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Marronnier oblige, le mois d’octobre se doit d’être consacré à la peur. La faute à Halloween, tradition américaine qui si elle n’a jamais entièrement pris en Europe aura néanmoins donné à chacun d’entre nous l’occasion de se faire peur le 31 octobre entre déguisements et films d’horreur à gogo.

Pour Netflix, le mois d’octobre 2018 est surtout l’occasion de proposer une nouvelle série horrifique à l’initiative de Mike Flanagan, The Hauting of Hill House. Le réalisateur est un expert en la matière, le grand public lui doit le très moyen « Ouija: Origin of Evil »,  avec le mot origin dans le titre il était évident qu’on ne pouvait pas en attendre grand chose, alors que les amateurs de frissons lui sont reconnaissants pour le magnifique « Occulus », que vous retrouverez dans une petite sélection de 31 films d’horreur pour se faire plaisir à Halloween, « Abstentia », une belle réussite low cost ou encore « Jessie », l’adaptation du roman de Stephen King déjà sur Netflix.

 

The Haunting of Hill House déjà ça parle de quoi?

Cinq frères et sœurs ont grandit dans la maison qui deviendra, par la suite, la maison hantée la plus connue des Etats-Unis. Des années plus tard les voilà forcés à affronter de nouveau les fantômes de leur passé bien décidés à revenir les hanter.

Pour mieux parler de maison hanté, Flanagan a choisi de s’inspiré du roman culte de Shirley Jackson « Hantise » qui dépeignait les déboires du professeur Montaigue et de ses sujets qui choisissent délibérément de participer à une expérience paranormale avec pour théâtre une immense maison hantée. Le livre fera l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques dont « La Maison du diable » en 1963 puis de « Hantise » en 1999.

Loin d’être un banal remake d’une historie déjà racontée mais sous la forme cette fois plus longue d’une série télévisée, « The Haunting of Hill house » se contente d’utiliser les codes de ce labyrinthe géant truffé d’esprits pour y créer son univers propre et d’y ajouter une véritable réflexion sur le poids du traumatisme et l’importance de la famille. Une pépite en somme.

Du coup, est-ce que c’est bien?

Flanagan sortait en 2013 « Oculus », long métrage avec pour objet horrifique un miroir hanté. Les protagonistes de l’histoire, un frère et une sœur y affrontaient leur passé au court d’un récit qui se racontait sur deux époques, le premier drame survenu dans l’enfance et l’affrontement des peurs à l’âge adulte. Il signait alors sa plus grande réussite et l’une des meilleures production horrifique de ces 10 dernières années. Cette phrase était vraie jusqu’à ce jour.

The Haunting of Hill House

Avec « The Haunting of Hill house », le réalisateur va plus loin et  réadapte ses codes. Le récit s’inscrit lui aussi en deux temps et en deux époques: le drame initial dans l’enfance, sa perception à un âge où les plus jeunes sont enclins à croire à l’invisible là ou leurs aînés eux doutent déjà, puis celui à l’âge adulte agrandissant  cette scission. A l’instar d' »Oculus », le récit crée cette barrière entre ceux qui croient et les septiques au saint d’une fratrie aimante et unie.

Puisqu’au delà des esprits frappeurs, des jumps scares et des monstres sous le lit qui peuvent parfois s’inviter dans le cinéma de genre avec grossièreté, la série télévisée Netflix, elle propose un spectacle d’une grande douceur qui s’approche plus du drame horrifique que de la machine à grands frissons.

Le temps d’exposition est donné à chacun de nos héros brisés, le temps de les aimer et d’intérioriser les liens qui les unissent. La force de leur relation est soulignée sans jamais être balancée avec lourdeur. En les suivant de l’enfance à l’âge adulte, il devient évident pour les spectateurs d’intégrer ce groupe. Aussi évident qu’il a pu l’être pour le club des losers dans « Ca » de Stephen King qui lui aussi faisait le pari d’un affrontement avec le même mal pour un groupe d’enfants devenus adultes. Un aspect binaire de la narration qui ne sera d’ailleurs pas utilisé dans le second chapitre de la nouvelle adaptation des aventures de Pennywise. Dommage finalement quand on voit à quel point cela peut servir dans l’œuvre qui nous intéresse.

Peut-on créer de l’horreur dans le drame?

Ho oui, et on devrait même penser à utiliser cette recette beaucoup plus souvent. Puisqu’alors que certaines issues sont connues dès les premiers temps de la série, Flanagan détourne notre attention des éléments majeurs pour mieux introduire ses éléments horrifiques. A l’image du premier Conjuring qui avait réussi à utiliser les codes  connus de cinéma d’esprits pour faire vraiment peur. Le premier hein? Le second était si lourd qu’il en était comique.- un commentaire gratuit mais nécessaire. En sort des scènes, enfin- finalement- ça faisait longtemps- réellement effrayantes, du type qui peut travailler la nuit si on est seul dans une maison un peu bruyante. Les scènes s’infiltrent naturellement dans le récit créant de réelles situations de tension. Elles n’en sont ainsi que renforcées, plus réalistes et donc encore plus effrayantes. Les apparitions elles-mêmes, travaillées avec soin méritent d’être saluées. La scène de la cachette sous le lit et du chapeau est une véritable prouesse en matière d’effroi sur petit écran. Mais n’en disons pas plus pour ne pas gâcher le plaisir d’un futur spectateur.

The Haunting of Hill House
The Haunting of Hill House

Grâce aux ficelles du drame, il est impossible de pas aimer nos personnages principaux et donc de ne pas avoir sincèrement peur pour eux.  Souvent, le cinéma d’horreur plonge ses personnages dans des évènements hautement traumatisants mais n’affronte pas leurs conséquences. Ici c’est l’inverse. Cinq frères et sœurs qui proposent chacun une réponse différente, une réaction unique à la vie après le drame. Cinq personnalités fortes et faibles qui tentent de survivre malgré leurs croyances et leurs connaissances d’un spectacle macabre. Chacun de ces témoins en tirant profit ou se laissant couler pour ne pas avoir à affronter le souvenir, avec une façon propre à chacun de raconter ce moment commun. La perception de chacun, le scepticisme et son besoin qui disent également qu’un seul regard sur un fait ne peut être fiable et que l’humain regorge de différentes réponses face à l’horreur. C’est d’autant plus vrai que nos protagonistes ont tous leur personnalité et existent à travers des discours qui leur sont propres. Mais qui a raison? Où se situe le fameux saint Graal qu’est la vérité? Fléau de notre époque de réseau sociaux où chacun s’applique à témoigner d’une vérité que lui seul détriendrait.

Tout comme l’excellent « Dark Touch » qui imageait la violence de l’inceste à travers un drame-horrifique, rendant la violence nécessaire, The Hauting of Hill House s’appuie sur la difficulté à se créer face à un évènement dramatique, donnant des accès ponctuels à l’essence même du drame. Le suspens y est impeccablement géré, les éléments y étant apportés au compte gouttes pour justifier un bindge watching intensif et nécessaire. Que s’est-il réellement passé dans la maison? Nos héros ajouteront ils du grain à leur traumatisme ou son affrontement les libèrera-t-il? Beaucoup de questions qui promettent quelques nuits blanches devant nos écrans.

The Haunting of Hill House

Enfin une mention toute spéciale se doit d’être donnée au choix du casting. Les acteurs sélectionnés ont tant de traits communs que leurs liens familiaux semblent couler de source. Carla Gugino, vue dans « Gerald’s game » est parfaite dans le rôle de la mère de famille aimante, tout comme Victoria Pedretti dans le rôle de la petite dernière, Nell, devenue une adulte fragile et sensible. Impossible également de ne pas s’attacher aux jeunes enfants qui composent notre petit groupe et aux adorables acteurs qui leur prêtent leurs traits.

The Hauting of Hill House est une série à découvrir sans plus attendre et disponible sur Netflix depuis le 12 septembre.

Affiche film Okja
@Netflix

Loin de la polémique cannesque d’il y a quelques mois, Netflix a sorti au début de l’été Okja, le dernier film du Coréen de Bong Joon Ho. Au menu (hohoh), l’innocence de l’amitié, une critique couplée du militantisme et du capitalisme, un Jake Gyllenhall over the top et surtout un conte comme on en fait plus… Critique.

Souvenez vous… Quinzaine de Cannes 2017. Sélection officielle. Bong Joon Ho, l’un des meilleurs réals coréens de notre temps sort sa dernière bobine en date au Festival. Huées et volée de bois vert. Bon… Rien que de très normal après tout, c’est le jeu des festivals et surtout de Cannes, qui n’en est pas à sa première polémique ! Sauf que… La raison principale du rejet de Okja ? Le fait qu’il soit diffusé sur Netflix et non en salles… Oui, vous avez bien lu… Évidemment que la cinéphilie fait partie de l’ADN des membres de Pop&Shot, mais en 2017, tenir ce genre de discours, livrer ce genre de batailles ressemble plus à un combat d’arrière garde qu’à une contestation pleinement consciente de l’époque dans laquelle elle vit. Depuis les années 50, il est prédit la mort prochaine du cinéma. D’abord à cause de la télévision, puis du magnétoscope, puis du piratage et dernièrement par les plateformes VOD. Bref, depuis plus d’un demi siècle le Septième Art est à l’article de la mort, mais comptablement, il se porte au mieux, pour preuve, combien de films ont pu rejoindre le club des milliardaires, depuis le seul début de la décennie ? Bien évidemment, on pourrait toujours disserter des modes de production actuelles qui obstruent le développement de certains genres de cinémas, mais on ferait dangereusement du HS…

Extrait du film Okja 
Mija, une jeune fille déterminée Droits réservés : Netflix

Mija ( Ahn Seo-Hyeon), jeune orpheline vit avec son grand père au fin fond de la campagne coréenne avec son grand père et son meilleur ami… un cochon génétiquement modifié du nom d’Okja. En effet, l’introduction du film nous présente Lucy Mirando ( Tilda Swinton, qui flirte dangereusement vers le surjeu et la jumelité avec Cate Blanchett), grande patronne de multinationale annonçant un grand programme d’élevage de cochons génétiquement modifiés et expédiés aux quatres coins du monde afin de voir lequel donnera la meilleure viande. Dix ans plus tard, c’est le moment de désigner le vainqueur du concours…. Une sorte de Nicolas Hulot sous coke, Jake Gyllenhaal dans une prestation remarqué (voire remarquable ?on en reparle plus loin) désigne Okja comme vainqueur. Quelques dollars pour le grand père et des pleurs pour la petite fille plus tard, l’animal est envoyé aux États Unis. Mais Mija ne l’entend pas de cette oreille…

Beaucoup de choses ont été dites sur Okja. Le surjeu des « têtes d’affiches » hollywoodiennes. La présentation par Netflix d’un film sur la Croisette. Le message anticapitaliste (voire antiaméricain) et pro-vegan ou tout du moins écolo du long métrage de Bong Joon Ho. Sans être totalement faux, ces focus mettent totalement de coté le principal aspect du film, à savoir un conte noir comme on en voit au final assez peu. C’est un vrai parcours initiatique auquel est livré Mija, quittant son foyer douillet dans l’optique d’une quête, retrouver l’être aimé et le ramener à la maison, et rencontrant de nombreux interlocuteurs qui l’aideront ou la freineront. Avec le coté absolu que peuvent avoir les enfants, Mija traverse le métrage avec son idée fixe, retrouver Okja et les différents protagonistes qu’elle rencontrera ne seront que des accélérateurs/freins dans cette quête.

Extrait du film Okja 
Jake Gyllenhaal livre une prestation qui a beaucoup fait parler… A tort?
Droits réservés Netflix

S’il y a quelque chose de vrai dans ce film, c’est la relation amicale entre Mija et Okja. Ce n’est donc pas innocent que chaque interlocuteur que la petite fille rencontre est pétri de contradictions. Le grand père s’est bien occupé du cochon transgénique mais n’hésite pas une seconde quand on lui annonce la mirobolante récompense qu’il va recevoir. Lucy Mirando est bourrée de certitudes mais cherche par dessus tout à se défaire de l’ombre omniprésente de son défunt père. Wilcox (Gyllenhaal) est un biologiste réputé dont le passage à la télévision n’a pas été sans compromis et est désormais has been d’où le surjeu qu’il applique au quotidien auprès de tout le monde (cf la pathétique scène de speech de Mirando ou son personnage s’agglutine derrière la vitre pour juste pouvoir participer à la réunion). Jay ( Paul Dano, impeccable comme souvent) , le leader du groupuscule écologiste qui n’hésite pas à la première contrariété à laisser parler ses instincts plutôt que l’idéal dont il est censément le garant. Il est à noter que le groupe écologiste vient se poser en opposition avec le grand groupe industriel que représente Mirando. Son grand père l’incitait à délaisser Okja pour aller fréquenter les villageois d’à coté, son expérience du monde lui faisant voir le coté le plus sombre de chacun de ses interlocuteurs, Mija n’aspire qu’à une chose, retrouver Okja et passer son temps avec son meilleur ami cochon.

Le surjeu de Jake Gyllenhaal a été décrié. Certes, le non-encore oscarisé acteur américain exagère au niveau de son jeu mais au final, sa prestation, quasi cartoonesque est à considérer en opposition avec l’attitude du personnage de Mija. Le zoologiste américain has been VS la petite campagnarde pré adolescente coréenne. Évidemment, l’adulte n’est pas celui qu’on croit. Prisonnier d’un système critiqué sans nuance par le réalisateur Bong Joon Ho, l’ancien biologiste star n’arrive à y survivre qu’en surjouant et faisant un show perpétuel. Perdue dans un monde qu’elle ne comprend pas ( la seule personne parlant coréen qu’elle rencontre au cours de sa quête n’hésite pas à trahir sa parole, au sens propre et figuré), Mija communique peu, obnubilée par ses retrouvailles avec Okja. Son absolutisme la conduira à une transaction cynique avec une autre sœur Mirando (toujours incarnée par Swinton). La preuve que tout voyage entraîne un changement ? Peut être. Okja quoi qu’il arrive ne se remettra pas de la scène de saillie qui met mal à l’aise le spectateur. Faut-il y voir une dénonciation de la commercialisation de la viande animale ? Est ce une manière de mettre en horreur la notion de sexe ? L’innocence de Okja et celle de son spectateur en est marqué quoi qu’il en soit. L’adorable cochon a du mal à être (re)vu comme la bête gambadant dans la campagne l’air de rien tel qu’elle est présentée au début du film.

Extrait du film Okja 
Droits réservés : Netflix

La fin du film, se déroulant dans un centre d’élevage de cochons transgéniques, plus proche d’Auschwitz que de la Ferme des Mille Vaches, finit de mettre mal à l’aise le spectateur. Mija, tout au long du métrage aura traversé l’enfer. Le mal incarné par une incarnation du grand ponte capitaliste se donnant en spectacle ( Steve Jobs, Elon Musk montrent que cela n’est pas tant exagéré que ça). Le renoncement par une ancienne idole gigotant vaille que vaille pour continuer d’exister. Un groupuscule d’idéalistes semblant plus être là pour l’adrénaline et par effet de mode que par réelle conviction. Au final, la dernière scène faisant miroir avec la toute première permet de reprendre son souffle et d’apprécier la conclusion du métrage, après avoir vu le personnage de Mija et son ami Okja confrontés à l’éventail des pires cruautés. Moralité ? L’enfer c’est les autres et rien ne vaut la vie sans son cochon OGM et mieux vaut rester enfant ! Plus sérieusement, le dernier film de Bong Joon Ho présente un conte, en cela que comme tout les contes, il a plusieurs niveaux de lecture. Innocence infantile. Le capitalisme et ses méfaits. L’idéalisme politique et ses contradictions. Larges sont les thèmes à être brassés tout au long des 120 minutes du film et pourtant, ils sont finement présentés au cours d’une histoire simple mais jamais (bien au contraire) simpliste. Loin des polémiques stériles sur tel ou tel point, le film est à apprécier à sa juste valeur. Et en cette année 2017, sa valeur est clairement dans le haut du panier qui a été proposé.