Leur premier album Faux Ever sort ce vendredi (11/10), un concentré pop où se rencontrent plein d’influences. Une musique survitaminée faite par deux frères franco-américains, qui se déploie au travers de performances lives subjugantes, où, seuls en scène, le duo habite corporellement ses morceaux. Voici Faux Real, le groupe dont vous allez entendre de plus en plus parler, ayant déjà tourné aux côtés de Metronomy et bientôt de Los Bitchos, et avec qui on a eu la chance de s’entretenir pour parler de leur démarche artistique et de ce premier album. Virgile et Eliott Arndt nous attendent dans les locaux de leur label. Leur attitude à la fois cool et nonchalante (surement amplifiée par l’enchainement des interviews) a quelque chose de sympathique. Les deux frères n’ont aucun mal à s’exprimer et dans leurs réponses transpire une joie sincère de faire ce qu’ils font.
Pop & Shot : Hello les gars, merci de nous accorder cet entretien ! Je sais que vous habitez à Los Angeles, mais ça vous arrive souvent d’être passage à Paris j’imagine ?
Eliott Arndt – Faux Real : Depuis le début de l’année, c’est assez souvent et on va revenir à l’automne. On est moitié français moitié américains.
Pop & Shot : Vous êtes nés en France ?
Les deux en même temps : Oui, à Paris tous les deux !
Eliott Arndt – Faux Real : On a grandi au Luxembourg surtout. Virgile a habité à Paris pendant une dizaine d’années et moi à Londres. On a beaucoup de potes ici et nos parents habitent encore en France.
Virgile Arndt – Faux Real : Paris comme Londres restent des endroits assez importants pour nous.
Pop & Shot : J’ai lu que vous aviez enregistré l’album dans plusieurs villes, dont Paris et Londres justement.
Eliott Arndt – Faux Real : Oui, un peu partout à on est passés…
Virgile Arndt – Faux Real : … au gré des différents déménagements plus ou moins volontaires. On a atterri à Los Angeles pour deux bon il y a deux ans et demi à peu près !
Pop & Shot : Votre duo a créé son propre courant artistique que vous appelez le Faux Réalisme. Vous pouvez nous dire ce que c’est avec vos propres mots ?
Eliott Arndt – Faux Real : Courant artistique, c’est un mot fort. On veut pas sonner aussi prétentieux. En réalité c’est marrant parce que c’est plus quelque chose que les gens nous ont attribués. On disait ça pour rigoler au début. C’était une espèce de doctrine inventée.
Virgile Arndt – Faux Real : C’était un peu pour se déclarer, comme quand on se dit dadaïste par exemple…
Eliott Arndt – Faux Real : C’est en tout cas un truc dont on parle beaucoup et auquel on réfléchit de plus en plus. En tout cas, il y a de plus en plus de choses qui viennent influencer cette pensée. Si on devait définir le faux réalisme aujourd’hui, ça serait trouver autant de beauté, d’émotions et de réalité dans ce qui est faux que dans ce qui est vrai, que ça soit par de la contrefaçon, par de la copie ou du sample par exemple… Et ça s’applique un peu partout : dans le cinéma, la mode, la musique… Ca a aussi à voir avec l’humour et l’ironie, dans le sens où c’est pas parce que quelque chose est drôle que ça ne peut pas être pris au sérieux.
Pop & Shot : Ce nom de groupe, faux real, il vous est venu après avoir réfléchi à tout ça ?
Eliott Arndt – Faux Real : Non du tout ! Le nom est vraiment venu parce qu’on le trouvait cool
Virgile Arndt – Faux Real : Il sonnait parfaitement parce que c’est français et anglais à la fois. Faux, c’est un mot qui s’utilise en anglais aussi. On trouvait ça bien que ça passe dans les deux langues, c’est toujours quelque chose auquel on pense, parce qu’on est bilingues et qu’on a grandi comme ça. On aimait aussi l’idée de pouvoir monter sur scène et dire we are faux real (prononcé : for real), donc pour de vrai quoi. C’est parti de là.
Pop & Shot : Vous incarnez des personnages assez haut en couleurs sur scène. Est-ce qu’ils ressemblent à qui vous êtes dans la vraie vie ?
Eliott Arndt – Faux Real : Depuis le commencement de ce projet, on a enclenché une nouvelle aire personnelle aussi je dirais.
Virgile Arndt – Faux Real : Faux Real, ça a été une manière pour toi comme pour moi de clamer haut et fort nos personnalités, notre vision artistique et de s’affirmer en tant que personnes et artistes. Ça a été assez libérateurs dans ce sens-là mais je dirais que les personnages qu’on incarne, c’est la version la plus nous de nous même qui existe.
Eliott Arndt – Faux Real : Après avoir passés des années dans des autres groupes où on était à l’arrière-plan, à servir d’autres projets, c’était vraiment une manière de mettre tout ça de côté et de se lancer véritablement. C’était enfin nous, version brute. Et plus les gens réagissaient positivement à la proposition, moins on essayait de masquer.
Pop & Shot : Votre musique fait partie d’un ensemble, aux côtés d’un travail de recherche visuel et de prestations scéniques originales. C’est important pour vous d’être protéiforme et de ne pas être seulement focus sur la musique ?
Eliott Arndt – Faux Real : Oui carrément. Je pense surtout que pour le style de projet qu’on mène, c’est difficile de faire sans. Tu peux de plus en plus difficilement séparer l’art et l’artiste, et la vie personnelle…
Virgile Arndt – Faux Real : En tout cas, nous, au niveau où l’on opère, je pense que c’est très vrai.
Eliott Arndt – Faux Real : Je pense qu’on cherche à être nous-mêmes dans notre projet, à ne pas être un personnage. Cette honnêteté, cette spontanéité, c’est aussi ce qui permet aux gens de comprendre le projet profondément, dans une forme d’identification.
Pop & Shot : Et vous vous êtes trouvés progressivement j’imagine, parce que j’ai vu que vous avez commencé avec une esthétique plus rock dans vos précédents groupes, si je ne me trompe pas ?
Virgile Arndt – Faux Real : Oui, on vient de ce milieu-là, des groupes à guitares, batteries etc. Beaucoup de la musique qu’on écoute et avec laquelle on a grandi est celle-ci. On a mis un peu de temps… Disons simplement que ça a évolué. Plus on affinait ce groupe, plus c’est devenu personnel et moins identifiables aux codes de la musique rock ou indé. Le premier EP était quand même aussi enregistré avec une batterie, dans un studio, avec plus de « vrais » instruments, pas softwares. Le son était nourri par cet aspect mais assez vite, la performance scénique a poussé la musique dans une direction particulièrement électronique.
Pop & Shot : Vous avez fait beaucoup de concerts avant de sortir des choses ?
Virgile Arndt – Faux Real : Oui et le maitre mot dès le début, quand on a réfléchi au projet pour le rendre viable et transportable, ça a été de pouvoir faire des trucs au pied levé, retrouver cette excitation de la spontanéité, cette énergie adolescente. Grâce à un minimalisme extrême et assumé.
Pop & Shot : Et sur scène, vous n’êtes que tous les deux…
Eliott Arndt – Faux Real : Oui, c’est des backing tracks. C’est juste nous deux, de la chorégraphie, des costumes, de la performance.
Virgile Arndt – Faux Real : On habite nos chansons corporellement.
Pop & Shot : C’est le cas de vos clips aussi. Je pense à celui de « Faux Maux ».
Virgile Arndt – Faux Real : Tous nos clips partent de ce qu’on fait sur scène et on les retranscrit de manière plus imagés, plus travaillés parce qu’on a plus de temps. Mais ça va dans les deux sens parce qu’il y a des morceaux qu’on a enregistré et qu’on a sorti avant de les jouer sur scène. Pour les besoins du clip, on a imaginé une chorégraphie qui, par la suite, a terminé sur scène. C’est marrant parce qu’on vient pas du tout du monde de la danse. En tout cas, on a pas cette formation. La partie danse est inventée. Comme tout Faux Real, c’est créé de toutes pièces.
Pop & Shot : J’ai vu que vous avez déjà performé dans des endroits insolites, comme des jardins, des maisons de retraite… C’est quelque chose qui est encore possible aujourd’hui pour vous, avec cette notoriété grandissante ?
Virgile Arndt – Faux Real : Oui, c’est quelque chose qu’on essaie de garder quoi qu’il arrive. C’est hyper excitant. Ca nourrit un côté un peu challenge. Ca nous plait d’explorer. C’est ce que je disais sur l’aspect transportabilité, de pas vraiment annoncer les choses… L’idée au départ c’était de dire oui à tout et de jouer autant que possible. On a fait des concerts où on avait pas de micros. Absurde *rires*
Bon maintenant qu’on a joué beaucoup, qu’on a un public et qu’on a sorti de la musique, si les gens achètent des places pour voir un concert, une performance, voilà, on a aussi une obligation de présenter quelque chose qui tient la route. Mais on essaie toujours de garder l’esprit ouvert pour ces propositions hors normes, notamment ces concerts en maison de retraire qu’on a commencé à faire il y a quelques années à New-York. C’était dans un quartier portoricain de Brooklyn avec des gens qui pour la plupart ne parlaient pas vraiment anglais. On a adapté des trucs pour chanter en espagnol. C’était génial, on y est retournés deux ou trois fois. C’est devenu un peu un pèlerinage.
Eliott Arndt – Faux Real : Et on y retourne dans deux semaines ! Les tournées, c’est les tournées mais voilà depuis le début, on a toujours voulu garder le fun en faisant des trucs improbables comme ça. C’est là où les gens réagissent beaucoup, quand ils voient qu’il n’y a pas de règles fixées.
Virgile Arndt – Faux Real : Et puis pour nous, ça permet de maintenir quelque chose de vivant et d’excitant. On peut encore faire des trucs bizarres dernière minute.
Pop & Shot : A propos de l’album, j’ai remarqué que vous mettiez beaucoup d’attention dans les sonorités, toujours dans une recherche de trituration, notamment sur le refrain de « Hi tension » ou encore sur le dernier morceau « Scratch » que j’aime beaucoup. A quel point c’est important cette recherche sonore ?
Virgile Arndt – Faux Real : Comme je le disais, sur le premier EP, on a commencé avec une formule un peu plus classique, orienté groupe. On s’est vite rendus compte que notre manière de travailler à deux était…
Eliott Arndt – Faux Real : …un peu plus spéciale et unique ouais.
Virgile Arndt – Faux Real : On vient pas du tout du monde de la prod musicale donc ça a été un challenge de pouvoir s’exprimer de plus en plus précisément à travers le choix des sonorités et des textures. On a toujours des outils de travail très minimales. On a pas beaucoup de matos, on reste assez dans l’instinct.
Eliott Arndt – Faux Real : Un truc qu’est arrivé avec le temps aussi, sans forcément le chercher, c’est qu’en apprenant à produire nos démos etc, on s’est familiarisés avec beaucoup de matériaux de base. On a pas cherché à aller beaucoup plus loin. L’idée c’était plutôt : comment on va prendre le son de base et le rendre intéressant, le tordre… Y’a beaucoup de sons qui reviennent dans l’album, que ça soit des synthés, des sonorités de drums ou encore le micro qu’on a utilisé. On aime ce truc autoréférentiel, où l’album a un son bien spécifique.
Virgile Arndt – Faux Real : Y’a aussi beaucoup de sound effects. Ça a été un élément clé dans la constitution de notre son : quand c’est abrasif, quand ça surprend, quand c’est pas là où on l’attend.
Pop & Shot : Vous vous êtes d’ailleurs entourés de grands noms pour ce premier album, Geoff Swan au mix (Caroline Polacheck, Charli XCX), Heba Kadry au mastering (Depeche Moche, Bjork, Gossip etc)…
Virgile Arndt – Faux Real : On travaille avec Geoff depuis quelques années maintenant. Il a adoré le projet et on adore son travail.
Eliott Arndt – Faux Real : Ca a grave matché. D’avoir ces sonorités très basiques avec un côté presque cheap, mais de les travailler une attention et précision, c’était un défi. Je pense que les deux ensemble, ça crée quelque chose de particulier.
Virgile Arndt – Faux Real : On a constitué cette équipe pour l’album d’une manière lente. Ça s’est vraiment fait au goût et parce qu’il existait un intérêt mutuel pour le travail des uns et des autres. C’est le meilleur cas de figure possible. On est super contents de cette team.
Pop & Shot : Des morceaux « Sketches of pain » et « Love on the ground » fonctionnent super bien ! Quand vous composez, vous êtes dans quel état d’esprit ? Vous cherchez le tube ou vous laissez sortir comme ça vient ?
Virgile Arndt – Faux Real : Je pense pas qu’on cherche pas à faire des tubes.
Eliott Arndt – Faux Real : Ouais, c’est ça, on se pose pas trop de questions sur la forme du truc. Quand y’a un truc qu’est cool, on fait en sorte que ça cool
Virgile Arndt – Faux Real : On a tous les deux un vrai goût pour la mélodie, le song-writting pop. En terme de prod, on essaie aussi de faire rentrer toutes les autres influences, parce qu’on écoute des trucs du top 40 aussi bien que de l’avant-guarde chelou des années 70, de la musique expérimentale, de l’ambiant, de la techno… On ratisse large et tout ça nourrit évidemment les sonorités
Pop & Shot : Selon vous, c’est quoi les conditions idéales pour écouter votre album ?
Virgile Arndt – Faux Real : Moi, la première fois que je l’ai écouté en entier, masterisé, c’était sur le toit de mon immeuble à Los Angeles, un soir avec une belle lune. Je me suis allongé, j’ai regardé le ciel, j’avais mes écouteurs et je l’ai mis à fond. Je me suis bousillé les oreilles mais c’était génial ! Ça valait le coup *rires*
Eliott Arndt – Faux Real : Moi, la première fois que je l’ai écouté, c’était au même moment sauf que j’étais à Dallas au Texas. C’était un soir avant de prendre l’avion. J’étais à l’hôtel de l’aéroport. Dans ma voiture de location en train de boire une bière sur le parking *rires*
Virgile Arndt – Faux Real : Je pense que c’est justement un album qui s’écoute bien en voiture. C’est peut-être une déformation parce que je l’ai moi-même beaucoup écouté en roulant. En tout cas, on sait dans quelles conditions il ne vaut mieux pas l’écouter, du genre soirée romantique à la bougie. Non, faut le mettre à fond ! Mais ça sera au public de nous dire. On est impatients de savoir.
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