Kate Stables par Cédric Oberlin

Le 9 Juin prochain sort le sixième album de This Is The Kit, Careful of your Keepers. Nous avons eu l’occasion de discuter avec Kate Stables, la chanteuse.Nous avons ainsi pu en apprendre davantage sur son rapport à l’industrie de la musique,  parler de l’environnement et de pourquoi les dents sont omniprésentes sur cet album.
This Is The Kit passe au Trabendo le 6 octobre prochain. 

P&P : Félicitations pour ton nouvel album ! Est-ce que tu peux nous le décrire en quelques mots ? 

Kate : C’est difficile de le faire sans répéter le titre de l’album parce que ça le décrit vraiment bien. J’imagine que c’est une réflexion sur un voyage solitaire, apprendre à vivre et voyager seule.

P&PC’est ton sixième album, est-ce que tu ressens une évolution dans ta manière d’appréhender la sortie ?

Kate : C’est sûr que ça a changé, oui. En plus, le monde de la musique a beaucoup changé, donc les choses que l’on me demande de faire changent à chaque fois. C’est marrant parce que le dernier album (Off Off On, 2020, ndlr) est sorti pendant le confinement donc c’était vraiment bizarre comme expérience. Pour le stress, je pense que ça dépend. Au début de chaque promo d’album je suis assez stressée et à un moment je finis par me dire « mais oui je me souviens comment je fais, ça se passe comme ça à chaque fois » et je gère mieux mon stress. Il y a toujours le premier moment de stress avant de me détendre. Et pour cet album, j’ai eu cette  épiphanie la semaine dernière. J’étais complètement nerveuse mais c’était aussi à cause de concerts que j’avais qui me mettaient un peu la pression. Mais là, ça va mieux.

P&P : Quand tu parles de cet album, tu dis « This one has teeth », est-ce que tu m’expliquer ton rapport à la symbolique des dents ?

Kate : Je me suis rendue compte qu’il y a beaucoup de thème de « biting », de « chewing », d’avoir les choses dans la bouche dans l’album et je me demande si c’est pas une métaphore inconsciente de la compréhension et du traitement d’informations par le cerveau.

P&P : Food for thoughts ?

Kate : Oui, c’est ça ! (rires) Donc toute la digestion de la vie, les émotions, etc. On est des créatures orales en soit, on met toujours quelque chose dans nos bouches mais ça m’a fait penser aux bébés aussi. Il y a toute une phase de développement où tout passe par la bouche et je me demande si quelque part, il y a une forme de renaissance et de redécouverte du monde en mettant tout dans la bouche (rires).

P&P : Tu dis que cet album est sur le fait d’accepter les erreurs, les difficultés et le passage du temps. C’est quelque chose qui apparait déjà dans tes précédents albums, pourquoi c’est important pour toi de parler du prosaïque ?

Kate : Je suis pas quelqu’un qui a envie de faire passer un message à tout le monde. J’écris les chansons pour moi, pour apprendre et explorer des idées et essayer de démêler des concepts, des idées, des expériences. Voilà, peut-être que c’est mon cerveau qui a besoin de comprendre l’expérience humaine, les relations humaines et encore, c’est ce voyage solitaire. On est tous seuls mais on peut quand même s’aider les uns les autres.

J’écris les chansons pour moi, pour apprendre et explorer des idées et essayer de démêler des concepts, des idées, des expériences.

P&P : Tu as travaillé avec le producteur Gruff Rhys. Tu l’as décrit comme un « tonesetter » (celui qui donne le ton, ndlr).

Kate : Oh, c’est pas moi qui ai dit ça, c’est le mec qui a écrit la bio mais c’est vrai qu’il a dit que c’était moi qui l’avait décrit comme ça (rires). Mais il a raison, il a vraiment su donner le ton, même si moi je n’utilise pas le terme « tonesetter » mais son énergie et sa présence ont été hyper importantes dans le studio.

P&P : Qu’est-ce que ça vous a apporté de collaborer avec lui sur cet album ?

Kate : D’abord, ça nous aidé à être à l’aise dans le studio et de vraiment apprécier sa présence. Il donnait des idées mais il laissait beaucoup de place au moment de l’enregistrement aux gens de donner leur avis, d’enregistrer, de tenter des trucs et de jouer avec leurs instruments. C’est au moment du mixage qu’il proposait ses idées. Ça a été un moment de grande créativité, j’aimais bien. Il ajoutait, il enlevait des trucs. En plus, c’était facile parce que c’était lui, l’ingénieur et moi et c’était plus facile que si on avait été six ou huit à réfléchir sur le mixage.

P&P : Et ce qu’on remarque aussi c’est que depuis deux ou trois albums, il y a une influence jazz sur tes morceaux. D’où te vient cette influence ?

Kate : je pense que c’est les gens avec qui je travaille, qui joue une musique que j’adore et il y en a pleins avec un background assez jazz justement. Et aussi, à force d’avoir les cuivres, ça donne un truc un peu jazz forcément. Je pense que c’est leur influence, c’est pas moi qui ai décidé de faire des morceaux jazz en fait. Je les aies laissés complètement improvisé et c’est là que les sonorités jazz ressortaient.

En fait j’ai l’impression que le fait de voyager et bouger autant, ça me donne des moments de tranquillité.

P&P : tu vas commencer une petite tournée au Royaume-Uni en septembre. Est-ce que ce moment de vie un peu nomade a une influence sur ta manière de concevoir ta musique ? Est-ce que ça te permet de réfléchir à ta vie ?

Kate : Oui, complètement ! C’est marrant, en fait j’ai l’impression que le fait de voyager et bouger autant, ça me donne des moments de tranquillité. Quand tu es dans un train, ou dans une voiture, tu peux rien faire d’autre et tu peux réfléchir sur les choses. C’est pas mal pour l’écriture. Mais c’est vrai que le fait de tourner autant me donne un peu de mal à faire de la musique parce que je ne suis jamais vraiment toute seule. Même si on est tout seul dans nos têtes, on est tout le temps ensemble et j’ai du mal à écrire de la musique. Donc c’est au moment où je rentre que je me pose pour vraiment écrire une chanson. J’aime beaucoup voyager et je pense que ça influence beaucoup mon écriture.

P&P : Et cette tournée au Royaume-Uni, est-ce que ça te fait bizarre de retourner là-bas maintenant que tu habites à Paris ?

Kate : Hmm, non, en fait j’aime bien parce qu’il y a certaines choses qui me manquent en Angleterre mais pas suffisamment pour que je veuille m’y réinstaller. Mais ça fait du bien d’y retourner et d’acheter du Marmite, voir les choses hyper familières. Après j’aime bien rentrer à Paris et faire ma vie. J’ai appris que j’avais besoin de ces deux vies là. Bien-sûr, c’est toujours chouette de retourner en Angleterre, le groupe est là-bas en plus. Et puis on est plus connus là-bas, on joue dans des salles plus grandes qu’ici. Mais j’adore aussi jouer dans des plus petites salles en Europe. J’aime bien pouvoir choisir entre les deux.

P&P : J’ai remarqué dans tes chansons qu’il y a beaucoup de jeux sur les sons (chew chew choose you // hopeless homesick hopelessly stick) et d’où vient cette sensibilité stylistique ?

Kate : J’adore jouer avec les mots et les détails de sons et de sens. C’est là que je trouve le plaisir d’écrire. Je sais pas si c’est moins évident en français mais l’exemple de « I chew chew choose you » c’est une citation des Simpsons (rires). C’est très connu par les gens qui ont grandi avec les Simpsons en anglais mais c’est vrai que pour ceux qui ont grandi avec les versions doublées ça l’est moins. Voilà… c’est une phrase volée aux Simpsons !

Quand je joue dans une salle où je connais pas l’ingé-son,  il me met toujours du reverb, juste parce que je suis une femme

P&P : en tant que femme dans la musique, un milieu dominé par les hommes mais post me too, est-ce que t’as ressenti des changements dans le monde de la musique ?

Kate : Je pense que je vois les changements dans le monde et par logique, dans le milieu musical aussi. Mais les gens font plus attention et je trouve ça bien de ne plus choisir automatiquement un homme. Je pense que la mentalité des gens a changé un petit peu. C’est en perpétuelle évolution tu vois ? À un moment, les femmes ont eu le droit de vote et maintenant, enfin, il est normal de trouver une femme derrière la table de mixage, régisseuse ou des trucs comme ça. Les métiers sont de plus en plus variés. J’ai pas trop vécu de sexisme brutal dans ma carrière, j’ai eu la chance de bosser avec des gens chouettes donc ça va mais il y a certains trucs qui existent toujours et qui m’agacent. Le fait que je sois une femme, ça veut dire que tout le temps, on veut me photographier avec des fleurs, les pieds nus ou du maquillage, des trucs comme ça. Ça m’énerve cette vision très binaire des femmes. Quand je joue dans une salle où je connais pas l’ingé-son, il me met toujours du reverb, juste parce que je suis une femme ! Est-ce que tu ferais ça pour Sleaford Mods ? Ça, c’est toujours assez gênant.

P&P : Comment tu réussis à gérer ta vision artistique avec l’omniprésence des réseaux sociaux ?

Kate : C’est très dur. Il y a pas mal de pression des labels, et je comprends parce qu’ils veulent faire leur travail et ils le font très bien d’ailleurs mais chaque établissement ou personne a leur avis par rapport aux règles. Il faut constamment demander aux gens de liker les trucs, de s’abonner et ça me correspond pas du tout parce que j’ai pas envie de demander aux gens de faire quoi que ce soit. Mais c’est dur parce qu’en même temps, c’est de la pub. Il faut vraiment trouver une manière marrante de le faire et donc d’essayer être honnête avec nos propres valeurs. En plus ça prend beaucoup de temps, tu passes ton temps à réfléchir. T’es plus dans le présent vu que tu recherches tout le temps du contenu. Mais ça fait partie du job.

P&P : On voit qu’il y a de plus en plus d’artistes qui prennent conscience de l’environnement. J’ai vu que ton vinyle serait un « eco-vinyle ». À quel point c’est important pour toi de prioriser l’eco friendly ?

Kate : Oui, c’est important pour moi de prioriser l’environnement parce que je me sens assez affreuse par rapport à mon travail et l’effet sur le Monde. Je suis obligée de voyager beaucoup. Quand tu fais de la musique, tu fabriques pleins de trucs en plastique à vendre dans le merch. Il faut essayer de limiter les dommages. En plus, il y a toujours cet équilibre entre les gens qui veulent faire moins de mal et ceux qui veulent profiter de ces personnes là. Parfois, c’est écrit « éco-vinyle » mais c’est pas vrai.

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