La tempête frappera-t-elle aujourd’hui  – ou bien demain ? C’est la question qui se pose à l’ouverture des portes de Solidays en ce samedi 29 juin 2024. Le ciel nuageux menace et la chaleur confère en une électricité palpable qui électrise les festivalier. Demain, le premier tour des élections législatives fera écho à la météo, faisant craindre le pire des cataclysme. En attendant – ou non- que le ciel nous tombe sur la tête, reste à partager les valeurs du festival engagé, en toute solidarité et puis surtout danser, temps qu’on peut encore le faire. Et après nous ? On fera mentir l’adage qui aurait répondu après nous le chaos, parce qu’après nous la lumière.

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Solidays 2024 crédit : Louis Comar

You are my sister

Difficile pour la milieu de la musique de se détacher d’une actualité politique obsédante ces dernières semaines.  Il est évident que sur un festival qui oeuvre depuis 26 ans comme Solidays et qui cherche à faire sa part dans la création d’un monde plus inclusif et bienveillant, l’ombre de la menace ne quitte pas les esprits. Il en est d’ailleurs question dès l’un des premiers concerts de la journée. Petit prodige du new raï, et musicien formé au conservatoire, Danyl  qui se produit sur la scène JDôme lance les hostilité en interprétant un titre contre le RN qu’il a écrit quelques années plus tôt. « Il est malheureusement encore plus d’actualité aujourd’hui » regrette-t-il avant de lancer qu’on « Baise le RN ». Le ton est donné.  De son côté Johnny Jane, sur la scène Domino parle de son ex avec qui il « faisait beaucoup de sexe » en un show coloré et ultra pop. Il n’empêche que ses paroles – centrales dans son oeuvres – viennent à s’égarer du côté de la notion de fin du Monde. Doit-on célébrer l’approche du chaos ? Il faut beaucoup de chaos en soi pour enfanter d’une étoile qui danse disait Nietzche. Ici la phrase fait encore plus sens. La foule lumineuse danse à en perdre la raison, entre avant-scène et pelouses. Le public est déjà devenu une boule géante et unie, un énorme moteur brûlant qui peut gagner tous les combats et même sauver le Monde s’il le décidait. Et puis il fait encore lourd, et les nuages font office de menace lointaine, qu’on aimerait oublier.

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solidays 2024 crédit : LouisComar

L’oublie c’est pourtant ce qu’il ne faut jamais faire. Quelles que puissent être les circonstances. C’est aussi pour ça que l’hommage aux disparu.e.s sur la scène Paris est toujours aussi important. Comme chaque année, elle est l’occasion de se recueillir et de commémorer les victimes du SIDA, de leur redonner un nom et de célébrer leur existence et leur combat. Des patchworks de tissus créés en leur noms sont dépliés et exposés dans la foule. « Le pire des fléau c’est bien encore le rejet de l’autre. » Nous explique côté scène un survivant, membre de l’association du Patchwork des noms. Pour habiller le moment de recueillement, et faire parler l’émotion à travers la musique, le festival a choisi de diffuser en écrasante majorité les compositions de l’immense musicienne qu’est Anohni. Artiste d’une importance capitale, proche de Lou Reed quand il était encore parmi nous, femme trans et militante, elle se produisait justement à la Philharmonie de Paris quelques jours plus tôt. Là, elle portait ses messages avec le coeur. Celle qui  rendait hommage à Marsha P. Johnson ( militante historique des droits LGBT +  et des émeutes de Stonewall, engagée à ACT UP, ) racontait ses combats féministes et la création en 2012 de  la phrase aujourd’hui célèbre : »The future is female ». Elle en profitait également pour parler sans mâcher ses mots d’homophobie mais aussi de l’approche des élections en France. « Vous aussi comme dans mon pays, vous êtes au bord du précipice. » et d’ajouter « Mais vous avez cette force, qu’on a peu aux Etats-Unis de vous battre dans la rue ! Ca vous fait peur ici aussi ? ». Se battre voilà des mots qui résonnent encore plus en ce samedi nuageux, au milieu d’une foule émue, d’une foule qui apprend, partage et écoute. Les noms se succèdent dévoilés tour à tour au micro. Et pour la première fois, un patchwork en l’honneur des personnes trans victimes du SIDA est dévoilé. Lorsque résonnent les notes du titre « You are my sister », chanté en live si près si peu de de jours plus tôt, ses paroles font plus sens que jamais et les deux évènements se fondent en une notion d’unité, de ceux qui transcendent les générations. Ils se répercutent du public très jeune que constitue le festival aujourd’hui à celui plus âgé qui applaudissait chaque mot d’Anohni.

La fête doit reprendre parce que faire la fête est aussi l’une des plus grandes des libertés. Une fête plurielle, sécurisée, une fête pour dire que nous sommes là, que danser c’est aussi lutter. En la matière Anitta, aujourd’hui super-star est un nom qui fait sens. Ce soir, elle se produira deux fois, à Solidays donc, puis dans Paris à l’Elysée Montmartre. S’étant créée un public en un rien de temps elle lance les gros beats de sa brasilian funk, entre danseurs.seuses et beaucoup – énormément -de twerks. L’instant permet de lâcher complètement prise et de s’offrir un bain de foule plus bruyant que le tonnerre. Viendra-t-il changer le ton ?

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Anitta à Solidays 2024 crédit : LouisComar

A l’origine, l’amour

Le Ceasar Circus et sa tante accueillent l’Irlandaise de CMAT pour un show aux mélodies solaires qui retourne toute l’assemblée sur son passage. Un concert qui tape droit au coeur de la rédaction et qu’on vous raconte d’ailleurs en détails dans un article qui lui est entièrement dédié. Et si la pluie devait tomber maintenant ? Eh bien, elle attendra encore un peu.

D’autant plus qu’il faut courir sur la scène Paris où se produit la tête d’affiche de la soirée : Mika. Décidé à créer la set-list parfaite (a-t-on déjà vu meilleure sélection de morceaux ?), le musicien lance les hostilité avec son titre « Origin of Love ». Sur scène, le chanteur surprend par sa sympathie magnifique et son attitude aussi cartoonesque que pouvait laisser l’entendre le titre de son premier né, monument de la pop s’il en est, « Life in Cartoon Motion ».  « Et si la tempête devait arriver ? » harangue-t-il  » On ne lâcherait rien ! ». Pas le temps de souffler, Mika est une tornade. Le souffle court dès le second titre, il faudra danser à s’en rompre le coeur sur « Relax, take it easy ». Sur « Big girl, you are beautiful », la super star s’offre un bain de foule, allant saluer chaque membre de son public. En son sein, ses membres utilisent leurs téléphones et des banderoles pour diffuser des messages d’amour.  Pour le chanteur mais aussi ceux qu’ils aiment. De « Mika, épouse à moi » à des déclarations plus personnelles. Un hommage à Jane Birkin, la première femme à l’avoir aidé et accueilli au début de la gloire vient ponctuer l’instant. Tous les titres emblématiques sont là, « Elle me dit », dont toute l’assistance connait chaque mot mais aussi l’immense plaisir de retrouver l’inoubliable « Happy Ending ». « Little bit of love » chante le choeur, face à beaucoup d’amour. Aurons-nous droit aussi à une fin heureuse ? Ou comme le dit la chanson en serons-nous privé.e.s ? La fin est une notion qui pourrait nécessiter clarification, elle marque aussi un nouveau début et puis ce soir pour reprendre la mélodie « C’est la façon dont on aime comme si c’était pour toujours ». « Grace Kelly » permet à tout le monde d’hurler à pleins poumons, des cris de joie, qu’il est beau d’entendre. Les effets de scènes grandioses sont légions, d’ailleurs un arc-en-ciel géant sort du piano sur lequel l’artiste jouait et vient habiller le moment. Les tubes s’enchaînent. Cet homme n’a-t-il eu que des succès ? « Love Today » vient conclure ce très grand moment de festival, cette leçon de spectacle. Mika invite le public à danser sans regarder la scène mais en se regardant les uns, les autres. La réalisation est sans appel. La musique, c’est la communion. A l’origine était donc l’amour et à la fin, l’amour était partout, un remède assez efficace pour avoir encore un temps éloigné la tempête.

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solidays 2024 crédits: Louis Comar

We will survive

Pour s’apaiser, rendez-vous devant la scène JDôme et le concert d’Isaac Delusion. Sa jolie scénographie fait honneur à l’électro pop des parisiens. Toujours relaxante, particulièrement bien écrite, la discographie du combo défile devant une foule immense qui a autant pris d’assaut les pelouses que l’avant scène. Comme toujours avec le groupe, l’élégance musicale est synonyme de fête. Un démarrage parfait pour une nuit qui n’aura pas de fin.

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Solidays 2024 crédit Louis Comar

C’est finalement pendant que Dabeull lance son set en live band que la pluie qui a tant menacé finit par arriver. Une pluie à grosses gouttes il est vrai, mais loin du gros orage redouté. Sous la tante, les intempéries dehors semblent irréelles, peut-être même anecdotiques. Côté scène,  celui qui a composé aux côté de l’immense Sofiane Pamart n’a rien à envier à sa précision musicale. Sa funk fait mouche et frappe juste, les lettres qui habillent sa scène rappellent un club lounge pointu, et  la musique s’adresse à tous les publics, de l’oreille la plus experte à celles venues danser. Les corps se serrent et se déhanchent. La tante devient une maison loin des gouttes et des angoisses, ceux qui y sont présents en sont autant de pièce. L’abris partagé prend alors tout son sens.

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Solidays 2024 crédit LouisComar

D’ailleurs, voilà déjà les nuages qui s’éloignent alors que la scène Bagatelle est devenu un dancefloor géant pour celles et ceux venus écouter l’électro puissant et déjanté de Brutalism 3000. Encore quelques pas, quelques notes et Solidays nous convie à son dernier temps très fort de la journée.

Solidays 2024 Diplo  crédit Louis Comar
Solidays 2024 Diplo
crédit Louis Comar

Sur la scène Paris, le président du festival compte bien rendre hommage à ses très nombreux.ses bénévoles. Voilà 26 ans que l’évènement existe, rappelle-t-il et partage ses valeurs, ses conférences, il éduque autant qu’il amuse. « On nous avait annoncé la tempête aujourd’hui et elle n’est pas venue ! » scande-t-il avec joie. Sur scène, il présente l’équipe chargée du montage, la remercie pour son travail si difficile et promet demain plus de 200 drones qui devaient être lancés l’an dernier mais dont le décollage fut décalé d’une année en raison de la météo. La preuve que tout finit par arriver. Qu’il n’est de rendez-vous manqué qui ne pourrait avoir lieu. Dans la foule, une jeune-fille perché sur des épaule appelle son ami. Toute la foule autours d’elle se met à l’appeler, répétant en coeur et en boucle le nom de l’être perdu parmi les visages. L’opération sauvetage est un succès, les voilà réunis pour célébrer l’instant ensemble. La preuve encore qu’ensemble on est plus forts. Comme le veut la tradition, le public est convié, après un temps de silence à chanter sur « I will survive »de Gloria Gaynor. C’est amusant pourrait-on penser, qu’un titre qui parle de se relever d’une rupture, de rester forte, soit aujourd’hui celui qui évoque le mieux la victoire. La faute à la coupe de Monde de 98 ? Certainement mais aussi une nouvelle façon de rappeler que se relever veut aussi dire grandir. Après quoi se sera au tour du DJ Diplo de se lancer dans un set électro endiablé qui reprend les plus grands classiques de la musique dont la queen Lana Del Rey (à retrouver à Rock en Seine cette année) mais aussi le trop peu rappelé aux souvenirs « Your love » de The Outfield. « I don’t wanna lose your love tonight » disent les paroles. L’amour, ce soir, on l’aura compris, aura été central. Demain, il unira encore le festival pour la journée. Mais c’est bien lui qui viendra à manquer dans les urnes alors qu’elles donneront une majorité effrayante au RN. Pourtant et si une journée de festival pouvait encore être synonyme d’espoir, elle rappellera à celles et ceux qui ont peur qu’iels ne sont pas seul.e.s. Ensemble toutes les luttes peuvent être gagnées, qu’il s’agisse d’échapper aux pires des politiques, à l’obscurantisme mais aussi de traverser et repousser les tempêtes. Ensemble, il est encore possible de souffler sur les nuages, d’en faire une petite pluie qui passera. Aucun n’homme n’est une île, complet en soit-même, et c’est ça la beauté de ce Monde.


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