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Et toi, comment tu fais des découvertes en musique ?Les supports sont variés, du vinyle au streaming, les possibilités infinies. En ce qui concerne la musique, il est impossible de tout découvrir et écouter. Et pourtant la curiosité est présente, l’envie d’en connaitre d’avantage est bien là. La musique se partage comme un cadeau, se vit collectivement. Comment faire pour toujours en découvrir plus ? D’artistes actuels, aux anciennes pépites, de morceaux cachés aux génies oubliés, il fallait une méthode. On a demande à 16 artistes leurs trucs et astuces pour rester curieux et tomber sous le charme de musique qu’ils n’avaient jamais encore entendues. En espérant que leurs conseils vous aidera à faire de très belles découvertes et à toujours les partager.

Et toi, comment tu découvres de nouveaux morceaux ?

 Fontaines D.C, Carlos O’Connell, guitariste

C’est difficile de penser à autre chose qu’au plus évident mais… j’ai tendance à laisser Spotify le faire un peu pour moi. J’ai l’impression que mon algorithme est bien entrainé. Quand je finis une écoute d’album sur Spotify, j’écoute les chansons recommandées qui suivent et j’en fais des playlists. Mais je fais des playlists pour toutes mes humeurs et j’ajoute les nouveaux morceaux là-dessus ensuite. Et une fois que j’ai plus de temps, je creuse un peu plus. Les gens vont plus trop dans les disquaires pour acheter un vinyle sans l’avoir écouté aujourd’hui. En tout cas, moi non. J’adore les disquaires mais je n’y vais jamais sans savoir ce que je vais y acheter. Je le fais avec les livres par contre. On voyage tellement avec les tournées que je vais toujours dans les petites librairies pour demander l’avis du libraire. Je devrais peut-être le faire avec les vinyles.

FONTAINES D.C. / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

Sprints, Karla Shubb, chanteuse

Je galère un peu à vrai dire. Quand j’étais petite, j’achetais des magazines, j’écoutais la radio et je découvrais de nouveaux artistes comme ça. Maintenant, même si tu as les plateformes et les algorithmes, il faut quand même que tu fasses le choix d’aller chercher de nouvelles choses. Donc je continue de regarder dans les magazines ou en ligne. Et c’est un peu pour ça qu’on est très influencés pas le rock 90s où c’était plus facile de découvrir des artistes finalement.

Bagarre

Maître Clap : Spotify, Soundcloud

La Bête : Moi les trends Tiktok. C’est des artistes qui vont dans tous les sens mais avec les morceaux identifiés, tu peux aller les chopper et aller plus loin. Ça m’a amener beaucoup de morceaux, des choses inconnues parfois même anciennes.

Mus : Sinon surfer, se laisser porter par les plateformes, surfer sur le net avec Lycos quoi (rires)

Bagarre au Festival Chorus 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Tout album a toujours quelque chose à apporter. –  Asha Lorenz

Sorry

Asha Lorenz : J’aime prendre un album que je ne connais pas chez un disquaire. Et même s’il n’est pas si bon, tout album a toujours quelque chose à apporter. Et si tu t’impliques dans le travail de l’artiste, tu y trouveras toujours quelque chose et c’est satisfaisant. Donc impliquez vous à un artiste.

Louis O’Brien : J’en trouve beaucoup dans des films et des séries.

Le groupe Sorry pendant leur concert au Popup
Sorry – Crédit photo : Louis Comar

Vitalic

Il y a beaucoup de musique qui se transmet avec tes amis, il y a aussi les réseaux sociaux. Comme je fais des DJ sets, je dig, je vais acheter des morceaux sur des distributeurs indépendants et puis aussi j’en découvre en festival et en soirées.

Vitalic - Fnac Live - 2022
Vitalic au Fnac Live 2022 – Crédit photo : Louis Comar

Je pense qu’il y a une forme d’écoute passive de la musique qu’encourage les applications. – Alex Bleacher

Real Estate

Alex Bleecher : Je pense que la meilleure façon de faire est de demander à tes amis ce qu’ils écoutent en ce moment. Aussi en tournée avec des groupes j’écoute toujours ce qu’ils écoutent dans le van. J’en trouve aussi beaucoup aussi sur Spotify. Ca semble être une méthode courante de nos jours. Je mets quelque chose que je veux écouter et je laisse le flow se faire. L’algorithme est assez intelligent sur ce sujet. Mais ce qui est triste c’est que souvent je me souviens pas des noms de ces albums ou des morceaux. Mais si quelqu’un me demande tu écoutes quoi en ce moment ? Je me dirai je connais ce titre, je l’ai écouté en boucle la semaine dernière mais je ne me rappelle pas le nom du groupe. Je pourrai mieux m’engager sur ce sujet mais je pense qu’il y a une forme d’écoute passive de la musique qu’encourage les applications. Sinon pour éviter ça il faut acheter des albums. Je continue d’acheter des albums récents ou pas parce que ça crée un lien. C’est la meilleure façon de faire. Je vais chez le disquaire. Je l’ai fait récemment à Londres, prendre un album que je ne connaissais pas du tout et l’acheter. Comme ça je n’oublie pas le nom.

Martin : J’ai une réponse un peu similaire. Demander à des amis. J’en ai qui font beaucoup de playlists et les postent. Je ne demande rien, je regarde directement. J’ai fait aussi une tournée solo il y a quelques années et on avait fait une énorme playlist participative. Il y avait tellement de choses que ne connaissais pas dessus. Je peux en trouver aléatoirement sur les plateformes et si ça me plait j’irai me renseigner sur les artistes et m’immerger dans leur univers. C’est amusant de découvrir le catalogue de quelqu’un et avoir l’impression de le posséder. Et acheter de la musique c’est bien. Vous devriez le faire aussi. Ce qu’on possède finalement c’est ce qu’on veut le plus écouter. La gratuité c’est cool mais finalement ce n’est pas ce à quoi on tient le plus.  C’est un engagement même si c’est un bon argument pour le capitalisme (rires).

Alex : Finalement les playlists des plateformes nous font nous demander qui choisit mes goûts en musique ? Moi ou une machine ?

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis

 En Attendant Ana, Margaux, chanteuse

Je ne vais pas parler au nom des autres. On a tous des modes et des rythmes de consommation de la musique super différents mais je dirais quand même que de tourner, et donc de voir des concerts tous les soirs, c’est le meilleur moyens de découvrir des groupes. Et puis on peut leur acheter du merch, ça reste le moyen le plus direct de les soutenir !

Julia Holter

Souvent c’est grâce à mon mari parce qu’il trouve toujours des nouveautés. Et je n’en trouve pas tellement par moi-même parce que je ne suis pas dans une période de recherche de ma vie. J’y reviendrai, en ce moment je suis trop occupée. Il prend le temps pour moi. Il achète des albums tout le temps. C’est ma réponse honnête. Parfois j’en trouve quand même en lisant, des amis me donnent des conseils, j’écoute aussi la radio. J’ai aussi trouvé quelques nouveautés dans un disquaire au Japon. J’ai hâte de les écouter.

Spotify, même si on trouve extrêmement injuste la façon dont ils rémunèrent les artistes, qui étouffe la musique émergente. – Rebecca Baby

Lulu Van Trapp, Rebecca, chanteuse

Malheureusement pas mal encore a travers Spotify, même si on trouve extrêmement injuste la façon dont ils rémunèrent les artistes, qui étouffe la musique émergente. En vérité, la plateforme est facile et c’est cool pour faire des playlists et écouter des artistes que tu connais déjà, mais pas trop pour digger. On essaie de s’en détacher. On est la génération YouTube, et en vrai ça reste notre plateforme numéro 1 aussi bien pour la découverte que pour les raretés. Juste marre des pubs quoi. Mais ça reste l’endroit d’internet ou tu peux te perdre pendant des heures dans les clips et trouver de vraies sources d’inspiration. Sinon on va voir énormément de concerts, parfois plusieurs fois par semaine. On a la chance d’être résidents au Point Éphémère et du coup on a juste à sortir de notre studio pour aller voir des artistes géni.ales.aux. Il y a des salles dont on aime particulièrement la programmation, la Boule Noire, la Mécanique Ondulatoire, la Maroquinerie, le Trabendo,… le Tony Collectif aussi, qui est la plus petite et la plus stylée et pointue en terme de prog de tout Paris!

Lulu Van Trapp - Olympia - 2022
Lulu Van Trapp à l’Olympia – Crédit photo : Louis Comar

Warhaus

Je ne suis pas tellement un connaisseur de musique. Quand j’écris un album, je fais justement en sorte de ne rien écouter autours pour rester focaliser sur la musique. Je pense donc que mon conseil serait assez classique : utiliser Internet (rires). Je ne suis pas le genre de personne qui va constamment digger, ça vient directement à moi. Je suis inspiré par la musique, mais parfois je suis gêné de pas assez chercher. Pour moi si tu connais trois bons albums de genres différents tu as assez d’informations pour être créatif en musique. Pour moi, il faut au moins connaitre un album de Bob Dylan et un de Nina Simone !

J’écoute des radio classiques ou en ligne. – Greg Ahee

Protomartyr

Joe Casey : Même si certains ne découvrent pas de nouveautés, il y a tellement de nouveautés en musique que c’est difficile de savoir comment s’y prendre. Je n’ai pas de Spotify and co donc je compte sur mes amis pour me dire ce qui est bien. En tournant aussi dans différents pays on peut demander aux gens s’ils ont des recommandations. Parfois dans d’autres langues.

Greg Ahee : J’ai Spotify et parfois je découvre des choses via cette plateforme mais je trouve toujours ça dégoutant parce que ça se base sur ce que j’aime mais je trouve que c’est trop structuré grosses entreprises. Je me dis que ces immenses boites vole ma data. J’essaie d’éviter ça. Du coup pour éviter ça j’écoute des radio classiques ou en ligne. Les stations locales à Détroit ont pas mal de belles choses. NTS sur internet a de très belles choses.

Fakear

En ce moment c’est Spotify qui me guide. Après c’est Youtube parce que je vais souvent y chercher de la matière et en tombant sur la musique traditionnelle, ça m’oriente vers pas mal de choses. Mon algorithme est vraiment à part maintenant parce que je l’utilise autant pour regarder des vidéos de gamers que pour faire des découvertes. Du coup, il me suggère des choses supers et très diverses. J’ai beaucoup d’heureux accidents, j’utilise aussi beaucoup Spotify : les tracks favoris de certains artistes. Myd par exemple a une super playlist et c’est intéressant de voir ce qu’ils ajoutent. Si je suis un mega fan de Bonobo par exemple, je sais que je vais découvrir de belles choses. Caribou fait ça, et tu peux écouter ce qu’il écoute.  Et c’est plutôt pas mal.

Spotify… chiant. Je préfère demander aux gens qui m’entourent – Lias Saoudi

Lias Saoudi, Fat White Family

J’avais l’habitude de découvrir des choses grâce à Saul. Mon algorithme perso a perdu en qualité depuis qu’il n’est plus dans ma vie [les deux compères ont pris des chemins séparés]. Je ne consacre pas beaucoup de temps à découvrir des nouvelles choses en musique. Spotify… chiant. Je préfère demander aux gens qui m’entourent; avec qui je travaille. Mais je suis en ce moment et depuis longtemps dans une période livre. Quand je veux me relaxer, je lis un livre. Je ne veux rien écouter quand je suis dans cette période là, concentré seulement sur la littérature. Et puis quand je retourne dans mes périodes musicales, je vais réécouter et découvrir de nouvelles choses. Parfois, j’ai l’impression que la musique est responsable de toute ma souffrance donc je préfère m’en éloigner. J’ai l’impression de la détester parfois. Ça n’est pas le cas, mais c’est une impression. C’est un peu comme si tu travaillais dans un restaurant de saucisses, et bien tu n’as pas forcément envie de saucisse au petit déjeuner (rires)

THE FAT WHITE FAMILY CIGALE 2024
©KEVIN GOMBERT

Thérèse

Je découvre des nouveaux sons tout le temps. Mon premier canal, c’est insta, que je digge en masse haha. En fait, j’ai une playlist Spotify qui s’appelle « French Turfu » où je mets mes pépites made in France et que je partage… À force, des artistes se sont passés le mot et me proposent des tracks où viennent me suivre sur insta et je regarde par curiosité… Sinon je suis plein de webzines / pages de magazines / comptes qui ont des sélections super chouettes ! Je demande à ma communauté ce qu’elle écoute, je suis l’actualité des tremplins (Inouïs, Ricard, Zebrock, Francos etc.). Puis of course, à travers ce que mes potes artistes ou non, en France ou à l’inter partagent. Et ils sont d’horizons socio-culturels tellement différents que c’est super riche ! En dehors des réseaux, je checke souvent ce que l’algo Spotify me propose (c’est plus ou moins pertinent). Et sinon, je shazame volontiers au restau, ciné même quand je ne capte pas haha… Je mate les affiches dans la rue, dans les chiottes de bars haha ! Franchement il suffit d’ouvrir les yeux à Paname pour découvrir des nouveaux sons…! Le plus dur c’est de ne pas être frustrée par l’incapacité de tout écouter !

Thérèse
crédit : Pénélope Bonneau Rouis

Jai, Tora

Personnellement j’utilise beaucoup Bandcamp et c’est une bonne façon de faire des découvertes en dehors de la bulle de l’algorithme streaming. Ceci dit, les suggestions d’algorithme et des radios fonctionnent très bien de nos jours et tu peux y trouver une quantité sans fin de musique brillante. J’aime toujours visiter les disquaires quand je suis à l’étranger car ils sont généralement de bons conseils et que tu trouveras des choses très différentes de ce que tu as chez toi. L’uatre chose à faire c’est d’aller en clubs, concerts et festivals. Comme ça en plus de faire des découvertes tu défends la musique live.

St Graal


 

bill ryder jones

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Voilà deux jours que le festival Malouin nous boxe bien comme il faut. Coup de cœur sur cœur de cœur, il nous est presque difficile de nous souvenir de toutes les claques musicales reçues jusque-là. Deux jours sur trois sont déjà passés. Les promesses du dernier nous ont tenues en haleine durant tout le mois d’août rien qu’à la vue des artistes programmés. Il est enfin temps de le vivre ! La soirée du samedi au Fort Saint-Père, dernière de cette édition 2022 du festival, a-t-elle été à la hauteur des espérances ? Evidemment que oui. Beaucoup plus que ça même. On vous dit tout. 

Comme on est déjà un peu nostalgiques, permettez nous de revenir sur la soirée de manière dé chronologique, de manière à remonter dans le temps, et à ne jamais quitter ce petit bout de paradis.

La Route du Rock / Crédit : Théohpile Le Maitre

Fat White family rafle la mise

Il est 02h15 du matin. Le dernier concert vient d’avoir lieu. Nous nous trouvons dans un état de choc. La soirée a été immense et le concert de clôture en est pour beaucoup. Après l’annulation de King Gizzard and the Lizzard Wizard, c’est le groupe britannique FAT WHITE FAMILY qui est venu à la rescousse. Certains ont fait entendre leur mécontentement, surement par ignorance, mais peu importe, car quoi qu’on en dise, il faut avouer que c’était osé et judicieux de la part des programmateurs. Ca n’est pas la première fois que la grosse famille est invitée ici.

 King Gizzard, ok. Presque tous les amateurs de rock les aime. Ils sont doués, prolifiques, puissants, tout ce que vous voulez. Et on aurait évidemment adoré entendre « The Dripping Tap » en live, ce récent morceau de 18 minutes complètement hallucinant, on vous l’accorde. Mais avec FAT WHITE FAMILY, c’est tout de suite plus à double tranchant. Et ça nous plait. Enfin eux nous plaisent. Leur dernier album Serf’s Up en 2019 nous avait conquis en tous points. Leurs deux précédents également. On était donc confiants sur le fait qu’ils puissent largement assurer cette clôture. Et quelle n’a pas été notre surprise ! Leur concert était le plus dantesque du festival.

FAT WHITE FAMILY / La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

A leur arrivée sur scène, à six, on s’étonne déjà de l’atmosphère mystérieuse et pleine de tension dans laquelle ils plongent le festival. Le leader, tel qu’on le connait, arrive torse nu, seulement vêtu d’un short moulant de la même teinte que sa peau. C’est un sacré personnage, on a été prévenu. Il est d’abord droit comme un piquet. Le groupe débute d’inquiétantes expérimentations sonores. Très vite, Lias Saoudi saute dans le public. Pas sur mais dedans. Alors, le show peut commencer. Il court, se fraye un chemin, pousse des cris, se met au sol, provoque le public, s’agrippe à lui, comme un fou qui a perdu sa direction : « i wanna go hoooome ». Tout le monde sait que ça fait partie de la performance, et tente alors de jouer avec lui, de le toucher, de le cogner même parfois. Persiste toutefois chez chacun ce sentiment de panique et d’incompréhension, qui fait monter l’adrénaline. Ce début de concert est une plongée dans les entrailles, qui fait office de mise en condition. Cela va être éprouvant. Le leader remonte enfin sur scène après s’être fait malmené. Débute alors les morceaux plus classiques, mais non moins intenses. « Wet Hot Beef » ouvre le bal, issu du premier album. C’est direct, puissant, aidé par un son majestueux. On commence à avoir l’habitude de la scène du Fort, bientôt on ne voudra plus la quitter du tout. Le concert se poursuit dans la même hallucination sonore. Sur scène, les morceaux de FAT WHITE FAMILY gagnent en tout. Lias Saoudi les transporte assurément dans une autre dimension, mais c’est aussi grâce aux musiciens qui, derrière leur dégaine bien britanniques, assurent de leur donner l’ampleur méritée. L’affranchissement par rapport aux versions studios est totale. C’est tellement rare qu’il est bon de le souligner.

La setlist est parfaite, déjantée. Il y a plusieurs chansons à l’évidence absolue qui ne manquent pas de nous scotcher sur place : « Touch the Leather », « Feet », « I Believe in Something Better », « Is it Raining in your Mouth ? ». Régulièrement, elles se finissent en apocalypse, avec un leader qui sait hurler dans le micro quand il faut là où faut. Sur « I Believe in something better”, le clavier valdingue après avoir été asséné de coups. FAT WHITE FAMILY vient de tuer le game. Le festival se termine de la meilleure façon possible. On souhaite aux pleurnicheurs de fans de King Gizzard d’avoir oublié, l’instant d’une plongée radicale en plein délire, l’absence de leurs chouchous qui, finalement, ne s’est pas tant fait remarquée.

Allez, heureusement que la grosse famille blanche est passée en dernier. Personne n’aurait pu se frotter à elle. Mais la construction de ce report nous permet quand même de remonter le temps, et d’aller voir ce que la soirée nous a offert d’autre. Car au-delà d’être le plus majestueux, le concert de clôture n’était pas le seul à avoir été excellent. Bien au contraire, toute la soirée du samedi fut à sensations fortes.

 

festival CHENAPAN !

Avant de rembobiner les concerts, arrêtons-nous sur l’instant chenille. Une géante s’est formée vers minuit, sous l’impulsion du festival qui avait prévu le coup et donner une heure précise. Cela s’est passée au niveau de la scène du Fort. Les participants ont plutôt assuré. On parle de 4500 unités selon les organisateurs, un record ! Bravo à tout le monde.

 

Maitre rockeur depuis 1845

Sur la même scène avant Fat White, à l’heure la plus prisée (23h), nous avons pu bénéficier de la main de maitre de TY SEGALL, un habitué du festival, rockeur californien que nous suivons de très près depuis des années maintenant. Nous étions à ses deux derniers concerts parisiens à la Cigale en 2019, l’avons vu au Bataclan l’année d’avant, et également deux fois à Rock en Seine, dont une en 2015 avec la machine infernale FUZZ qui d’ailleurs, depuis 3 ans, doit donner un concert au Trabendo que nous attendons de pied ferme (déjà deux fois reporté). Bref, on ne se lasse ni de le voir, ni d’écouter ses albums annuels. Le dernier en date, majoritairement acoustique, vient de sortir et s’intitule « Hello, Hi ». Pour ce concert à la Route du rock, il a laissé de côté la guitare sèche pour s’emparer de l’électrique, celle avec laquelle il a l’habitude de créer une frénésie sonore au travers d’un impressionnant mur de son. Sur scène, il est accompagné de son fameux FREEDOM BAND, qui en est pour beaucoup dans la manœuvre. Leurs concerts sont toujours mémorables dans leur manière de balancer la sauce avec des amplis réglés au maximum. TY SEGALL est là pour nous en mettre plein les oreilles, c’est un fait, mais cela toujours soutenu par une base de morceaux très très solide. Il en a des centaines à son répertoire. Ceux du jour sont en partie issus de son dernier album électrique sorti l’année dernière : Harmonizer. La même recette appliquée pour tous : vitesse décuplée, rugissement de guitare guitares, sensations d’emballement totales… Pendant 1h15 environ. Véritable rouleau compresseur dont on ne se lasse jamais. Et avec le son de la scène du Fort, la jouissance est pleine. Sur « Sleeper » version électrique, final du concert, on tombe à la renverse. Cette chanson a bercé notre adolescence rock, l’entendre ainsi fait l’effet d’une bombe dans notre corps.

Depuis des années, TY SEGALL nous offre le meilleur du rock en live. Depuis des années, TY SEGALL développe un style unique, avec une patte sonore et des compositions reconnaissables parmi des milliers, ainsi qu’une manière unique de poser sa voix. Depuis des années, nous disons que TY SEGALL est une icône rock de cette génération. Ce soir encore, du haut de son trône, qui n’aura d’ailleurs jamais rien changé à son extrême modestie et on l’en remercie, il nous a prouvé qu’il était plus que jamais présent, actuel et juste. Si à 50 ans vous ne vous êtes pas fait renversé par un riff de TY SEGALL en concert, alors vous avez raté votre vie.

 

Dans le rétroviseur

On continue à remonter dans le temps. On passe maintenant sur la scène des remparts. DITZ précède le concert de Ty Segall. Il est environ 22h. La nuit est là. Ambiance nocturne obligatoire pour ce jeune groupe de punk venu de Brighton qui vient de dévoiler son tout premier album cette année. Celui-ci est une vraie réussite, composé de morceaux aux dégâts colossaux. Leur son est lourd, pesant, mais dans le bon sens du terme. Sur scène, ils n’hésitent pas à balancer. Le chanteur est frêle, il gagne très vite l’attention de son auditoire. C’est l’un des seuls concerts du festival aussi punk. Ca se voit au niveau de la foule déchainée, les gens en profitent. Au beau milieu, ils reprennent « Fuck the Pain Away » de Peaches. Ils ont donc bons goûts, et guidés par de bonnes influences. Ce sont des choses qui ne trompent pas. DITZ est à suivre de près.

On repasse sur la scène du Fort. Le jour entre en scène. Il est 21h quand BEAK> fait son apparition. C’est un trio britannique qui a trois albums à son actif et qui a gagné une certaine reconnaissance depuis ses débuts dans les années 2010. Leur dernier album date de 2018 et avait reçu une très bonne réception. Parmi les trois mecs qui forment le groupe, on trouve un ex-membre de Portishead : Geoff Barrow aux percussions. Gage de qualité. Avec le concert de Fat White et de Ty Segall, celui de BEAK> fait partie du trio gagnant. Pour certains même, il était le meilleur de tout le festival. On peut très facilement l’entendre. Pas le plus impressionnant, ni forcément le plus secouant, mais peut-être le mieux maitrisé. Les trois gars sont des experts. Ils ne gesticulent pas dans tous les sens. Non on s’en tape dans leur cas. Tout vient directement de la musique et seulement de la musique. Le bassiste est même assis, certainement pour avoir plus une meilleure maitrise de son instrument. Puisque c’est autour de lui que tout se joue. La basse est omniprésente, centrale… Enfin ! C’est autour d’elle que l’ensemble s’articule. Les morceaux sont de longues explorations sonores répétitives. Mais comment diable peuvent-ils sonner aussi bien et puissamment dans cette configuration ? Si le concert débute relativement calme, c’est au fil de l’heure que les choses s’intensifient et à partir d’ « Allée Sauvage » c’est une machine de guerre qui se dresse devant nous. Génialement électrique, avec une basse aiguisée comme il faut, le morceau est la chose la plus fascinante qui nous a été donné à entendre sur les trois jours du festival. La version studio avait déjà retenu notre attention. Dites vous qu’en live, c’est encore 10 fois plus intense. Comme toujours, le son est monstrueux. C’est la dernière fois qu’on le répète mais merci à cette scène du Fort pour ce qu’elle a engendré en matière sonore. Chez BEAK> et sa précision à toute épreuve, on s’en rend compte encore davantage. Le concert ne fera que monter, jusqu’au point d’en sortir déboussolé. A côté de nous, on entendra dire « ils sont très bons, pas comme les Liminanas ». On sourit fort. Assurément, BEAK> n’a aucun morceaux à la mords moi le nœud. Tout est riche, consistant.

Rembobinage. A 21h, quand le concert de BEAK> s’apprête à commencer, le super stand disquaire des Balades Sonores présent sur le site depuis le début du festival organise une signature de vinyles. C’est WU-LU la star du moment. Il vient de terminer son concert sur la scène des remparts qui a débuté vers 20h. Son album Loggerhead fait pas mal entendre parler de lui en ce moment. Nous l’aimons personnellement beaucoup, même si nous avons un peu de mal à revenir dessus régulièrement. Probablement à cause de morceaux pour le moins intriguants et bizarrement construits. En terme de production, WU-LU a mis le paquet. Les bases rythmiques sont au centre. Et la guitare, primordiale. Dans un rap – soul – rock, c’est un cocktail détonant, surtout sur certains morceaux coups de poings comme « Times » et « South ». Son concert à la Route du Rock attise la curiosité du public. Il y a du monde devant la petite scène. Le musicien est accompagné de deux autres gars, à la basse et à la batterie. Le concert a d’abord un peu de mal à prendre. Les morceaux joués ne sont pas forcément les plus entrainants. Mais l’attitude du chanteur, détachée, a de quoi nous tenir en haleine. La dégaine est simple : t-shirt orange de monsieur tout le monde. Comme si un gars du public était monté sur scène. Mais là-haut, il assure tout en modestie. Sa présence ne trompe pas. Accompagné de sa guitare qu’il tient désinvoltement, WU-LU nous transporte finalement dans un paysage musical original, intense et incarné. Le final sur « South » en sera la meilleure preuve, avec des cris venus tout droit des enfers.

Ça commence à faire long, mais promis c’est bientôt terminé. Ou justement l’inverse, puisqu’on s’approche du premier concert de la soirée.. . Mais avant de boucler la boucle avec BIG JOANIE, on passe très rapidement sur VANISHING TWINS aka le concert le plus emmerdant du festival. Ils passent sur la grande scène à 19h15. On peut lire sur Wikipédia (désolé de na pas être allés chercher plus loin) « groupe londonien dont les membres partagent un intérêt pour le groove, les instruments inhabituels, le mystique et l’ésotérique ». Tout s’éclaire, puisque ce même bullshit se reflète parfaitement dans leur musique d’un vide abyssal. Dès le premier morceau, un profond ennui nous assomme. Quelle est cette musique minimaliste qui se regarde ? Les musiciens sont vêtus avec fantaisie. Il y en a un à la flûte qu’on lui prie plusieurs fois de ranger. Le concert sera au pire ennuyeux, au mieux banal. Souvent les deux. Une pop sans vie et prétentieuse. Retournons au punk.

« We are black feminists punk » . C’est comme ça que BIG JOANIE se présente. Elles sont quatre sur scène, mais plutôt trois officiellement dans le groupe. Actives depuis 2018 et leur premier album Sistahs très apprécié, elles sont à l’origine d’un rock assurément engagé, fier et vivant. Quelques nouveaux morceaux sortis récemment précèdent un nouvel album à venir. De 18h30 à 19h15, elles ouvrent la soirée de la meilleure des manières, avec assurance et sourires. Jouer là semble les rendre heureuses. Le plaisir est partagé avec une foule qui, doucement, s’épaissit. Leur musique en jette. Sur le dernier morceau « Fall Asleep », l’ampleur est là. Les « yeah yeah yeah » du refrain retentissent avec fracas. La Route du Rock dans toute sa splendeur.

– Rembobinage

Nous entrons sur le Fort pour cette journée qui s’annonce encore plus intense que les deux précédentes.

– Rembobinage

Nous nous garons sur le parking, excités même si la fin approche.

– Rembobinage

Nous nous réveillons, plein d’enthousiasme.

– Rembobinage

Nous nous endormons, épuisés.

– Rembobinage

Nous roulons pour la Bretagne, des étoiles plein les yeux. Cette édition de la Route du Rock sera-t-elle à la hauteur des espérances ? Ahhhhh jeunes gens, si vous saviez…