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mai 2023

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Kate Stables par Cédric Oberlin

Le 9 Juin prochain sort le sixième album de This Is The Kit, Careful of your Keepers. Nous avons eu l’occasion de discuter avec Kate Stables, la chanteuse.Nous avons ainsi pu en apprendre davantage sur son rapport à l’industrie de la musique,  parler de l’environnement et de pourquoi les dents sont omniprésentes sur cet album.
This Is The Kit passe au Trabendo le 6 octobre prochain. 

P&P : Félicitations pour ton nouvel album ! Est-ce que tu peux nous le décrire en quelques mots ? 

Kate : C’est difficile de le faire sans répéter le titre de l’album parce que ça le décrit vraiment bien. J’imagine que c’est une réflexion sur un voyage solitaire, apprendre à vivre et voyager seule.

P&PC’est ton sixième album, est-ce que tu ressens une évolution dans ta manière d’appréhender la sortie ?

Kate : C’est sûr que ça a changé, oui. En plus, le monde de la musique a beaucoup changé, donc les choses que l’on me demande de faire changent à chaque fois. C’est marrant parce que le dernier album (Off Off On, 2020, ndlr) est sorti pendant le confinement donc c’était vraiment bizarre comme expérience. Pour le stress, je pense que ça dépend. Au début de chaque promo d’album je suis assez stressée et à un moment je finis par me dire « mais oui je me souviens comment je fais, ça se passe comme ça à chaque fois » et je gère mieux mon stress. Il y a toujours le premier moment de stress avant de me détendre. Et pour cet album, j’ai eu cette  épiphanie la semaine dernière. J’étais complètement nerveuse mais c’était aussi à cause de concerts que j’avais qui me mettaient un peu la pression. Mais là, ça va mieux.

P&P : Quand tu parles de cet album, tu dis « This one has teeth », est-ce que tu m’expliquer ton rapport à la symbolique des dents ?

Kate : Je me suis rendue compte qu’il y a beaucoup de thème de « biting », de « chewing », d’avoir les choses dans la bouche dans l’album et je me demande si c’est pas une métaphore inconsciente de la compréhension et du traitement d’informations par le cerveau.

P&P : Food for thoughts ?

Kate : Oui, c’est ça ! (rires) Donc toute la digestion de la vie, les émotions, etc. On est des créatures orales en soit, on met toujours quelque chose dans nos bouches mais ça m’a fait penser aux bébés aussi. Il y a toute une phase de développement où tout passe par la bouche et je me demande si quelque part, il y a une forme de renaissance et de redécouverte du monde en mettant tout dans la bouche (rires).

P&P : Tu dis que cet album est sur le fait d’accepter les erreurs, les difficultés et le passage du temps. C’est quelque chose qui apparait déjà dans tes précédents albums, pourquoi c’est important pour toi de parler du prosaïque ?

Kate : Je suis pas quelqu’un qui a envie de faire passer un message à tout le monde. J’écris les chansons pour moi, pour apprendre et explorer des idées et essayer de démêler des concepts, des idées, des expériences. Voilà, peut-être que c’est mon cerveau qui a besoin de comprendre l’expérience humaine, les relations humaines et encore, c’est ce voyage solitaire. On est tous seuls mais on peut quand même s’aider les uns les autres.

J’écris les chansons pour moi, pour apprendre et explorer des idées et essayer de démêler des concepts, des idées, des expériences.

P&P : Tu as travaillé avec le producteur Gruff Rhys. Tu l’as décrit comme un « tonesetter » (celui qui donne le ton, ndlr).

Kate : Oh, c’est pas moi qui ai dit ça, c’est le mec qui a écrit la bio mais c’est vrai qu’il a dit que c’était moi qui l’avait décrit comme ça (rires). Mais il a raison, il a vraiment su donner le ton, même si moi je n’utilise pas le terme « tonesetter » mais son énergie et sa présence ont été hyper importantes dans le studio.

P&P : Qu’est-ce que ça vous a apporté de collaborer avec lui sur cet album ?

Kate : D’abord, ça nous aidé à être à l’aise dans le studio et de vraiment apprécier sa présence. Il donnait des idées mais il laissait beaucoup de place au moment de l’enregistrement aux gens de donner leur avis, d’enregistrer, de tenter des trucs et de jouer avec leurs instruments. C’est au moment du mixage qu’il proposait ses idées. Ça a été un moment de grande créativité, j’aimais bien. Il ajoutait, il enlevait des trucs. En plus, c’était facile parce que c’était lui, l’ingénieur et moi et c’était plus facile que si on avait été six ou huit à réfléchir sur le mixage.

P&P : Et ce qu’on remarque aussi c’est que depuis deux ou trois albums, il y a une influence jazz sur tes morceaux. D’où te vient cette influence ?

Kate : je pense que c’est les gens avec qui je travaille, qui joue une musique que j’adore et il y en a pleins avec un background assez jazz justement. Et aussi, à force d’avoir les cuivres, ça donne un truc un peu jazz forcément. Je pense que c’est leur influence, c’est pas moi qui ai décidé de faire des morceaux jazz en fait. Je les aies laissés complètement improvisé et c’est là que les sonorités jazz ressortaient.

En fait j’ai l’impression que le fait de voyager et bouger autant, ça me donne des moments de tranquillité.

P&P : tu vas commencer une petite tournée au Royaume-Uni en septembre. Est-ce que ce moment de vie un peu nomade a une influence sur ta manière de concevoir ta musique ? Est-ce que ça te permet de réfléchir à ta vie ?

Kate : Oui, complètement ! C’est marrant, en fait j’ai l’impression que le fait de voyager et bouger autant, ça me donne des moments de tranquillité. Quand tu es dans un train, ou dans une voiture, tu peux rien faire d’autre et tu peux réfléchir sur les choses. C’est pas mal pour l’écriture. Mais c’est vrai que le fait de tourner autant me donne un peu de mal à faire de la musique parce que je ne suis jamais vraiment toute seule. Même si on est tout seul dans nos têtes, on est tout le temps ensemble et j’ai du mal à écrire de la musique. Donc c’est au moment où je rentre que je me pose pour vraiment écrire une chanson. J’aime beaucoup voyager et je pense que ça influence beaucoup mon écriture.

P&P : Et cette tournée au Royaume-Uni, est-ce que ça te fait bizarre de retourner là-bas maintenant que tu habites à Paris ?

Kate : Hmm, non, en fait j’aime bien parce qu’il y a certaines choses qui me manquent en Angleterre mais pas suffisamment pour que je veuille m’y réinstaller. Mais ça fait du bien d’y retourner et d’acheter du Marmite, voir les choses hyper familières. Après j’aime bien rentrer à Paris et faire ma vie. J’ai appris que j’avais besoin de ces deux vies là. Bien-sûr, c’est toujours chouette de retourner en Angleterre, le groupe est là-bas en plus. Et puis on est plus connus là-bas, on joue dans des salles plus grandes qu’ici. Mais j’adore aussi jouer dans des plus petites salles en Europe. J’aime bien pouvoir choisir entre les deux.

P&P : J’ai remarqué dans tes chansons qu’il y a beaucoup de jeux sur les sons (chew chew choose you // hopeless homesick hopelessly stick) et d’où vient cette sensibilité stylistique ?

Kate : J’adore jouer avec les mots et les détails de sons et de sens. C’est là que je trouve le plaisir d’écrire. Je sais pas si c’est moins évident en français mais l’exemple de « I chew chew choose you » c’est une citation des Simpsons (rires). C’est très connu par les gens qui ont grandi avec les Simpsons en anglais mais c’est vrai que pour ceux qui ont grandi avec les versions doublées ça l’est moins. Voilà… c’est une phrase volée aux Simpsons !

Quand je joue dans une salle où je connais pas l’ingé-son,  il me met toujours du reverb, juste parce que je suis une femme

P&P : en tant que femme dans la musique, un milieu dominé par les hommes mais post me too, est-ce que t’as ressenti des changements dans le monde de la musique ?

Kate : Je pense que je vois les changements dans le monde et par logique, dans le milieu musical aussi. Mais les gens font plus attention et je trouve ça bien de ne plus choisir automatiquement un homme. Je pense que la mentalité des gens a changé un petit peu. C’est en perpétuelle évolution tu vois ? À un moment, les femmes ont eu le droit de vote et maintenant, enfin, il est normal de trouver une femme derrière la table de mixage, régisseuse ou des trucs comme ça. Les métiers sont de plus en plus variés. J’ai pas trop vécu de sexisme brutal dans ma carrière, j’ai eu la chance de bosser avec des gens chouettes donc ça va mais il y a certains trucs qui existent toujours et qui m’agacent. Le fait que je sois une femme, ça veut dire que tout le temps, on veut me photographier avec des fleurs, les pieds nus ou du maquillage, des trucs comme ça. Ça m’énerve cette vision très binaire des femmes. Quand je joue dans une salle où je connais pas l’ingé-son, il me met toujours du reverb, juste parce que je suis une femme ! Est-ce que tu ferais ça pour Sleaford Mods ? Ça, c’est toujours assez gênant.

P&P : Comment tu réussis à gérer ta vision artistique avec l’omniprésence des réseaux sociaux ?

Kate : C’est très dur. Il y a pas mal de pression des labels, et je comprends parce qu’ils veulent faire leur travail et ils le font très bien d’ailleurs mais chaque établissement ou personne a leur avis par rapport aux règles. Il faut constamment demander aux gens de liker les trucs, de s’abonner et ça me correspond pas du tout parce que j’ai pas envie de demander aux gens de faire quoi que ce soit. Mais c’est dur parce qu’en même temps, c’est de la pub. Il faut vraiment trouver une manière marrante de le faire et donc d’essayer être honnête avec nos propres valeurs. En plus ça prend beaucoup de temps, tu passes ton temps à réfléchir. T’es plus dans le présent vu que tu recherches tout le temps du contenu. Mais ça fait partie du job.

P&P : On voit qu’il y a de plus en plus d’artistes qui prennent conscience de l’environnement. J’ai vu que ton vinyle serait un « eco-vinyle ». À quel point c’est important pour toi de prioriser l’eco friendly ?

Kate : Oui, c’est important pour moi de prioriser l’environnement parce que je me sens assez affreuse par rapport à mon travail et l’effet sur le Monde. Je suis obligée de voyager beaucoup. Quand tu fais de la musique, tu fabriques pleins de trucs en plastique à vendre dans le merch. Il faut essayer de limiter les dommages. En plus, il y a toujours cet équilibre entre les gens qui veulent faire moins de mal et ceux qui veulent profiter de ces personnes là. Parfois, c’est écrit « éco-vinyle » mais c’est pas vrai.

Careful of Your Keepers

Grand Blanc : « on vivait un peu à l’intérieur de notre album » (interview)

À peine un mois après la sortie de leur troisième album, Halo, nous avons eu l’occasion…

Clément Froissart

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Bar Italia, voilà un nom qui peut induire en confusion. L’effervescent groupe londonien revient le 19 mai avec l’une des plus belles pépites rock de l’année : « Tracey Denim », un trip sous acide loin de la dolce vita qu’inspire le nom de la formation. Au programme un cocktail raffiné, acide, sombre, calibré, aussi élégant que tranchant qui enivre dès son premier titre. Impossible de ne pas en parler comme l’une des plus belle sorties de l’année 2023.

Bar Italia crédits Simon Mercer
Bar Italia crédits Simon Mercer

Tracey Demin : douceur volcanique

Des notes qui se répètent, puissantes et tranchantes en une boucle qui appelle immédiatement l’oreille, et voilà que « Guard » ouvre le bal de ce troisième opus des plus attendus. C’est sur le label Beggars, qui ne laisse place qu’à l’excellence, que le trio londonien donne le ton de cet opus qui vaut bien de s’ajouter au catalogue de ceux à qui l’on devra bientôt le dernier né d’une autre figure emblématique du punk : Anohni.

Il faut dire que le combo sait jouer sur la corde sensible pour frapper juste. Obsédant comme ses notes répétées en boucles, l’album a la force indé et créative des immenses Sonic Youth auxquelles s’ajoute la mélancolie légère que l’on peut retrouver chez les très modernes Sorry ou Porridge Radio. Il faut dire que ce « Tracey Denim » sait jauger de ces effets pour les rendre hypnotiques. Lorsque les notes de guitares s’emballent, vibrant dans les aigus, comme ça peut être le cas dès le deuxième titre, « Nurse! », le tableau se dessine avec précision. Pas étonnant, que leur concert parisien de la Boule Noire, le 22 mai, se jouait à guichets fermés. Il faut dire que la formation convoque l’âme des 90’s, sa puissance underground et crée une nostalgie indéniable d’un temps où le punk avait un plus fort rayonnement.

Cri intérieur

Il y a une urgence notoire dans les titres de cet opus, comme un cri du cœur. Le bien nommé « Punkt » va en ce sens alors que la voix féminine de Nina Cristante rencontre sa part d’ombres lorsqu’elle se mêle à celle de son homologue masculin. Il est bien question de discussions et d’échanges musicaux au cours des titres à fleur de peau qui composent cette galette. La douceur de la voix tantôt à vif, tantôt en retenu se heurte à la guitare, avide d’en dire plus, oppressante, tourbillonnante. Ce nouveau Bar Italia prend aux tripes tant sa sensibilité frappe fort. Pourtant, le trio également composé de Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton joue sur des compositions sur le fil du rasoir tendues, aussi précises qu’un funambule, sans jamais basculer ou perdre son objectif de vue.

Peut-être que le morceau « Yes I have eaten so many lemons, yes I am so bitter » résume le mieux l’esprit de la performance. Là où les notes rondes et sucrées portées par une batterie qui se répètent ouvrent le bal, les voix elles confèrent à une acidité calculée. Il y a une forme de lâché prise sous-jacent, celui du meilleur du punk qui se trame ici. Les rythmes s’emballent et se cassent savamment, comme des vagues sur la jetée.

« Horsey Girl Rider » lui se construit sur des échos, une forme de chuchotement apaisant comme une ritournelle. Double, l’opus n’hésite pas à pousser les voix dans leurs retranchements. Il sait sortir de la brume épaisse qu’il crée pour déchirer sa ritournelle, un éclair dans le ciel vient illuminer le titre « Harpee » et sa lancinante montée en puissance. Le refrain entêtant monte dans les tours, le tout s’accélère

Bon baiser des 90’s

La fin des titres arrivent toujours avec brutalité, un point qui coupe net le dialogue. C’est peut-être ce qui tend à prouver que l’album s’écrit comme un joyau post-punk non taillé. Parfois la finalité vient avec ses faux raccords, une phrase, un propos qui toucherait à sa fin sans fioriture. La production est brute, épaisse, puissante.

Il a la ferveur du post-punk mais sait aussi se balader dans les recoins sombres de l’indie rock. Le slacker rock des 90’s y est convoqué, les inspirations trip hop, spoken word s’y croisent. Le tout y vit avec naturel, tout comme la construction d’un jet tiré à quatre épingles dont les 15 morceaux défilent beaucoup trop rapidement. On tient ici l’alliance parfaite de la modernité et du retour à l’ancien. Et pourtant et c’est ce qui caractérise la grandeur de cette album, les mélodies y sont toujours accessibles, douces et poignantes. L’indépendance s’y vit, vidée de son inaccessibilité. Le naturel est là, comme un ami que l’on retrouverait au bar et à qui l’on raconterait ses plus tristes mésaventure. « Tracey Denim » est le reflet d’âmes, celui qui sublime les états d’âme, rend le morose puissant, emprunte une machine à remonter le temps et vide les 90’s de leurs journées fluos pour leur rendre leurs cuirs noirs. Venez vous asseoir au comptoir de Bar Italia, comme avec une excellente bouteille, vous en prendrez bien plus d’un verre.


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Grand Blanc par Romain Ruiz

À peine un mois après la sortie de leur troisième album, Halo, nous avons eu l’occasion de discuter avec Camille et Benoît de Grand Blanc. Ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur la nouvelle direction musicale du groupe, de leur nouveau label Parages et de leurs voyages qui ont inspiré ce troisième opus d’une grande douceur. 

P&P : Bonjour Camille et Benoît, comment ça va ? 

Benoît : Ça va bien, on répète pour les premiers lives et c’est cool franchement, on a bien travaillé, on est contents !

P&P : Félicitations pour Halo. C’est quoi l’inspiration principale derrière l’album ? 

Camille : Je pense que c’était notre vie ensemble pendant ces quelques années. Ça a duré trois, quatre ans, je pense ? Enfin depuis la fin de notre dernier album, on a passé pas mal de temps ensemble, on a vécu dans une maison, dans laquelle on se trouve actuellement et on a construit un studio, on a monté un label et on a pris le temps de vivre ensemble et je pense que cet album parle de ça.

BenoîtEt puis en vivant dans une maison, notre rythme de vie et notre manière de faire de la musique ensemble a pas mal changé. On avait plus de label, on était en train de monter le nôtre, donc on avait plus forcément d’agenda. Le studio, c’est plus genre la journée et puis le soir tu rentres chez toi. On vivait un peu à l’intérieur de notre album. L’inspiration, ça a aussi été ça, cette espèce de rythme super lent, voir les saisons passer, tout ça.

CamilleEt aussi l’extérieur, les alentours de la maison dans laquelle on vivait qu’on a appelé « Parages » qui est le nom de notre label aussi. On avait un peu cette map autour de la maison qu’on explorait et qu’on a apprivoisé avec le temps et l’extérieur se retrouve pas mal dans le disque.

P&P : Et d’ailleurs cet album est beaucoup plus organique que les précédents. Est-ce que ça vous est justement venu de cette cohabitation, cette volonté de changer de style ? 

BenoîtOui, effectivement tu parles d’organique et c’est marrant parce que vivre ensemble en communauté, c’est quelque chose d’organique en soit. On travaille avec Adrien Pallot qui nous aide à réaliser nos disques depuis le premier. Il a été pas mal à la maison aussi et parfois on dit qu’Adrien c’est la personne qui nous a appris que faire à manger et tenir une maison quand tu fais de la musique dans une maison, c’est presque aussi important que faire de la musique pour faire un disque. Donc je pense que le côté organique, littéralement, il vient aussi du bon fonctionnement de notre communauté. Enfin, c’était comme ça qu’on allait faire un bon disque et après ça répond à organique dans le sens plus esthétique du terme, comme on était dans une maison, on travaillait pas forcément les chansons sur ordi mais parfois dans le jardin avec une guitare acoustique. C’était plus light, on avait pas besoin de se brancher. Et ce mode de vie a fait que dans cet endroit, c’était hyper adapté d’avoir des instruments acoustiques, d’enregistrer des choses dans les alentours, ça a fait le son de Halo. Et c’était à la fois un choix artistiques et à la fois on s’est adaptés à ce qu’on avait sous les yeux.

On a pris le temps de vivre ensemble et je pense que cet album parle de ça.

P&P : Dans l’album, on entend beaucoup de field-recordings, est-ce que c’est une manière de laisser entrer les gens dans votre cocon ? 

CamilleHmm oui. C’est trop bien si ça te fait ressentir ça. On s’est pas forcément dit que les auditeurs étaient avec nous, c’était pas par égoïsme, c’est parce qu’on savait pas si l’album allait sortir un jour et comment il allait sortir. On était en train de faire notre label en même temps et on était plein d’incertitudes, de joie, de sentiments mélangés dans tous les sens et je pense que c’est un peu pour ça que cet album ressemble à ça. On s’est finalement octroyés pleins de libertés, c’est parce qu’on était vraiment entre nous. Tous ces sons qui sont organiques, ça vient du fait qu’on a fait ça avec les moyens du bord et au lieu de camoufler ces bruits extérieurs et ces bruits ambiants, on a décidé d’en faire quelque chose de musicalement intéressant. Si par exemple, sur un enregistrement, on entend la pluie, on va la mettre encore plus fort.

Benoît : Donc si on l’avait mise moins fort, de toute façon elle aurait été là et dans certains courants créatifs, il y a des artistes qui s’imposent des contraintes pour être créatifs, et c’est devenu ça à un moment pour nous. On n’a pas choisi, mais c’est devenu un contrainte créative. C’est trop bien parce que parfois t’es perdu dans le morceau et si tu mets la pluie plus fort et ça donne une idée qu’on avait pas prévu. Ça nous laisse aller dans le sens du courant. Essayer d’être un peu réaliste. Comme disait Camille, c’était un peu notre vie ensemble dans la maison notre source d’inspiration donc il y avait un peu un côté documentaire avec ces sons directs et essayer de rester fidèle à ce que c’était.

CamilleEt puis il y a aussi ce truc de « macro ». Notre musique est liée à des lieux depuis le début. Je sais pas, c’est comme ça, on a toujours bien aimé parler des lieux dans lesquels on vivait, avec lesquels on interagissait, que ce soit quand on partait en voyage ou notre ville… Et là, la façon dont ça s’est manifesté sur ce disque c’est avec la présence du son direct. C’est un peu comme avoir un microscope et de se dire « ce petit son-là, il pourrait avoir du sens avec ces mots-là ». S’attarder un peu sur les choses du réel.

P&P : Et vous avez voyagé en Roumanie juste avant. Est-ce que ça a eu un impact sur la conception de l’album ? Parce que vous parlez beaucoup de voyages, d’évasion dans votre musique. 

CamilleOn est partis en Roumanie, parce qu’on avait deux dates là bas. C’était la fin de la tournée du précédent album et on a décidé de faire un road trip dans le delta du Danube. C’était l’idée de Benoît et ça nous a séduits aussitôt. Le delta du Danube, c’est un énorme marécage, on va dire, où d’un côté on a le Danube et de l’autre côté la mer sur une centaine de kilomètres avec des méandres, des roseaux, des oiseaux, des grenouilles… et au milieu t’as vraiment rien. Nous, on était dans une auberge et c’étaient des maisons sur pilotis. C’est à ce moment-là qu’on s’est dit que ce paysage était vraiment beau et qu’on devrait peut-être se remettre à faire de la musique et en fait, j’avais mon enregistreur et le premier son du disque qu’on entend, c’est le son de cette soirée. Enfin c’est les grenouilles du delta du Danube. Et je trouve ça trop bien de commencer par là sur l’album parce que c’est un peu là où tout a débuté pour Halo. 

Benoît : Cet endroit a aussi posé un doute, il est très vaste, mais comme il y a beaucoup de roseaux au niveau de l’eau, il n’y a pas de relief donc tu ne peux jamais vraiment saisir l’immensité qu’il y autour de toi, tu la pressens et ça s’est mis à ressembler un peu à ce qu’on vivait à la maison où on voit le ciel par le vélux et c’est tout. Et c’est pas non plus un paysage très vaste ou très exotique notre maison mais on a dû voir au travers. Ce voyage est raconté dans « Loon » et c’est l’un des premiers morceaux du disque. Ce voyage, il fallait qu’on le raconte et on a un peu travaillé sur ce récit tout au long du disque. On répétait cette histoire et c’est devenu notre légende.

CamilleOui, une petite chanson de départ sur la quête.

P&P : Vous avez commencé à travailler sur cet album en 2019. Est-ce que vous pensé que le covid et le confinement ont eu un impact sur la conception de l’album ? 

CamilleNon, je pense pas. Évidemment, tout ce qui nous entoure a une incidence sur nos actions et la pandémie a eu une incidence, pour le coup, sur toute la planète. Mais nous, on était déjà dans la maison au moment de la pandémie, on commençait déjà à faire ce travail ensemble et en fait c’est arrivé à un moment où on était déjà un peu installés. Ça faisait peut-être déjà deux semaines qu’on était là et puis on est restés coincés, comme tout le monde, et on a juste continué à faire ce qu’on avait prévu de faire.

BenoîtEn plus, si on avait enregistré l’album comme les précédents à Paris, ça aurait été un facteur énorme mais là, on était déjà entre nous, on sortait pas trop de la maison, on avait tout ce qu’il fallait. Par exemple, il y a une chanson « dans le jardin, la nuit » sur le disque sur un moment qu’on a vécu ensemble où on a vu un truc bizarre dans le ciel la nuit. En fait, la boite d’Elon Musk lançait des satellites pour faire des réseaux de 5G et en fait ça faisait une espèce de colonne d’étoiles bizarres. Et puis on a fait une chanson dessus.

P&P : Parlez-nous de la pochette de l’album, est-ce que c’est une photo du ciel vu depuis votre maison ? Les fameux parages ? 

CamilleLa pochette a été réalisée par un collectif qui s’appelle « C’est Ainsi » et en fait Labex fait partie de ce collectif. Il fait des photos passées dans la moulinette de ses ordinateurs on va dire. Il fait un peu de l’impressionnisme numérique et on adore ce qu’il fait. on lui a demandé de faire la pochette et il est venu faire des photos à la maison pendant deux jours. Et cette pochette c’est probablement le résultat de quelques photos mélangées. C’est en quelque sorte une vue du jardin et c’est très parlant pour nous.

P&P : Tous vos textes sont écrits en français. Est-ce que vous voyez ça comme une prise de risque ou comme une évidence, quand on voit des artistes non-anglophones écrire en anglais malgré tout ? 

BenoîtC’est pas une évidence, non. Ça fait trois albums qu’on écrit comme ça.

CamilleAprès notre rapport à la langue, il est différent pour chaque personne. On pourrait jamais s’imaginer écrire dans une langue qu’on maitrise pas intrinsèquement. Si on parlait couramment d’autres langues, on écrirait dans d’autres langues oui. J’ai grandi en chantant des chansons en anglais, c’est une langue hyper ronde avec des diphtongues, des longues voyelles et c’est super pratique mais bon, quand je chante des textes en français, j’ai plutôt tendance à étirer les mots pour les faire sonner comme les chansons que j’avais appris à chanter. L’idée c’est d’essayer de proposer quelque chose qui ressemble vraiment à qui on est, d’essayer d’avoir sa patte.

BenoîtMais c’est de moins en moins une prise de risque et puis on essaye d’être honnêtes les uns avec les autres et on a fait comme ça, parce que ça nous paraissait évident. Le français peut être aussi musical que l’anglais et on y travaille beaucoup à cette musicalité.

CamilleOn n’est pas des pop stars, on se sent pas trop concernés par l’accessibilité, on sait très bien qu’on ira pas à Coachella (rires). Et si un jour, on passe à Coachella, on chantera nos textes en français.

On s’est battus pour qu’il existe ce disque et ça lui donne plus de valeur.

P&P : Vous avez créé un label, « Parages » il y a un an. On voit de plus en plus d’artistes créer leur label, pour faire fi des contraintes imposées par les gros labels, peut-être. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer ce label ? 

CamilleÇa coûte très très cher de faire un film. Alors qu’un album, ça coûte presque rien, notamment électro, tu peux tout faire tout seul, l’enregistrer, le produire, le sortir sur Spotify. Donc à partir de ce moment-là, pourquoi s’embarrasser d’un label ? Le label peut interagir dans la création d’un disque et quand tu veux être indépendant financièrement et artistiquement, autant créer son label. Tout dépend de la musique que tu veux faire bien sûr. Nous, on a décidé de faire un label parce que c’était le moment. Ça fait deux albums qu’on sort, avant on y connaissait rien à l’industrie de la musique mais maintenant si, on a un peu plus compris comment ça se passait. On va être peinards, on fait de la musique quand on veut, la sortir comme on veut et sortir absolument ce qu’on veut. Si demain, on fait une chanson toute seule et que je l’adore, je peux la sortir sur Spotify et ça s’arrête à peu près là.

BenoîtBon bien sûr, ça rajoute du boulot mais le rapport au produit fini n’est pas du tout le même. On est passionnés par ce qu’on fait et on essaye de s’investir au maximum dans nos disques et là, comme on fait absolument tout, c’est vrai que tenir le vinyle dans nos mains, il y a un rapport à ta musique qui est plus intense et complet. Donc il y a une pression qui s’ajoute mais à la fois quand tu es content, tu sais pourquoi tu l’es.

CamilleC’est un sentiment vraiment d’accomplissement quand tu fais tout de A à Z. On l’a pas fait entièrement tous seuls parce qu’on s’est entourés de personnes qui nous ont aidés pour le faire mais on était au centre de la production. C’est nous qui avons instigué l’idée de faire un album seuls et ça n’a pas de prix. C’est fou quand tu te dis que tout est passé par nous. On s’est battus pour qu’il existe ce disque et ça lui donne plus de valeur.

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Moment emblématique du début de l’été, coup d’envoi des festivals et des vacances, le Fnac Live est un incontournable des beaux jours parisiens.

En cause, un festival gratuit et surtout un cadre de rêve puisque chaque année l’évènement prend place sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Un très beau décors avec en fond Notre-Dame de Paris pour faire la part belle donc à des artistes de qualité sous le soleil, cet astre qui tarde trop à venir nous réchauffer. L’édition 2023 qui se déroulera du 28 au 30 juin n’échappe pas à la règle et a annoncé ses premiers noms. Le promesse de faire plaisir au plus grand nombre est bien là.

Fnac live 2023Fnac Live 2023 : les premiers noms !

Premier nom annoncé pour cette nouvelle édition : Franz Ferdinand. Après une édition très française en 2022, le festival amène les écossais au cœur de la capitale.  Après 20 ans d’activité la notoriété internationale de la formation menée Alex Kapranos n’est plus à prouver. Au programme de la pop, du rock et des morceaux issus de leur best off « Hits to the head » paru en 2022.

Côté France, Benjamin Biolay sera de la partie. Le musicien reviendra sur « Saint-Clair » son dixième album studio. Pour danser en plein air, l’électro sera bien présent au programme avec en tête de liste un énorme trio Boombass X Étienne de Crécy X DJ Falcon. A cela s’ajoute les beats chill de Polo & Pan.

Le jazz sera à l’honneur avec l’américaine Gabi Hartman qui s’est placé en tête des ventes avec son premier album éponyme sorti cette année. Un périple solaire, dansant qui a déjà tout d’un classique. Enfin Jason Glasser artiste américain  aux multiples facettes installé à Paris viendra jouer « Pelican » son premier opus solo paru en février. Connu pour ses peintures, sculptures et vidéos, il faisait ses premiers pas dans la musique en 1990 dans le groupe Clem Snide.

Le festival dévoilera la suite de sa programmation le 6 juin.


Juliette Armanet - Fnac Live - 2022

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