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Julia Escudero

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Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Voilà maintenant 22 ans que Shaka Ponk a débarqué dans le coeur de ses fans. Quelque part 22 ans pour un groupe c’est une véritable ère. Comme 90 ans de vie pour un humain.e. Il devient dans les consciences collectives un repère, de ceux qui seront toujours à vos côtés. En France, la formation très engagée a boulversé des vies, éveillé des conscience, donné le goût au live, tracé parfois sans le savoir des trajectoires et des carrières. Mais voilà qu’il fallait arrêter, pour se concentrer sur d’autres projets, pour défendre des convictions écologiques, et donc dire au revoir. Le Final Fuck*d Up Tour posait donc ses valises à l’Accor Arena pour un long adieu du 27 au 30 novembre 2024. Un moment qui se vivait tel un deuil à travers ses 5 étapes, soir après soir. On vous raconte.

Shaka Ponk et la colère

Il existe une théorie qui dit que le deuil se déroulerait en 5 stades distincts, dans un ordre spécifique pour mieux mener à l’acceptation. Si la théorie a fait beaucoup parler d’elle, elle ne manque pas aussi d’être contredite dans son ordre. On passerait d’un stade à l’autre, en revenant au premier. C’est ainsi qu’il faudra faire nos adieux à Shaka Ponk dans le désordre émotionnel et dans l’ordre qui correspond le mieux au groupe. Ainsi la première étape de notre périple sera celle de la colère. Ce sera d’ailleurs l’un des premiers mots que prononcera Frah en montant sur scène en cette soirée du 28 novembre. Mais aussi pour ces autres soirs qui verront une set list similaire être amplifiée par une émotion de plus en plus grande, rendant à chaque concert son unité. Le groupe débute son set sur une estrade centrale, située dans la fosse, après avoir été serrer un maximum de mains dans les gradins. Le dernier contact physique avant le deuil, les douloureux adieux, il fallait poser ses yeux sur les êtres aimés encore un peu.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

La colère, donc, nous disions, perchés sur leur plot central avant d’entonner « I’m Picky » à l’acoustique. En colère de devoir s’arrêter, à cause, disent-ils d’un gouvernement fou et destructeur qui ne se responsabilise pas sur la condition de la planète, qui n’a pas de respect pour l’humain, divise et appauvrit. Alors cette colère, motrice, elle pousse à faire sa part, partir vers d’autres horizons, notamment vers The Freaks, le collectifs d’artistes engagés pour la planète créé par Frah et Sam en 2018. Cette colère, elle s’exprimera à plusieurs reprises au court de nos quatre soirées de concerts. Lorsqu’un Macron, marionnettiste géant apparaîtra sur les écrans pour pousser dans une folie meurtrière et capitaliste des hommes dans un ravin. La colère sera aussi là quand il s’agira de défendre corps et âme des valeurs. Lorsque les drapeaux palestiniens flotteront sur scène pour ne jamais fermer les yeux sur une guerre atroce qui se déroule en ce moment même. Elle se traduit par ses revendications à l’égard de Paul Watson dont la libération sera explicitement demandée et dont l’anniversaire sera chanté lors du clap de fin du 30 novembre. Elle existe encore lorsque le groupe confie ne pas aimer les gens à travers les paroles de l’astrophysicien et philosophe Aurélien Barrau, présent sur scène, qui signe la préface de son dernier album, et profite de ces soirées pour lire un texte engagé. Il y parle de la colère qu’il a lui aussi face à l’attitude des gens qui ne respectent pas la planète, se détournent des autres, lorsqu’ils « génocident » ajoutera-t-il encore. Même si, Samaha fera mentir brièvement ce désamour pour parler de son amour pour leur public et pour son meilleur ami, présent le 30 novembre dans l’assemblée. La colère, elle génère aussi des brasiers d’amour ces soirs là. La colère contre celles et ceux qui n’acceptent pas les autres dans leur entièreté pour mieux demander à ce chacun.e d’être soit-même, d’être entier, de s’aimer comme ils et elles sont et pour mieux brandir un drapeau LGBT en fin de set.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Shaka Ponk : le choc et le déni

Le choc, c’est aussi celui frontal et brutal du live pour ce groupe qui a toujours donné son énergie à 100 % à chaque performance. Ce soir, il est physique le choc, alors que le groupe n’a de cesse de s’offrir des slams dans la public. Frah y nage, y traverse le Styx, avec l’aisance de celui qui en est mille fois revenu. Je me souviens à mes débuts dans le journalisme l’avoir interviewé et évoqué ses souvenirs de concerts. L’un de ses pires s’amusait-il à conter, consistait en un slam raté alors que la foule s’était écartée d’un coup pendant qu’il était dans les airs. La chute lui avait cassé quelques os. Aucune peur n’en avait pourtant résultée. Lui et Samaha, celle qui avait valu à la formation son immense notoriété quand elle l’avait rejoint en 2011, n’ont de cesse de le traverser ce fleuve. Confiants, et portés par tous.tes. Et puis il sera très littérale, le choc,  pour le public de la fosse invité à participer à un circle pit géant à mi-concert. « Attention, il y a des morts chaque soir » scandera Frah sur son plot central,  avant d’inviter la foule à courir à toute vitesse.  Pour mieux vivre le deuil, mieux vaut trouver son exutoire et l’exercice en est un bon.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Le choc c’est aussi celui d’une setlist diablement rock « Wanna Get Free », « Twisted Mind », la reprise de « The House of the rising sun » en version mi acoustique, « 13 000 heures ». Shaka Ponk savait rendre au rock français ses lettres de noblesses, s’osant à un punk que l’on trouvait si peu chez nous. « Faire des roulades dans la foule et danser aux côtés d’un singe géant, quelle vie de fou vous nous avez offert ! » s’émerveille Frah . Le deuil c’est l’occasion de bilan forcé, de souvenirs qui remontent en masse. Ceux d’un premier concert adolescent, à la découverte de guitares qui crient et d’écrans géants qui offrent un univers inconnu. Le choc, il était là au début, dans les yeux émerveillés de la découverte, d’une passion déclenchée, comment aurait-il pu ne pas revenir pour les adieux ?

Et forcément, il provoque le déni. Ce ne peut être la fin ! Pour mieux vivre avec lui, une chorale accompagne le moment. D’abord dans les hauteurs , puis se mêlant de plus en plus à l’avant scène jusqu’au rappel. Il faut de la douceur aussi pour réussir à dire au revoir. Toutes ces mains tendues sont bonnes à prendre, et ces voix tendues, à écouter.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Shaka Ponk et la grande tristesse

Elle est évidente celle-là non ? C’est déjà celle d’un public qui n’a de cesse de les suivre et de les retrouver date après date. C’est aussi celle qui s’entend dans la voix de Frah lorsqu’il parle la voix cassée de son émotion. « Chaque soir c’est de plus en plus difficile », confie-t-il d’ailleurs.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Etre triste à un show de rock endiablé, ça parait impossible, improbable et pourtant, c’est bien présent. Sur scène, les temps acoustiques du début, la reprise de « Smell like a teen spirit » de Nirvana, viennent à personnifier ce sentiment. Pour l’expliquer, le chanteur prendra le temps de parler des enfants du Monde qui ont aujourd’hui besoin de nous. Ici pour les guider, en Palestine où la guerre vole leur candeur, en Israel où elle ne les épargne pas. « On croit toujours que le bonheur c’est plus tard… » expliquera le musicien, que ce serait quand on aura une maison, une carrière, quand on possèdera tel ou tel bien, mais c’est faux, ce n’est qu’illusion tient-il à partager. Je ne sais pas quand et où serait ce bonheur tant convoité. Je sais que la tristesse c’est maintenant. Elle est mêlée au sourires provoqués par les souvenirs. Ceux là sont beaux et puissant. Un groupe de musique et leurs compositions peuplent nos vies et habillent nos moments. Leurs concerts offrent le piment dont nos quotidiens ont besoin. La grande tristesse, elle est toujours en demie-teinte. Et pour mieux se plonger une dernière fois dans le passé, le groupe invitera ses anciens membres à les rejoindre sur scène en cette soirée du 28 novembre. Le passé, il frappera à la porte de Samaha, le 30 novembre, date anniversaire de la mort de sa maman, comme elle le confiera avant de quitter la scène pour la dernière fois. Et pour sécher ses larmes, il faudra se tourner vers l’avenir. Les adieux qui peuplent la fin d’une ère, c’est connu, rappellent que la suivante arrive et qu’elle sera belle, pour nous ou alors pour d’autres. Et c’est ainsi qu’elle invitera des enfants à monter sur scène. Eux aussi, vivront un jour, le dernier concert de ce groupe qui les aura fondé et formé à appréhender le Monde. Tout finit et tout recommence.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Shaka Ponk et le Marchandage

Le marchandage sera peut-être l’étape un peu moins belle du concert. Shaka Ponk ne souhaite pas laisser la scène depuis le début de cette tournée et ça se sent à chaque date. Pour allonger la soirée, la bande de fous furieux ne recule devant rient, parlant beaucoup et offrant un concert de presque 3 heures, ponctué de beaucoup de propos et d’un peu moins de morceaux. C’est l’envie d’en dire énormément, beaucoup, de dire tout ce qu’on a à dire temps qu’on a un micro et des oreilles attentives. Parce que le groupe tient à ses messages, il prend le temps de tous les faire passer. Encore un peu de temps, alors que les morceaux s’étirent en des bridges instrumentaux qui permettent à la foule de se mettre au sol puis de sauter dans les airs, de pogoter, de slamer.

Shaka Ponk marchandera d’ailleurs son départ jusqu’au plus tard possible. Il s’offre un évident rappel sur  « Rusty Fonky » – alors qu’on aurait bien marchandé « Stain » -, énergique comme jamais mais qui, contrairement aux concerts traditionnels, ne sera pas la dernière note du show. Cette dernière sera de longs échanges avec le public « C’est vous Shaka Ponk » n’hésiteront-ils pas à dire et redire. C’est dur de dire au revoir d’un côté et d’autre de la scène alors on gratte les minutes et les secondes pour mieux nier la réalité.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Shaka Ponk et l’acceptation

Il faudra sûrement un temps plus long pour parfaitement accepter ces adieux prononcés. Côté groupe, pour arrêter cette folle vie. Côté public, pour se laisser surprendre à l’été prochain de l’absence de nom du groupe sur les affiches des festivals qu’ils peuplaient chaque année. Il faut bien des anniversaires et des moments à vivre sans l’autre pour comprendre pleinement que cette nouvelle page elle se fera sans eux. Mais l’avantage en musique est que l’art offre la vie éternelle. Si nous ne bondirons plus avec Goz, leur mascotte, nous pourrons toujours trouver du réconfort auprès de leurs albums. Les nouveaux souvenirs pourront se constituer en écoutant leurs morceaux et en prenant plaisir à les redécouvrir au cours de nos vies. Un morceau ne nous quitte jamais vraiment et pour ça, au moins pour ça, on pourra transformer l’acceptation en gratitude.

Shaka Ponk - Accor Arena Paris 2024 - Crédit photo : Louis Comar
Shaka Ponk – Accor Arena Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Le 1er novembre 2024, The Cure faisait son immense retour. Le groupe mené par Robert Smith publiait en effet son nouvel opus : « Songs of a lost world ». Un digne retour aux sources, sombre et abouti et surtout une première depuis l’album « 4 : 13 Dream » sorti en 2008. Si ce nouvel opus crée évidemment une immense effervescence, il rassemble les fans de la formation et leur permet d’enfin se mettre de nouveaux titres sous la dent. Mais c’est aussi l’occasion d’en profiter pour redécouvrir la discographie de la troupe de Robert Smith et ses 14 albums salvateurs. Nous avons choisi de parler de ce qui est le chef d’oeuvre de la formation : l’album « Pornography » sorti en 1982. Un must qu’il faudra absolument avoir écouté.

The CureThe Cure : Pornography , d’où viens tu ?

Nous sommes en 1982, The Cure a déjà quelques années de carrière à son actif. Formé en 1978, le groupe de Robert Smith a donné sa définition, et sûrement l’une des plus importantes, de ce qu’est la cold wave.  A ces côtés Joy Division est l’autre représentant indissociable du courant.

En 1979, nos Cure, formés depuis 1978, sortaient  leur premier né « Three Imaginary Boys », un opus aux couleurs plutôt douces pour ses créateurs.  Une prouesse indiscutable qui attire tous les regards et toutes les oreilles.  S’en suivent deux très beaux albums, respectivement « Seventeen Seconds » (1980) et « Faith » (1981). Pourtant,  très vite, les véritables aspirations de la formations vont faire surface. D’abord avec le single hors album « Charlotte Sometimes » qui convoque toute la noirceur de la psyché du trio en 1981. Les démons du frontman s’y matérialisent mais sont de plus en plus insistants. Il expliquera plus tard ne voir que deux options tout abandonner et se tuer ou composer un album sorte de thérapie musicale. Ainsi se crée ce qui deviendra avec les années, l’obsédante trilogie sombre qui  vaudra à The Cure ses lettres de noblesses : « Pornography » en tête de liste puis « Desintegration » (1989) et « Bloodflowers » (2000). Triptyque glacé et glaçant, reflet d’un Robert Smith dompté par ses peurs, sa dépression, son obsession de la solitude mais aussi par l’emprise de drogues sur son psyché, le LSD en tête de liste. L’album de génie du gothique est créé avec la participation de Phill Thornalley, jeune ingénieur du son désireux de créer un album expérimental. Il apporte une vraie force aux compositions de Smith et sa bande lors de leur entrée en studio. Il n’était pourtant pas le premier choix de The Cure, le nom de Conny Plank avec lequel le groupe partage un intérêt commun pour Kraftwerk avait été envisagé. Le passage en studio s’étend finalement de janvier à avril 1982. Durant cette période alcool et drogues coulent à flot. Pour ne pas trop dépenser, la formation dort dans les bureaux de leur label. Côté travail, il seule obsession les réunie, faire l’album le plus intense possible. Smith se laisse complètement aller, auto-centrer il canalise tout ce qu’il y a de plus sombre en lui. Il avoue avoir alors involontairement fait le vide autour de lui, perdant tous ses ami.es sans exception.

The Cure PornographyPlonger dans les ténèbres, y chercher The Cure

Les deux précédents albums qui constituent la discographie de notre formation, « Seventeen Seconds » et « Faith »,  empruntent il faut le dire, à la mélancolie pour s’écrire. « Pornography », va beaucoup plus loin, touchant au nihilisme. Les mots « It doesn’t matter if we all die  » y sont d’ailleurs les premières chantées.  Il faut dire qu’à ce moment là, Smith et ses comparses sortent d’une tournée épuisante pour « Faith ». Marathon sans fin, tourbillon viscéral qui ne laisse aucune place à l’apaisement. Celle-ci aura visiblement fragilisé un chanteur déjà en proie à ses démons. Ceux-ci prennent alors entièrement le dessus, renforcés par la prise de stupéfiants. Nos musiciens sont alors à bout, presque paranoïaques. L’aire de l’après punk s’étend comme une traînée de poudre sur l’Europe, la cold wave porte bien son nom. Cette vague dépressive va tout balayer sur son passage, redéfinissant à tout jamais le monde du rock. « Faith » et son espoir de foi sont loin derrière, « Seventeen Seconds » a d’ailleurs passé la seconde en matière de noirceur dévorante.

A bout de souffle et enchaînant les prises d’anxiolytiques pour mieux supporter  la vie de tournée, le meneur de la formation – et seul membre que l’on retrouve sur les 14 opus que compte le groupe à son actif- décide de tout exposer. Un dernier titre se dit-il pour vomir aux yeux de tous ses maux et les méandres de son esprit. C’est dans cet état d’esprit qu’il entre en studio. Il y trouvera sûrement une dose de rédemption puisque finalement l’album se conclut sur ces mots « I must fight this sickness, find a cure ».  C’est au Rak Studio One de Londres que la magie opère. Pour parfaire la noirceur jusqu’au boutiste de notre galette Smith peut compter sur la batterie précise de Tolhurst, frénétique, entêtante, elle vient casser la mélodie de la guitare pour la rendre encore plus lourde, dense, infernale.

The Cure Pornography

De son côté le bassiste Simon Gallup vient casser tous les codes de ce qui fait un morceau de rock, entrainant dans son sillage des années de créations musicales. Une colère poisseuse vient alors se déverser sur l’auditeur, titre après titre. Monstre de tristesse en trois étapes, adieu sans sourciller à un courant dont ils sont les visages les plus connus. « Pornography » glace autant le sang qu’il fascine. Impossible de ne pas être obsédé.e par les notes hantées de « One Hundread Years » qui ouvre ce bal du diable. Les huit morceaux qui le composent sont tous dans cette veine et s’offrent une montée en puissance phénoménale jusqu’à « Cold » qui porte divinement son nom et enfin son final sur « Pornography ».

Du remède au succès

The Cure Robert SmithL’album semble inaccessible … et pourtant. Il s’offre immédiatement une entrée dans le Top 10 britannique. Il va s’offrir aussi une très belle notoriété en Nouvelle-Zélande. Il est pourtant de ces opus qui s’appréhendent mieux avec le temps et demandent quelques années pour être mieux compris. C’est aussi grâce à la tournée qui le suit que le groupe développe pleinement son image, avec notamment les cheveux noirs que l’on reconnait entre mille.

L’album ne suffira pas à lui seul à offrir à Smith une thérapie salvatrice, il lui faudra des années pour poursuivre son oeuvre et offrir au Monde les deux albums qui succèderont et clôtureront cet essai musical. Il prendra ainsi un terme en 2000 avec « Bloodflowers ». Ses nombreuses récompenses viennent à encrer l’image culte de cet album hors cases : Brit Awards, NME ou encore MTV Awards. Seul Rolling Stone vient accabler l’album à sa sortie. Mais il arrive régulièrement à Rolling Stone de faire des erreurs.

Si « Pornography » a canalisé une bonne partie des humeurs sombres de The Cure et surtout de Robert Smith, son nouveau jet « Songs of a lost world » prouve que notre homme n’a pas encore trouvé le remède à ses souffrances psychologiques. Et que cette noirceur reste sa plus belle arme en matière de compositions.


Alerte, ceci n’est pas un entrainement, Ezra Furman vient de dévoiler un nouveau morceau intitulé « Tie Me to the Train Track » aux côtés d’Alex Walton !

Ezra-furman-alex-waltonVoilà un moment qu’on vous parle d’Ezra Furman, compositrice de génie qui en plus de signer la parfaite B.O de « Sex Education » offrait à 2022 l’un de ses plus beaux albums : « All of Us Flame ». Artiste à fleur de peau et à la voix  aussi érayée qu’époustouflante, elle fait partie de celles dont on applaudit chaque sortie. La musicienne s’était pourtant faite rare ces derniers temps. Après 9 albums – doit on encore rappeler qu’ils sont brillants ?- elle avait clôturer sa tournée en 2023. Depuis elle choisissait de se mettre de côté abandonnant un temps la scène sans donner de date de retour. A notre plus grand désarroi. A l’exception près de quelques concerts donnés dans sa ville natale de Boston où elle officie sous le nom de Ms. Ezra Furman Does What She Wants. C’est là qu’elle rencontre parmi une communauté artistique, Alex Walton, artiste prolifique qui a sortie deux album et un EP cette année.

Deux titres : « Tie Me to the Train Track » et «  »Beat Me Up »

Ezra Furman & Alex Walton - Beat Me Up (Official Audio)

De cette rencontre sortent deux sublimes titres. Le premier « Tie Me To The Train Track » a l’âme de l’un des plus grands morceaux d’Ezra Furman : « Train Comes Through ». Il lui emprunte, certes, un mot de son titre mais aussi une capacité à créer une forme d’urgence musicale. Il en a également la profonde mélancolie sublimée par un rythme soutenu, qui entraîne son auditeur dans un tourbillon émotionnel. Le second, chanté par Alex Walton, la face B, s’intitule « Beat me Up ». Leurs compositions sont brutes et pourtant travaillées. Il faut dire que ces deux morceaux ont la finesse de lames de rasoirs. Ils coupent dans le vif, des entailles avec une précision millimétrée. Toujours sur le fil, les comparses oscillent entre douceur et morceaux presque crachés, comme un exutoire entre retenue et pulsions.

Du titre Ezra Furman dira : « J’ai rencontré très peu de personnes qui comprennent à la fois la puissance psychospirituelle et le potentiel de nos formes héritées de musique populaire et qui peuvent également exécuter la magie pratique qui crée de nouvelles expressions de cette musique. Alex Walton est l’une de ces rares personnes. C’est une déesse du rock’n’roll qui a changé ma vie. Nous avons composé cette chanson dans un élan de passion névrotique dans sa vieille maison de Roxbury, à Boston.  »

Si Alex Walton a changé la vie d’Ezra Furman. Sa musique, elle, inspire les nôtres. Reste à espérer un retour sur scène et un nouvel album dans les plus brefs délais.


(Interview vidéo – Terrifier 3 de Damien Leone n’a rien d’un film grand public. Il n’est pas non plus mainstream. Il est extrêmement gore, violent, jusqu’au boutiste, référencé … et pourtant. Le troisième volet de la franchise qui met en scène Art le Clown a déjoué tous les pronostics. Suite à un buzz monstrueux le voilà donc premier du box office et détruisant au passage un clown pourtant bien plus connu qu’Art : le Joker. Finalement Vicky au visage déformé a bien plus de succès aux côtés de son clown démoniaque que la pauvre Harley Queen  (Lady Gaga tout de même) chantant au bras de Joaquim Phoenix. Il faut dire que le couple de Terrifier 3 personnifie à lui seul l’idée de folie à deux. Et c’est sûrement cette folie, en plus d’un buzz TikTok inattendu qui font de ce film indé sans aucune prétention un objet à voir absolument. Film après film Damien Leone, son réalisateur fou furieux, n’a de cesse de démontrer son amour dingue du genre horrifique. Pour ses Terrifier, il emprunte aux couleurs des slashers de l’âge d’or des années 80 et pousse les vices et éviscérations à leur apogée. Prends note, s’il te plait Ty West,  la trilogie X  avait tout ce qu’il fallait pour jouer des clin d’oeil à la belle et jusqu’au boutiste époque, mais sa timide réalisation, ses hors champs et sa pudeur n’auront jamais eu l’impact attendu. Ici on en est loin,  le film ose tout, toujours avec humour, recul, à coup de meurtres hyper violents mais non réalistes.

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Terrifier 3 : rencontre avec Lauren LaVera et Olga Turka

Douche sanguine pour majeurs seulement

Le bain de sang dure deux heures durant lesquelles il n’existera absolument aucune limite. D’ailleurs c’est bien pour ça que le film se verra attribuer une interdiction aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salles. Une décision hautement contestée par le distributeur, Shadows, qui y voit une forme de censure d’un cinéma toujours décrié, souvent incompris. Une telle interdiction n’avait d’ailleurs pas été appliquée depuis le sortie de Saw 3 (celui dans lequel on peine à se rappeler ce qui se passe tellement la franchise a tourné au grand guignol dès son second opus) et même l’immense Martyrs de Pascal Laugier y avait échappé de très peu. Un film pourtant bien plus réaliste et dérangeant que l’immense montagne russe que peut être Terrifier 3. C’est peut-être cette censure qui aura fini par jouer en faveur du métrage de Leone, le sortant de son carcan de film indépendant adressé au public averti pour mieux devenir le film que l’on teste pour se prouver ses limites, pour savoir si on est capable de le regarder en intégralité. Et c’est sûrement ce jeu enfantin qui rend un métrage comme celui-ci si excellent dans son propre registre puisque toujours conscient de son statut, toujours aussi drôle que son dérangé protagoniste.

Le boogeyman ultime n’existe pas … ho wait

Art le clown y garde son côté Charlie Chaplin horrifique comme nous le confiait Olga Turka (production designer et costumes) au court d’une interview partagée aux côtés de Lauren Vega (interprète de Sienna). Notre nouvelle final girl, dont le nom sera sans nul doute aussi connue prochainement que ceux de Sidney Prescott ou encore Laurie Strode, donne un pendant angélique idéal au clown diabolique. L’actrice prend d’ailleurs le temps de parler de toutes celles qui lui ont succéder, Laurie, Sidney, Mia Allen (Evil Dead version 2013) ou encore les plus délurées des scream queens du cinéma de Rob Zombie. D’ailleurs si Terrifier s’offre un esprit cinématographique qui joue bien dans la cours de ce dernier, il pourrait tout autant être comparé à la franchise Paranormal Activity. Lui aussi, film indépendant à micro budget, créé avec le crowd founding,  lui aussi porté par un buzz et une promesse de terreur supérieure, lui aussi grimpant de façon complètement incongrue dans le box office. Si on peut souhaiter un pareil succès à Leone, il faudra aussi lui souhaiter de garder longtemps son esprit ravagé et sa volonté  à se la jouer indé hors studio pour ne jamais avoir à se plier, chercher à faire plaisir ou à se censurer. On en redemande des scène de purées, de corps découpés par les fesses, de tripes d’enfants à l’air libre, de torture avec rats ou de cryogénisation ( hello le clin d’oeil à Jason X). C’est aussi de tout cela dont on parle au cours d’un échange passionnant avec nos deux acolytes propulsées sur le devant de la scène. Des projets de suite pour le réalisateur qui sait déjà où et comment son oeuvre devra s’achever, de clin d’oeil de l’art dans l’art (et d’Art), de boogeymen mythiques, de final girls et de féminisme, de retour aux slashers à l’ancienne (la nostalgie du vintage ici est aussi dégoutante que fascinante) , de maquillage et de litres d’hémoglobine. Pour tout savoir, vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous. Mais surtout, si vous avez le coeur bien accroché, courrez le voir au cinéma (plus vite que si Art vous courrait après). Certes, c’est toujours étrange de voir le grand public s’emparer d’un phénomène que l’on pensait adresser à un lot d’experts, mais quel plaisir de voir qu’on peut donner de la force au cinéma de genre et prouver aux salles que l’horreur n’est pas un sous genre et mérite une place centrale sur grand écran !


Terrifier 3 : Découvrez l’interview de Lauren LaVera et Olga Turka