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Si l’Étrange festival qui touche à sa fin dimanche 13 septembre a vécu nombre de temps forts, la diffusion du dernier film de Gaspar Noé était sans équivoque le plus attendu. Le réalisateur italo-argentin est par ailleurs l’un des poulains de l’évènement année après année. 2019 lui permettait d’offrir Climax en avant-première et de présenter la première de The house that Jack built de Lars Von Trier. Cette année c’est donc avec le très attendu Lux Aeterna qu’il revient en portant à l’affiche Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle. Ce 12 septembre une standing ovation attend d’ailleurs le réalisateur et Béatrice Dalle dans une salle pleine à ras-bords soit à 60% de sa capacité, Covid-19 oblige.

Lux æterna de quoi ça parle ?

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Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.

Lux æterna, est-ce que c’est bien ?

lux aeterna

Un peu de contexte tout d’abord, le moyen-métrage de Gaspar Noé tient d’une commande à réaliser en urgence pour le festival de Cannes. C’est au bluff selon ses dires que le metteur en scène a promis un film sans même en connaître le sujet. Fort de son nom et de ses très grandes réussites, « Irréversible » restera dans les anales du cinéma français, ce dernier a su vite s’entourer d’un casting cinq étoiles réunissant Béatrice Dalle la sulfureuse et la douce mais téméraire Charlotte Gainsbourg pour un film qui évoquera la sorcellerie. Changement de registre d’ailleurs pour le cinéaste puisque le film est pour la première fois de sa carrière tout public donc loin de son traditionnel interdit aux moins de 16 ans et s’attire la sympathie des Cahiers du cinéma pour la première fois, comme quoi la qualité viendrait d’un manque de violence ou peut-être d’un point du vue interne sur le monde du cinéma selon ces derniers. Passons le discours sur le cinéma d’épouvante et sa perception par la critique en France, il est connu de tous ses amateurs. Avant même le début du film, Dalle n’a de cesse de vanter les mérites de l’oeuvre « Il est trop bien » allant jusqu’à ajouter qu’il est sa plus grande fierté. Doit-on la croire ? Verdict.

Objet étrange que ce Lux ætera qui a bien sa place au festival qui le projète en presque avant-première. Etrange dans son traitement où l’improvisation est mot d’ordre mais aussi dans son approche et ses couleurs. Puisque le métrage se partage l’affiche entre deux points forts : la rencontre de deux actrices opposées dans leurs tempérament et l’image et le jeu de plans et de couleurs. Le sujet finalement parait secondaire. D’entrée déconseillé aux épileptiques,  il met en image la Cène et la passion du Christ sous un jeu de lumières justement prompt à créer une crise d’épilepsie. Fort de son recule sur le travail de cinéaste, le film joue la carte d’un second degrés et d’un recul volontaire à l’aide de citations piquantes dévoilées à dose régulière sous forme de panneaux. On ne peut enlever à Gaspar Noé sa capacité à créer une atmosphère, ici de plus en plus étouffante à mesure qu’elle frôle avec l’anarchie et l’hystérie.

L’autre point fort du réalisateur étant sa capacité à travailler en équipe, connu pour laisser les acteurs improviser sur les plateaux, il semble ici leur donner une carte blanche intégrale construisant son récit sur les personnalités des deux stars, leur offrant l’occasion d’être elles-même face caméra. Un long dialogue entre elles, franchement savoureux et dévoilé sur un écran coupé en deux fera ainsi l’unanimité pour un public adepte de ses deux femmes. Béatrice Dalle, la grande gueule, exubérante et attachante balance quelques grandes phrases bien senties sans se prendre au sérieux et avec un ton naturel et parlé. Les hésitations dans le discours, l’absence de fluidité propre à la vraie vie sont ainsi mises en lumière. Timide mais éblouissante, Charlotte Gainsbourg ponctue la conversation avec pudeur.

Les sorcières sont bien au programme, oui, puisqu’une scène de bucher doit être filmée mais aussi et comme c’est introduit le dialogue parce qu’il est facile de ré-adapter le discours de la sorcière sur la femme de 2020. Béatrice Dalle ne serait-elle pas jetée au bucher par son producteur et son chef opérateur alors qu’une femme prend le pouvoir derrière la caméra ? N’est-ce pas aussi le cas des autres actrices qu’on n’écoute pas et qu’on ne comprend pas ? Une femme déterminée ne serait-elle pas une sorcière lorsqu’elle tente de prendre du pouvoir ? En choisissant également de créer une oeuvre en deux langues anglais et français, Noé pousse cette incompréhension entre les êtres et peut-être aussi, semble-t-il s’amuser à demi clin d’oeil, entre une équipe de cinéma qui joue entre coups bas et incapacité à être dirigée. Puisque tout le monde semble chercher à prendre le pas sur l’autre, à dépasser son rôle. La lumière y est un incroyable vecteur de tension et d’angoisse tout comme le son qui lorsqu’il perturbe la communication devient diviseur.

Gaspar Noé semble s’adresser dans ce moyen métrage aux érudits. Si le film parle du cinéma et était destiné au festival de Cannes, il est l’occasion de tacler, remettre à sa place, créer des situations qui paraissent vécues. Quitte à laisser de côté un spectateur lambda qui comprend ce qu’on lui dit mais ne peut ressentir les scènes qui lui sont proposées. L’histoire quasiment laissée de côté au profit du sentiments et d’hystérie collective déstabilise et fait de cet objet cinématographie une bête de festival bien plus qu’un métrage à laisser entre toutes les mains. C’est probablement l’un des points noirs du film qui dit des choses mais finalement sans trop en dire et sans les dire à tout le monde. Les citations parfois amusantes ramènent le propos à sa place, laissant à tous l’occasion brève de faire partie de cette aventure. Un brin décousu l’oeuvre manque peut-être de la violence propre à Noé, n’en déplaise à certains, pour mieux appuyer son propos et le rendre plus lisse. L’épreuve vécue par les actrice se transforme parfois aussi en épreuve pour le spectateur lui aussi agressé par la lumière et le son. Est-ce une façon de l’intégrer au récit et la montée en tension palpable ? L’hystérie d’ailleurs comme la sorcellerie reste des maux que l’on attribuait volontiers à la femme, en ces temps de percée féministe, le discours semble tomber à pic sans jouer l’axe de la redite des réseaux sociaux.

Loin d’être exempt de défauts, le film séduira un public déjà conquis et initié tout en mettant ses actrices en son centre. Il pourra néanmoins laisser complètement sur le carreau, certains spectateurs dépossédés de l’instant. A en juger pourtant par l’euphorie galvanisante en sortie de salle 500, les fans du cinéastes, les cinéphiles farouches y trouveront leur compte. D’autres pourraient y voir un clip joliment mis en scène mais trop improvisé et manquant d’une construction plus linéaire. Point de choc et de scène qui empêcheront de dormir la nuit au programme, mais une réflexion abstraite à reprendre pour mieux l’intégrer. A ne pas mettre dans toutes les mains donc.

Sortie en salle prévue le 23 septembre.

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