Festival d’avignon : Prologue

La 79e édition du Festival d’Avignon (In) et la 59e du Off se clôturaient ce samedi 26 juillet. C’était donc l’occasion de découvrir près de 2 000 pièces (in et off confondus), de qualité, de forme et de fond bien différents pendant trois semaines. D’un magicien misogyne à un Opéra pompeux en passant par du théâtre documentaire de haute voltige – il y a tout et rien à Avignon. La course effrénée au succès et la joute du tractage transforment la ville en une immense pièce de théâtre, temple de la culture et de l’art. Notre sélection purement aléatoire et arbitraire a pour but de valoriser des travaux méritant plus de visibilité mais n’hésitera pas à critiquer les grands noms qui, mauvaise critique ou non, ne manquent jamais de public.
scène 1 – la Distance de Tiago Rodrigues
La création du directeur du Festival In met en scène les messages qu’un père envoie à sa fille en 2077 alors que celle-ci est partie sur Mars pour créer une nouvelle humanité. Sur scène, Adama Diop et Alison Deschamps incarnent avec tendresse et fragilité cet échange intime à travers la galaxie. Le plateau circulaire tourne au gré d’un récit qui interroge avec une force percutante les questions de mémoire, d’intimité et d’écologie. Une création poétique et politique bluffante en tout point.
scène 2 – CRASH de Sophie Lewish (Compagnie Hors Jeu)
Coup de cœur de cet Avignon, CRASH redonne vie au procès de l’affaire Tarnac : un groupe anarchiste accusé d’acte terroriste fait l’objet d’un procès demeuré dans les mémoires comme un fiasco judiciaire. Sophie Lewish, la metteuse en scène, a assisté aux trois dernières semaines de ce procès et propose une pièce survitaminée, drôle et politique. Les cinq interprètes jonglent entre de nombreux rôles avec une aisance à toute épreuve, s’avérant toujours justes dans leurs propositions. Foisonnante et pertinente, CRASH se fait le miroir d’une justice faillible dont elle interroge les revers. Un immanquable à voir lors de leur prochain passage près de chez vous.
scène 3 – Lights on Chaplin de Alwina Najem-Meyer (Troupe WahnsinN !)
Spectacle muet en noir et blanc virtuose, « Lights on Chaplin » reprend Les Lumieres de la Ville dans une forme théâtrale drôle et touchante. Sur le plateau, la magie du cinéma prend vie avec un pianiste live. Les interprètes sont d’une grande justesse et donnent vie à ce théâtre de corps avec expressivité et enthousiasme. Un immanquable de cet Avignon.
scène 4 – Les Incrédules de Samuel Achache
Que dire de cette création à l’Opera d’Avignon que propose Samuel Achache (Sans Tambour, Orfeo…) ? Etudiant la notion de miracle dans une forme musicale riche, l’opéra débute alors qu’une jeune femme qui vient d’apprendre la mort de sa mère par téléphone voit cette dernière rentrer dans son appartement. S’en suit une coquille vide et pompeuse qui ne dit rien sur rien avec des moyens démentiels. La scénographie a beau être splendide, Les Incrédules met à l’épreuve une lassitude qui ne diminue aucunement durant ses 2h10 de spectacle. Nous voilà coi devant cette proposition pourtant prometteuse.
scène 5 – YES DADDY de Bashar Murkus
Un homme atteint d’alzheimer appelle un escort à son domicile. Très vite le jeune éphèbe se fait passer pour le fils de ce vieil homme dont il joue avec la mémoire par divers moyens. Cette création intrigante qui pose la question du mensonge, du fantasme et de la mémoire s’échoue dans une série de situations gênantes qui aboutissent à un propos creux. La pièce ressemble davantage à une psychanalyse névrosée et obscène qu’à une réelle proposition sur la solitude et la vérité. Le jeu de mot est prévisible mais ce sera NON, DADDY pour nous.
scène 6 – L’enfant de verre de Leonore Confino et Géraldine Martineau (m.e.s Alain Batis)
Cette fable onirique et touchante déploie un univers d’une grande fragilité. Au sein d’une famille qui s’aime, tout semble transparent mais tout est tranchant. Alors quand Liv brise la mésange de verre dont chaque femme hérite à 15 ans dans sa famille depuis de nombreuses générations, la cage se brise et les non-dits éclatent avec douceur. L’Enfant de verre demeure parfois trop suggestive, mais parvient à viser juste par ce conte théâtral porter au plateau avec beaucoup de poésie.
scène 7 – Cabaret Mythique des Mauvais élèves
Mis en scène par Shirley et Dino, ce cabaret queer explose les codes de la mythologie pour repenser entre autres la place des femmes et rire avec désinvolture des mythes fondateurs de l’Occident. Avec légèreté et insolence, les Mauvais élèves rient et chantent pour déconstruire le cis het blanc mythologique et offrent une bulle de joie revigorante.
festival d’Avignon : Épilogue

choregraphie Jan Martens scenographie Joris Van Oosterwijk avec Zoe Ashe-Browne, Viktor Banka, Tiemen Bormans, Claudio Cangialosi, Morgana Cappellari, Brent Daneels, Matt Foley, Misako Kato, Nicola Leahey, Ester Perez, Taichi Sakai, Niharika Senapati, Paul Vickers, James Vu Anh Pham, Kirsten Wicklund et la participation de figurants et la claveciniste Goska Isphording lumiere Elke Verachtert , video Stijn Pauwels costumes Jan Martens, Els Mommaerts, Joris Van Oosterwijk
crédit : Christophe RAYNAUD DE LAGE
Bien que l’ensemble soit inégal (et c’est aussi le plaisir du festival), la quantité foisonnante de pièce permet à Cendrillon, sa belle sœur et toute la famille de trouver chaussure à son pied. En dépit de la démultiplication gargantuesque du nombre de pièces dans la programmation du Off – dont le modèle économique et écologique peut en ce sens être questionné – Avignon sait se faire terreau de l’innovation artistique et crée trois semaines par an un rempart de culture enlevé et acharné contre la barbarie. C’est aussi le jeu de la création que de laisser sa chance à chacun.e. Et à une époque où la culture en France est attaquée et précarisée, Avignon et ses remparts renferment la joie d’un monde politique qui a parfois des allures de dernier bastion. Alors en dépit des magiciens misogynes et des opéras creux, Avignon rayonne et résiste avec ferveur pour cette nouvelle édition réussie.
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