La dixième édition du Champs Elysées Film Festival avait un goût bien particulier. L’évènement qui se tenait du 14 au 21 septembre 2021 sur la plus belle avenue du Monde célébrait un très bel anniversaire mais était également l’occasion de faire revivre le cinéma dans une période post-Covid encore incertaine qui nous avait appris que l’art et la culture n’était pas si essentiels que ça. Et pourtant, à en juger par les spectateurs qui se sont rués sur les lieux proposant de (re)vivre la culture en commun, par les films qui ont été au centre des occupations durant les confinements et couvre-feux, il se pourrait bien que l’adage mente.
Récompenser un cinéma exigent
Et ce n’est pas Sophie Dulac, présidente du festival qui dira le contraire lors de la cérémonie de clôture de l’évènement. « Notre travail est essentiel pour apprendre aux nouvelles générations à réfléchir, développer un esprit critique et ne pas croire tout ce qu’on nous dit. » lance-elle avant une salve d’applaudissements. Le cinéma choisi pour officier n’était autre que le cinéma du Drugstore du Publicis, lieu central puisque munit d’une salle obscure et de sa fameuse terrasse. « Le cinéma est fait pour se regarder en salle! » ajoute militante et avec la poigne qu’on lui connait la maîtresse de cérémonie de noir vêtue. Les prix sont nombreux et récompensent un cinéma pluriel. Chaque vainqueur prend le temps de remercier le jury et le public avec émotion. « Queen of Glory » empoche deux récompenses alors que sa pétillante réalisatrice venue des Etats-Unis avec son bébé de sept semaines amuse l’assistance en expliquant qu’elle aurait dû se maquiller pour l’occasion. « L’énergie positive des Dieux » remporte lui aussi deux prix alors que Laetitia Moller, sa réalisatrice, dépeint un métrage qu’elle a commencé en allant chercher sa caméra dans un collisimo sans savoir comment elle allait mettre en scène cette histoire musicale. C’est aussi un cinéma engagé, encré dans une société actuelle qui est récompensé. Un cinéma miroir du Monde dans lequel on évolue et qui pousse à la réflexion comme aime à le rappeler la présidente du festival dotée de fleurs par son équipe ‘Merci, c’est pour ça que je travaille avec eux. » dévoile-t-elle. Elle en profite pour faire la part belle aux nombreux bénévoles et à l’équipe du festival qui s’est battu cette année pour faire exister l’évènement et fédérer le public parisien autour d’un cinéma exigent. Un pari relevé haut la main depuis dix ans maintenant, trait d’union entre deux nations et le rapprochement de leur analyse de chaque époque.
« Rien à foutre » : une dernière projection au plus proche du vrai
Qui dit cérémonie de clôture dit cinéma. C’est un film français « Rien à foutre » sous-titré en anglais qui a la lourde de tâche de clôturer l’évènement. Le film de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre suit la vie d’une hôtesse de l’air (Adèle Exarchopoulos) employée par une compagnie low-cost (Wing) vivant sa vie au jour le jour et se réfugiant dans les paradis artificiels pour oublier ses douleurs. Un véritable soucis de réalisme et d’intimité avec son héroïne sont au coeur des préoccupations de cette oeuvre qui multiplie les gros plan pour mieux centrer son propos sur les ressentis d’un personnage blasé qu’il ne juge jamais. Les dialogues sont parlés : pauses, réflexions, fautes, tout est mis en scène avec la justesse de la vie au point d’en oublier la caméra pour mieux se focaliser sur le vrai. L’humour est au rendez-vous autant qu’un sentiment doux-amer lors de cette fuite en avant sensible. L’actrice principale dans le rôle de Cassandre est très juste et sait se rendre aussi attachante que déroutante. Elle devient l’amie que l’audience a autant envie de secouer que de suivre dans une folle soirée alcoolisée. Pourtant il pourrait être reproché au métrage sa durée qui comble de longs moments parfois vides par des scènes qui s’étirent et manquent d’appuyer un propos. « Rien à foutre » est l’histoire d’un moment de vie qui saura séduire un public pointu, adepte d’un cinéma particulier mais pourrait à contrario laisser sur le carreau un public désireux de découvrir une action plus diffuse, plus proche de l’écran que du monde qui l’entoure.
Le Champs Elysée Film Festival se raconte en musique entre Kiddy Smile et Sônge
Place au cinéma indépendant oui mais aussi à la musique indépendante. Le festival pointu a comme chaque année posé ses valises sur le rooftop du Publicis pour faire la part belle à des DJ sets face à l’Arc de Triomphe. Un monument mis en beauté cette année par Christo et Jeanne-Claude « Qu’on aime ou qu’on aime pas ça fait parler. » en profite pour lancer amusée Sophie Dulac lorsqu’elle remercie le lieu.
Le 20 septembre c’est à Kiddy Smile, également membre du jury courts-métrages, de prendre les rênes de la soirée. Au programme dans ce cadre aussi luxueux que paradisiaque : un véritable soin porté à la volupté. Les sens y sont mis en avant : de la beauté pour les yeux avec un espace carré et végétalisé qui fait rêver, le goût y est sollicité avec ses pizzas truffées, salades composées et autres tiramisu, mais aussi l’ouïe. L’exercice du DJ set peut s’avérer compliqué puisque l’artiste y gomme son répertoire pour mieux valoriser celui d’autres qui doit être l’équilibre entre son reflet et sa faculté à faire danser. Cléa Vincent et Silly Boy Blue, elles, avaient toutes deux choisi de proposer un set mainstream qui poussait à chanter. Kiddy Smile, sans surprise, casse les codes et change de registre. Vêtu d’un long manteau argenté et noir, l’impressionnant artiste électrise le dance-floor. Les sons y sont pluriels, ils prennent des accents world, électro, hip hop, sont connus de tous ou des plus pointus. Les températures clémentes permettent de danser sur les toits, Paris sous les pieds. Dans ce cadre, la culture devient un luxe alors que les mélodies elles, s’adressent au plus grand nombre. Kiddy Smile a cette force folle, celle qui consiste à allier ces deux univers. A être aussi radicalement chic que radicalement ouvert à tous. Son set de haute volée sent la haute couture autant que la fête dans les rues. La fin de cette avant-dernière soirée laisse à tous les chanceux qui ont pu y assister des étoiles plein les yeux , de petites rires aux coins des lèvres, signe de fous-rires partagés, et des jambes emplies de fourmis signe indiscutable d’une folle nuit passée à danser.
Un dernier Sônge
Pour son tout dernier acte, il faudra attendre un peu. C’est en effet aux alentours de minuit que le dernier bal du festival ouvre ses portes. Cette fois c’est à Sônge de prendre les platines. Côté rooftop, le temps s’est rafraîchit mais la pluie, elle, a bien compris qu’elle n’avait pas le précieux sésame pour monter sur la terrasse. Pour moins frissonner, il est possible de déguster une coupe ou une douceur sucrée. C’est une option qui fait sens un premier temps, avant que le lieu ne devienne un dancefloor géant. Dans l’assistance, les personnalités croisent les professionnels. La sublime Agathe Rousselle (Titane) également membre du jury est une des lumières que l’on croise dans les hauteurs. Vêtue d’un costume noir à la pointe de la mode et de longues boucles d’oreilles scintillantes, elle profite du moment tout comme Olivia Merilahti
(ancienne The Do, aujourd’hui en solo avec Prudence). Lieu de paix où tous se mélangent, la célébrité ici, est mise de côté. Les chasseurs d’autographes et de selfies ne sont pas conviés. Au contraire tous les convives sont les stars choyées de la soirée. La musique se distille dans les âmes et tout prend un accent festif alors que même « La Macarena » est jouée. Une partie de l’assistante, dominante, danse franchement, déchaînée et bienveillante. Alors qu’une autre profite de son escapade dans les hauteurs pour mieux profiter une dernière fois de la vue et de la nuit. Difficile de quitter ce lieu magique et de retourner à un quotidien plus banal lorsque les musique et les derniers projecteurs s’éteignent. Rien à foutre serait-on tenté de se dire, les souvenirs eux resteront longtemps en mémoire alors que la prochaine édition, cette fois-ci, il faut l’espérer dans des conditions normales, n’arrivera jamais assez vite.
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