Heretic, film d’horreur pourtant relativement peu attendu, a su trouver sa place au milieu de l’elevated horror et même jusqu’aux Golden Globes. Tirade fascinante sur la religion et ses conséquences, il signe un sans faute sur sa première partie alternant son rythme entre tension palpable et débats sur l’instrumentalisation des religions faite par les hommes. Un jeu malin – dans tous les sens tu terme- qui utilise à son avantage une écriture percutante, l’humour et la terreur pour avancer ses pions. Porté brillamment par Hugh Grant aussi méconnaissable que Nicolas Cage dans Longlegs, le film perd de sa force d’argumentaire dans sa seconde partie. Il n’en reste pas moins un métrage puissant, loin des clichés du genre, aussi percutant qu’il force chaque spectateur à prendre position. Un huit-clos divin qui n’a de cesse de remettre en question le terme. Et pour vous quelle est la seule vérité religieuse ?

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Affiche du film Heretic

Heretic, de quoi ça parle ?

Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrithe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie… (résumé officiel)

Heretic est-ce que c’est bien ?

Heretic-mister-reedDepuis quelques années, l’elevated horror a pris une large place dans le cinéma de genre. Voilà qui lui permet de ne plus être boudé par les prix hollywoodien, allant maintenant jusqu’aux Oscars, une prouesse impensable il y a encore quelques années. De Jordan Peel à Ari Aster, l’envie de parler du racisme ou encore de l’hérédité et des conséquences des maladies mentale sur les familles aura su se parer de gore pour appuyer son propos. Voilà que le thème religieux, souvent utilisé dans l’horreur, mais pour mieux parler sectes et satanisme, prend un tout nouveau visage de façon inattendue sous la réalisation de Scott Beck et Bryan Woods. Ils nous avaient pourtant habitué à des thématiques plus simplistes puisqu’ayant connu le succès avec « Sans un bruit » en 2018. Contre toute attente, les compères arrivent à sortir une oeuvre particulièrement fascinante et intelligente avec leur Heretic. Nombreux.ses sont celles et ceux à en avoir parlé, retrouvé le traditionnellement « charmant » Hugh Grant, en grand méchant est en grande partie responsable de la réussite du film. Maniant les mots à la perfection et y ajoutant une certaine classe britannique, l’acteur fait de son M. Reed, un homme dont la noirceur n’a d’égal que son discours léché particulièrement rodé. Glaçant, brillant, le personnage prend possession de la pellicule et retourne le cerveau des spectateurs dont les convictions seront toujours questionnées et tour à tour retournées. Mais et surtout c’est le débat, l’envie de le pousser et d’interroger sans cesse qui tient ici le rôle principal. Puisqu’à l’instar des cinéastes cités ci-dessous, le duo de réalisateur utilise ici l’horreur comme un prétexte à la question centrale : doit-on croire aveuglément en une doctrine religieuse ? Voir même doit-on tout simplement croire en quoi que se soit ? Et , et finalement c’est bien là que le métrage prend tout son intérêt, l’horreur, elle, tient une place si secondaire dans le récit qu’elle semble finalement s’y insérer de façon forcée.

Jeu de dés, jeu de Dieux

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Hugh Grant, M. Reed dans Heretic

Ce sont les premières scènes du film qui tiennent toute l’oeuvre en leur main, il faut l’avouer divine. Les premiers instants semblent pourtant classiques, si l’on venait à laisser de côté la précision d’écriture : deux jeunes femmes sont présentées brièvement, la question du sexe est abordée mais avec le recul de la pudeur religieuse. Elles se retrouvent dans la maison d’un homme plus âgé – le parfait gentleman érudit, figure existant déjà par ailleurs dans d’autres films d’épouvantes ( d’Hannibal Lecter à Funny Games tous les tueurs ne sont pas Jason Voorhees). Le piège se referme alors doucement sur elles, les jeunes filles pieuses, mormones convaincues. Et voilà qu’intervient ce qui sera sans conteste la meilleure scène du film, un débat sous forme de démonstration dans un salon / lieu de culte, une analogie au Monopoly et à Radiohead. M. Reed semble prêcher les croyantes pour les désandoctriner, les convaincre par le dialogue de l’absurdité de leur foi. Le dialogue dites-vous ? Pas vraiment, si le ton est toujours cordiale, la situation se tend, l’étau se resserre. Le débat est un piège obscure, les choix n’en sont plus vraiment. Moment de prouesse cinématographique, la politesse devient effrayante, « Creep » fait rire autant que le morceau se fait menaçant. Les paroles, les démonstrations se cumulent en une mise en scène théâtralisée et le spectateur lui, remet en question toutes ses croyances. Les propos sont justes, le débat anti-religieux hypnostisant, l’envie d’entrer dans la conversation et d’y ajouter sa pierre pressante. Les trois religions monothéistes sont les premières à être questionnées, mais pas les seules à mesure que la bobine avance. Pas le temps pour nos réalisateurs de tout passer au peigne fin évidemment mais Hugh Grant avance ses pions avec soin sur cette partie de Monopoly géante sans passer par la case prison. Quelques propos rapides mais pertinents sur le féminisme et l’homosexualité font d’ailleurs particulièrement mouche. Face à lui, quelle grande idée que d’avoir prix Sophie Thatcher  ( que vous avez vu dans Companion ou encore Yellowjackets ) dans le rôle de sister Barnes. L’actrice a sans nul doute la grâce de sa contemporaine Anya Taylor-Joy et offre une contre-rhétorique maligne à ce prêcheur habité. Chloe East, dans le rôle de soeur Paxton, prend des traits angéliques et incarne le personnage qui aura l’évolution la mieux écrite du film.

HERETIC | Première bande-annonce VOSTFR

Tu ne l’emportera pas au Paradis

C’est toujours dans le dialogue qu’Heretic tire son épingle du jeu et l’on en vient à rêver d’un film débat où des personnages diamétralement opposés pousseraient leurs pions pour tenter de convaincre le spectateur jusqu’à sa conclusion. Et surtout l’inspirer à la réflexion, doit-on croire ce que l’on nous enseigne depuis l’enfance, la crainte de la mort justifie-t-elle toutes les actions ? La religion prend-elle un visage sectaire ? Quelle serait celle qui détiendrait une parfaite vérité ? Mais c’est dans sa deuxième partie que le film perd de sa superbe pour trop laisser place à ses éléments horrifiques, les rendant parfois grossiers pour trop appuyer son propos et transformer son méchant en un diablotin convaincu et obsédé par une quête de laquelle il semble être ressorti avec une réponse unique.

Un dieu odieux

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Soeur Paxton et Soeur Barnes

Plus que la question d’un Dieu existant ou non d’ailleurs, c’est bien l’utilisation des religions faite par les hommes qui est ici questionnée. Alors que le grand méchant dévoile ses cruelles intentions – se sentant lui même tout puissant-  le propos se perd progressivement. Si la charge contre le religion est faite par un homme de plus en plus vicieux, son propos garde-t-il la moindre force ? Les réalisateurs le déshumanisant petit à petit donnent alors à son discours toutes les mauvaises cartes pour faire passer le fait de questionner les croyances pour un acte vil et cruel. A tel point qu’en fin de bobine le propos se perd presque pour tomber dans le piège du grand méchant aux actions si violentes qu’elles restent celles qui marquent les esprits. Vraiment, à ce point ? Non puisque le film hantera finalement les débats et pensées bien après son visionnage. Jusqu’à ses dernières scènes. La première, conférant à la prière un nouveau regard poétique, puis enfin la toute dernière qui laissera à chacun.e sa propre interprétation. Celle-ci vous permettra d’ailleurs certainement de mieux vous positionner sur la place de votre foi. La réponse que vous ferez à la question : « comment comprends-tu la fin ? »  en dira bien plus sur vous que sur la film en lui-même. Imparfait sur sa durée, Heretic n’en est pas moins une claque et un essai fascinant qu’il faut absolument voir. Au moins pour sa première moitié, plus athée qu’hérétique. Qu’il est bon de s’interroger sur fond de violence, c’est bien elle finalement qui est la plus propre à l’Homme. Toujours prêt à tuer pour faire de son message le seul qui saurait être entendu.


Longlegs Oz Perkins

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