Depuis qu’il a sorti son titre à succès «Halcyon Birds », Jérôme Fagnet , plus connu sous le nom de Broken Back enchaîne les succès. C’est à l’occasion de la deuxième soirée des Nuits Claires de Marie-Claire au Yoyo de Paris, et dans la loge qu’avait occupé Peter Doherty la veille, que le musicien à accepté de répondre à nos questions. Il nous confit ses rêves, parle de l’enfant qui rêvait d’être adulte qu’il était, mais aussi de l’adulte qui rêve d’être à nouveau un enfant qu’il est aujourd’hui et en profite pour parler musique et buisiness de son œil d’expert. Rencontre avec un artiste à la dualité forte.

Tu as été nommé dans la catégorie Victoires de la performance scénique de l’année, ça ressemble à quoi un live de Broken Back ?

 J’ai invité deux musiciens à monter sur scène avec moi. Sam à la batterie et Akemi à la basse, guitare, synthé, chant. Donc un live de Broken Back, c’est trois personnes sur scène pour s’occuper des arrangements que je faisais à la base seul quand j’enregistrais à Saint Malo.

 Tu as fait un paquet de concerts dernièrement…

 Une centaine de dates à peu près, et il y en a à peu près une centaine d’autres de prévus avec l’album.

 Comment tu appréhendes le live maintenant ? Est-ce que tu te sens plus à l’aise ?

 J’ai toujours abordé le live avec cette excitation, un challenge pour moi de passer de ce confinement virtuel où tout a commencé avec des vues, des likes, du streaming à quelque chose de beaucoup plus tangible, fort, humainement parlant. Mais j’ai toujours eu cette envie du live. Je sens une évolution entre le premier concert et le concert d’hier (NDLR : à Saint Malo, à La Nouvelle Vague), je sens qu’il y a une progression, que j’ai encore des choses à apprendre et je souhaite continuer à chaque fois à apprendre de nouvelles choses.

 

 Quel rôle a joué Internet au début de ta carrière ?

 En fait ça a commencé avec mes premières démos que j’ai posté sur Internet, que j’avais écrites et enregistrées dans mon petit studio à Saint Malo. Au tout début, il n’y avait quasiment pas de vue sur les vidéos et puis à partir d’un moment les gens ont commencé à les partager, à se les approprier. Ça a commencé à monter…

 C’est monté d’un coup ? Il y a eu quelque chose en particulier qui a fait que ça a eu du succès ?

 Le déclic a eu lieu sur SoundCloud un jour. J’étais en révision de partiels à Lille, car j’étais en cours là-bas, et j’ai vu que c’est passé de 5 vues par jour à 1500 puis le lendemain de 1500 à 2000, etc… ça a commencé à monter et ça venait en fait de la Côte Ouest des États Unis et du Canada en premier, puis après ça s’est étendu au reste du monde.

Tu faisais quoi comme études à Lille ?

 J’étais en école de commerce, je faisais un Master en entrepreneuriat. J’avais deux start-ups. Une que j’avais monté quatre ans avant que tout commence, qui était une agence de communication et une autre, De Rigueur, qui est une marque de maroquinerie.

 Ce sont des activités que tu as réussi à maintenir ?

 En fait j’ai monté une troisième structure, mon label, Broken Back Inc. De Rigueur, je suis toujours actionnaire, très minoritaire. J’ai fermé ma toute première entreprise, l’agence web. Je me concentre pleinement à être sur la route, les concerts, l’écriture, la musique…

 Ça sert d’avoir cette expérience-là ? Concrètement, le business ça sert dans la musique ?

 Oui beaucoup. Dans le sens où je retrouve une grosse part d’entrepreneuriat dans la manière dont on  démarre une carrière musicale sur le web aujourd’hui, comment on écrit, comment on la produit. Et donc mon background scolaire me sert beaucoup à appréhender ça sereinement et à me focaliser sur la partie artistique, car l’autre partie, la partie gestion de projet j’ai eu une formation pour ça.

 C’est quelque chose dont on parle peu, le coté business dans l’art, mais il y a quoi comme éléments qui se retrouvent dans l’un comme dans l’autre ?

 En fait à partir du moment où tu es producteur d’une œuvre, tu es obligé d’être une structure, tu ne peux pas être une personne physique. Tous les revenus liés à la composition d’une œuvre vont à une personne physique, donc Jérôme Fagnet. Producteur ça doit être une structure et compositeur également. Si tu composes ta musique tu n’as pas besoin de monter une boite mais si tu composes, enregistres et détiens les masters de ta musique tu as besoin de monter une boite. Du coup monter une structure, ça veut dire rédiger les statuts, gérer tout l’administratif, faire des demandes de subventions, faire en sorte qu’administrativement tout soit en place au niveau de ta boite pour quand tu sors ton album. Car quand tu dois faire des déclarations de cachets, il y a une grosse part admin. Il y a une part marketing, quand je sors tel morceau, est ce que je sors avec une vidéo avec, gérer les réseaux sociaux qui est quelque chose qu’on retrouve dans l’entrepreneuriat. Une partie finances forcément… Un label par définition est une entreprise. Et dans la musique en indé on retrouve des choses similaires même si c’est à plus petit niveau. C’est en ça que ma formation m’a servi, en ayant assez de connaissances pour appréhender tout ça facilement et plus me concentrer sur la partie artistique.

Repartons sur quelque chose de plus artistique. Du coup, toi c’est une blessure qui est à l’origine du projet, dans quel état d’esprit étais tu quand ça a commencé ? Qu’est ce qui a fait que tu t’es dit « tiens je vais commencer à écrire et faire de la musique » ?

 Je me suis bloqué le dos pendant mes études. Pendant huit mois, j’avais le bassin déplacé et je ne pouvais plus bouger, j’ai eu une longue période de convalescence. Ça a vraiment été la musique mon exutoire, j’avais fini, à force, par abandonner l’idée de guérir. La manière de m’en sortir, ça aura vraiment été d’écrire et de composer de la musique. Avant, je faisais du tuba, donc c’était vraiment beaucoup plus compliqué avec les problèmes de dos (rires). Donc j’ai pris une guitare et j’ai commencé à apprendre la guitare, ensuite j’ai eu envie de chanter, puis ensuite de composer, et ensuite d’enregistrer les compositions que je chantais et jouais. Une fois que j’ai eu mes premières maquettes, je me suis dit pourquoi pas les poster, et tout a commencé vraiment comme ça, par cette volonté de m’échapper …

 Le premier extrait de ton premier EP se nommait « The Happiest Man in the World », pourquoi ce titre ?

C’est une chanson qui pose la question «  Qui est l’homme le plus heureux du monde ? » et j’ai tenté d’en dégager un texte qui laisserait plusieurs interprétations, c’est un texte assez ouvert. Le clip fournit une explication, qui pour moi est la vision du bonheur, enfin celle qu’on peut chercher à atteindre. Dans ce clip, on peut voir un personnage, cheveux au vent, un grand enfant qui roule le long d’une piste de décollage qui symbolise la vie, il est à bord d’un tricycle qu’on peut rattacher à l’enfance, son éducation, ses valeurs. Donc il est accroché à son tricycle comme il serait rattaché à ses valeurs, il parcourt la vie et il est confronté à plusieurs scénettes rattachées aux sept pêchés capitaux et on se demande comment il va réagir par rapport à ça. Goûter au bonheur, c’est traverser la vie, tout en étant accroché à ses valeurs, à ses proches, qui sont pour moi le ciment du bonheur…

 Une autre de tes chansons parle des sept pêchés capitaux, est ce que c’est une problématique qui te parle ?

 C’est plus un emprunt. L’autre chanson qui en parle c’est « Got to go » et « Better Run », et c’est une fable et ce n’est pas du tout autobiographique. C’est une fable, se voulant humoristique, racontant l’histoire d’un bon samaritain des temps modernes, tout gentil, etc… Mais qui rêve de devenir un bad boy ! Qui a ce grain de folie en lui mais qui n’arrive pas à l’exprimer, personne ne le croit, donc il décide d’aller jusqu’en Enfer, de passer un pacte avec le Diable et dans « Better Run », il remonte des Enfers et il se rend compte que ça n’a pas du tout marché et qu’il est toujours aussi gentil. C’est une histoire qui est plus burlesque, elle aborde une thématique qui me permet de parler de ce grain de folie qu’on a en nous, ce « Kids go first », ce grain de folie qu’on a en nous et dont on a qu’une envie, le faire sortir…

 Et toi l’enfant en toi, de quoi avait-il envie ?

 Il ne rêvait pas du tout d’être chanteur, ça je n’y aurais jamais cru, même si on m’avait dit il y a quatre ans que je serais là avec vous à parler, je ne l’aurais pas cru du tout! Moi, depuis tout jeune, ce qui me plaisait c’était de monter des projets, l’entrepreneuriat m’a toujours intéressé. Je continue de m’éclater là-dedans, au travers de la musique et de vivre ce métier fou qu’est ce métier de chanteur et qui avec mes yeux d’enfant était un métier un peu rêvé comme astronaute. Je n’ai jamais osé imaginer que ça pourrait être vrai un jour…

 C’est marrant ce décalage, parce que tu parles de garder l’enfant qui est en soi, mais l’enfant que tu étais, il est plutôt rationnel…

 C’est une thématique que j’aborde aussi dans « Young Souls » qui parle de ce paradoxe pendant l’enfance entre la volonté quand on a plus jeune de devenir adulte. J’avais la volonté de grandir, j’étais super fier quand on me disait « Monsieur » et je voulais avoir des responsabilités. Alors que maintenant je rêve de regouter, ne serait-ce qu’une seconde, à l’époque de mes douze ans ou pour moi le bonheur sur Terre c’était de manger mon goûter après une partie de foot avec mes potes. En fait, c’est ce qu’on a de plus précieux. Le glissement entre ces deux états c’est vraiment la perte de l’insouciance, c’est quelque chose qu’on n’a pas vraiment conscience d’avoir quand on est plus jeune, c’est quelque chose qu’on a conscience d’avoir perdu quand on est plus âgé. C’est de cette petite part d’insouciance que je parle dans de nombreux titres dont « Young Souls ». Mais oui, j’ai toujours été partagé entre cet enfant qui voulait devenir adulte et cet adulte qui veut garder l’enfant qui était là.

 Tu traites de beaucoup d’histoires différentes dans tes chansons. Est-ce que tu dirais qu’il y a une trame globale dans tes chansons ou chaque chose doit-elle être prise séparément ?

 Je pense que le liant dans l’album, celui qui m’a permis de choisir le nom de celui-ci, qui est éponyme, et qui est Broken Back, c’est que c’est l’état d’esprit dans lequel j’ai composé chacune des chansons. Pas forcément les thématiques abordés dans les chansons mais l’état d’esprit dans lesquels elles ont été créés. Le liant se trouve plus au niveau musical qu’au niveau des textes. Cet état d’esprit est un peu aigre doux, ce qui donne pas mal de chansons avec un ton assez nostalgique.

« Je rêverais de pouvoir faire une collaboration électro avec Petit Biscuit » 

Tu as dit à plusieurs reprises dans des interviews que la folk était une histoire, est ce qu’il y a des morceaux qui toi, dans ton histoire, t’ont beaucoup parlé ?

 « Skinny Love » m’a beaucoup parlé et a été assez inspirant dans sa manière dont il a été écrit. Pendant longtemps je n’ai pas compris ce que ce morceau voulait dire, et ce que j’aime beaucoup, c’est que ce texte a été écrit avec la volonté de la part de l’auteur d’avoir une clef d’interprétation. Et tant qu’il ne la donne pas, chacun a sa propre idée d’interprétation et on se retrouve avec 5-6 idées de ce qu’elle veut dire. Au final, ce n’est pas ce qui compte. L’auteur sait pourquoi il l’a écrit, connaît l’interprétation originale, ça ne veut pas dire qu’il y en a qu’une seule. C’est ce que j’ai essayé de faire dans pas mal de chansons, j’essaie toujours de faire un texte qui soit à la fois fermé avec une clef d’interprétation mais qui soit aussi ouvert afin que les gens puissent se l’approprier et que la chanson puisse les servir et devenir une petite partie d’eux.

 Tu parlais de rêveries, d’ambition. Tu as dit que tu rêvais de faire l’Olympia. Ça va se faire. Quel effet ça te fait ? Et quels rêves te reste-t-il encore aujourd’hui ?

 Je dirais que c’est plus des lieux. Les Vieilles Charrues, je rêve de faire les Vieilles Charrues. L’Olympia évidemment. Mon premier rêve c’était de faire La Nouvelle Vague à Saint Malo, on l’a fait il y a un an et demi, on l’a refait hier. C’était tout un symbole pour moi. L’Olympia, c’est en train de se faire, c’est un nouveau rêve qui est en train de se vivre et dont j’essaie de savourer chaque moment. Après mes prochains rêves… C’est plutôt des collaborations… Je rêverais de pouvoir faire un titre avec LP, de faire une chanson avec elle. Ou de faire une collaboration plutôt électro avec Petit Biscuit. C’est plutôt des rencontres mes rêves maintenant plutôt que des lieux, car d’expérience maintenant, je me suis rendu compte que les plus beaux moments les plus beaux concerts ne sont généralement pas dans les lieux les plus symboliques mais on a parfois des super surprises dans des toutes petites salles avec 50 personnes et ou on passe de super moments. Évidemment, j’ai hâte de l’Olympia, hâte de profiter de la soirée, tout comme j’avais hâte hier de jouer à Saint Malo parce qu’on était à la maison. Mais je sais aussi qu’on va vivre de super soirées, de super concerts avec mes musiciens sur la route, dans des endroits auxquels on ne s’attendait pas…

 Il nous reste une dernière question : Quel morceau représente le plus ce que tu vis en ce moment ? Un morceau de toi, un morceau de quelqu’un d’autre… Tu va jouer dans un festival avec de gros noms, tu as pleins de dates de prévu, quel morceau représente le plus ce que tu vis en ce moment ?

 Je ressens beaucoup de choses c’est dur… (Rires). Je dirais vraiment le diptyque dans mon album de « Got to go » et « Better Run », ce qu’on disait sur cette petite part de folie qu’on a en nous. J’ai vraiment envie de prendre beaucoup de recul sur ce qui se passe parce que je suis vraiment en train de vivre un rêve et je n’ai pas envie de passer à côté parce que j’étais trop focus. Je savoure pleinement tout ce qui se passe et c’est vraiment l’état d’esprit du personnage qui se rend compte qu’il a vraiment envie de laisser sortir cette petite part de folie qu’il a en lui. C’est ce qui symbolise le mieux : sortir son petit grain de folie !

 

 

(Re) découvrez également notre reportage du premier soir des Nuits Claires de Marie-Claire avec Pete Doherty en tête d’affiche.

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