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Leïla Behkti

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De quoi parle La Troisième Guerre ?

Premier long métrage de l’italien Giovanni Aloi, La Troisième Guerre (qui sortira en salle le 22 septembre) est un drame français suivant le parcours de Léo Corvard, un jeune militaire. Sa première affectation: la mission Sentinelle. Une opération de l’armée de terre  déployée suite aux attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015. L’œil grave et mature d’Aloi suit le quotidien de certains de ces soldats, contraints de patrouiller dans les villes à l’affut de la moindre menace, du moindre objet suspect ou éventuel terroriste. Seulement, le danger est-il aussi réel que prétendu ?

« Nous sommes en guerre »

Voilà ce que Manuel Valls annonçait en évoquant la lutte contre le terrorisme en 2015. Cette formule était reprise plus récemment par Emmanuel Macron lorsque le Coronavirus commençait à faire des ravages. Elle était à la limite de prendre sens au début de l’année dernière des suites d’une gestion déplorable de la plus grande puissance mondiale par un certain milliardaire jaunâtre. Et voilà ce qu’annonce un des policier de La Troisième Guerre aux sentinelles qui était au bord de faire rater une arrestation importante. Il n’y a pas à dire, nous sommes bien en guerre. Mais contre qui ? contre quoi ? Voilà ce qu’Aloi a voulu dépeindre dans son film ; une guerre réelle mais abstraite qui entoure constamment les hommes sans que nous n’y prêtions beaucoup d’intérêt.

La Troisieme GuerreEn suivant les patrouilles d’une troupe de sentinelles menée par Yasmine (que Leïla Behkti interprète avec un naturel à fleur de peau), le spectateur est amené à prendre part à cette guerre. La première image du film est elle même accompagnée d’une musique lourde et grave aux allures belliqueuses, entrainant immédiatement l’audience dans l’ambiance pesante de ce conflit perpétuel. Dans les rues de Paris et sa banlieue, les soldats doivent avoir le regard sur tout, douter de tout et ne jamais laisser de place au doute. Une poubelle remplie après le passage des éboueurs, un passant à la démarche particulière, un carton de livraison: tout est suspect. Petit à petit, nous nous rendons compte que nous sommes nous mêmes des dangers potentiels et que nous sommes des acteurs involontaires de cette prétendue guerre. Pour autant, si les militaires sont présents et à l’affut, ils ne peuvent intervenir que selon des directives bien (trop) précises, voire absurdes, et sur accord d’une autorité supérieur ; ce qui soustrait une efficacité considérable à la lutte contre le terrorisme. Dès la première scène de patrouille dans le métro parisien, l’opération Sentinelle apparaît comme totalement obsolète et son utilité est remise en cause. La volonté d’Aloi de pointer le paradoxe de cette mission et l’inactivité révoltante des militaires est admirablement illustrée dans l’ensemble du long métrage et pousse le spectateur à s’interroger sur la place qu’occupe réellement ces patrouilles qu’un citadin est amené à croiser au quotidien. Car le jeune Léo Corvard le dit lui même, le citoyen n’est plus surpris par ces présences, « comme si c’était normal ». Et voila précisément ce sur quoi le réalisateur souhaite faire glisser la réflexion, y-a-t-il lieu d’avoir peur ?

Une position assumée et déroutante

La Troisième Guerre est en effet un cri de consternation contre l’absurdité de cette mission Sentinelle. Giovanni Aloi en a été frappé en 2015, au moment des attentats, alors qu’il était à Paris à ce moment. Dès le lendemain, les soldats étaient déployés dans toute la capitale mais déjà leur inactivité frappait le jeune réalisateur italien. Et si vous ne l’aviez pas remarqué auparavant, La Troisième Guerre vous promet de le faire. Car Aloi et Baumard (scénariste) se sont renseignés et ont échangé avec des militaires ayant participé à l’opération Sentinelle, et les résultats de leurs échanges sont déroutant. Impression d’être inutile et inactif menant parfois à des dépressions, là où ce qui animait en majorité ces soldats était le besoin de protéger leur patrie. Et voici d’ailleurs ce qu’Aloi souhaite faire ressortir : le paradoxe qui hante ces militaires qui souhaitent être utiles à leur pays mais qui sont impuissants en mission. Et La Troisième Guerre le montre très bien. Il faut se plier à un protocole bien précis auquel il serait insensé de déroger. Avant toute intervention il faut consulter ses supérieurs, quitte à laisser passer une arrestation. Les scènes de patrouille se succèdent sans qu’il ne soit possible de percevoir une utilité quelconque aux sentinelles. L’une des seules interventions semblant présenter un réel danger et poussant la pression à son paroxysme s’avère être une erreur de la part des sentinelles. Les jeux vidéos de guerre auxquels jouent les soldats à la caserne sont bien plus vivants et violents que ne l’est la plus active des patrouille. Il y a même en ces différents moment de divertissement, outre une pause bien méritée, comme la recherche d’un substitut à l’inactivité, une quête d’actions concrètes. Une question se pose alors, quelle est le moins absurde: pouvoir se battre à l’infini et avec violence grâce à des ordinateurs ou être un militaire passif et inactif ? Il en est toujours que les sentinelles se doivent d’exécuter leur mission avec sérieux et d’épier tout ce qui les entoure. La caméra se fixe en gros plan sur les visages à l’affut des militaires. Le doute et la peur sont bien présents dans leurs regards et ceux-ci sont contagieux. Aloi installe un climat oppressant poussant à la réflexion ; est-il normal de voir patrouiller des soldats armés au quotidien ? y a-t-il un réel danger à vivre en ville ? ces soldats sont ils réellement utiles ou bien la source d’angoisses excessives quant au terrorisme ? L’italien a choisi son camp et l’illustre avec force et mesure dans La Troisième Guerre.

Des personnages sobres et complexes

La Troisième Guerre est axée sur la trajectoire de Léo Corvard (Anthony Bajon) mais la caméra suit entre autre l’évolution de Yasmine (Leïla Bekhti) et Hicham (interprété par Karim Leklou). Celui-ci livre une performance forte et subtile qui oscille entre violence et parenthèses plus légères. A l’origine de plusieurs notes d’humour bienvenues dans le film, son rôle est tout aussi grave et sérieux que devrait l’être un militaire. Ses plaisanteries correspondent à un échappatoire succin au quotidien pesant dans lequel évolue tous les sentinelles. Au fond tous sont des enfants à leur manière. Corvard est presque encore un adolescent comme en témoigne la décoration de sa chambre. Hicham enchaine les notes d’humour entre deux gourdes de compote. Un de leur camarade à la caserne est autant complotiste qu’un enfant de 8 ans qui croit tout ce qu’il lit sur internet. Dans les discours ubuesques que tient ce personnage peut aussi s’esquisser une recherche perpétuelle de trouver du sens au monde absurde dans lequel il évolue. Et, bien que Corvard affirme au cours d’un long débat dans une boite de nuit que les sentinelles permettent d’éviter environ cent huit attentats par an et qu’ « il faut pas le dire aux enfants ça les ferait flipper »; les seuls qui ont réellement peur sont les soldats. Ils sont les enfants à qui il ne faut pas parler des attentats. Mais ce comportement se laisse entendre. L’armée ne laisse pas de place aux problèmes de la vie privée. Corvard apparaît bien plus fragile qu’il ne le prétend mais ne peut sous aucune circonstance se laisser aller. Il en est de même pour Hicham et Yasmine. C’est cependant la jeune femme qui doit faire face à la plus grande difficulté. Elle doit laisser ses problèmes de côtés. Problèmes qui, pour la plupart, sont issus de l’environnement dans lequel elle évolue. L’armée est un endroit où la masculinité est toxique bien qu’il soit prétendu qu’il n’y ait pas de femmes et d’hommes mais « que des soldats ». Le personnage de Leïla Bekhti doit subir à différentes reprises sa condition de femme, et Yasmine ayant été développé autour du quotidien d’une réelle soldate, ce n’est que la triste vérité qu’Aloi dépeint. Même Corvard, afin de s’intégrer, se laissera aller au vice horripilant de se vanter de ses conquêtes d’une manière prêtant à vomir. Parce que même si ce jeune garçon de province en soif d’ordre et d’autorité est convaincu de sa place au sein de l’armée, il doit encore se créer sa place parmi les fourmillements incessant de la capitale. Il est d’ailleurs rare d’être aussi patriotique que l’est le soldat à cet âge. Un soir en boîte de nuit il tient un discours sur l’utilité de l’armée et du patriotisme, mais même lui semble essayer de se convaincre de ce qu’il affirme. Le patriotisme est-il obsolète ? Le métrage guide notre réflexion mais Corvard ne change pas de position. Il doit protéger son pays, et ce malgré la mission à laquelle il est assigné. De cette frustration naît une descente aux enfers mise en exergue par la fumée, élément essentiel du film. De plus en plus opaque dans ses différentes apparitions, celle-ci illustre avec sens la chute vertigineuse de Corvard. La tension est latente, le doute omniprésent et pourtant une seule question persiste ; y a-t-il une troisième guerre ?

Pour son premier long métrage, Giovanni Aloi déroute et percute. Le jeune réalisateur italien signe un film dur d’autant plus fin qu’il n’est que le miroir de la société. Le citadin est amené à s’interroger sur son environnement, son quotidien et sa propre vie. Par un récit simple mais développé avec un œil grave et mature, Aloi met en scène l’actualité et le paradoxe d’une protection qui s’avère obsolète. La Troisième Guerre est pessimiste mais réaliste, elle nourrit les craintes et détruit des images. Le danger est contingent ou ne l’est-il pas ? Notre société est-elle perdue dans des conflits inutiles et sans finalité ? Le réalisateur italien s’est prononcé, pour lui le monde est absurde et tragique ; « notre société ne mérite pas de happy-end ».

La Troisieme Guerre  : Bande Annonce

La Troisième guerre de Giovanni Aloi

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