Nouvelle journée sous le soleil de Rock en Seine ce samedi 27 août. Sans les palmiers certes, mais le Parc de Saint-Cloud profite aussi de ses arbres et de son lot de coins paradisiaques. Cette fois-ci, c’est la scène française qui est particulièrement mise à l’honneur avec un bon nombre de ses représentants à l’affiche. Moins rock que les autres jours, ce samedi profite d’une belle vague allant du dansant au carrément électro. Non contents de faire faire des kilomètres aux festivaliers qui courent d’une scène à l’autre chaque jour, il faudra se déhancher franchement pour profiter pleinement du programme.
Mais où va le monde ?
Il va sur la Grande Scène et pas sur la planche (ni dans le sable) pour accueillir La Femme et ce dès 18 heures 30. La joyeuse troupe fondée par Marlon Magnée et Sascha Got la joue comme à chaque performance sur un show complètement déluré pour séduire. Profitant d’un meilleur son que la dernière fois que nous avions pu les voir aux Francos Montréal, les acolytes sont venus en masse, déjà pour officialiser la sortie de leur nouvel album « Teatro Lucido » dont le premier extrait « Sacatela » est déjà en écoute. La Femme aime à surprendre comme le montrait son dernier né, l’indomptable « Paradigme » et ses titres allant du western au rock français façon Dutronc en passant par de la pop tropicale. Sur scène, l’immense variété d’un répertoire qui ne se refuse absolument rien en terme de créativité, en cause le besoin de s’assurer une véritable indépendance musicale, même si vous dira Marlon, la chose n’existe pas vraiment, parait pourtant bien cohérente. il faut quelques minutes à la troupe pour se chauffer et chauffer la foule. Interprétant d’abord des extraits de « Paradigme » pour vite mettre tout le monde d’accord sur le classique « Elle ne t’aime pas ». Les copains saluent tout le monde, même Robert Gil, photographe musical qui vous avez certainement déjà vu shooter en live. La sauce prend et gonfle, à la fin du set, Rock en Seine est un dancefloor géant.
Il faut quand même dire que le groupe avait été aidé par Lewis Ofman, le prodige de l’électro français qui avait posé ses valises et surtout son décors sur l’indétronable scène de la Cascade à 17 heures 30. Aussi élégant que les marques pour lesquelles il a travaillé d’APC à Colette en passant par Gucci, la musicien sait varier les plaisir avec une précision millimétrée. Entre funk, house et pop, le touche à tout convainc un par terre en effusion qui commence à siroter une bière mais aurait tout autant apprécier un set plus nocturne avec un cocktail et une paille (en carton) pour se laisser enivrer jusqu’au bout de la nuit.
Le before de l’after
Parmi les moments les plus attendus de la journée, se glisse la performance de Jamie XX. Le set du membres des iconiques XX se déroule sur le Grande Scène dès 20 heures 30. Si le groupe de rock londonien fait office de légende dans le milieu et que leurs sonorités minimalistes sont aujourd’hui d’incontournables classiques, le musicien se détache de sa formation en solo. C’est un set purement électro entre le DJ set et le remix qu’il propose. Communiquant une énergie festive, il fait danser une assistance qui célèbre la fin de l’été. Certes, ça manque un peu de grandes interprétations et de spectaculaire mais l’instant est plaisant et le Parc de Saint-Cloud, hyper réactif se laisse convaincre par l’esprit festif qui lui est proposé en guise de before de la tête d’affiche, Tame Impala, très attendue ce jour-là.
Pour mieux la découvrir, il faut néanmoins patienter encore un peu. Pour se faire, le rendez-vous est donné par The Blaze sur la scène de la Cascade. La foule y est très dense. La nuit est tombée sur la ville du 92. Les arbres en bordure donnet au tout un aspect mystique que les deux compères francophones savent maximiser. Avec eux, il est facile de se laisser entraîner et de suivre les courant. les écrans géants se dévoilent en nuances de bleus. La couleur de la mélancolie appelle à la trans. Tout indique qu’il est possible de se laisser porter, que le moment sera partagé mais qu’il saura garder ses secrets. The Blaze et ses sons aériens méritent leur place de très beau nom de la scène française tant leur précision percute et enivre.
Après Nick Cave la veille, c’est maintenant à Tame Impala de prendre d’assaut la Grande Scène. Passer après le géant n’est malheureusement pas chose aisée. Il faut dire que l’immense musicien et ses Bad Seeds ont placé la barre si haut en terme de leçon de live qu’il parait impossible de se glisser à ses côtés. En la matière Tame Impala a en plus la réputation d’être certes excellent sur album mais bien moins à l’aise en ce qui concerne le live. Leur précédent passage à Rock en Seine avait d’ailleurs laissé un souvenir un peu flou d’un concert certes plaisant mais sans l’étoffe de la grandeur. Cette fois, pour palier à ça, la bande originaire d’Australie est venue les valises pleines. Déjà pleines d’une très belle humeur, n’ayant de cesse de rappeler leur plaisir à revenir dans vertes contrées et s’adressant régulièrement à la foule.
Le set s’ouvre en douceur sur « One more year » mais ne fait que gagner en intensité, le son est propre, la voix calée, l’interprétation joliment orchestrée. Pour l’appuyer, les grosses machines sont de la partie, un jeu de lumières déjà mais surtout un cercle géant placé au dessus des musiciens qui rapidement s’intensifie en des effets de lumières chromatiques rappelant celles de l’arc-en-ciel. « Breathe Deeper » ou encore « Elephant » se joignent à une fête rapidement recouverte de confettis multicolores. La voix aérienne colle aux couleurs pastels d’un moment franchement estival. Le tout se conclut sur le très attendu « The Less I know the better » et « New Person, same old mistakes ». Un moment suspendu dont les lumières marqueront les rétines mais n’atteindra malheureusement jamais les sommets de la veille. Restera une dernière journée à vivre avant de retrouver le quotidien bien trop calme une fois la période des festivals achevée. Alors que faire pour en profiter comme il le faut ? Rock en Seine y répond deux journée d’affilée par la même proposition : »Alors on danse » ?
Une première journée intense et so british de passée au Parc de Saint-Cloud et voilà que Rock en Seine remet le couvert pour une des journées les plus…
Il était attendu ce retour. Deux années que Rock en Seine n’avait pas eu lieu. En échange en 2020, une émission avait permis à quelques artistes français en…
Voilà deux jours que le festival Malouin nous boxe bien comme il faut. Coup de cœur sur cœur de cœur, il nous est presque difficile de nous souvenir de toutes les claques musicales reçues jusque-là. Deux jours sur trois sont déjà passés. Les promesses du dernier nous ont tenues en haleine durant tout le mois d’août rien qu’à la vue des artistes programmés. Il est enfin temps de le vivre ! La soirée du samedi au Fort Saint-Père, dernière de cette édition 2022 du festival, a-t-elle été à la hauteur des espérances ? Evidemment que oui. Beaucoup plus que ça même. On vous dit tout.
Comme on est déjà un peu nostalgiques, permettez nous de revenir sur la soirée de manière dé chronologique, de manière à remonter dans le temps, et à ne jamais quitter ce petit bout de paradis.
Fat White family rafle la mise
Il est 02h15 du matin. Le dernier concert vient d’avoir lieu. Nous nous trouvons dans un état de choc. La soirée a été immense et le concert de clôture en est pour beaucoup. Après l’annulation de King Gizzard and the Lizzard Wizard, c’est le groupe britannique FAT WHITE FAMILY qui est venu à la rescousse. Certains ont fait entendre leur mécontentement, surement par ignorance, mais peu importe, car quoi qu’on en dise, il faut avouer que c’était osé et judicieux de la part des programmateurs. Ca n’est pas la première fois que la grosse famille est invitée ici.
King Gizzard, ok. Presque tous les amateurs de rock les aime. Ils sont doués, prolifiques, puissants, tout ce que vous voulez. Et on aurait évidemment adoré entendre « The Dripping Tap » en live, ce récent morceau de 18 minutes complètement hallucinant, on vous l’accorde. Mais avec FAT WHITE FAMILY, c’est tout de suite plus à double tranchant. Et ça nous plait. Enfin eux nous plaisent. Leur dernier album Serf’s Up en 2019 nous avait conquis en tous points. Leurs deux précédents également. On était donc confiants sur le fait qu’ils puissent largement assurer cette clôture. Et quelle n’a pas été notre surprise ! Leur concert était le plus dantesque du festival.
A leur arrivée sur scène, à six, on s’étonne déjà de l’atmosphère mystérieuse et pleine de tension dans laquelle ils plongent le festival. Le leader, tel qu’on le connait, arrive torse nu, seulement vêtu d’un short moulant de la même teinte que sa peau. C’est un sacré personnage, on a été prévenu. Il est d’abord droit comme un piquet. Le groupe débute d’inquiétantes expérimentations sonores. Très vite, Lias Saoudi saute dans le public. Pas sur mais dedans. Alors, le show peut commencer. Il court, se fraye un chemin, pousse des cris, se met au sol, provoque le public, s’agrippe à lui, comme un fou qui a perdu sa direction : « i wanna go hoooome ». Tout le monde sait que ça fait partie de la performance, et tente alors de jouer avec lui, de le toucher, de le cogner même parfois. Persiste toutefois chez chacun ce sentiment de panique et d’incompréhension, qui fait monter l’adrénaline. Ce début de concert est une plongée dans les entrailles, qui fait office de mise en condition. Cela va être éprouvant. Le leader remonte enfin sur scène après s’être fait malmené. Débute alors les morceaux plus classiques, mais non moins intenses. « Wet Hot Beef » ouvre le bal, issu du premier album. C’est direct, puissant, aidé par un son majestueux. On commence à avoir l’habitude de la scène du Fort, bientôt on ne voudra plus la quitter du tout. Le concert se poursuit dans la même hallucination sonore. Sur scène, les morceaux de FAT WHITE FAMILY gagnent en tout. Lias Saoudi les transporte assurément dans une autre dimension, mais c’est aussi grâce aux musiciens qui, derrière leur dégaine bien britanniques, assurent de leur donner l’ampleur méritée. L’affranchissement par rapport aux versions studios est totale. C’est tellement rare qu’il est bon de le souligner.
La setlist est parfaite, déjantée. Il y a plusieurs chansons à l’évidence absolue qui ne manquent pas de nous scotcher sur place : « Touch the Leather », « Feet », « I Believe in Something Better », « Is it Raining in your Mouth ? ». Régulièrement, elles se finissent en apocalypse, avec un leader qui sait hurler dans le micro quand il faut là où faut. Sur « I Believe in something better”, le clavier valdingue après avoir été asséné de coups. FAT WHITE FAMILY vient de tuer le game. Le festival se termine de la meilleure façon possible. On souhaite aux pleurnicheurs de fans de King Gizzard d’avoir oublié, l’instant d’une plongée radicale en plein délire, l’absence de leurs chouchous qui, finalement, ne s’est pas tant fait remarquée.
Allez, heureusement que la grosse famille blanche est passée en dernier. Personne n’aurait pu se frotter à elle. Mais la construction de ce report nous permet quand même de remonter le temps, et d’aller voir ce que la soirée nous a offert d’autre. Car au-delà d’être le plus majestueux, le concert de clôture n’était pas le seul à avoir été excellent. Bien au contraire, toute la soirée du samedi fut à sensations fortes.
festival CHENAPAN !
Avant de rembobiner les concerts, arrêtons-nous sur l’instant chenille. Une géante s’est formée vers minuit, sous l’impulsion du festival qui avait prévu le coup et donner une heure précise. Cela s’est passée au niveau de la scène du Fort. Les participants ont plutôt assuré. On parle de 4500 unités selon les organisateurs, un record ! Bravo à tout le monde.
Maitre rockeur depuis 1845
Sur la même scène avant Fat White, à l’heure la plus prisée (23h), nous avons pu bénéficier de la main de maitre de TY SEGALL, un habitué du festival, rockeur californien que nous suivons de très près depuis des années maintenant. Nous étions à ses deux derniers concerts parisiens à la Cigale en 2019, l’avons vu au Bataclan l’année d’avant, et également deux fois à Rock en Seine, dont une en 2015 avec la machine infernale FUZZ qui d’ailleurs, depuis 3 ans, doit donner un concert au Trabendo que nous attendons de pied ferme (déjà deux fois reporté). Bref, on ne se lasse ni de le voir, ni d’écouter ses albums annuels. Le dernier en date, majoritairement acoustique, vient de sortir et s’intitule « Hello, Hi ». Pour ce concert à la Route du rock, il a laissé de côté la guitare sèche pour s’emparer de l’électrique, celle avec laquelle il a l’habitude de créer une frénésie sonore au travers d’un impressionnant mur de son. Sur scène, il est accompagné de son fameux FREEDOM BAND, qui en est pour beaucoup dans la manœuvre. Leurs concerts sont toujours mémorables dans leur manière de balancer la sauce avec des amplis réglés au maximum. TY SEGALL est là pour nous en mettre plein les oreilles, c’est un fait, mais cela toujours soutenu par une base de morceaux très très solide. Il en a des centaines à son répertoire. Ceux du jour sont en partie issus de son dernier album électrique sorti l’année dernière : Harmonizer. La même recette appliquée pour tous : vitesse décuplée, rugissement de guitare guitares, sensations d’emballement totales… Pendant 1h15 environ. Véritable rouleau compresseur dont on ne se lasse jamais. Et avec le son de la scène du Fort, la jouissance est pleine. Sur « Sleeper » version électrique, final du concert, on tombe à la renverse. Cette chanson a bercé notre adolescence rock, l’entendre ainsi fait l’effet d’une bombe dans notre corps.
Depuis des années, TY SEGALL nous offre le meilleur du rock en live. Depuis des années, TY SEGALL développe un style unique, avec une patte sonore et des compositions reconnaissables parmi des milliers, ainsi qu’une manière unique de poser sa voix. Depuis des années, nous disons que TY SEGALL est une icône rock de cette génération. Ce soir encore, du haut de son trône, qui n’aura d’ailleurs jamais rien changé à son extrême modestie et on l’en remercie, il nous a prouvé qu’il était plus que jamais présent, actuel et juste. Si à 50 ans vous ne vous êtes pas fait renversé par un riff de TY SEGALL en concert, alors vous avez raté votre vie.
Dans le rétroviseur
On continue à remonter dans le temps. On passe maintenant sur la scène des remparts. DITZ précède le concert de Ty Segall. Il est environ 22h. La nuit est là. Ambiance nocturne obligatoire pour ce jeune groupe de punk venu de Brighton qui vient de dévoiler son tout premier album cette année. Celui-ci est une vraie réussite, composé de morceaux aux dégâts colossaux. Leur son est lourd, pesant, mais dans le bon sens du terme. Sur scène, ils n’hésitent pas à balancer. Le chanteur est frêle, il gagne très vite l’attention de son auditoire. C’est l’un des seuls concerts du festival aussi punk. Ca se voit au niveau de la foule déchainée, les gens en profitent. Au beau milieu, ils reprennent « Fuck the Pain Away » de Peaches. Ils ont donc bons goûts, et guidés par de bonnes influences. Ce sont des choses qui ne trompent pas. DITZ est à suivre de près.
On repasse sur la scène du Fort. Le jour entre en scène. Il est 21h quand BEAK> fait son apparition. C’est un trio britannique qui a trois albums à son actif et qui a gagné une certaine reconnaissance depuis ses débuts dans les années 2010. Leur dernier album date de 2018 et avait reçu une très bonne réception. Parmi les trois mecs qui forment le groupe, on trouve un ex-membre de Portishead : Geoff Barrow aux percussions. Gage de qualité. Avec le concert de Fat White et de Ty Segall, celui de BEAK> fait partie du trio gagnant. Pour certains même, il était le meilleur de tout le festival. On peut très facilement l’entendre. Pas le plus impressionnant, ni forcément le plus secouant, mais peut-être le mieux maitrisé. Les trois gars sont des experts. Ils ne gesticulent pas dans tous les sens. Non on s’en tape dans leur cas. Tout vient directement de la musique et seulement de la musique. Le bassiste est même assis, certainement pour avoir plus une meilleure maitrise de son instrument. Puisque c’est autour de lui que tout se joue. La basse est omniprésente, centrale… Enfin ! C’est autour d’elle que l’ensemble s’articule. Les morceaux sont de longues explorations sonores répétitives. Mais comment diable peuvent-ils sonner aussi bien et puissamment dans cette configuration ? Si le concert débute relativement calme, c’est au fil de l’heure que les choses s’intensifient et à partir d’ « Allée Sauvage » c’est une machine de guerre qui se dresse devant nous. Génialement électrique, avec une basse aiguisée comme il faut, le morceau est la chose la plus fascinante qui nous a été donné à entendre sur les trois jours du festival. La version studio avait déjà retenu notre attention. Dites vous qu’en live, c’est encore 10 fois plus intense. Comme toujours, le son est monstrueux. C’est la dernière fois qu’on le répète mais merci à cette scène du Fort pour ce qu’elle a engendré en matière sonore. Chez BEAK> et sa précision à toute épreuve, on s’en rend compte encore davantage. Le concert ne fera que monter, jusqu’au point d’en sortir déboussolé. A côté de nous, on entendra dire « ils sont très bons, pas comme les Liminanas ». On sourit fort. Assurément, BEAK> n’a aucun morceaux à la mords moi le nœud. Tout est riche, consistant.
Rembobinage. A 21h, quand le concert de BEAK> s’apprête à commencer, le super stand disquaire des Balades Sonores présent sur le site depuis le début du festival organise une signature de vinyles. C’est WU-LU la star du moment. Il vient de terminer son concert sur la scène des remparts qui a débuté vers 20h. Son album Loggerhead fait pas mal entendre parler de lui en ce moment. Nous l’aimons personnellement beaucoup, même si nous avons un peu de mal à revenir dessus régulièrement. Probablement à cause de morceaux pour le moins intriguants et bizarrement construits. En terme de production, WU-LU a mis le paquet. Les bases rythmiques sont au centre. Et la guitare, primordiale. Dans un rap – soul – rock, c’est un cocktail détonant, surtout sur certains morceaux coups de poings comme « Times » et « South ». Son concert à la Route du Rock attise la curiosité du public. Il y a du monde devant la petite scène. Le musicien est accompagné de deux autres gars, à la basse et à la batterie. Le concert a d’abord un peu de mal à prendre. Les morceaux joués ne sont pas forcément les plus entrainants. Mais l’attitude du chanteur, détachée, a de quoi nous tenir en haleine. La dégaine est simple : t-shirt orange de monsieur tout le monde. Comme si un gars du public était monté sur scène. Mais là-haut, il assure tout en modestie. Sa présence ne trompe pas. Accompagné de sa guitare qu’il tient désinvoltement, WU-LU nous transporte finalement dans un paysage musical original, intense et incarné. Le final sur « South » en sera la meilleure preuve, avec des cris venus tout droit des enfers.
Ça commence à faire long, mais promis c’est bientôt terminé. Ou justement l’inverse, puisqu’on s’approche du premier concert de la soirée.. . Mais avant de boucler la boucle avec BIG JOANIE, on passe très rapidement sur VANISHING TWINS aka le concert le plus emmerdant du festival. Ils passent sur la grande scène à 19h15. On peut lire sur Wikipédia (désolé de na pas être allés chercher plus loin) « groupe londonien dont les membres partagent un intérêt pour le groove, les instruments inhabituels, le mystique et l’ésotérique ». Tout s’éclaire, puisque ce même bullshit se reflète parfaitement dans leur musique d’un vide abyssal. Dès le premier morceau, un profond ennui nous assomme. Quelle est cette musique minimaliste qui se regarde ? Les musiciens sont vêtus avec fantaisie. Il y en a un à la flûte qu’on lui prie plusieurs fois de ranger. Le concert sera au pire ennuyeux, au mieux banal. Souvent les deux. Une pop sans vie et prétentieuse. Retournons au punk.
« We are black feminists punk » . C’est comme ça que BIG JOANIE se présente. Elles sont quatre sur scène, mais plutôt trois officiellement dans le groupe. Actives depuis 2018 et leur premier album Sistahs très apprécié, elles sont à l’origine d’un rock assurément engagé, fier et vivant. Quelques nouveaux morceaux sortis récemment précèdent un nouvel album à venir. De 18h30 à 19h15, elles ouvrent la soirée de la meilleure des manières, avec assurance et sourires. Jouer là semble les rendre heureuses. Le plaisir est partagé avec une foule qui, doucement, s’épaissit. Leur musique en jette. Sur le dernier morceau « Fall Asleep », l’ampleur est là. Les « yeah yeah yeah » du refrain retentissent avec fracas. La Route du Rock dans toute sa splendeur.
– Rembobinage
Nous entrons sur le Fort pour cette journée qui s’annonce encore plus intense que les deux précédentes.
– Rembobinage
Nous nous garons sur le parking, excités même si la fin approche.
– Rembobinage
Nous nous réveillons, plein d’enthousiasme.
– Rembobinage
Nous nous endormons, épuisés.
– Rembobinage
Nous roulons pour la Bretagne, des étoiles plein les yeux. Cette édition de la Route du Rock sera-t-elle à la hauteur des espérances ? Ahhhhh jeunes gens, si vous saviez…
En salles le 24 août prochain, Wild Men est une comédie tantôt cynique tantôt touchante de cette fin d’été. Deuxième long-métrage du réalisateur danois Thomas Daneskov, Wild Men…
Meilleur festival du monde, jOUR 2. Sans être totalement remis de la première soirée, l’heure de la suite a déjà sonné. Le temps de poster notre premier report…
Nous y voilà enfin. Où que ce soit, tout le monde l’a repéré. Depuis plusieurs semaines, ses affiches sont disposées un peu partout en France. Encore plus à Paris et bien évidemment en Bretagne. Puisque c’est ici que ça se passe. Le festival malouin La Route du Rock, créé il y a un peu plus de 30 ans, était bien décidé à en mettre plein la vue. On les savait déjà exigeants niveau programmation. Cette année dépasse toutes les attentes. Nous avions beau descendre notre regard sur chaque ligne d’artistes de la programmation, une réaction en boucle de notre part se faisait entendre : « mais noooooooon ». Sans forcément convier les intouchables de la sphère rock comme Nick Cave ou Iggy Pop, le festival a comme d’habitude misé sur l’indé, l’éclectisme et la modernité, dans un bon équilibre entre big boss du game actuel (Fontaines DC, Ty Segall, Kevin Morby, Fat White Family, Baxter Dury…), artistes de taille moyenne (Black Country New Road, Beak >, Working Men’s Club…) et artistes émergents prêts à montrer de quel bois ils se chauffent (Geese, Honeyglaze, Yard Act, Porridge Radio, Ditz…). Réunis, ils forment la plus belle programmation de 2022 tout festival confondus. Vous venez avec nous ? On est jeudi et une très grosse soirée nous attend.
Cette première journée au Fort Saint Père, après l’apéro de la veille de KING HANNAH et ALDOUS HARDING à la Nouvelle Vague, une salle de concert de Saint-Malo, promettait directement de décrocher les étoiles. En terme de début fulgurant, même celui de Wet Leg n’atteint pas de tels sommets. Elles font d’ailleurs parties de la programmation du jour, nous y viendrons.
Le site du Fort Saint Père est comme toujours divisé en deux scènes : la scène du Fort et celle un peu plus petite des Remparts. Les deux se font face et les concerts s’enchaînent à cinq minutes d’intervalle, de quoi assister à l’ensemble sans manquer une note. Bon point.
Embarquez pour la route des remparts
Commençons avec la scène des remparts. Imaginez-vous être dans une 2CV et emprunter des petites routes de campagne. Le départ est paisible, vous profitez du paysage avec COLA. C’est eux qui ouvre le bal à 18h30. Le groupe est formé par deux ex-membres de Ought, groupe montréalais de post punk. Un troisième homme est à la batterie : Evan Cartwright de U.S Girls. Leur premier album est sorti cette année et fait entendre un rock léger et efficace. Pas de fioritures : des riffs de guitare simples, modestes et apaisés, qui n’avoisine jamais pour autant le niais. Non, leur rock est ferme et assuré, inspiré des Strokes. COLA reflète l’humilité, avec son chanteur qui n’en fait pas des caisses, tout en sachant tenir l’attention de son public. Pari réussi pour l’ouverture. La route continue.
Votre trajet est soudainement secoué par une insertion sur une grande route, où le traffic est plus dense. Il est 20h10 et GEESE fait son apparition sur la scène des remparts. New-York est leur ville. Sur scène, ils viennent braquer le festival à six. Ce sont nos chouchous. Leur premier album Projector fait partie de nos albums préférés de 2021, tant il parvient à faire intervenir avec brio un aspect pop au sein d’une musique purement rock. Les dix morceaux de Projector sont dix petits joyaux que l’on écoute en boucle. Les voir prendre vie devant nous nous faisait jubiler d’excitation. Et quel résultat ! GEESE est mené par un chanteur qui n’a pas encore les attributs et le charisme d’une rock star. Comme Grian Chatten à ses débuts, il est un peu maladroit, même si son sourire est bien plus marqué. Quand il ne chante pas, il bouge son corps assez peu naturellement. Mais c’est ce qui fait qu’on le fixe du regard. Il n’a que la vingtaine. Tous ont à peu près le même âge dans le groupe. Quand vient le morceau « Disco », alias le meilleur morceau de l’année passée, on se rappelle à quel point ils sont talentueux. En terme de composition, « Disco » est monstrueux. Celui-ci sonne comme une massue, jusqu’à faire tomber la cymbale du batteur en plein live. Dans sa version studio, il dure près de 7 minutes. Sur scène, relativement le même temps. Et au fur et à mesure que le morceau nous tape, on s’imagine déjà les voir dans quelques années sur la grande scène du Fort. En attendant, on profite de leur présence, et des nouveaux morceaux interprétés, en espérant qu’un nouvel album sorte très prochainement.
Le traffic sur la route se régularise. Vous avancez maintenant de manière fluide. C’est le moment où YARD ACT investit la scène des remparts. Il est 22h. Grande surprise du festival, le groupe britannique nous livre un des meilleurs shows de la soirée. Ils ont seulement un album à leur compteur mais sont déjà accueillis avec entrain. L’attitude barrée du chanteur réveille la foule : « ca va la Route du roooock » s’amuse t-il à dire avec son accent british. Leur pop/rock endiablée sonne terriblement bien, mieux qu’au Trabendo où nous les avions vus il y a quelques mois. Il faut dire que les morceaux sont au rendez-vous. En un album, YARD ACT est parvenu à définir une véritable identité sonore, de quoi assurer très belle performance de scène. Entre la force indéniable de leur single « The Overload » et la singularité assumée de morceaux comme « Rich » et « Land of the Blind », ils s’imposent déjà comme un des groupes importants de leur génération.
Minuit. La nuit est complètement tombée là où vous êtes. Vous arrivez bientôt à destination. Vous avez quitté la grande route pour reprendre des chemins sinueux qui n’apparaissent même pas sur votre GPS. C’est l’heure pour CHARLOTTE ADIGÉRY ET BOLIS PUPUL d’entrer sur la scène. Nuit illuminée par une musique puissante, à la fois techno, électro et pop. Les deux belges qui ont sorti un album cette année savent tenir le public en haleine. Leur jeu de scène est affiné, les interactions nombreuses. C’est une belle clôture pour la scène des remparts qui coupe ses amplis pour aujourd’hui. Vous êtes arrivés à destination. Mais la route n’est pas fini. Vous changez simplement de véhicule pour pouvoir emprunter l’autoroute.
Embarquez pour l’autoroute du fort
Oh. Etrangement, le jour est revenu. Comme un bond dans le temps, il semble maintenant être de nouveau 19h20. Vous ne vous souciez pas de cet effet temporel, il faut continuer de rouler.
L’insertion sur l’autoroute est douce, aucune voiture ne bloque le passage. BLACK COUNTRY, NEW ROAD ouvre la scène du Fort. Depuis quelques mois, juste après la sortie de leur excellent deuxième album, ils sont un peu orphelins, comme perdus. Le chanteur les a quittés pour épargner sa santé mentale. Comment continuer ? Faire comme si de rien n’était. Ne rien changer. Sauf que tout change malheureusement. Aucun ancien morceau n’est interprété. Seulement des nouvelles pièces, toujours plus lyriques et orchestrales. Soit. Au niveau du chant, celui-ci est partagé en trois, avec une insistance sur les voix féminines. On est quand même très loin du charisme vocal de l’ex-chanteur. La tension redescend fortement, lui qui maintenait en haleine chacun des morceaux. Jouer seulement de la nouveauté est un risque puisque l’on perd la sensation de retrouver des êtres chers. En deux albums, le groupe était tout de même parvenu à fabriquer de sublimes tableaux musicaux. Compétitifs sur le premier, plus raffinés sur le second. Mais voilà qu’en continuant sous ce nom, même si l’esprit sonore perdure, on trahit quelque peu son public. A six sur scène, ils ont des airs de premiers de la classe qui jouent pour le bal de promo. Tout est un peu trop propre, finement exécuté. Les morceaux ont du mal à retenir notre attention comme ils le devraient. BLACK COUNTRY NEW ROAD n’est plus vraiment. Nous resterons quand même intrigués par le prochain album studio, qui pourrait quand même nous surprendre.
Près de 45 minutes que vous roulez, il fait encore jour. La limitation est de 110. Eh oui, vous êtes en Bretagne. Le trafic est fluide. Vous vous sentez apaisé, libre, comme allongé sur une chaise longue. Gare tout de même à ne pas se sentir partir vers quelques songes lyriques. Pas de panique, WET LEG est là pour vous réveiller. Une heure leur est consacrée sur la scène du Fort, alors même qu’elles n’ont qu’un seul album. C’est dire leur ascension fulgurante. En un titre devenu déjà mythique, « Chaise Longue », les deux britanniques ont réalisé un coup de maitresses : s’imposer comme un groupe très convoité des festivals d’été. La foule se compresse, c’est le premier concert qui rameute beaucoup de monde. Elles commencent par « Being in Love », le premier morceau de l’album. Elles joueront ce dernier en entier, ni plus ni moins. Il est drôle de remarquer à quel point chaque chanson est à elle seule un petit tube pop rock. Le point culminant arrive évidemment à la toute fin, où « Chaise Longue » retentit comme l’évidence absolue. Tout le monde la connait. Simplement dommage qu’elles ne l’étirent pas, surtout que le concert n’aura finalement duré que 45 minutes au lieu d’une heure. C’est le type de morceau avec lequel on peut jouer sur l’engouement, faire des pauses, reprendre… Non, la version est, avec regret, un peu trop conforme à l’album. Sur le visage et l’attitude des deux musiciennes, on remarque la chaleur et la satisfaction de jouer ici. Leur cohésion est belle à voir. Niveau sonore, ça reste néanmoins un peu sage, sans envolées. Il leur faut probablement un peu de temps encore, de quoi rattraper certaines étapes que l’engouement autour de leur single leur a permis de griller. Mais en un sens, c’est aussi c’est ce qui est magique, voir la propulsion soudaine d’un groupe qui a peut-être encore un peu de mal à être pleinement à la hauteur de leur succès, mais qui, au-delà de ça, profite pleinement de leur talent à délivrer des tubes de l’été qui mettent plus ou moins tout le monde d’accord. Leur concert est disponible en replay sur Arte Concert.
La nuit est pleinement retombée. Des voitures surgissent de nulle part sur l’autoroute. Elles semblent accélérer, comme si la limitation était soudainement passée à 150. Fort bien. Vous suivez le mouvement. Malgré la densité, aucune perturbations. Tout le monde file. Il est 22h55 quand le groupe le plus côté de la sphère rock indé fait son apparition sur la scène du Fort. Il y a 3 ans, ils jouaient au même endroit, mais bien plus tôt, à 19h. A l’époque, ils n’avaient qu’un album. On les découvrait tout juste. Depuis quelques mois, ils en comptent trois. Leur nouveau s’appelle « Skinty Fia » et grâce à celui-ci, ils sont déjà entrés au Panthéon du rock moderne. On le sent dans l’air, que FONTAINES D.C. est le groupe le plus attendu de la soirée. La foule est compacte, quitte Yard Act avant la fin pour venir se placer. Les corps se serrent. C’est l’heure convoitée, celle de Baxter Dury demain et de Ty Segall samedi. Trop tôt pour que la foule commence à partir et trop tard pour qu’elle ne soit pas déjà échauffée. FONTAINES a intérêt à foutre le feu. C’est ce que tout le monde se dit secrètement. Et ça ne manque pas. Leur concert est sans nul doute le point culminant et le meilleur de la soirée. Leur aura est telle qu’ils dégagent quelque chose de grand et de mystique dès leur entrée sur scène. Ils débutent avec le premier morceau du dernier album, longue tirade musicale aux airs religieux, qui monte, monte, monte jusqu’à n’en plus finir. On le sent tout de suite, que le son est monstrueux, bien meilleur qu’à l’Olympia de Paris quelques mois auparavant. Grian Chatten, le chanteur, est de plus en plus hypnotique et à l’aise dans son rôle de leader désinvolte. Il captive. Il a certainement gagné en présence, lui qui ne bougeait pas d’un fil il y a 3 ans, même si nous étions déjà tombés amoureux de son attitude à l’époque. C’est aujourd’hui une vraie rock star, sûr de lui et conscient de ce qu’il renvoie. Comme s’il affrontait constamment son micro en duel, qu’il n’hésite jamais à malmener, Grian Chatten fait preuve d’un charisme irréfutable. A côté de lui, les membres du groupe sont relativement stoïques. Leurs instruments suffisent, puisque la guitare sonne terriblement, comme du fil de fer. Les riffs affutés surgissent avec fermeté, comme celui de « Big Shot », ou de « Sha Sha Sha ». Le concert est un best-of de leur carrière. En 1h15, ils ont à peu près tout joué. Que des morceaux mastodontes : ils attaquent notamment très vite avec « Hurricane Laughter » placé en troisième. Puis s’ensuit un déferlement : « Televised Mind », « I Don’t Belong », « Nabokov », « Too Real », « A Hero’s Death », « Jackie Down the Line »… Mais combien de chansons cultes ont-ils donc ? La fin nous achève définitivement avec l’enchainement magique de « Boys in the Better Land » et « I Love You ». Oui, Fontaines DC est devenu immense. Face à eux, force est de reconnaitre leur grandeur. Au fond de tous les festivaliers présents sur le site, l’envie d’être Grian Chatten a, à un moment, ne serait-ce qu’une seconde, trouvé naissance.
Comment continuer à rouler à cette vitesse encore ? Vous reste-t-il assez de carburant ? L’autoroute semble interminable, vous semblez l’avoir traversé de long en large. Pourtant, il vous reste un bout de chemin à parcourir. La masse de voiture a faibli. La vitesse descend à 130. Mais vous êtes encore dans la course, à vous enfoncer dans un noir toujours plus lointain. Il est 1h du matin, et pour vous donner toujours plus de pêche, voilà que WORKING MEN’S CLUB entre sur la scène du Fort. C’est surtout le projet d’un gars, Sydney Minsky-Sargeant, jeune, aux traits quelque peu similaires à ceux de Grian Chatten. Il est accompagné par des musiciens mais c’est sur lui que l’attention se fige. Son air nonchalant prend beaucoup de place. Il bouge comme un insecte. La musique jaillit à un niveau sonore inégalé durant la soirée, avec des sonorités électro/rave bien grasses à l’ampleur méritée. C’est fort, et bon, même très bon. Mieux qu’en studio. Plus charnel, plus direct, plus carré. Un nouvel album vient de paraitre le mois dernier. Il gagne là toute son intensité. Il y a quelque chose de frénétique, d’hypnotisant dans cette performance. On se retrouve vite happés par l’intensité. Quand il prend sa guitare, c’est le clou du spectacle, comme un décollage dans l’espace. Elle ne sonne pas comme une guitare, il la déforme pour coller à sa musique toujours située entre le kitch et l’esprit rock.
Votre voiture finit par perdre le contrôle. L’autoroute du rock était finalement trop dangereuse. Pas de panique néanmoins, vous êtes sain et saufs et serez encore là demain pour une deuxième journée au Fort de Saint Père, qui, sur le papier, ne promet pas d’être meilleure que la première mais qui, si les astres s’alignent bien (déjà mal parti avec la pluie), a de quoi nous réserver son lot de surprises.
À l’occasion du Champs-Élysées Film Festival 2022, notre équipe a eu l’immense plaisir d’interviewer l’équipe de la petite pépite psychédélique (que de -P), Quantum Cowboys; Geoff Marslett, Lily…
Trois ans après la sortie de Heard It in a Past Life (2019), la chanteuse américaine Maggie Rogers revient en très grande forme avec Surrender, sorti le 29 juillet dernier. Cet album, plus fier que le précédent, présente Maggie Rogers plus libre que jamais. Elle y allie brillamment plusieurs influences musicales telles que l’electro, la folk et du rock saturé, le tout mêlé à une fureur de vivre et une frénésie déconcertante aux intonations très 90s/2000.
UN OPTIMISME TEINTÉ DE FRUSTRATION
Il y a quelque chose d’exaltant, disons-le, à observer certains artistes grandir et trouver leur style. C’est le cas avec Maggie Rogers qui, le 29 juillet dernier, a sorti son deuxième et -pour le moment- meilleur album. Ne crions pas là au fameux « album de la maturité » dont la formulation est aussi trouble que lorsqu’il y a présence de CO2. Mais il y a bien là une évolution certaine qui se dessine. Avec Surrender, Maggie Rogers signe probablement son œuvre la plus aboutie. Si les trois premiers singles (That’s Where I Am, Horses, WantWant) sortis en préparation de l’album laissaient présager une certaine qualité, le reste de l’opus s’est avéré encore mieux qu’escompté.
Sur Surrender (notez l’assonance), Maggie Rogers se livre, pousse autant des cris de rage que de joie. Elle célèbre son émancipation, sa liberté avec une assurance rafraîchissante. Car c’est ce dont est question l’album; une assurance nouvellement acquise pourtant teintée parfois d’inquiétude et de frustration. Cette dualité des émotions et des sentiments est retranscrite notamment sur la chanson, Shatter, où les chœurs sont chantés par Florence Welch (Florence + The Machine).
Une ode à ses proches et… à elle-même?
Comme bon nombre d’artistes, Maggie Rogers s’est servi du confinement pour se réinventer et composer. Elle a troqué ses longs cheveux blonds pour une coupe garçonne lui donnant une allure de rock star des années 90 et s’affirme davantage musicalement. Sur le morceau Be Cool, Maggie s’adresse directement aux ami.es qui sont resté.es à ses côtés durant la pandémie. Il ne s’agit pas de la seule chanson où elle exprime sa reconnaissance pour ses proches : I’ve Got A Friend, balade touchante où l’on entend tout au long de la chanson des dialogues joués par les musicien.nes Clairo et Claud.
Cependant certains morceaux sont plus ambigus, mais pas dénués d’espoir pour autant. En effet, si les chansons sus-nommées laissent clairement entendre qu’elle s’adresse à des proches, d’autres pourrait tout aussi bien s’adresser à ces mêmes proches, un.e amant.e ou (et c’est très plausible) à elle-même. Si, Maggie Rogers a explicité la signification derrière le son Horses (véritable coup de coeur personnel) qui justement était une chanson qu’elle avait écrite pour elle-même, enregistrée en une prise, il est moins évident de déterminer le destinataire d’Anywhere With You.
Maggie rogers, une fureur de vivre
Enfin, que serait cette critique si je ne mentionnais pas Want Want, véritable hymne pop à la priorité du plaisir dans la vie qu’elle décrit avec cette frénésie qui semble lui être désormais propre.
En somme, Maggie Rogers a réussi l’exploit de réunir dans un album d’à peine 45 minutes tant d’émotions multiples et complexes que l’on se croirait en face d’un petit-déjeuner continental. S’il fallait résumer cet album en quelques ingrédients essentiels, je dirais : de la colère, de l’optimisme, de l’émancipation et en ingrédient secret, de la rage de vaincre. En espérant que l’album plaira à quiconque lira ceci, si c’est le cas, l’américaine passe par la Salle Pleyel le 17 novembre 2022.