Encore un remake ! Cette fois, il s’agit des Sept Mercenaires de John Sturges de 1960 qui a « l’honneur » de passer par la moulinette hollywoodienne avec Denzel Washington, Chris Pratt ou bien encore Ethan Hawke en lieu et place de Yul Brynner, Steve McQueen et autres Charles Bronson… Y gagne-t-on au change ? On vous dit tout…
Déjà remake en lui-même des Sept Samouraïs de Kurosawa, sorti dans les années 50, les Sept Mercenaires, après de nombreuses et oubliables suites tout au long des années 60, se voit offrir le luxe de passer par la case « remake » qu’Hollywood affectionne tant ces derniers temps. Est-ce un mal pour un bien ? Est-ce que c’était « mieux avant » ? Oublié le « developement hell » qui voyait des projets de remakes contemporains avec un « all stars » casting il y a quelques années, Antoine Fuqua a pris les choses en mains et a convoqué son acteur fétiche Denzel Washington (avec qui il a fait « Training Day » et « Equalizer »), Ethan Hawke ( « Training Day » aussi), le très hype Chris Pratt ( « Les Gardiens de la Galaxie ») et toute une galerie de seconds couteaux ne déméritant pas ( Vincent D’Onofrio, Cam Gigandet, Lee Byung-Hun…). Toute cette joyeuse troupe est réunie pour nous raconter l’histoire de ces fameux sept mercenaires venus sauver un village des griffes d’un propriétaire terrien voulant les expulser.
Le rêve américain est mort, c’est par ce constat que s’ouvre le film. Des villageois sont rassemblés dans une église et s’interrogent sur le fait de quitter leurs terres suite à « une offre qu’on ne peut pas refuser » de la part du grand méchant Bogue (joué par un Peter Sarsgaard habité, ce qui n’est pas un compliment dans ce cas précis). Il est question de foyer, de communauté, de biens acquis à la sueur de son front au cours de toute une vie, de l’esprit pionnier si cher aux Américains. Une poignée de minutes plus tard, la plupart de ces charmants pionniers se fait copieusement massacrer par les sbires de Bogue et l’église est brûlé. On peut aussi penser aux forages actuels de gaz de schiste en voyant les images d’explosion pour présenter la mine dans laquelle travaille les employés de Bogue. Le capitalisme effréné fossoyeur du rêve américain ? La question est intéressante et se pose encore un peu plus, quand plus tard dans le film, le grand méchant justifie ses actes en arguant qu’il n’a pas le choix contrairement aux Vanderbilt et autres Rockfeller (grandes dynasties américaines d’hommes d’affaires de l’époque) et qu’il doit se battre pour ce qu’il désire. Que cette figure de méchant principal du film et donc du capitalisme se voient opposer une troupe de mercenaires représentant chacune des minorités composant les États Unis amènent un propos qui n’est franchement pas inintéressant. Sur ce point, ce qui pouvait passer pour des esprits chagrins pour une forme d’opportunisme est bien géré par le scénario de Nic Pizzolatto (le créateur de « True Detective », qui a magnifié au cours de ses deux saisons les codes du film noir et de l’enquête policière, si chère à l’imaginaire collectif aux États Unis) et de John Lee Hancock (scénariste du petit bijou « Un monde parfait » d’Eastwood et réalisateur du remake d’ « Alamo »). En effet, à un moment donné le personnage gouailleur de Chris Pratt n’hésitera pas à faire remarquer qu’il y a un sudiste, un nordiste, un Irlandais, un Chinois, un Mexicain, un Peau Rouge,etc…
Mais toutes ses digressions étant posées, la question principale reste : est ce un bon film ? Regarder un western a toujours cette particularité de vous mettre dans des vieux chaussons. On se souvient de ceux qu’on regardait enfant, des jeux en maternelle ou en primaire… L’aspect madeleine de Proust à voir un bon western. Et force est de constater que ce remake des « Sept Mercenaires », si on lui donne sa chance, vous fait passer un agréable moment. Certes, on est pas au niveau d’un « Rio Bravo » ou de « L’homme qui tua Liberty Valance » mais on a pas perdu son temps. Fuqua filme avec amour sa galerie de personnages et sait donner une véritable consistance à ses têtes d’affiche (notamment Ethan Hawke et Chris Pratt qui tirent particulièrement leur épingle du jeu). Il prend le temps d’accorder de l’attention à chacun de ses mercenaires même si évidemment certains se mettent beaucoup plus en avant que d’autres, Lee Byung-Hun notamment, en as du couteau, crève l’écran par son charisme naturel). Sa relation et le duo qu’il forme avec le personnage d’Ethan Hawke, vétéran sudiste toujours traumatisé par la Guerre de Sécession est intelligemment mené et n’a pas besoin de beaucoup de scènes pour que l’on puisse en comprendre toute la complexité. Alors bien sur, tout ça n’est pas du Shakespeare et c’est un divertissement qu’on vient voir. Explosions, fusillades, chevauchées endiablées, Colts et chapeaux de cow boys, tout y est…. Gros bémol du film, alourdir l’histoire dans ses dernières minutes quand on comprend que la motivation profonde du personnage de Denzel Washington n’est pas si désintéressée que ça. La version de 1960 ne manquait bien sur pas de bons sentiments mais avait une certaine mélancolie quand Brynner, après la bataille, au moment de partir regardait les paysans s’affairer et lâchait à Mac Queen « seul les fermiers ont gagné, pas nous ». La solitude du guerrier désintéressé ça en jette plus qu’un énième effet de scénario vu des centaines de fois… Mais bon, ne soyons pas tatillon ! D’un projet pouvant laisser plus que circonspect, on a finalement un honnête divertissement qui nous aura fait voyager en plein Far West pendant plus de deux heures. Une bien chouette chevauchée, c’est ce qu’on se dit quand le film se clôt sur les mercenaires survivants quittant le village en direction du soleil couchant et que le mythique thème d’Elmer Bernstein retentit…