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Julia Escudero

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Heretic, film d’horreur pourtant relativement peu attendu, a su trouver sa place au milieu de l’elevated horror et même jusqu’aux Golden Globes. Tirade fascinante sur la religion et ses conséquences, il signe un sans faute sur sa première partie alternant son rythme entre tension palpable et débats sur l’instrumentalisation des religions faite par les hommes. Un jeu malin – dans tous les sens tu terme- qui utilise à son avantage une écriture percutante, l’humour et la terreur pour avancer ses pions. Porté brillamment par Hugh Grant aussi méconnaissable que Nicolas Cage dans Longlegs, le film perd de sa force d’argumentaire dans sa seconde partie. Il n’en reste pas moins un métrage puissant, loin des clichés du genre, aussi percutant qu’il force chaque spectateur à prendre position. Un huit-clos divin qui n’a de cesse de remettre en question le terme. Et pour vous quelle est la seule vérité religieuse ?

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Affiche du film Heretic

Heretic, de quoi ça parle ?

Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrithe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie… (résumé officiel)

Heretic est-ce que c’est bien ?

Heretic-mister-reedDepuis quelques années, l’elevated horror a pris une large place dans le cinéma de genre. Voilà qui lui permet de ne plus être boudé par les prix hollywoodien, allant maintenant jusqu’aux Oscars, une prouesse impensable il y a encore quelques années. De Jordan Peel à Ari Aster, l’envie de parler du racisme ou encore de l’hérédité et des conséquences des maladies mentale sur les familles aura su se parer de gore pour appuyer son propos. Voilà que le thème religieux, souvent utilisé dans l’horreur, mais pour mieux parler sectes et satanisme, prend un tout nouveau visage de façon inattendue sous la réalisation de Scott Beck et Bryan Woods. Ils nous avaient pourtant habitué à des thématiques plus simplistes puisqu’ayant connu le succès avec « Sans un bruit » en 2018. Contre toute attente, les compères arrivent à sortir une oeuvre particulièrement fascinante et intelligente avec leur Heretic. Nombreux.ses sont celles et ceux à en avoir parlé, retrouvé le traditionnellement « charmant » Hugh Grant, en grand méchant est en grande partie responsable de la réussite du film. Maniant les mots à la perfection et y ajoutant une certaine classe britannique, l’acteur fait de son M. Reed, un homme dont la noirceur n’a d’égal que son discours léché particulièrement rodé. Glaçant, brillant, le personnage prend possession de la pellicule et retourne le cerveau des spectateurs dont les convictions seront toujours questionnées et tour à tour retournées. Mais et surtout c’est le débat, l’envie de le pousser et d’interroger sans cesse qui tient ici le rôle principal. Puisqu’à l’instar des cinéastes cités ci-dessous, le duo de réalisateur utilise ici l’horreur comme un prétexte à la question centrale : doit-on croire aveuglément en une doctrine religieuse ? Voir même doit-on tout simplement croire en quoi que se soit ? Et , et finalement c’est bien là que le métrage prend tout son intérêt, l’horreur, elle, tient une place si secondaire dans le récit qu’elle semble finalement s’y insérer de façon forcée.

Jeu de dés, jeu de Dieux

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Hugh Grant, M. Reed dans Heretic

Ce sont les premières scènes du film qui tiennent toute l’oeuvre en leur main, il faut l’avouer divine. Les premiers instants semblent pourtant classiques, si l’on venait à laisser de côté la précision d’écriture : deux jeunes femmes sont présentées brièvement, la question du sexe est abordée mais avec le recul de la pudeur religieuse. Elles se retrouvent dans la maison d’un homme plus âgé – le parfait gentleman érudit, figure existant déjà par ailleurs dans d’autres films d’épouvantes ( d’Hannibal Lecter à Funny Games tous les tueurs ne sont pas Jason Voorhees). Le piège se referme alors doucement sur elles, les jeunes filles pieuses, mormones convaincues. Et voilà qu’intervient ce qui sera sans conteste la meilleure scène du film, un débat sous forme de démonstration dans un salon / lieu de culte, une analogie au Monopoly et à Radiohead. M. Reed semble prêcher les croyantes pour les désandoctriner, les convaincre par le dialogue de l’absurdité de leur foi. Le dialogue dites-vous ? Pas vraiment, si le ton est toujours cordiale, la situation se tend, l’étau se resserre. Le débat est un piège obscure, les choix n’en sont plus vraiment. Moment de prouesse cinématographique, la politesse devient effrayante, « Creep » fait rire autant que le morceau se fait menaçant. Les paroles, les démonstrations se cumulent en une mise en scène théâtralisée et le spectateur lui, remet en question toutes ses croyances. Les propos sont justes, le débat anti-religieux hypnostisant, l’envie d’entrer dans la conversation et d’y ajouter sa pierre pressante. Les trois religions monothéistes sont les premières à être questionnées, mais pas les seules à mesure que la bobine avance. Pas le temps pour nos réalisateurs de tout passer au peigne fin évidemment mais Hugh Grant avance ses pions avec soin sur cette partie de Monopoly géante sans passer par la case prison. Quelques propos rapides mais pertinents sur le féminisme et l’homosexualité font d’ailleurs particulièrement mouche. Face à lui, quelle grande idée que d’avoir prix Sophie Thatcher  ( que vous avez vu dans Companion ou encore Yellowjackets ) dans le rôle de sister Barnes. L’actrice a sans nul doute la grâce de sa contemporaine Anya Taylor-Joy et offre une contre-rhétorique maligne à ce prêcheur habité. Chloe East, dans le rôle de soeur Paxton, prend des traits angéliques et incarne le personnage qui aura l’évolution la mieux écrite du film.

HERETIC | Première bande-annonce VOSTFR

Tu ne l’emportera pas au Paradis

C’est toujours dans le dialogue qu’Heretic tire son épingle du jeu et l’on en vient à rêver d’un film débat où des personnages diamétralement opposés pousseraient leurs pions pour tenter de convaincre le spectateur jusqu’à sa conclusion. Et surtout l’inspirer à la réflexion, doit-on croire ce que l’on nous enseigne depuis l’enfance, la crainte de la mort justifie-t-elle toutes les actions ? La religion prend-elle un visage sectaire ? Quelle serait celle qui détiendrait une parfaite vérité ? Mais c’est dans sa deuxième partie que le film perd de sa superbe pour trop laisser place à ses éléments horrifiques, les rendant parfois grossiers pour trop appuyer son propos et transformer son méchant en un diablotin convaincu et obsédé par une quête de laquelle il semble être ressorti avec une réponse unique.

Un dieu odieux

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Soeur Paxton et Soeur Barnes

Plus que la question d’un Dieu existant ou non d’ailleurs, c’est bien l’utilisation des religions faite par les hommes qui est ici questionnée. Alors que le grand méchant dévoile ses cruelles intentions – se sentant lui même tout puissant-  le propos se perd progressivement. Si la charge contre le religion est faite par un homme de plus en plus vicieux, son propos garde-t-il la moindre force ? Les réalisateurs le déshumanisant petit à petit donnent alors à son discours toutes les mauvaises cartes pour faire passer le fait de questionner les croyances pour un acte vil et cruel. A tel point qu’en fin de bobine le propos se perd presque pour tomber dans le piège du grand méchant aux actions si violentes qu’elles restent celles qui marquent les esprits. Vraiment, à ce point ? Non puisque le film hantera finalement les débats et pensées bien après son visionnage. Jusqu’à ses dernières scènes. La première, conférant à la prière un nouveau regard poétique, puis enfin la toute dernière qui laissera à chacun.e sa propre interprétation. Celle-ci vous permettra d’ailleurs certainement de mieux vous positionner sur la place de votre foi. La réponse que vous ferez à la question : « comment comprends-tu la fin ? »  en dira bien plus sur vous que sur la film en lui-même. Imparfait sur sa durée, Heretic n’en est pas moins une claque et un essai fascinant qu’il faut absolument voir. Au moins pour sa première moitié, plus athée qu’hérétique. Qu’il est bon de s’interroger sur fond de violence, c’est bien elle finalement qui est la plus propre à l’Homme. Toujours prêt à tuer pour faire de son message le seul qui saurait être entendu.


Warhaus - L'Olympia Paris 2025 - Crédit photo : Pénélope Bonneau Rouis
Warhaus – L’Olympia Paris 2025 – Crédit photo : Pénélope Bonneau Rouis

Warhaus est des plus prolifiques. Musicien de génie, Maarten Devoldere de son vrai nom n’a de cesse de créer. Presque coupé du monde pour mieux s’approprier son propre spectre musical, il excelle encore et encore. Il y a deux ans, le musicien nous plongeait dans les turpitudes amoureuses avec son « Ha Ha Heartbreak ». Aujourd’hui, il nous propose de toucher la Lune avec « Karaoke Moon » sorti fin 2024, une merveille d’écriture qui l’a conduit à l’Olympia de Paris. Il fallait qu’on vous en parle !

 Houston, c’est un karaoké !

L’élégance. Tout simplement. Un mot, un seul pourrait donner une idée de la musique de Maarten Devoldere, alias Warhaus. Lorsque l’on écoute son groupe Balthazar, cette définition y est tout aussi évidente. Aidé par son acolyte Jinte Deprez , les musiciens à la précision redoutable changent tous les codes du rock belge. Il faut dire que le groupe formé en 2004, profitait du passage par le conservatoire de Gand de son équipe fondatrice. Si les deux musiciens sont autant experts l’un que l’autre, chacun a sa propre marque de fabrique. Sa propre façon de composer. Et pour notre homme, il fallait créer un projet d’expression complet, Warhaus. Un univers qu’il prit d’ailleurs le temps d’installer à pas de velours comme la beauté de son timbre, sobre et hautement séduisant. Écouter l’un de ses albums revient à se glisser dans un boudoir et en déguster l’éminente effluve, obsédante. Quelle surprise donc d’en sortir aujourd’hui pour aller directement toucher la Lune. La minutie de notre musicien s’invite forcément aux festivités et ce dès ses premières notes à la précision tranchante sur « Where the names are real ». Warhaus aurait-il encore fait un chef d’œuvre ? Bien sur que oui. Pour que notre fusée décolle, il aura fallu deux années de travail acharné et neuf mois de studio.

Warhaus, It is rocket science !

C’est donc un beau bébé tout rond et bien plus brillant que l’argent qui vient nous être délivré. Warhaus nous confiait en interview ( à lire ici )  se couper de la nouveauté en musique. Concentré sur ses créations, qui sont elles, pour voler le dicton aux anglophones, rocket science. Les cuivres sont de la partie mais pas seulement. Maître des instruments, Warhaus ose tout. Si bien qu’en milieu de périple, il nous offre le pas léger d’un piano et son raffinement exquis sur un titre entièrement instrumental « Jacky N. » Sur la planète Warhaus il n’y a pas de gravité et nous flottons tous dans les airs. Ses airs si brillamment composés. Pour autant, notre astronaute entoure ce temps suspendu de titres qui lui sont aussi opposés que complémentaires. « Zero One Code », pop tribale est l’occasion d’un nouveau safari sur la Lune, bien différent de celui qu’Air nous proposait mais tout aussi envoûtant. Le temps s’il est différent dans l’espace est une valeur à tordre pour Warhaus. Il s’accélère et se ralentit, se distend alors que les percussions le marquent à l’infini, toujours avec délicatesse. Chaque instrument doit briller à l’exacte précision. Il n’est pas l’heure d’une éruption solaire mais bien d’incantations à la Lune. De fait, les voix de notre homme viennent rejoindre celles de choristes invité.es et parfois prendre des instincts électros, du moins dans leur production. Pour autant ce voyage avait commencé avec une pop dansante, très solaire elle, sur le notes de « No Surprise », peut-être celui qui correspond le mieux aux compositions auxquelles nous avait habitué Maarten Devoldere.

Tribal et obsessionnel, cet album l’est dans son entièreté. « Jim Morrison », clin d’œil évident à l’immense compositeur pourrait bien être celui qui permettra à notre homme de se noyer dans la musique jusqu’à en mourir sur scène. Les chœurs en falsetto y répondent parfaitement, telle un écho hanté des pensées du chanteur. L’occasion de lister, avec humour, ce qui a changé dans le monde depuis la disparition du chanteur de The Doors.  La lumière que l’on voit lorsque l’on regarde les étoiles, n’existe en réalité plus depuis plusieurs millions d’années. Il parait évident de ce fait que dans l’univers Warhaus, les deux musiciens partagent la scène en défiant le temps.

La sensualité, elle ne s’éteindra jamais, titre après titre. Voix grave et piano léger s’alliant pour sceller ce pacte sur « The Winning numbers ».

C’est un petit riff pour l’homme, un grand pas pour la musique

Lorsque Warhaus vient à défendre sa pépite en live sur les planches de l’Olympia de Paris, en mars 2025, il faut évidemment s’attendre à du grandiose. Le musicien s’essaie aux cuivres pour mieux s’entourer. Chaque instant est encore une fois une démonstration de précision et de beauté. Homme orchestre, il n’en oublie pas pour autant de faire décoller le public dans les hauteurs du cosmos, posant une voix inimitable sur chaque composition. L’humour est une des clés de compréhension de « Moon Karaoke » et en ce sens l’interlude avant le rappel sur « Aline » de Christophe prête à sourire. Pour autant, l’excellence est la seule doctrine tolérée ce soir-là. A nous en donner le tournis comme peuvent le faire les « hou hou » répétitifs d’ « Emely » dernière étoile brillante en bout de galette. On y convoque l’obscure pour mieux s’y perdre. Créé en 2015, le projet Warhaus semble se bonifier à la vitesse de la lumière. A chaque seconde des trois albums qui le composent. L’immense « We fucked a flame into being », premier né de cette galaxie machinalement composée, sublimait la voix de sa muse, Sylvie Kreusch, compositrice brillante et étoile filante souvent dans le sillage de notre homme. « Ha Ha Heartbreak », composé en Sicile,  livrait une vision solaire de son Monde. Les saisons ont fait place à l’éclipse. Et à ce « Karaoke Moon », preuve en est que Warhaus peut toucher les étoiles.

Warhaus - L'Olympia Paris 2025 - Crédit photo : Pénélope Bonneau Rouis
Warhaus – L’Olympia Paris 2025 – Crédit photo : Pénélope Bonneau Rouis

Sharon Von Etten - Le Trianon Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
Sharon Von Etten – Le Trianon Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Sharon Van Etten se produisait sur la scène du Trianon de Paris le 6 mars 2025. Un concert à guichets fermés qui revenait sur son dernier album « Sharon Van Etten & The Attachement Theory ». Un opus aux couleurs obscures, qui place la voix de son interprète comme un entêtant leitmotiv. On y trouve des instruments sublimés, des mélodies entre folk et indie rock, magnifiquement travaillées. Autant dire que l’envie de la voir tournait immédiatement au besoin obsessionnel. Satisfait.es ? et Pourquoi oui ? On vous raconte.

sharon van etten & le culte a la vie eternelle

Sharon Von Etten - Le Trianon Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
Sharon Von Etten – Le Trianon Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Le majestueux Trianon est plein à craquer ce soir. Pluriel, le public de Sharonn Van Etten s’y éparpille avec joie.  L’exaltation règne dès l’entrée de la chanteuse et de son groupe The Attachement Theory sur scène.  Sublime dans sa robe noire, avec un chignon à moitié relâché sur la tête, la grande prêtresse de ce soir impose le silence dès ses premières vocalises. C’est le premier morceau de son nouvel album,  « Live forever », incantation mystique au plus grand nombre qui ouvre le bal. « Afterlife », du même opus suit. Voilà le cadre posé, de la vie éternelle au royaume de l’après. Celle qui a l’habitude de composer en solo, promet maintenant de s’ouvrir au spiritisme avec un opus écrit en équipe. Si son groupe prend aujourd’hui une plus grande place dans son travail, la maitresse de cérémonie n’en impose pas moins ses déambulations, couchant sur papier ses angoisses existentielles. La scène les sublime, en faisant un sortilège d’union. Les boucles des paroles sont autant d’incantations, tranchantes, la voix se fait aiguë, monte dans les hauteurs. Cri perçant dans la nuit, délivrance immense des pensées noires pour un public qui lui, se laisse complètement aller au chant des sirènes. Sharon Van Etten choisit ce soir de faire la part belle à l’album réalisé avec son coven. Neuf titres qui en sont issus seront interprétés pour huit seulement  du reste de sa discographie.

Théorie des cordes

Théorie des cordes, certainement quand on voit les prouesses vocales proposées, toujours un brin folk, au confin de l’indie pop.  Et puis, effectivement, les instruments à cordes frappent fort ce soir, jusqu’à l’obsession.

Sharon Von Etten - Le Trianon Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
Sharon Von Etten – Le Trianon Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Théorie de l’attachement aussi alors que ses titres unissent la salle toute entière. « Anything » comme « Headspace » permettent à tout le monde de chanter en choeur. Entre deux incantations, la musicienne dialogue volontiers avec le public. Elle raconte son séjour parisien avec son fils et tous les croissants qu’ils ont mangé. En immense quantité si on la croit. Chaleureuse, elle transporte la foule dans son univers, où la qualité la dispute à la douceur. L’un des nombreux pouvoirs magique de notre hôtesse est de mettre tout le monde à son aise. Elle fait aussi la part belle à son ami qui signe les peintures affichées derrière elle. Et elle n’hésite pas à mettre en lumière d’un coup de baguette magique les qualités artistiques de ces oeuvre tout en vantant les pouvoirs de l’amitié.

« Everytime the sun comes over » , désormais culte et ode à la lumière d’une discographie sombre, sonne comme un temps fort du concert. « Seventeen »  en fin de sabbat, encore plus. Le morceau est certes l’un des plus connus de Sharon Van Etten, mais aussi certainement l’un de ses plus fédérateur. Sa force nostalgique est sans commune mesure. L’écouter revient à faire un saut dans le temps et retrouver son adolescence. Là encore, comme par un sort bien travaillé. Visuel, le morceau a d’ailleurs été utilisé dans la série « Yellow Jacket ». Pas si étonnant quand on le compare avec l’univers visuel de la chanteuse. Cette série drame horrifique et adolescente est une bonne égérie pour une musicienne qui s’était également essayée au petit écran. Sharon Van Etten était en effet au générique de l’immense série qu’était « The OA » annulée trop tôt et injustement. L’ange originel du show, nous parlait d’expérience de mort imminente et de se retrouver dans un état d’amour et d’acceptation, de transcender les croyances. Et c’est ce parallèle qui résumé le mieux la soirée de ce soir. Un moment de beauté et de précision musical, une prouesse et une expérience qui dépasse le concert, entre ésotérisme et rêve angélique.

Sharon Van Etten conclut son concert sur « Fading beauty » au cours d’un bref rappel. Lui aussi extrait de son dernier album. Un morceau au première notes hypnotisantes et au ton aérien. On vole une dernière fois dans les airs aux côtés de l’ancienne journalisme qui s’y raconte toujours à la perfection. Devenue Hecate le temps d’une soirée, la chanteuse a fait du Trianon un culte obsédant. A l’image d’un album enchanteur qui marquera l’année 2025.


The Voidz - Les Inrocks Festival Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
The Voidz – Les Inrocks Festival Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Voir un concert des groupes de Julian Casablancas c’est toujours prendre un risque. L’excellence studio de The Voidz et The Strokes la disputant  à un rendu scénique en demie-teinte qui ira conquérir les plus grands fans pour mieux laisser de côté un public moins adepte et mois indulgent. C’est pourtant un pari qu’a choisi de relever le festival des Inrocks le temps de deux dates parisiennes les 4 et 5 mars au 104.  Nous étions au premier des deux shows. Un moment acclamé par les fans et avouons le, une franche réussite. On vous raconte.

The Voidz & l’ivresse humaine

The Voidz - Les Inrocks Festival Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
The Voidz – Les Inrocks Festival Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Voilà un moment que nous n’avions pas vu les Voidz dans la capitale française. Le très novateur groupe du génie Julian Casablancas s’était offert un Pitchfork en 2018. Un moment inoubliable par ses prouesses musicales, son univers hors case du hard rock au post punk en s’offrant des envolées électros. Mais rien n’est jamais trop beau pour le new-yorkais, compositeur émérite, adulé, adoré par un public en soif de réelles propositions musicales. Un moment aussi gravé dans les mémoires parce que Casablancas est de ces génies capricieux, qui ose tout, prend le live sans se prendre la tête. Il est ce premier de classe qui ne fait pas d’effort au contrôle et rate la moyenne, faute d’implication. Peu loquace le bonhomme s’était pourtant permis la dernière fois d’insulter le Pitchfork qui l’invitait, hop on ne se prive de rien ! Et, puis plus récemment il se faisait un passage à Paris à Rock en Seine avec les Strokes cette fois, face à un public majoritairement déçu. Le son qui ne fonctionnait pas, dirons-nous. Une gestion de scène qui en rebutait certain.es. Le rock n’est pas mort, mais son attitude désinvolte l’est certainement. Alors ce soir, en ce 4 mars, les attentes et craintes sont là. Le public est pourtant venu en masse au 104. Salle magnifique qui accueille finalement bien trop peu de concerts. Son immense hall permet à chacun.e de voir la scène où qu’il se place. Des transats sont installés en arrière salle et lorsque le concert débute sur « Blue Demon » qui fait également ses débuts en format live, certain.es choisissent d’y rester. Le reste de la foule se compacte, s’approchant au maximum.

The Voidz - Les Inrocks Festival Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
The Voidz – Les Inrocks Festival Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Il faut plisser les yeux. Les jeux de lumières plongent les musiciens dans la pénombre. Ressortent des éclairs roses et bleus qui semblent dessiner le logo des Voidz. L’aspect rétro 80’s de la formation se dessine d’entrée, des choix de couleurs aux tenues, sans oublier le son. « QYURRYUS » succède rapidement. L’auto-tune prend le pas sur le voix du chanteur, métallique, franchement électro. Il dévore le rock pour mieux le faire ressortir. Les guitares résonnent follement.  Casablancas est de bonne humeur. Ca se voit, mais ça s’entend aussi côté public. L’humeur est partagée, rendue au centuple. L’euphorie est telle qu’elle semble se faire ivresse, les têtes tournent, les corps s’activent, les yeux sont hypnotisés. Le meneur, lui, est particulièrement sobre ce soir. Rock’n’roll mais avec l’envie de bien faire. Au premier rang, quelques guerres de fans font rage pour conserver sa meilleure place au plus près du chanteur et de ses acolytes. Les fameux Voidz, réduction de Julian Casablancas & the Voidz, le nom d’origine de la formation. Le 104 donne un sacré écho à la performance, le son résonne contre ses murs et habille avec élégance l’échange musical de la soirée. L’allégresse humaine est à son sommet, et toutes les oreilles espèrent écouter « Human Sadness » tôt ou tard.

The Voidz, ces altesses humaines

The Voidz - Les Inrocks Festival Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
The Voidz – Les Inrocks Festival Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

La déception pourrait être au programme puisque d' »Human Sadness », titre phare d’une belle dizaine de minutes, il n’y aura point en live. La faute à un format long surement difficile à aborder. D’ailleurs ce sont ceux qui se prêtent le plus à l’exercice du concert qui sont interprétées. On découvre alors une légère dominante du dernier opus « Like all before you », prouesse sorti l’an dernier. « 7 Horses », « Overture », « Prophecy of the Dragon » pour n’en citer que quelques uns figurant parmi eux. « Tyranny », premier bébé fou du gang n’est pas en reste pour autant et vient défendre 4 de ses morceaux électro post punk, futuristes. Plus que moderne d’ailleurs, Casablancas et son équipe ont toujours eu un temps d’avance. Définissant le post punk avant qu’Idle et Fontaines D.C ne viennent lui ajouter ses couleurs. Le set est si plaisant qu’on se sent presque dans l’appartement des musiciens, confortablement installé.es dans leurs salons, qu’on imagine bordé de belles moulures au plafond et d’une décoration industrielle sortie de 2050. L’alliance monstrueuse de références passées à la classe assumée et d’une capacité à recréer tout, à tout repenser. Le public se délecte de « Johan Von Bronx » et du monstrueusement efficace « M.uatually A.ssured D.estruction ».  Et quitte à vivre quelques instants dans le salon des Voidz on en profite pour faire la discussion. Voilà qui est assez rare avec le musicien ! Il lâche alors qu’Emmanuel Macron est fan de leur musique.  Le nom est immédiatement hué. Si fort que le tacle envoyé à Donald Trump par la suite en devient à peine audible. Il faut dire qu’on en attendait pas moins d’un chanteur adepte de Bernie Sanders. Il avait même, pour l’anecdote, joué avec les Strokes pour le dernier meeting du politicien en 2020. Il doit être bien difficile être new-yorkais, démocrate et musicien par les temps qui courent aux USA. Non pas que cette présidence ne soit facile à vivre pour le reste du Monde. Ce soir au 104, où on essaie d’oublier un peu le monde pour mieux pogoter, notre meneur en profite pour remercier le public en français dans le texte. Si d’habitude la chose est commune elle l’est bien moins quand on parle des Voidz. Le public y réagit en masse tout comme il profite des moments les plus rock du set issus du très hard rock second album « Virtue ». « Permanent High School » ayant rejoint son comparse en début de set.

The Voidz - Les Inrocks Festival Paris 2025 - Crédit photos : Louis Comar
The Voidz – Les Inrocks Festival Paris 2025 – Crédit photos : Louis Comar

Dans les yeux des fans de la première heure de notre iconoclaste musicien, sa pâte sublime chaque titre et se vit comme une nouvelle découverte de son répertoire. A défaut du morceau le plus attendu de notre setlist le public pourra se délecter d’un rappel avec « Flexorcist » ( issu du dernier album) et d’un joli cadeau qu’est la possibilité de se procurer en vinyle l’introuvable premier album du groupe. En sortie de salle, le public euphorique s’interroge toujours « Mais en fait, c’était un bon concert ? ». Impossible d’en tirer une réponse exacte mais les coeurs qui battent forts, les sourires immenses, les fronts en sueur feront toujours répondre oui à l’unisson aux humais plein de tendresse pour le groupe que nous sommes. En tout cas, la « sadness », elle, est  exclue !