les airs, n’est pas vrai sur scène. Et côté public non plus où la tension monte, la fête est déchaînée ce soir.C’est d’autant plus vrai sur Alpha Wann qui doit régulièrement demandé à son public de calmer le jeu et d’éviter tout débordement. Difficile de faire entendre raison à une foule qui vibre et revis pleinement. Alors à force, les premiers rangs compromettent la sécurité des barrières. Pas de blessés, certes, et puis ces dernières se contentent de bouger légèrement . Mais l’évènement a à cœur la sécurité de ses festivaliers et surtout de faire de l’évènement un beau souvenir. On ne plaisante pas avec ça. C’est donc Alpha Wann qui annonce que « Je vous avais dit d’arrêter, on est obligé d’arrêter le concert. » Le public est dépité mais en festival il est nécessaire de rappeler que la sécurité est primordiale et qu’il faut toujours être prudents. Les concerts sont donc suspendus le temps de s’assurer que le lieu puisse être à nouveau pratiquer pour s’amuser sans risquer de se blesser. Il faut néanmoins toujours que jeunesse se fasse et retrouver l’énergie folle des pogos du punk qui eux lâchaient complètement prise au milieu du Hip Hop qui partagent de nombreuses convictions fait tout de même sourire.

Le Fnac Live s’attèle vite et travaille bien, du coup Thylacine peut quand même jouer le set promis. La foule s’est vidée, d’ailleurs un plus petit nombre de festivaliers est autorisé à s’approcher de la scène.Mais les rues de Paris permettent quand même de profiter des concerts. Il en va de même pour les immeubles alentour. Sur les balcons, deux jeunes filles dansent en admirant la vue d’en haut. Le set électro chill est maîtrisé, les morceaux joliment dosés, ce retour met tout le monde d’accord. Vitalic suit. Venu défendre Dissidænce Episode 2, le musicien profite d’une scénographie lumineuse et soignée qui s’accorde aux mélodies. Ce nouveau jet, inspiré par la scène 70’s sent bon le rock sans concession. « Ma musique est rock » défendait-il en interview quelques heures plus tôt (à retrouver sur Popnshot). C’est vrai en concert. Pour faire danser, le musicien, seul derrière ses platine met les gros moyens. Pas de chichis néanmoins, seul le son compte.  Il ne manque néanmoins pas d’interpréter son classique « Stamania ». Sur la place de l’Hôtel de Ville, on danse volontiers. Certain.es carrément sur les épaules de leurs camarades. Vitalic sait conjuguer la nuit à tous les temps et cette techno sans concession rappelle l’esprit libertaire des raves qu’il défend volontiers.

Dernier jour et ses paillettes

Les derniers au revoir se devaient d’être beaux et l’évènement y a mis les grands moyens. Le soleil est au rendez-vous lui aussi et la chaleur ne partira pas de la nuit. Aloïse Sauvage signe dans les premiers temps, l’une des plus belles prestations de cette édition.  Très vite la belle interprète l’un de ses titres phares : « A l’Horizontale ». Communicative, elle profite d’une certaines simplicité et d’une grande justesse pour frapper fort. Mais surtout, la chanteuse fait décoller son live… littéralement. Celle qui a fait du cirque, s’envole en effet, suspendue par un seul bras dans les airs. Elle tourne et virevolte… sans perdre son souffle. On ne peut pas en dire autant que le public qui pousse de grand « ahhhhh » et « ennncoooreee » redevenu enfant en bas âge le temps de la performance magistrale. La chanteuse est un personnage entier, indomptable et marque les esprits.

Les frères de Terrenoire sont aussi de la partie. Complices, il se présentent, dévoilent un flow bienveillant et maîtrisé. La voix de Théo d’ailleurs, habillé comme son comparse, enchante tout particulièrement. C’est d’ailleurs cette binarité – eux pour tous et tous pour eux-  qui marque particulièrement. Ils chantent en se regardant dans les yeux, des riffs qui ressemblent à des hymnes et rassemblent à l’infini. Les pas de danse sont nombreux, vivants et vibrants. « Jusqu’à mon dernier souffle » scandent-ils coupant le souffle à l’audience qui connait parfaitement leurs titres. Pas étonnant que les compères se soient offert un duo avec Pomme, ils partagent cette âme emprunte de douceur qui fait honneur à notre scène locale.

Juliette Armanet est l’une des plus attendues de la soirée. La chanteuse se présente vêtue de paillettes mais ce qui frappe surtout, c’est son plaisir non feint à jouer ici ce soir. Elle alterne entre piano et moments dansants, sans timidité mais avec légèreté. Chaque mot, chaque pas invite le public à la suivre. D’ailleurs côté public ça chante volontiers des paroles connues par cœur. Nouvelle égérie, super star accomplie, elle restaure un titre de noblesse à la chanson notamment grâce à une voix inimitable. Temps fort de son concert de plus d’une heure, la chanteuse se transforme, tenue et lumières aidant, en une boule de disco géante. Le moment est visuellement à couper le souffle, d’autant qu’elle joue avec ses projecteurs braqués sur elle et renvoie presque tous ses éclats à un public en délire malgré la candide mélancolie de ses notes. Seul point noir au moment l’absence du titre « La carte postale » de la set list. On reconnait que le morceau n’est pas aussi dansant que ceux sélectionnés. Les au revoir sont ponctués de saluts, d’elle et de musiciens de talent. Mais aussi de probables quelques larmes bien dissimulées derrière ses mains.

« Encore » vous dites ? La soirées touchera à sa fin après un set colossale signé par l’union quasi historique de deux mastodontes de la scène électro : Bob Sinclar et Pedro Winter. Copains comme il se doit, les deux djs aux cheveux dans le vent proposent de danser sur leurs plus grands titres, mais aussi ceux des copains (coucou Daft Punk) et puis aussi ceux qui savent réjouir un public varié. Bon enfant et mainstream, l’instant est peuplé de selfies, de t-shirts offerts à la foule et même de micro confettis balancés en s’amusant avec de mini canons par nos amis. L’été est là, bien installés et cette nuit évoque ces soirées là… comme on chantait des années 90. Il sera rapidement temps de déserter un peu la ville pour de nombreux parisiens. Non sans emmener avec eux un souvenir ému de ce Fnac Live, histoire de transporter un peu de la beauté des monuments et de la culture, pour mieux profiter des grains de sable chaud.

 


Le mois de juin est arrivé si vite cette année que l’affaire semble surréaliste. Les températures passant du brûlant à la neige, à la grêle puis à la chaleur encore, n’ont pas aidé à voir défiler les saisons. Certains évènements, eux, sont de bonnes façon de se situer à nouveau dans l’espace temps. C’est d’autant plus agréable lorsqu’ils sont attendus. C’est ainsi que dans le tourbillon d’une année où la vie avait repris si vite qu’elle aurait pu évoquer une certaine scène de « Big Fish » et son temps qui passe en accéléré, que le Champs Elysées Film Festival ouvrait à nouveau ses portes.

champs elysées film festival 2022La vieille, l’évènement avait abrité sa cérémonie d’ouverture le soir de la fête de la musique. Un parallèle qui n’est pas une simple coïncidence. En effet, chaque année, et c’est bien là que nous voulions en venir, le festival en plus du cinéma fait la part belle à la scène émergente musicale sur le rooftop du Publicis. Un sans faute à tous les coups puisque la crème de la musique a pu y défiler en format showcases. D’Hervé à Fishbach en passant par Silly Boy Blue ou Kiddy Smile, tous ont joué pour l’iconique évènement qui rend la plus belle avenue du Monde infiniment plus belle.

Deux showcases et une vue à couper le souffle

albin de la simone champs elysées filmEn ce 22 juin, le rooftop accueille donc pour la seconde fois de la saison quelques privilégiés qui ont pu se procurer une invitation pour y découvrir une vue très « Aristochats » de la capitale. Cette année, plus besoin d’être un invité du festival, quelques places sont aussi proposées à la vente aux spectateurs. Et le précieux ticket vaut le coup d’être pris. Pour s’y rendre, il suffit de prendre un ascenseur, direction les hauteurs. Là comme disait Baudelaire, tout n’est que luxe, calme et volupté. Un service au petits oignons attends les festivaliers et ceux qui font le cinéma franco-américain. Quelques bulles à savourer, des pop-corns, et même quelques découvertes de marques venues proposer leurs produits capillaires. La terrasse végétalisée s’il vous plait, en elle-même est déjà magnifique. Des tables y sont installées, un piano également en son centre. Pourtant, c’est surtout sa vue sur l’Arc de Triomphe qui attire. Le monument retrouve ses lettres de noblesses, loin d’être un simple passage touristique.

Il est un peu plus de 22 heures 30 lorsqu’Albin de La Simone se présente sur scène. Le musicien ne cache pas son plaisir à être là, dans ce cadre là. Il brise la glace avec une première blague, s’excusant de la fermeture du bar pendant les temps des showcases pour mieux respecter les artistes. Armé d’un simple piano, il est venu défendre son nouvel opus « Happy End » paru en 2021 mais pas seulement. En effet, comme il le souligne il est également jury pour le festival. Face aux végétaux, tous les regards sont tournés vers le chanteur. Ses notes filent dans le ciel, comme une prière collective. L’instant est calme, d’une beauté rare. Le temps qui court trop vite s’arrête et se heurte aux mélodies à fleur de peau de notre hôte, concentré sur ses titres, bavard lorsqu’ils finissent. Le tempo léger invite à l’introspection, bande originale d’un instant suspendu, là-haut au dessus du Paris d’antan. Le set passe trop vite.

Un Nouveau départ

ade champs elysées film festivalUne courte pause, le temps de changer de plateau et voilà qu’Ade débarque sur scène. L’ancienne chanteuse de Therapie Taxi a pris son envol en solo. C’est d’ailleurs sa première fois seule sur scène. Pour masquer son émotion, elle joue la carte des plaisanteries et explique avoir pris le temps de se coiffer, un bandana sur les cheveux pour preuve, et donc ne pas vouloir se décoiffer en ajustant sa guitare. Ce nouveau projet est tout frais et seuls deux titres seront interprétés en live ce soir. Dont son premier single « Tout Savoir ». Loin du groupe qui a fait sa gloire, elle offre une pop française pétillante. Son timbre particulier, reconnaissable entre tous, évoque tout de même ses débuts. Notamment parce que la chanteuse possède une facilité tubesque impressionnante. Le refrain entre immédiatement en tête, classique instantané. Ces premiers pas sont une belle réussite et ils se prolongent au court d’un DJ set qui durera jusqu’à la clôture du rooftop. Comme dans un conte de fée, il faut quitter le lieu magique et retourner au quotidien et à l’avenue emplie de voitures et de badauds. Pas besoin d’abandonner sa pantoufle pour y retourner, le festival se poursuit jusqu’au 28 juin !


Comme pour beaucoup, il a fallu s’armer de patiente pour retrouver l’astre Cat Power en concert. Reporté pour les raisons que l’on connait, c’est finalement le 29 mai 2022 que la légende posait ses valises à Paris, le temps d’un concert à la Salle Pleyel de Paris pour un show à la grâce et à la pureté rarement égalée. Retour sur ce moment qui a arrêté le temps pour mieux créer sa propre galaxie.

Cat Power
Cat Power – crédits : Mario Sorrenti

Entre soleil et lune

En ce dimanche soir de la fin du mois de mai, le temps est mi-figue, mi-raison. Un vent frais coupe court aux moments de chaleur trop intenses qui ont peuplé  le mois. Pas de quoi empêcher les parisiens de se rendre en terrasse mais suffisamment néanmoins pour avoir envie de se blottir dans une veste chaude. Les couleurs sont ternes et la ville sous les feux d’un week-end prolongé se languit de sa population.  Pour la mélancolique Cat Power, la saison semble donc idéale, entre son immense album « Sun » et les reflets argentés de ce qui est sûrement son opus le plus abouti « Moon Pix ».  A l’intérieur, la salle Pleyel évoque une  forme de labyrinthe, il faut prendre un ascenseur pour accéder aux étages supérieurs, trouver son siège. En avant-scène, une fosse compacte a pris d’assaut les premiers rangs. Dans l’établissement qui affiche pourtant complet, le silence règne en maître absolu. Chacun semble dans l’introspection du moment qu’il s’apprête à vivre. Voilà qui est pertinent, Cat Power prépare une fusée qui conduira tout son public dans les étoiles.

couvrir le ciel

La voilà qui débarque d’ailleurs sur scène avec un léger retard – mais attendait-on autre chose de la dame à la tête aux milles étoiles ?  Les lumières sont tamisées, rouge et bleues. Avant même de rejoindre son micro, la chanteuse laisse la part belle à ses incroyables musiciens. La voir sur scène est d’ailleurs une constante leçon d’humilité, elle n’en occupe le centre qu’occasionnellement, pour profiter de ses micros et parce qu’il le faut – sûrement. Telle une enfant, la belle balance ses bras le long de son corps, ne sachant pas vraiment quelle posture leur donner. Loin des spectacles à gros effets qui  se cachent parfois derrière des artifices, celui-ci est lunaire et sobre. L’humeur de notre hôtesse est semble elle aussi maussade. Toujours est-il qu’elle invite à entrer dans sa bulle. Une bulle faite de ses compositions mais aussi de reprises des morceaux qui la touchent, logique, son dernier opus se nomme « Covers ». Si ces derniers peuplent nos univers et nous habitent, ils revêtent de nouvelles tenues et aspects lorsque la divine musicienne les habite. C’est d’ailleurs avec une reprise des Rolling Stones « ( I can’t get no) Satisfaction » qui perd son esprit rock pour devenir un écho qui prend au tripes qu’elle lance le deuxième titre du concert. Dans sa lune, la chanteuse s’interrompt à mi-morceau  pour demander « Est-ce que quelqu’un peut mettre Lou Doillon sur liste ? J’ai oublié de le faire ».  L’instant paraîtrait sur-réaliste dans n’importe quel autre concert mais pas dans la boite à merveilles de la chanteuse. « Good woman » et « Unhate » se déroulent alors que dans le noir, la sincérité d’une musicienne à fleur de peau est si palpable qu’elle en devient visible. Se plonger dans son univers tient d’un laisser-aller conscient, en cet instant le public est à vif, tout pourrait le toucher, et il est si bon accepter d’être ébranlés.

Dans nos tête il y a un orage

cat power coversOu plutôt, une tornade, déclenchée par un ras-de-marée d’émotions. Solaire, la dame se met sur les côtés de la scène, loin des lumières, elle s’y installe à genoux, chante avec clarté de sa voix cristalline. Côté fosse, corps et têtes  la suivent comme des tourne-sols. Les musiciens font des étincelles alors que les bras comètes de Cat Power se balancent et ondulent « Paris m’a  sauvé la vie. New-York c’est chez moi mais ici c’est vraiment important pour moi. » lance-t-elle avec timidité. Elle reprend « White Mustang » de Lana Del Rey, offre « Metal Heart » ou encore « The Moon », toujours sur la pointe des pieds. La bile noire est de la partie, la mélancolie est vive , elle flirte avec le plaisir des retrouvailles. Pour mieux reprendre l’album « Sun » elle offre un medley bien à elle de « New York New York » de Sinatra sur les notes joviales de « Manhattan », le moment est à couper le souffle tant le rendu est fluide. C’est pourtant après, lorsque la musicienne transcende sa voix dans des hauteurs graves, que les frissons se font sentir. Ils partent du bas de la colonne vertébrale pour mieux heurter les têtes, rappelant que la musique est un voyages et que les notes se font parfois massage pour les cerveaux. Ne vous y trompez pas, Cat Power est un OVNI et lorsqu’elle demande « Pouvez-vous crier ? » en comptant 1, 2, 3, il est aisé de penser que dans l’espace personne ne nous entend crier. Alors on ose suivre le vaisseau mère sans vraiment en avoir conscience.  « He was a friend of mine » qui rencontre « Shiver » permet de planer encore un peu.  Sur « The greatest », son plus gros succès, la foule est en orbite.

Dernier rayon de soleil

La dame n’aime pas l’attention, c’est une évidence. Le show est sa voix, il est ses musiciens. Et puis, voilà qu’elle aussi, aimerait profiter du spectacle. Alors, elle demande aux ingés lumières de bien vouloir éclairer pleinement l’assistance. Elle a besoin d’en découvrir chaque membre et la voilà spectatrice / actrice du moment qu’elle crée. Ce sera son dernier titre prévient elle. « Wild is the wind » et « Rockets » s’allient pour se faire conclusion. Comme toujours sur la pointe des pieds,  Cat Power, se met sur le côté de la scène pour faire la part belle à ses musiciens qu’elle montre du bout des doigts. La foule est maintenant debout, les musiciens eux se laissent entièrement aller. Le moment se fait carrément rock, puissant et vibrant, la batterie tape et résonne dans les corps. Ils sont les stars du show, notre chanteuse en devient un instrument qui se fait discret. Point de rappel, point de chichis, Major Cat a été rappelée par ground control. C’est bien le problème avec les étoiles filantes, elle passent trop vite. Elles n’oublient néanmoins pas de réaliser nos voeux.


Slift – Le rock est mort, un thème récurent depuis des années. Quinze ans plus tôt, la jeunesse arborait des patchs Punk is not dead sur des sacs customisés pour prouver le contraire. En 2022, le combat pourrait être similaire et comme à chaque fois un souffle punk (pop, post, pre) porte un public fan d’un courant alternatif qui reprend une réelle ampleur. Comme bien souvent la vague du renouveau est venue d’Angleterre, la France elle n’est pourtant pas en reste. Les pépites se multiplient, toutes hallucinantes de modernité, de fraîcheur et de sincérité. Ce mardi 3 mai au Trabendo de Paris est d’ailleurs bien là pour prouver ce constat.

You Said Strange : un premier shoot de psyche

You said strange au trabendo
You said strange au trabendo Kevin Gombert©

C’est  You Said Strange qui ouvre le bal avec leur sonorités psychédéliques. Le Trabendo a déjà bien commencé à se remplir. La terrasse pourtant ouverte n’accueille que peu de spectateurs tous baignés dans le jus. Certains s’accrochent à un premier rang sans barrière qui pour quiconque connait un peu la salle évoque autant de souvenirs douloureux que de lives de qualité. La sauce prend particulièrement bien et s’étoffe même en live. Avec un rock qui balaye les années 6O et apporte une touche 90’s au programme, ces originaires de Giverny percutent d’emblée. Leur rock solaire se densifie, s’étoffe alors que le quatuor prend le tout avec beaucoup de sérieux. Pas de temps pour blablater avec le public, seul le son compte. Impossible de détourner les oreilles pendant ce set plus long qu’une première partie traditionnelle qui ne lasse pas. Le groupe peut aussi bien prendre d’assaut les têtes d’affiches grâce à une maturité bien sentie et un set aussi psyché que maîtrisé.

SLIFT : pilule de bonheur et grosses basses

Il est 21 heures 10 lorsque SLIFT prend d’assaut le Trabendo. Dehors, il fait encore jour. La terrasse permet de capter les dernier rayons de soleil en sirotant une bière. Preuve de la qualité de la formation, les excellents We Hate You Please Die sont de la partie avec deux de ses membres dissimulés dans le public. Le début ne laisse en rien présager de la fin. D’ailleurs les premières minutes du concert s’ouvrent sur un moment d’électro à l’intensité poignante. Avec un jeu d’écran en noir et blanc qui voit tourner une sphère de plus en plus rapidement, le titre s’accélère pour atteindre la puissance narrative d’un certain « Stress » de Justice en fin de course. Il n’en faut pas plus, la salle est chauffée à bloc. Les premiers rangs se tassent, les cris accueillent nos trois musiciens.  D’emblée, toujours aidés par leur écran, les compères envoient un rock à la violence sauvage qui flirte avec le metal. Les enceintes hurlent et crachent, le moment est épais, l’atmosphère lourde. Désireux d’exploiter leur dernière galette parue en janvier 2022 « Levitation Session », la troupe enchaine ses titres. Ce sera d’ailleurs le maître mot de la soirée alors que 6 morceaux sur 8 seront ainsi interprétés. En live, les musiciens se donnent pleinement, sans trop gesticuler, ils étirent leurs compositions, font la part belle aux guitares et au synthé.

Le concert se déroule en chapitres, moins bourin, le second se fait plus psyché. Garage, à la pointe de ce qui se fait de mieux en matière de rock, le groupe est l’étendard d’une scène indé française qui a tout pour rayonner à l’internationale et marquer les esprits. Avec l’ampleur qu’on lui connait, le Trabendo devient un club londonien, un lieu de découvertes et d’émerveillements, plus encore, un lieu où le lâcher prise est maître. A la batterie, Canek envoie ses coups avec précision. Alors que les rythmiques s’envolent, le musicien garde un stoïcisme  percutant. Loin d’être une démonstration physique aux allures de grand sportif, il préfère la précision tout en prenant le temps de contempler le public. Chaque titre se déploie et vient entraîner dans sa folle danse jusqu’au spectateur le plus réticent de l’assistance. Les musiciens jouent entre eux, pour eux avant tout. Derrière ses cheveux longs, Rémi à la basse et à la voix garde son regard fixé sur ses amis. Son plaisir est palpable, entier, non feint. Une certaine timidité à regarder la foule suinte de sa prestation, seul Jean (guitare, synthé, voix) capte son attention. C’est ce qui ressort d’ailleurs globalement de ce concert. Les trois ne communiquent que peu avec le public et il faudra attendre que le set soit presque terminé pour qu’un vague « merci » soit adressé à l’audience. S’il est de coutume plaisant de voir un groupe qui communique plus volontiers avec le public, toute l’énergie est donnée dans la composition instrumentale. Sur la terrasse un spectateur s’extasie, « C’est vraiment un bon concert, ça fait du bien après le COVID ». Un constat qui semble partagé par une assistance à la dominante masculine qui pogote à chaque fois que les guitares s’aventurent dans de sombres contrées.

Un public sous extas

L’acidité des titres fait ensuite place à un Doom metal criant. En cours de théâtre, autrefois, on enseignait aux étudiants un jeu de confiance. Le principe, fermer les yeux et se laisser tomber sur un autre étudiant, lâcher prise en étant persuadé d’être rattrapé. Alors que les slams sont nombreux et que tour à tour des membres du public se jetent dans la foule, il est aisé de penser à ça. Comme la notion d’une masse, vibrant en commun, invite à une confiance telle que tout danger parait abstrait. Quelques ratés sont là, une chaussure se place dans un visage, le slam étayé par un peu d’air guitare s’arrête plus vite que prévu. Mais comme lors d’un plongeons dans une piscine, nos rockeurs en redemandent encore et encore. « Si vous êtes trop serrés ici, c’est que les meilleurs places au fond sont disponibles » indique un panneau. Là haut, alors que la salle est bien pleine, on hoche la tête avec détermination. Sans se regarder pourtant, les membres du public vibrent à la même fréquence et parlent la même langue. Il reste un titre et le public est en effervescence. Des cheveux bleus naviguent au dessus de la foule, les premiers rangs collés les uns aux autres vibrent en choeur. Un dernier merci et le groupe quitte la salle. Là au milieu de foule, reste l’image qui pourra le mieux définir ce moment vécu. Deux converse qui applaudissent portées dans les airs.

Slift au Trabendo
Slift au Trabendo Kévin Gombert©