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L’été des corbeaux – Order 89

L’été 2021 sera beaucoup de choses : celui des espoirs et des doutes. Il sera celui d’une vie retrouvée et d’une crainte criante de la perdre à nouveau. Celui des rires, des chants et des croassements des corbeaux. En effet de retour après un premier album « Bleu Acier » sorti en 2019, les compères d’Order 89 sont de retour avec un tout nouvel opus « L’été des corbeaux », un condensé de dix titres aussi enivrants que crasses.

Le premier album a comme beaucoup, souffert du confinement. Impossible de le jouer en live et de le faire tourner comme il se doit. Regrettable lorsque l’on sait les grandes qualités scéniques qui sont celles du groupe survolté. Alors plutôt que de sombrer dans la fièvre du live stream comme beaucoup, les parisiens ont choisi de mettre les bouchées doubles et de confectionner un petit second qui lui, aurait toute l’attention qu’il mérite. Pour parfaire cette tâche la formation est devenue quatuor, ajoutant Luce à la guitare. Pensé pour être au plus proche de leurs performances en live, cette nouvelle galette s’avère riche en surprises.

La machine se lance avec « 100 visages ». Pas besoin de fioritures pour Order 89 qui envoie directement la sauce. La basse tonne lourdement , les machines s’emballent et voilà que la voix écrasante et puissante peut engager les hostilités. Chantées comme une comptine sombre, les premières notes se font répétitives et entêtantes. Les boucles musicales s’ajoutent à la folie de l’instant, plus présentes qu’une voix entre chant et phrasé. Le rock dégouline de ce titre sombre, appel à faire tomber les masques. La cold wave s’invite à la partie, tonitruante. Le ton est donné.

Maintenant que le groupe a toute l’attention de son auditeur, il est temps de lui proposer une « Ronde ». Les phrases courtes s’alternent avec rapidité, le rythme est répétitif, la montée en puissance se construit comme une montagne russe. Avant le refrain, une pause au sommet du grand huit s’avère nécessaire. En retenue, ce dernier s’invite naturellement au moment, il se répète encore et encore. « Tel est ce bruit qui résonne dans mon cœur et la nuit » scande Jordi en boucle comme un appel nocturne au laisser aller. L’atmosphère s’emplit d’une odeur de cuir, le spectre des Black Rebel Motorcycle Club n’est pas loin.

Rock sous acide

Plus psychédélique, « Histoire Parallèle » fait la part belle aux machines. Toujours avec une dominante rock, le titre se teinte clairement d’électro dégoulinant qui donne l’envie incontestable de danser certes, mais bien plus certainement dans un garage que dans une boite de nuit clinquante. C’est aussi ça Order 89, une mise en avant primordiale de rythmiques envoûtantes qui peuplent des morceaux aussi lourds de sens qu’accessibles à la majorité. Cet obsession, elle peuplera la totalité d’une galette qui croit autant au brit rock qu’à Noir Désir. Avec sa phraséologie, son timbre atypique, sa perception du couplet, le groupe pourrait évoquer Indochine sous acide, la part pop comme dans populaire en moins, les compositions pointues en plus.

« Gangster » sonne comme le chant du fakir et monte en intensité. Puissant et hypnotique, il perche, happe, déstabilise. Véritable temps de modernité, il joue des codes du passé pour mieux les casser comme Bagarre avait su tordre les genres pour mieux créer son univers. « Vertige » s’inscrit dans la même veine en démarrant sur les chapeaux de roue. Pas le temps de souffler le titre défile à toute allure, les notes s’enchaînent avec rapidité, absorbent l’auditeur en un tourbillon sauvage et salvateur.

« Ici la nuit » prend le temps de souffler sur son introduction. La voix suit, elle scande, se fait multiple, s’épaissit. Comme toujours sur cette galette, le repos est de courte durée alors que force et puissance se font alliées pour mieux donner une claque sur l’épaule au moment du refrain. Les oreilles bourdonnent, la nuit a tout enseveli. Seule la basse se répète en notes oxygénées, elle prend par la main, marque des temps de pause lors de l’invasion bienvenue des machines. Et si cette nuit nous faisions un trip hallucinogène tous ensemble ?

Fauve avait baptisé ses deux albums « Vieux frère », c’est aussi le cas de ce morceau. Du collectif, Order 89 reprend le nom du titre et sa capacité à unir en additionnant phrasé et chanté. La comparaison s’arrête là. Plus sombre, plus vive, acérée comme une lame de rasoir, la musique du groupe bouleverse et résonne chez un public expert.

L’invasion des machines

Les machines prennent le contrôle le temps d’une « Chasse aux sorcières » haletante. Alors que « Les Nuits sauvages » fait la part belle aux instruments omniprésents et offre un temps cathartique. Le tourbillon musical glisse sous la peau, il recouvre tout d’un voile de rock crasse et méthodique sous forme de bordel organisé.

L’expérience touche à sa fin sur « Pays Sacrifié », un titre bien plus posé que le reste de l’opus. Cette fois-ci, c’est la voix qui domine, elle s’engouffre, bat les notes comme elle fait battre les cœurs. Elle laisse pourtant la place à un gimmick instrumental pour clôturer cet été éprouvant qui propose un vol vertigineux et poétique dans la noirceur des clubs et des âmes qui ne trouvent pas le sommeil.

Must See

« L’été des corbeaux » est disponible depuis le 2 avril 2021. L’opus se révèle être l’occasion parfaite pour permettre au groupe de prendre les routes de France et d’offrir une série de concerts estivaux à un public qui ne demande qu’à se retrouver. A noter que son passage à la Dame de Canton en présence des rockeurs aussi fous que solaires de Yoko Oh No a été un temps de fort de cet été. Le live déjanté face à un public de rockeurs hyper réceptifs s’es vu ponctué de pogos, danses enflammés et sueur à grosses gouttes. Outre les nombreuses blagues des formation sur scène, bonne humeur et convivialité étaient mots d’ordre. Une reprise léchée de « L’amour et le violence  » de Sébastien Tellier reste l’un des moments inoubliables de cette soirée magique. S’ils passent près de chez vous, rendez vous un immense service, ne les manquez pas !


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