En mathématique, le chiffre 3 est un nombre parfait. Ce qui veut dire que c’est un nombre dont la somme de ses diviseurs est égale à ce nombre. En musique et pour Last Train, « III », le troisième album du groupe donc, est aussi un nombre parfait. La somme de ses accords y est égale à ses divisions de tons. Le groupe alsacien nous y propose un périple mature et sans concession. Un parcours tout en ruptures où le rock est osé et aimé. Pour trois fois plus de plaisir. On en parle.last-train-iii

Last Train : un nouveau départ

Sur le quai de la gare, ce troisième départ du dernier train se passe plutôt bien. Il faudra s’attendre à un démarrage en grandes pompes et peut-être quelques sursauts, tant son introduction s’amuse à alterner les rythmes. « Home », la maison que l’on transporte toujours avec nous lorsque l’on écoute Last Train offre le premier coup de sifflet d’une galette jusqu’au boutiste. Le voyage jusqu’à la lune ou jusqu’aux bras de nos amis de toujours. La bande de meilleurs potes donnent donc le ton d’entrée. Quelques notes douces et calmes, et boum les coeurs et les rythmes s’emballent, on redescent d’un cran, on repart à toute allure. La fin du titre est un périple à 100 km / h, des boucles et une voix qui monte dans les aigus. Du rock, du vrai, profond, puissant, gutural. Last Train a grandi et s’assume pleinement.

Prendre le train à toute vitesse

Il faut dire qu’en trois opus, le groupe a su se faire des adeptes. Trois albums si on ne compte pas son essai symphonique « Motion Picture Soundtrack » paru au printemps dernier. La bande de Jean-Noël Scherrer n’a pas chômé ! Du symphonique il ne reste pas grande chose sur ce « III ». A part une certitude, Last Train soigne ses arrangements et ses compositions. Les instruments y sont précis et cette fois, ils coupent comme une lame de rasoir. Le deuxième titre nous plonge dans une urgence à vif. Sans jamais dérailler. Certes, on pourrait arrêter les jeux de mots sur cette histoire de dernier train mais même la joyeuse équipe ne s’en prive pas sur son compte Instagram, alors pourquoi le devrions-nous ?

« The Plan » donc, deuxième titre sur notre chemin est sans commune mesure avec « Way out » qui avait permis aux alsaciens de se propulser sur le devant de la planète rock francophone. Le premier cadeau de la formation était rappelons-le plus radiophonique, rock certes, mais avec cette fraîcheur adolescente, des garçons dans le vent en quelque sorte. Aujourd’hui la fougue de la jeunesse et donc de nos garçons passe dans la précision. Plus d’excuses, les classiques ont été digérés.

Like a rolling train

« How does it feel ? » demandait Bob Dylan sur « Like a Rolling Stone », c’est aussi la question que va nous poser Last Train au court d’un titre bien plus doux que ces prédécesseurs. Bien sûr dans la navette Last Train le début ne laisse en rien présager la fin. Alors la montée en puissance vient inviter un tourbillon instrumental  et casser les codes définis en début de titre. Quand le groupe ralenti son tempo c’est pour mieux l’accélérer sur la suite. On n’y rattrape pas tant un retard que les paysage y défilent. How does it feel donc ? C’est plutôt plaisant, merci de nous demander. D’autant plus plaisant que le rock français venait peut-être à manquer de visages, d’icônes et de réelles tentatives ces derniers temps. Last Train trace constamment sa route. Sans se fermer à la tornade post-punk qui sévit actuellement – hello Fontaines D.C et autres Idles- nos amis eux, gardent leur identité. Unique et franchement inspirée par un mélange de Led Zepplin et Queen of the Stone Age. Il y a pire comparatif ! « All to blame » suit le mouvement, un titre qu’avait aussi utilisé en son temps Sum 41. Et le comparatif avec la bande de Wimbley ne s’arrête pas là, puisque le groupe comme du bon vin (mais ne buvons pas trop de vin), avait gagné en précision album après album devenant complètement rock en fin de course et faisant sonner ses guitares bien plus fort.

Last Train et  ses ruptures de ton

Last Train aime particulièrement a casser ses rythmes. On s’y était habitué avec l’immense The Big Picture, sûrement leur meilleur morceau jusqu’ici, sans objectivité aucune -quoi que. Démarrer doucement, monter en puissance, prendre le temps de souffler, repartir plus fort. C’est en cela que le groupe est franchement bon. Et pour autant ne va pas jouer à se répéter. De « This is me trying » et sa phrase obsédante répétée comme un let motiv à « How does it feel », la prise de position, la coupure de style ne se gère pas de la même façon. La production y est soignée. Mais soyons honnêtes, sommes-nous surpris ? Du tout puisque, derrière leurs airs de rockeurs, leurs blagues et leur propositions de boire quelques bières ensemble – alerte talent caché Jean-Noël sait en ouvrir avec absolument n’importe quel objet, il l’a fait avec une bougie devant moi ! true story- se cachent en réalité des musiciens minutieux obsédés du détail. Et voilà qui se sent continuellement sur cet album de 9 titres. The Big Picture est aussi loin. Cette page a été tournée. Ici on vise la précision et l’efficacité de morceaux courts mais pour autant jamais trop rapides. Au plus long, il faudra compter les 7 minutes 30 qui composent le tout dernier morceau « I hate you ».

Pour répondre aux mélodies longues et développées de son dernier né, et sa BO fantasmée, le groupe pose en fin de course un mini-titre. « You’ve ruined everything » qui dure 54 secondes. Et ces secondes sont un temps d’accalmie instrumentale dont les dernières serviront de mise en bouche à son final. il fallait, impossible de ne pas l’admettre, reprendre son souffle après le très rock « One by One », aux allures de classique efficace aux guitares saturées.

Arrivée au terminus

Ceux qui quittent toujours la scène sans une bain d’amour et de francs calins, règle respectée d’ailleurs sur la release au Nouveau Casino, nous laissent donc sur « I hate you ». Comme avec l’intro, comme si ce final tenait à y répondre, on marche sur le pointe des pieds. Le ton y est presque inquiétant, comme si, du calme apparent allait sortir un jump scare. Et pas Pedro le chat qui faisait des siennes, non, une vraie grosse claque musicale qui débarque sans crier gare. Le titre prend le temps de poser son cadre et son décors. Et c’est finalement la batterie, qui choisi de nous accompagner doucement dans cette montée vertigineuse alors que Jean-Noël répète en boucle un doux I hate you… La claque arrive bien mais pas sous forme d’un sursaut, non, elle vient nous cueillir. On grimpe doucement jusqu’à l’aliénation. Le timbre au bord des larmes, à la sincérité alarmante. Last Train a grandi et s’exprime pleinement. La noirceur du morceau pourrait bien évoquer les débuts de Korn, tiens Fontaines D.C s’inspirait du groupe d’ailleurs tout autrement pour son « Romance ». Contrairement aux irlandais nos français ont perdu en cette fin de parcours toute forme de romantisme. La haine semble être un bon carburant. Et comme toujours cette fin de parcours se fait en apothéose.

Il y aurait mille manière de conclure cette chronique, sûrement quelques jeux de mots à faire sur le train, la gare et le contrôleur. Nous sommes désolé.es de vous les épargner cette fois pour dire à la place, qu’avec cet album, au même titre que ceux d’avant, il y a fort à parier que Last Train laissera sa marque dans l’histoire du rock français. La folle ascension de la formation semble inarrêtable . Le chiffre III est celui de l’expression de soi et de l’esprit du libre penseur. C’est vérifié, c’est aussi pour nous  celui de l’espoir de voir un groupe de rock français atteindre tous les sommets.


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