En pleine crise de la Covid-19 et alors que les cinémas sont obligés de rester fermés depuis des mois, l’équipe de PopnShot a eu la chance d’être conviée dans une salle obscure. Outre le plaisir immense de voir un film sur grand écran, la qualité du métrage proposé, Mission Paradis, a marqué les esprits. Puisque cette comédie atypique a le bon goût de jouer la carte de l’inclusivité, de parler du handicape sans langue de bois et d’amuser autant que de toucher. On vous raconte.
Mission Paradis de quoi ça parle ?
Trois jeunes adultes décident de partir dans une aventure rocambolesque pour connaitre leur première fois dans une maison close de Montréal. Rien ne pourra faire capoter la mission, pas même leur handicap…
Mission Pardis, est-ce que c’est bien ?
Avec son synopsis pour le moins intriguant, on parle bien de trois personnes souffrant d’handicapes, qui décident, n’ayons pas peur des mots, d’aller voir des prostituées, le long métrage de Richard Wong, pourrait facilement tomber dans la comédie potache et rappeler la chanson de Giedré « Jackie le nain ». Un texte drôle et incisif certes, mais qui aurait manqué de matière pour traiter en profondeur son sujet. Oui mais, avec sa mention « inspiré d’un fait réel », le film promet instantanément de partir dans une toute autre direction. A l’heure où films et séries se sont enfin mis à choisir d’incorporer des personnages issus de minorités, de donner une plus grande place aux femmes, aux personnages LGBTQIA +, de couleurs et de religions variées, les personnes ayant un handicape sont elles souvent exclues du casting. Rare sont ceux à accepter de se frotter au sujet et encore plus ceux à accepter de créer des personnages qui ne seraient pas entièrement définis par leur handicape et les souffrances qui en découlent. Dans ce contexte, aborder la sexualité de ces personnages est encore plus rare. C’est l’une des nombreuses raisons qui font de « Mission Paradis » une véritable pépite alors que le film s’inspire de l’histoire d’Asta Philpot, un américain vivant à Leeds qui entend parler au cours d’une voyage en Espagne d’un bordel équipé pour les personnes en fauteuil roulant. Il y perd sa virginité. Suite à cette expérience, il décide d’organiser un voyage avec d’autres personnes partageant ses difficultés. Une équipe de la BBC les suit et de là née l’idée de Erik Linthorst (scénariste) et Richard Wong (réalisateur) de raconter cette histoire.
Un sujet sensible donc qu’il fallait traiter avec délicatesse et humanité. Et c’est bien là que le métrage réussi haut la main son pari. A bas, les clichés ! Nos trois personnages Scotty, Matt et Mo s’engagent dans un road trip complètement fou pour perdre leur virginité. A leurs trousses, leurs proches, trop protecteurs, qui obnubilés par le handicape en oublient l’Homme avec lequel ils vivent. L’homme et ses désirs, ses envies et ses pulsions jusque dans ses plus basiques. La société ne jette-elle finalement pas le même regards sur les personnes handicapées que les parents de l’histoire qui nous est ici contée ? Y pense-t-on seulement ? Et puis quitte à casser les préjugés, Wong ne recule devant rien prenant Matt, un homme d’origine asiatique comme son héros le plus charmeur alors que bien souvent les préjugés s’obstinent à désexualiser les américains d’origine asiatique.
Si les road movies savent parler à chacun d’entre nous, étant une source d’inspiration hors du commun, Mission Paradis est surement l’un de ceux qui évoquent le mieux ce sentiment. Puisque sans jamais tomber dans les pièges qui pourraient être tendus par son propos, il s’efforce de montrer les difficultés de nos héros et d’en faire une force spectaculaire. L’humour est là pour cet « American Pie » à la sauce 2021 qui joue le jeu de la fraîcheur et de la bienveillance pour convertir le spectateur à son propos. Pour aider notre joyeuse bande, on retrouve au casting l’incroyable Gabourey Sidibe qui avait connu le succès avec le film « PRECIOUS » de Lee Daniels. Notre héroïne noire à forte corpulence est ici aussi attachante que séductrice et n’a rien à envier au rôle sexy de Shanon Elisabeth en son temps. Les blagues franches énoncées sans tabous font écho au moments plus dures qui tireront à coup sûr quelques larmes au spectateur le plus insensible notamment en fin de pellicule. Entre deux, situations exubérantes, humour franc du collier et blagues hilarantes s’alternent en restant loin d’être potaches. Sans jamais devenir une dramédie, l’oeuvre ne perd pas de vue son choix narratif : rire franchement avec les personnes souffrant d’un handicape mais jamais à leurs dépends. La caméra filme avec bienveillance cette folle aventure, s’offrant une part d’intimité et de sobriété en tout instant. Face aux interdits, la fête est encore plus folle. Les personnages s’écrivent avec tendresse, leurs faiblesses, leurs défauts sont mis en avant avec élégance. Les imperfections sont si vrais, qu’on s’attache profondément à eux même lorsqu’ils dérapent. En cela le personnage de Scotty (Grant Rosenmeyer), sa grande bouche et son manque régulier d’empathie pour sa joyeuse bande est une réussite intégrale. Jusqu’au boutiste, il sait se montrer aussi agaçant que profondément humain.
S’il y avait néanmoins un reproche à adresser à la pellicule, ce serait bien celui de ne pas avoir donné de rôle principal à un acteur souffrant d’un véritable handicape. Bien qu’il reste évident que le travail d’acteur doit permettre à n’importe qui de personnifier n’importe quel personnage et de faire croire au spectateur qu’il est qui il dit être à l’écran, la place professionnelle faite aux personnes souffrant un handicape dans notre société reste malheureusement trop restreinte. Un acteur ne souffrant d’aucune forme de handicape pourrait à loisir interpréter la plupart des rôles qui lui seront proposés mais l’inverse n’est pas vrai. Une telle oeuvre aurait pu permettre de donner un rôle sur grand écran à quelqu’un qui ne pourra pas s’offrir tous les rôles. Cela aurait prolongé son travail d’inclusivité et servi son propos.
Reste que le casting choisi est à la hauteur de l’histoire racontée et joue d’une honnêteté et d’une vérité criante en se faisant la voix de personnes bien trop peu représentées. Et cette voix, cette fois, elle crie bien fort : On est humains, et on a très envie de sexe !
Découvrez la bande annonce de « Mission Paradis »
La date de sortie cinéma reste pour l’instant inconnue.
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