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Penelope Bonneau Rouis

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Vivre d’Oliver Hermanus (2022)

Avec le brillant Kazuo Ishiguro aux commandes du scénario, le dernier film d’Oliver Hermanus, Living (ou Vivre en français) est une ode émouvante à ces petites choses qui font que la vie vaut d’être vécue. Sorti en salle le 28 décembre dernier, on y retrouve un Bill Nighy potentiellement au sommet du Bill Nighesque, aussi « stiff upper lip » que touchant. 

De quoi ça parle ?

Vivre se déroule en 1953, dans un Londres qui doit se reconstruire après les séquelles de la Seconde Guerre Mondiale. Mr Williams (Bill Nighy que l’on connaît de Love Actually, About Time ou Pride) est un fonctionnaire de mairie émérite et un poil guindé. Un jour, il apprend qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. La nouvelle le bouleverse et après des décennies de rigidité, d’austérité et de ce flegme britannique que Bill Nighy incarne si brillamment, Mr Williams va réapprendre à faire quelque chose qu’il avait presque oublié : vivre.

Inspiré du film japonais Ikiru d’Akira Kurosawa (lui-même librement inspiré de La Mort d’Ivan Ilitch de Léon Tolstoï), Vivre possède à la fois toutes les qualités d’un conte moderne et de la critique humoristique de la société conservatrice anglaise de la moitié du 20ème siècle. En effet, le scénario de Kazuo Ishiguro (Never Let Me Go, The Remains Of The Day) incarne brillamment l’univers de son auteur, à la croisée de l’embellissement de la vie quotidienne et d’une nostalgie envahissante.

Est-ce que c’est bien ?

Avant d’être une ode à la vie, Vivre est également une lettre d’amour à la ville de Londres. En effet, dès les premières minutes du film, des images d’archive d’un Londres des années 50 apparaissent à l’écran. Ces scènes de vie d’un autre temps entraînent instantanément les spectateurs dans un univers plein de vie et nostalgique.Un contraste se forme cependant bien vite lorsque les employés de mairie, arborant tous plus ou moins maladroitement un chapeau melon, apparaissent à l’écran. Une moquerie gentillette de la société anglaise se fait sentir ici.

Vivre – Oliver Hermanus (2022)

Ce n’est pas l’aspect le plus surprenant du film. S’il parle de la mort de son personnage principal, il n’est pas mélodramatique pour autant et aborde un sujet oh si délicat par son antagoniste direct : la vie. En effet, la mort, pourtant omniprésente dans le film, se retrouve sans cesse recouverte par l’optimisme vital et naissant du protagoniste. Les personnages qui l’entourent sont tout aussi touchants que lui et permettent ainsi, à plus ou moins grande échelle, à Mr. Williams de se révéler et de vivre pleinement. Sa relation avec la jeune Margaret (Aimee Lou Wood de Sex Education), qui aurait pu s’avérer romantique, n’est ni vulgaire, ni tendancieuse et souligne la renaissance d’un homme au seuil de la mort.

La bascule (que nous ne donnerons pas pour conserver l’effet de surprise) qui intervient prématurément au milieu du film a d’abord un effet déconcertant sur le spectateur. Mais, ce choix narratif permet ainsi de provoquer une effusion de souvenirs et de nostalgie qui donnent au film un rythme original et, en fait, logique.

Nommé aux Oscars pour la première fois à 73 ans, Bill Nighy offre une performance émouvante et d’une profonde justesse. Vivre est un bien joli conte à découvrir et à savourer.

Vivre – Oliver Hermanus (2022)
Send Me Love Letters

En concert dans la salle des Étoiles (Paris 10) pour l’évènement Esquisses X Kickers de Live Nation, Send Me Love Letters nous a servi un rock saturé et sensible le 24 novembre dernier. On vous les présente.

Send me some rock music

Il est 20h et quelques lorsque Send Me Love Letters monte sur scène. Le groupe de rock lyonnais est le premier groupe à jouer et ils frappent très fort. On a presque un peu peur pour les groupes suivants. Comme leur nom l’indique, leur musique parle d’amour, tous types d’amour. Amour platonique, romantique, mais surtout l’amour de soi. Leur rock est amoureux et saturé, le public est instantanément happé dans leur univers et s’en donne à cœur joie. Les morceaux semblent plus longs, plus sauvages que sur l’EP. On sent qu’une aisance et une confiance solide se sont installées entre eux à mesure qu’ils se laissent tour à tour aller à des improvisations au beau milieu des morceaux.  Un très beau moment.

Un groupe perfectionniste

On retrouve les quatre membres à leur descente de scène, à bout de souffle après avoir servi un rock aussi chaud. Gabrielle (chant), Loïc (guitare), Pierrick (batterie) et Simon (basse) se sont rencontrés il y a quelques années, un peu par hasard, à Lyon, là où ils sont basés encore aujourd’hui. Entre eux est née, une envie de créer et de faire de la musique. C’est ainsi qu’en janvier 2020, le projet Send Me Love Letters voit le jour. Pour Gabrielle, il ne s’agit pas de son premier projet. Elle se produisait déjà sous le sobriquet Gaby, avec une pop plus acidulée, carrément aux antipodes de Send Me Love Letters. Un projet qui lui avait plutôt bien réussi puisqu’elle avait fait la première partie de Julien Doré.

ROCK PHÉNIX ?

Send Me Love Letters, à leurs yeux (et aux nôtres aussi), c’est du rock indé, inspiré par des groupes anglais comme Arctic Monkeys et Wolf Alice. Mais surtout, Send Me Love Letters, c’est une esthétique marquée et travaillée. Pour préparer la sortie de leur dernier EP, At Least We Tried, le groupe a sorti trois clips. Chacun de ces clips a été réalisé entièrement par les quatre membres du groupe. Comme nous le dira d’ailleurs Gabrielle, et comme on le voit lors du visionnage des clips, ils sont très attachés à l’image et aux visuels.

Send Me Love Letters aux Étoiles ©Samuel Uzan

Ainsi, Send Me Love Letters est un groupe prometteur, qui s’impose peu à peu comme l’une des principales têtes d’un rock renaissant de ses cendres. À grands coups d’amour et de lettres, voici un groupe à suivre.


Bang – Klara Keller (2022)

Le 11 novembre dernier sortait en France, le nouveau « mini-album » de Klara Keller, Bang. Deux ans après la sortie de Hjärtansfröjd, la jeune suédoise revient avec un EP, cette fois-ci en anglais, mélancolique et pourtant stroboscopique dans l’âme. 

Klara in Paris

Bang, pour être tout à fait exact, est sorti le 23 septembre dernier dans le monde. Et pourtant, en France, il a fallu attendre ce vendredi 11 novembre pour l’avoir enfin dans nos oreilles, entre nos mains et sur nos plateformes d’écoute. Drôle d’occurence puisque depuis maintenant un an, Klara Keller s’est installée dans la ville lumière.

C’est même ce nouveau départ qui a inspiré le premier single de Bang, « Sad Thinking of You ».  En collaborant avec de nouvelles rencontres, Robin Coudert et Thomas Hedlund de Phoenix, Klara Keller écrit ce titre ambivalent ; bien qu’heureuse d’avoir débuté cette nouvelle expérience, elle garde cette mélancolie de sa Suède natale, de sa vie passée. À travers un clip aux allures rétro (sans oublier le synthé), on voit Klara Keller déambuler entre la Statue de la Liberté (celle du Pont Grenelle) et la Tour Eiffel (pas celle de Las Vegas), utilisant un coquillage comme GPS et téléphone. De ce court clip ressort déjà tout l’univers rêveur, accueillant et mélancolique de la jeune artiste.

Un mini album aux saveurs vintage

Inspirée par des artistes comme Patti Smith, Björk ou M. I. A. Klara Keller conserve dans sa musique cette atmosphère un peu vintage et à fleur de peau. L’album oscille entre des morceaux « upbeat » (« I Could Never Give It To You ») et des morceaux plus calmes, plus réflectifs (« Hard Rock Café », « Lucky Luke »), mais encore l’excellent « Wheel of Fortune », probablement le morceau le plus rock de l’EP, qui nous plonge directement dans un mood 70s assumé.

 

Comme mentionné plus tôt, Klara Keller est suédoise et Bang est son deuxième EP. Le premier, Hjärtansfröjd, (qui en français se traduirait par quelque chose comme  » les plaisirs du cœur ») a été composé uniquement en suédois et a d’ailleurs été salué par la critique ; elle a été nominée pour « Meilleur album » et « Révélation de l’année » par les Swedish Grammy Awards, entre autres. Bang est donc son premier travail en anglais. C’est déjà très prometteur.

Klara Keller jouera à Paris le 8 décembre prochain. À l’heure de la rédaction, aucune information sur le lieu n’a été donnée, alors gardez l’oeil ouvert et l’oreille attentive pour Klara Keller.

Klara Keller par Juana Wein

Nor Belgraad Tanguy Beurdeuley
Nor Belgraad par Tanguy Beurdeuley

Lors de leur concert à l’Olympic Café (Paris 18), les membres de Nor Belgraad se sont confiés à nous sur leur folle traversée des routes françaises (et belges), des studios d’enregistrements et des bureaux de labels.

 

Si l’idée de « post-punk » apparait beaucoup lorsqu’on les présente, les membres de Nor Belgraad ne s’embêtent pas à se définir par un genre musical précis. Non non, le groupe originaire du nord de la France n’a qu’un mantra en tête quand il en vient à la musique : « Il faut jouer. » pendant des heures et des heures, et se laisser aller à la liberté de l’inattendu.

Venant tous de planètes musicales différentes, Clem, Theo, Tigrou, Leo (comme ils se sont nommés sur BandCamp) se sont retrouvés sur ce projet un peu par hasard, après « une grosse blague ». Un soir, alors que les quatre potes se retrouvent pour boire un verre à Paris, voilà que leur vienne l’idée de créer un groupe fictif, dont le nom serait Noir Belgraad (parce qu’un cinquième ami à la table était serbe, et « noir » parce que ça claque).

Plus tard, lorsque l’idée d’un vrai groupe, de vraies chansons, d’un vrai projet commença à se former, ils réalisèrent qu’il leur manquait une chose assez importante; un nom de groupe. En enlevant le -i de « Noir », est né Nor Belgraad : parce qu’ils viennent du nord de la France, et qu’ils ont un ami serbe.

L’autre soir, en discutant avec Clément -chanteur et bassiste du groupe- après leur concert à l’Olympic café (Paris 18), les mêmes thèmes revinrent comme des refrains ; « il faut jouer » et le reste avance tout seul. Il faut jouer parce que « faire de la musique, c’est comme tomber amoureux, ça se contrôle pas. » Il faut jouer parce que « la musique, c’est se confronter. »

Et c’est vrai. Le planning est chargé pour le groupe. En tournée depuis début septembre, celle-ci continuera jusqu’à décembre. C’est d’ailleurs leur toute première tournée officielle, puisque celle d’avant avait été annulée (ou simplement reportée) à cause de l’épidémie de covid.

Il s’agit du premier « gros »  projet personnel de Clément, qui le précise, n’est absolument pas bassiste normalement (dont il joue « mal » selon lui) mais guitariste, plutôt porté sur la soul. Théo, qui a fait le Conservatoire, s’intéresse davantage au jazz et Thibaut à l’électro. Ce mélange assez hétéroclite offre ainsi toute l’originalité du projet Nor Belgraad. Ça et l’acharnement passionné de chaque membre à jouer « 4 à 6h par jour ».

Leur prochain album sort le 10 mars prochain chez Howlin’ Bananas records et on attend avec impatience la release party. D’ici là, vous pouvez déjà retrouver le groupe en concert le 21 novembre prochain au Pop Up du Label à l’occasion de la Nuit Rock aux côtés de Ravage Club et Vénus d’argent.