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Leur premier album Faux Ever sort ce vendredi (11/10), un concentré pop où se rencontrent plein d’influences. Une musique survitaminée faite par deux frères franco-américains, qui se déploie au travers de performances lives subjugantes, où, seuls en scène, le duo habite corporellement ses morceaux. Voici Faux Real, le groupe dont vous allez entendre de plus en plus parler, ayant déjà tourné aux côtés de Metronomy et bientôt de Los Bitchos, et avec qui on a eu la chance de s’entretenir pour parler de leur démarche artistique et de ce premier album. Virgile et Eliott Arndt nous attendent dans les locaux de leur label. Leur attitude à la fois cool et nonchalante (surement amplifiée par l’enchainement des interviews) a quelque chose de sympathique. Les deux frères n’ont aucun mal à s’exprimer et dans leurs réponses transpire une joie sincère de faire ce qu’ils font.

Faux Real – Crédit : Megan Hullander

Pop & Shot : Hello les gars, merci de nous accorder cet entretien ! Je sais que vous habitez à Los Angeles, mais ça vous arrive souvent d’être passage à Paris j’imagine ?

Eliott Arndt – Faux Real : Depuis le début de l’année, c’est assez souvent et on va revenir à l’automne. On est moitié français moitié américains.

 

Pop & Shot : Vous êtes nés en France ?

Les deux en même temps : Oui, à Paris tous les deux !

Eliott Arndt – Faux Real : On a grandi au Luxembourg surtout. Virgile a habité à Paris pendant une dizaine d’années et moi à Londres. On a beaucoup de potes ici et nos parents habitent encore en France.

Virgile Arndt – Faux Real : Paris comme Londres restent des endroits assez importants pour nous.

 

Pop & Shot : J’ai lu que vous aviez enregistré l’album dans plusieurs villes, dont Paris et Londres justement.

Eliott Arndt – Faux Real : Oui, un peu partout à on est passés…

Virgile Arndt – Faux Real : … au gré des différents déménagements plus ou moins volontaires. On a atterri à Los Angeles pour deux bon il y a deux ans et demi à peu près !

 

Pop & Shot : Votre duo a créé son propre courant artistique que vous appelez le Faux Réalisme. Vous pouvez nous dire ce que c’est avec vos propres mots ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Courant artistique, c’est un mot fort. On veut pas sonner aussi prétentieux. En réalité c’est marrant parce que c’est plus quelque chose que les gens nous ont attribués. On disait ça pour rigoler au début. C’était une espèce de doctrine inventée.

Virgile Arndt – Faux Real :  C’était un peu pour se déclarer, comme quand on se dit dadaïste par exemple…

Eliott Arndt – Faux Real :  C’est en tout cas un truc dont on parle beaucoup et auquel on réfléchit de plus en plus. En tout cas, il y a de plus en plus de choses qui viennent influencer cette pensée. Si on devait définir le faux réalisme aujourd’hui, ça serait trouver autant de beauté, d’émotions et de réalité dans ce qui est faux que dans ce qui est vrai, que ça soit par de la contrefaçon, par de la copie ou du sample par exemple… Et ça s’applique un peu partout : dans le cinéma, la mode, la musique… Ca a aussi à voir avec l’humour et l’ironie, dans le sens où c’est pas parce que quelque chose est drôle que ça ne peut pas être pris au sérieux.

 

Pop & Shot : Ce nom de groupe, faux real, il vous est venu après avoir réfléchi à tout ça ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Non du tout ! Le nom est vraiment venu parce qu’on le trouvait cool

Virgile Arndt – Faux Real :  Il sonnait parfaitement parce que c’est français et anglais à la fois. Faux, c’est un mot qui s’utilise en anglais aussi. On trouvait ça bien que ça passe dans les deux langues, c’est toujours quelque chose auquel on pense, parce qu’on est bilingues et qu’on a grandi comme ça. On aimait aussi l’idée de pouvoir monter sur scène et dire we are faux real (prononcé : for real), donc pour de vrai quoi. C’est parti de là.

 

Pop & Shot : Vous incarnez des personnages assez haut en couleurs sur scène. Est-ce qu’ils ressemblent à qui vous êtes dans la vraie vie ?

Eliott Arndt – Faux Real :  Depuis le commencement de ce projet, on a enclenché une nouvelle aire personnelle aussi je dirais.

Virgile Arndt – Faux Real :  Faux Real, ça a été une manière pour toi comme pour moi de clamer haut et fort nos personnalités, notre vision artistique et de s’affirmer en tant que personnes et artistes. Ça a été assez libérateurs dans ce sens-là mais je dirais que les personnages qu’on incarne, c’est la version la plus nous de nous même qui existe.

Eliott Arndt – Faux Real : Après avoir passés des années dans des autres groupes où on était à l’arrière-plan, à servir d’autres projets, c’était vraiment une manière de mettre tout ça de côté et de se lancer véritablement. C’était enfin nous, version brute. Et plus les gens réagissaient positivement à la proposition, moins on essayait de masquer.

 

Pop & Shot : Votre musique fait partie d’un ensemble, aux côtés d’un travail de recherche visuel et de prestations scéniques originales. C’est important pour vous d’être protéiforme et de ne pas être seulement focus sur la musique ?

Eliott Arndt – Faux Real : Oui carrément. Je pense surtout que pour le style de projet qu’on mène, c’est difficile de faire sans. Tu peux de plus en plus difficilement séparer l’art et l’artiste, et la vie personnelle…

Virgile Arndt – Faux Real :  En tout cas, nous, au niveau où l’on opère, je pense que c’est très vrai.

Eliott Arndt – Faux Real : Je pense qu’on cherche à être nous-mêmes dans notre projet, à ne pas être un personnage. Cette honnêteté, cette spontanéité, c’est aussi ce qui permet aux gens de comprendre le projet profondément, dans une forme d’identification.

 

Pop & Shot : Et vous vous êtes trouvés progressivement j’imagine, parce que j’ai vu que vous avez commencé avec une esthétique plus rock dans vos précédents groupes, si je ne me trompe pas ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Oui, on vient de ce milieu-là, des groupes à guitares, batteries etc. Beaucoup de la musique qu’on écoute et avec laquelle on a grandi est celle-ci. On a mis un peu de temps… Disons simplement que ça a évolué. Plus on affinait ce groupe, plus c’est devenu personnel et moins identifiables aux codes de la musique rock ou indé. Le premier EP était quand même aussi enregistré avec une batterie, dans un studio, avec plus de « vrais » instruments, pas softwares. Le son était nourri par cet aspect mais assez vite, la performance scénique a poussé la musique dans une direction particulièrement électronique.

 

Pop & Shot : Vous avez fait beaucoup de concerts avant de sortir des choses ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Oui et le maitre mot dès le début, quand on a réfléchi au projet pour le rendre viable et transportable, ça a été de pouvoir faire des trucs au pied levé, retrouver cette excitation de la spontanéité, cette énergie adolescente. Grâce à un minimalisme extrême et assumé.

 

Pop & Shot : Et sur scène, vous n’êtes que tous les deux…

Eliott Arndt – Faux Real :  Oui, c’est des backing tracks. C’est juste nous deux, de la chorégraphie, des costumes, de la performance.

Virgile Arndt – Faux Real :  On habite nos chansons corporellement.

 

Pop & Shot : C’est le cas de vos clips aussi. Je pense à celui de « Faux Maux ».

Virgile Arndt – Faux Real : Tous nos clips partent de ce qu’on fait sur scène et on les retranscrit de manière plus imagés, plus travaillés parce qu’on a plus de temps. Mais ça va dans les deux sens parce qu’il y a des morceaux qu’on a enregistré et qu’on a sorti avant de les jouer sur scène. Pour les besoins du clip, on a imaginé une chorégraphie qui, par la suite, a terminé sur scène. C’est marrant parce qu’on vient pas du tout du monde de la danse. En tout cas, on a pas cette formation. La partie danse est inventée. Comme tout Faux Real, c’est créé de toutes pièces.

 

Pop & Shot : J’ai vu que vous avez déjà performé dans des endroits insolites, comme des jardins, des maisons de retraite… C’est quelque chose qui est encore possible aujourd’hui pour vous, avec cette notoriété grandissante ?

Virgile Arndt – Faux Real : Oui, c’est quelque chose qu’on essaie de garder quoi qu’il arrive. C’est hyper excitant. Ca nourrit un côté un peu challenge. Ca nous plait d’explorer. C’est ce que je disais sur l’aspect transportabilité, de pas vraiment annoncer les choses… L’idée au départ c’était de dire oui à tout et de jouer autant que possible. On a fait des concerts où on avait pas de micros. Absurde *rires*

Bon maintenant qu’on a joué beaucoup, qu’on a un public et qu’on a sorti de la musique, si les gens achètent des places pour voir un concert, une performance, voilà, on a aussi une obligation de présenter quelque chose qui tient la route. Mais on essaie toujours de garder l’esprit ouvert pour ces propositions hors normes, notamment ces concerts en maison de retraire qu’on a commencé à faire il y a quelques années à New-York. C’était dans un quartier portoricain de Brooklyn avec des gens qui pour la plupart ne parlaient pas vraiment anglais. On a adapté des trucs pour chanter en espagnol. C’était génial, on y est retournés deux ou trois fois. C’est devenu un peu un pèlerinage.

Eliott Arndt – Faux Real : Et on y retourne dans deux semaines ! Les tournées, c’est les tournées mais voilà depuis le début, on a toujours voulu garder le fun en faisant des trucs improbables comme ça. C’est là où les gens réagissent beaucoup, quand ils voient qu’il n’y a pas de règles fixées.

Virgile Arndt – Faux Real :  Et puis pour nous, ça permet de maintenir quelque chose de vivant et d’excitant. On peut encore faire des trucs bizarres dernière minute.

 

Pop & Shot : A propos de l’album, j’ai remarqué que vous mettiez beaucoup d’attention dans les sonorités, toujours dans une recherche de trituration, notamment sur le refrain de « Hi tension » ou encore sur le dernier morceau « Scratch » que j’aime beaucoup. A quel point c’est important cette recherche sonore ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Comme je le disais, sur le premier EP, on a commencé avec une formule un peu plus classique, orienté groupe. On s’est vite rendus compte que notre manière de travailler à deux était…

Eliott Arndt – Faux Real :  …un peu plus spéciale et unique ouais.

Virgile Arndt – Faux Real :  On vient pas du tout du monde de la prod musicale donc ça a été un challenge de pouvoir s’exprimer de plus en plus précisément à travers le choix des sonorités et des textures. On a toujours des outils de travail très minimales. On a pas beaucoup de matos, on reste assez dans l’instinct.

Eliott Arndt – Faux Real : Un truc qu’est arrivé avec le temps aussi, sans forcément le chercher, c’est qu’en apprenant à produire nos démos etc, on s’est familiarisés avec beaucoup de matériaux de base. On a pas cherché à aller beaucoup plus loin. L’idée c’était plutôt : comment on va prendre le son de base et le rendre intéressant, le tordre… Y’a beaucoup de sons qui reviennent dans l’album, que ça soit des synthés, des sonorités de drums ou encore le micro qu’on a utilisé. On aime ce truc autoréférentiel, où l’album a un son bien spécifique.

Virgile Arndt – Faux Real :  Y’a aussi beaucoup de sound effects. Ça a été un élément clé dans la constitution de notre son : quand c’est abrasif, quand ça surprend, quand c’est pas là où on l’attend.

 

Pop & Shot : Vous vous êtes d’ailleurs entourés de grands noms pour ce premier album, Geoff Swan au mix (Caroline Polacheck, Charli XCX), Heba Kadry au mastering (Depeche Moche, Bjork, Gossip etc)…

Virgile Arndt – Faux Real :  On travaille avec Geoff depuis quelques années maintenant. Il a adoré le projet et on adore son travail.

Eliott Arndt – Faux Real :  Ca a grave matché. D’avoir ces sonorités très basiques avec un côté presque cheap, mais de les travailler une attention et précision, c’était un défi. Je pense que les deux ensemble, ça crée quelque chose de particulier.

Virgile Arndt – Faux Real : On a constitué cette équipe pour l’album d’une manière lente. Ça s’est vraiment fait au goût et parce qu’il existait un intérêt mutuel pour le travail des uns et des autres. C’est le meilleur cas de figure possible. On est super contents de cette team.

 

Pop & Shot : Des morceaux « Sketches of pain » et « Love on the ground » fonctionnent super bien ! Quand vous composez, vous êtes dans quel état d’esprit ? Vous cherchez le tube ou vous laissez sortir comme ça vient ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Je pense pas qu’on cherche pas à faire des tubes.

Eliott Arndt – Faux Real :  Ouais, c’est ça, on se pose pas trop de questions sur la forme du truc. Quand y’a un truc qu’est cool, on fait en sorte que ça cool

Virgile Arndt – Faux Real : On a tous les deux un vrai goût pour la mélodie, le song-writting pop. En terme de prod, on essaie aussi de faire rentrer toutes les autres influences, parce qu’on écoute des trucs du top 40 aussi bien que de l’avant-guarde chelou des années 70, de la musique expérimentale, de l’ambiant, de la techno… On ratisse large et tout ça nourrit évidemment les sonorités

Pop & Shot : Selon vous, c’est quoi les conditions idéales pour écouter votre album ?

Virgile Arndt – Faux Real :  Moi, la première fois que je l’ai écouté en entier, masterisé, c’était sur le toit de mon immeuble à Los Angeles, un soir avec une belle lune. Je me suis allongé, j’ai regardé le ciel, j’avais mes écouteurs et je l’ai mis à fond. Je me suis bousillé les oreilles mais c’était génial ! Ça valait le coup *rires*

Eliott Arndt – Faux Real : Moi, la première fois que je l’ai écouté, c’était au même moment sauf que j’étais à Dallas au Texas. C’était un soir avant de prendre l’avion. J’étais à l’hôtel de l’aéroport. Dans ma voiture de location en train de boire une bière sur le parking *rires*

Virgile Arndt – Faux Real :  Je pense que c’est justement un album qui s’écoute bien en voiture. C’est peut-être une déformation parce que je l’ai moi-même beaucoup écouté en roulant. En tout cas, on sait dans quelles conditions il ne vaut mieux pas l’écouter, du genre soirée romantique à la bougie. Non, faut le mettre à fond ! Mais ça sera au public de nous dire. On est impatients de savoir.

Faux Ever – Premier album de Faux Real (sortie le 11/10)

Le groupe se produire en première partie de Los Bitchos le 12 novembre prochain à la Cigale (Paris)


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Cats on Trees - Trianon - 2022
Cats on Trees au Trianon – Crédit photo : Louis Comar

En ville, le monde, parfois, tourne bien trop vite. Les gens passent, les modes avec, les actualités s’enchaînent et il devient alors impossible de se rappeler de respirer. Il faut faire un effort de concentration alors, pour (re)vivre. Avec la fin de nombre de restrictions liées au Covid 19, vivre à nouveau est pourtant devenu une priorité. Un seul objectif : rattraper les mois, attraper les moments, les vivre à saturer, à s’oublier. Alors, il faudra compter sur l’art pour appuyer sur le bouton pause et enfin se délecter de l’instant présent, sans en perdre une seule seconde. Inspirer, expirer et écouter. Vivre oui, mais dans le creux même d’un moment hors temps. Si rien ne laissait supposer que le concert de Cats on Trees signerait cette parenthèse si particulière, il était pourtant de ceux dont on se délecte, en cherchant à le garder le plus longtemps possible au creux de son coeur.

Triton et Trianon

C’est au Trianon de Paris que la magie opère. Un brin de printemps promet de s’installer en extérieur. Dans la salle, cette touche de chaleur se dégage du public. C’est pour défendre son nouveau jet « Alie » paru fin janvier 2022 que le groupe de Nina Goern et Yohan Hennequin a fait le déplacement ce 17 mars. Rien ne laisse dans un premier temps présager de la beauté de l’instant que le public va être invité à vivre. La salle  n’est pas complète mais nous sommes suffisamment à respirer en ses lieux pour la faire battre comme un coeur partagé. Le premier titre ne tire pas son épingle du jeu, trop chanson peut-être pour hypnotiser. Mais les débuts peuvent mentir. Comme en amour, il s’agit d’abord d’apprendre à se connaître, à s’appréhender pour tomber sous le charme. Et comme en amour, c’est à nos âmes que souhaite parler la formation. Pour s’en faire le plus beau reflet, le combo a installé deux immenses surfaces, sortes de miroirs opaques aux reliures dorées. Devant eux, le duo vedette, derrière, des musiciens ballerines, qui ensorcellent. Deux titres et puis, le silence fut. L’instant devient un coup de coeur qui fait rêver, la pop se fait onirique et délicate. On inspire. La salle se fait écrin. Comme par magie, des méduses blanches s’invitent à l’instant, elles virevoltent dans les airs de haut en bas. Les esprits s’apaisent, le temps peut s’arrêter. Maîtresse de cérémonie, Nina Goern aime à communiquer avec son public. Voix apaisante, elle devient un repère, phare dans une nuit opaque et divine. Elle dépeint ses morceaux, qu’elle porte avec douceur au piano. Très vite « Jimmy » est jouée, single emblématique, bouffée d’air printanière en intérieur, les notes s’enchaînent et les paroles sont scandées par une foule maintenant conquise. Un faux départ s’invite avec légèreté à ce moment suspendu. « Non ce sera celui d’après » s’amuse la chanteuse. Celui-là même sera « Sirens call », l’un des morceaux majeurs de Cats on Trees. Un titre à l’image du concert tant il appelle à se laisser porter dans les vagues. Et qu’importe finalement si l’on doit s’échouer sur les rochers, perdre quelques gramme de raisons. Le monde dehors après tout va si vite, n’est-il pas plus fou que le bateau tanguant du sol du Trianon et ses yeux tous rivés sur la scène ? Les capitaines de la soirée ne laisseront personne se noyer, pris pourtant dans un tourbillon bienveillant. La pop est belle, en live, elle a la pureté des écumes.

Danser et s’écouter

Les compères ont prévu une surprise et invitent Erza Muqoli, participante de La France a un incroyable talent, à se joindre au voyage le temps d’un titre.  Les voix cristallines se font échos l’une de l’autre. Il est fréquent en concerts, quand on en fait souvent, de regarder sa montre, attendant la fin du live pour se laisser à nouveau subjuguer par le monde.  Cette fois-ci le temps passe bien trop vite. Le chant des sirène, c’est certain, qui fait perdre pieds. Pourrait-on rester ici et laisser le reste de l’univers se presser ? Après tout, ici, tous flottent.  On expire. « Keep on Dancing » est joué par les toulousains.  Sa pop a une saveur aussi festive que mélancolique. On danse sur la pointe des pieds. En haut, au balcon, une bande de copines s’est levée devant ses sièges. Cinquantenaires aux visages découverts, elles ont le même sourire qu’à 20 ans, le même empressement à partager, leur joie discrète ondule et se répercute aux quatre coins de la salle. Comme dans toute vague, il arrive de s’envoler lorsqu’elle est haute. Pour autant, son creux se vit avec le même plaisir, un apaisement entre deux respirations iodées. Ici, la musique se fait quasiment a cappella. Dans la salle, le silence se fait, aussi fragile que la flamme d’une bougie. Il n’est de moment de beauté qui ne saurait durer éternellement. L’éternité, argueraient certains, serait synonyme d’enfer. Et l’escapade maritime au coeur de Paris, ses rues pavées, ses immeubles et ses vestiges historiques, doit ici prendre fin. Il faut retrouver la nuit agitée, éclairée de mille lumières et percée par les rires des piétons. Non sans se sentir, au moins un temps, soulagés, d’avoir pensé à respirer.


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Le 26 mars 2021, le groupe de pop français L’impératrice a dévoilé « Tako Tsubo« , son deuxième album. Alors qu’ils effectuent un marathon de prestations lives décoiffantes à travers toute la France, Flore Benguigui et Charles de Boisseguin se sont entretenus avec Pop & Shot

Quelques heures avant leur concert au Printemps de Bourges 2021, au coeur du bruyant espace interview du festival, les deux compères se livrent avec beaucoup de franchise sur leur nouvel album, le marché de la musique et leurs engagements.

Flore et Charles du groupe L'Impératice
Flore et Charles de L’Impératice

marquer encore le coup en montrant qu’on arrive à exister

Le 26 mars dernier vous avez sorti « Tako Tsubo », est-ce que vous pouvez nous en parler, comment vous le décrivez ?

 

Charles : Déjà c’est notre deuxième album, c’est toujours le plus difficile à sortir je trouve. Parce que le premier c’était assez spontané, on voulait explorer le format chanson. Avec le deuxième, l’idée c’était de créer vraiment une rupture par rapport à ce qu’on a fait avant. Une rupture à la fois dans le fond, dans le message, dans les textes, parce que « Matahari » était un disque très « hors sol » qui jouait beaucoup sur la sonorité des mots, les images, l’univers un petit peu flou mais poétique, etc. Maintenant, l’idée c’est d’être un peu plus utile, plus conscient dans la façon dont on  parle de certaines choses. Rupture aussi dans la composition, l’arrangement, le style de morceaux. Il y a beaucoup de « breaks », avec des changements de direction dans les morceaux, c’était une envie de se diversifier et d’illustrer le propos du titre « Tako Tsubo ». C’est un album qui a beaucoup plus de concept que « Matahari ». C’est aussi un album sur lequel on a décidé d’assumer beaucoup plus nos influences, là où on était très franco-français, assez pop française sur l’album précédent, là on explore beaucoup plus le hip-hop, la soul, le funk, le jazz, les couleurs harmoniques ont changé, tout a un peu changé, même la production.

 

Flore : Je rajouterai aussi une rupture dans la production, l’enregistrement de l’album. « Mathari » c’est un album qui avait été enregistré live, alors que « Tako Tsubo » c’est un album qui n’a pas du tout été enregistré en live et qui en plus a été extrêmement retravaillé par Charles pendant le premier confinement. On avait tout enregistré avant, sauf « Submarine » qui a été enregistré pendant le confinement. C’est donc une autre approche, on est allé beaucoup plus dans les détails, on s’est penché sur les moindres petits détails dans l’album.

 

Charles : On a essayé d’aller beaucoup plus loin dans le process, on a essayé de faire attention à tout, parce qu’on a eu le temps de le faire.

 

Flore : Alors que d’habitude on n’a jamais le temps !

 

Charles : Je dirais aussi que c’est un album hors format par rapport à ce qui se fait maintenant. C’est toujours une fierté, on n’essaye pas d’être différents, je pense qu’on l’est de base par nos influences, en étant un groupe. L’idée, c’est de marquer encore le coup en montrant qu’on arrive à exister en sortant des sentiers battus, c’est ce qui rend le groupe pérenne. (Ndrl : Cela va bientôt faire 10 ans que le groupe existe)

les gens ne veulent pas se mouiller à signer un groupe

Justement, dans « L’équilibriste » vous dites « J’aurai voulu être un rappeur, ou musicien d’ordinateur » « Un disque d’or en moins d’une heure ». Est-ce que vous trouvez ça plus facile de faire comme tout le monde ? Le « succès facile »

 

Flore : C’est très ironique, je me moque dans ce morceau.  L’idée ce n’est pas de tirer dans les pieds de nos confrères. Non seulement nous sommes un groupe, mais en plus on est signé en indé chez Microqlima et c’est génial. Je pense que pour rien au monde on changerait notre modèle et on n’a pas envie d’être des rappeurs. Mais c’est que l’on ne vit pas la même chose que des types qui sortent des productions comme ça, qui sont signés en major. Nous, on a beaucoup plus d’étapes à passer, on fait beaucoup plus les choses nous-même, un peu avec des bouts de ficelle parfois, c’est beaucoup de travail. Le fait d’être un groupe c’est de plus en plus rare, parce que ça coute beaucoup plus cher. Donc les gens ne veulent pas se mouiller à signer un groupe alors qu’ils peuvent signer un chanteur ou rappeur solo qui leur coutera beaucoup moins cher.

On disait ça dans le morceau pour se moquer, mais au fond on est très bien dans ce qu’on est. Ce qui fait notre force avec L’Impératrice c’est qu’on se sent tous à notre place là où on est et il n’y en a aucun qui a envie de faire sa carrière solo, en tout cas pour l’instant (rires). On est une vraie équipe très soudée, on est vraiment une famille quoi.

ce système ne laisse pas la possibilité à de jeunes artistes de se diversifier

Charles : Je reviens sur cette idée d’ironie. C’est plus une façon de pointer du doigt les tendances et cette façon dont les médias vont essayer de prolonger à chaque fois ces tendances, les nourrir jusqu’à les épuiser. Il ne suffit pas d’une grande culture musicale ou socio-culturelle pour remarquer que tout est cyclique. On pointe du doigt ce système qui ne laisse pas la possibilité à de jeunes artistes de se diversifier, parce que y a un message très clair qui est donné par ces tendances : si tu veux marcher faut rester dans la tendance et pas faire autre chose. Et c’est dommage.

en tant qu’artiste indépendant on devrait boycotter Spotify

Dans une interview, vous disiez que « la manière de consommer de la musique avait beaucoup changé », est ce que cela influe votre manière de faire de la musique ?

 

Flore : Je ne sais pas si ça influe ce que l’on fait, évidement la manière de consommer la musique a changé, les gens n’écoutent pas les albums en entier par exemple. Le streaming fait que les gens écoutent le top 5 d’un artiste, un morceau, un single, mais pas un album dans sa totalité. Alors que nous par exemple on a fait un album concept (« Tako Tsubo ») où tout est lié, tout se répond, donc si on avait composé un album en fonction de comment le public consomme la musique on n’aurait pas fait ça.

 

Charles : On aurait sorti des EP, on aurait sorti des morceaux par deux ou trois tous les deux mois.

Flore : Avec un gros clip à chaque fois ! Nous, on ne compose pas en fonction de ça, sinon on se serait perdu.

soit tu prends le train en marche soit tu te fais rouler dessus.

Charles : Ça me fait penser au patron de Spotify (Ndrl : Daniel Ek) qui a décidé de mieux rémunérer les artistes les plus prolifiques, et il encourage à ça. Il va réorienter les versements en fonction des artistes qui vont sortir le plus de disques par an car c’est ça qui va alimenter et créer de la nouveauté sur la plateforme. En soit c’est dégueulasse comme système et d’ailleurs en tant qu’artiste indépendant on devrait boycotter Spotify pour cette raison-là. On ne le fait parce que c’est bien plus fort que nous. Mais on est dans une tendance où il y a des espèces de gros tracteurs qui avancent et qui te roulent dessus, soit tu prends le train en marche soit tu te fais rouler dessus. On a quand même décidé de sortir un album, ce qui est complètement illogique en 2021 comme format.  Mais traditionnellement, les médias veulent des albums pour pouvoir en parler, le public veut un objet aussi.

Flore : Il y avait vraiment une cohérence entre tous ces morceaux de « Tako Tusbo », ça aurait été absurde d’en sortir qu’une poignée…

Charles : Tu ne vends pas un bouquin par chapitre sur un an par exemple.

Flore : Par exemple on a un amour pour le vinyle, c’est quelque chose qui pousse à écouter les albums en entier.

Charles : Mais il y a une démarche différente. Les gens font la démarche d’acheter un vinyle. Tu sais pourquoi tu y vas, c’est un objet qui prend de la place chez toi, un objet auquel tu donnes une place de choix. Avec Spotify on t’a suggéré un morceau, tu n’y portes pas la même attention. Par exemple, je n’ai pas du tout le même rituel avec un vinyle qu’avec un album digital sur Spotify.

Sur « Tako Tsubo », je voulais raconter des choses

Vous parlez aussi d’engagement, vous êtes plus engagés sur cet album, est-ce que c’est une sorte de maturité qui vous le permet enfin ? Est-ce que c’est quelque chose que vous vouliez faire avant ? Des idées qui sont venues dans le groupe au fur et à mesure ?

Flore : Non, ce n’était pas quelque chose qu’on voulait faire avant. Justement, avant on était très clair sur le fait qu’on voulait rester en retrait et on voulait faire des chansons qui sonnent. J’ai commencé à écrire en français quand on a fait « Matahari », donc je n’étais pas à l’aise avec l’idée de raconter des choses, je voulais plutôt que ça sonne et que ça groove. Ça allait beaucoup plus avec l’utilisation de ma voix qui était beaucoup plus utilisée comme un instrument à cette époque. Sur « Tako Tsubo », je voulais raconter des choses, c’était un vrai parti pris que les textes aient du sens. C’est le travail avec Fils Cara qui m’a permis ça, il m’a apporté beaucoup lui, qui, en tant que rappeur a l’habitude d’avoir du son et du sens alors que moi je n’avais que du son.

ça brouille les pistes.

Vous parliez du vinyle tout à l’heure. Pour « Tako Tsubo », la pochette a été faite par Ugo Bienvenu. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette identité graphique, pourquoi ces trois personnages ?

Charles : Ugo nous avait contacté il y a longtemps à l’occasion du festival d’Angoulême, il avait proposé de nous dessiner pendant qu’on jouait, mais finalement ça ne s’était pas fait. Il n’était pas encore très connu à cette époque, c’est d’ailleurs à ce festival là qu’il a gagné le grand prix pour sa bande dessinée « Préférence Système ». On l’a relancé plus tard parce qu’on voulait échanger avec lui du format de la pochette de l’album, on trouvait que c’était une

Tako-Tsubo_L'impératrice
Tako Tsubo – L’impératrice

bonne manière d’aller voir quelque chose de différent. Ugo a un univers qu’on aime beaucoup, un peu science-fiction, rétro futuriste. Il a donc eu l’idée d’illustrer l’album en représentant les trois Moires. Avec ces personnages de la mythologie grecque, il y a une métaphore du fil de la vie, avec une des Moires qui tisse le fil, une qui le déroule et une qui le coupe. Ugo trouvait ça assez malin d’illustrer l’album comme ça, sachant que « Tako Tsubo » c’est un album de rupture.

 

Flore : Ce que je trouve intéressant c’est que ça brouille les pistes, encore. Déjà qu’on est six, on s’appelle L’Impératrice, les gens ne savent pas si c’est une personne, six personnes, etc. Et là le fait de mettre trois personnes sur la pochette, je trouve ça chouette, ça offre des couches de lecture différentes, ça brouille les pistes.

 

« Tako Tsubo » c’est le syndrome des cœurs brisés, vous parlez aussi de burn-out. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez aussi dans la musique, parce y a beaucoup d’artistes qui parlent de burn-out dans la musique, de difficultés.  Est-ce que c’est quelque chose que vous vivez aussi ?

Flore : Évidement que c’est quelque chose que l’on vit, on travaille beaucoup et le fait que l’on fasse beaucoup de choses nous-même ça nous surcharge. Par contre ne n’était pas du tout ça qu’on voulait exprimer dans l’album. Le « Tako Tsubo » c’est vraiment un truc qui touche des gens, mais c’est pas la même chose, c’est plus une émotion trop intense.

 

Merci !

 


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San Salvador live at La Villette Sonique 2021
Crédit photo : Louis Comar

Nous sommes fin mai. Après des mois de disette, la reprise des concerts pointe le bout de son nez. Nous avions même le choix en ce samedi 29 mai : d’un côté le concert test d’Indochine à Bercy et de l’autre La Villette Sonique dans le parc de La Villette.

 

C’est donc dans le 19e arrondissement que nous nous rendons pour assister à la deuxième session de concerts de l’après-midi. Après avoir versé une petite larme en passant devant le Zénith puis le Cabaret Sauvage, nous arrivons devant l’entrée du Jardin des Iles où attendent déjà beaucoup de monde. En arrivant devant la scène nous découvrons les cercles blancs, dessinés sur la pelouse, où nous allons devoir rester sagement assis pendant toute la durée de concert.

 

San Salvador, entre contes et musique :

 

Pour débuter cette session de concerts, les corréziens de San Salvador se présentent devant nous. Leurs chants sont là pour parler des histoires de leur région et de ses habitants. Ce ne sont pas donc de simples musiques, mais des vrais contes que l’on découvre sous le soleil de La Villette. Il est toutefois important de souligner le fait que nous ne comprenons pas les paroles des chansons, il est donc plutôt compliqué de suivre ces histoires. Heureusement pour nous, Gabriel l’un des six membres du groupe, prend le temps de nous expliquer les textes entre chaque morceau. Cela nous permet de sortir du cadre exclusivement musical et de faire travailler notre imagination. Certains titres sont longs pour nous laisser apprécier tout le récit, comme celui de « La Liseta », une histoire d’amour de plus de 10 minutes.

Musicalement, la prestation du groupe fonctionne très bien. Le chant est très bien maîtrisé et harmonieux, et il se lie parfaitement aux percussions qui viennent rythmer les morceaux en leur donnant une dimension magistrale. Ce sont d’ailleurs ces sons de Tom Bass qui mettent l’ambiance dans le public. C’est ainsi que les derniers morceaux du sextet sont accompagnés par les applaudissements de l’audience. Il est clair et net que nous aurions voulu nous lever pour danser, mais il faudra attendre l’évolution des mesures sanitaires pour cela…

La prestation de San Salvador sur la scène de La Villette Sonique se termine donc en beauté sur « La Grande Folie ». Cette agréable découverte lance parfaitement cette saison de concerts estivaux.

 

 

La parenthèse enchantée Frànçois and The Atlas Mountains :

 

Le soleil commence à baisser mais nous sommes toujours sous ses rayons, assis dans l’herbe, pinte de blonde à la main. La pop légère de Frànçois & The Atlas Mountains vient parfaire cette après-midi pour notre plus grand bonheur, et surtout celui de nos oreilles.

Le groupe commence son show avec son titre « Coucou » pour nous dire bonjour. Le chanteur nous reprochera d’ailleurs à la fin de la chanson de ne pas lui avoir répondu. Erreur que le public s’empressera de corriger.

La poésie des titres du quatuors vient bercer cette belle après-midi. Les émotions transmises par la bande passent très bien dans un public très réceptif à la prestation. Chaque chanson est chaleureusement applaudie permettant aux artistes d’apprécier un peu plus ces retrouvailles avec l’audience.

Cette après-midi sonne pour nous le retour des concerts. C’est une reprise toute en douceur à laquelle nous avons eu droit lors de cette édition de La Villette Sonique aux consignes sanitaires nombreuses. Masques, cercles sur le sol et interdiction de nous lever ont entravé nos possibilités de profiter à 100% de concerts, mais si c’est le prix à payer pour pouvoir savourer le live à nouveau… Temps que cela reste provisoire !

Les deux formations que nous avons eu la chance de voir nous ont proposé des prestations de qualité, nous permettant de nous évader de ce quotidien covidé. Le retour à la vie commence à se faire, et ce week-end il a fait à grand pas au parc de La Villette.

Mais le week-end n’est pas terminé, une nouvelle après-midi de concerts nous attend demain !

La Villette Sonique 2021


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