Pour les amateurs de cinéma d’épouvante « The Jane Doe Identity » est loin d’être une découverte. Pourtant, le film signé André Ovredal ( à qui l’on doit la très agréable surprise « Troll Hunter » qui partait d’un postulat plus que risqué) ne sort en salles que ce mercredi 31 mai 2017.
Les plus assidus, eux, l’avaient déjà vu en festival au PIFFF de Paris ou au festival du film fantastique de Gérardmer. Les autres pourront enfin le découvrir sur grand écran puisque, contrairement à beaucoup de ses compères de plus ou moins grande qualité, il aura la chance de profiter d’une véritable sortie dans les salles obscures de notre beau pays. Dans le cas d’un film de genre c’est déjà beaucoup. Alors quand on pense que notre pays sera celui d’Europe a lui accorder le plus de salles, on se dit que tiens, il doit y avoir quelque chose.
Le réalisateur de notre métrage s’était fait connaître en son temps en s’essayant au classique found footage. Pour ceux qui ne savent toujours pas ce qu’est un found footage, vous faisiez quoi ces dernières années? Il s’agit de ces films de genre filmés caméra à l’épaule pour se la jouer « voici les authentiques cassettes retrouvées sur les lieux de tel crime ». Comme « Blair Witch » ou « Paranormal Activity » oui. Bien décidé à ne plus jamais renouveler l’expérience, une fois pas deux, merci beaucoup d’ailleurs, le found footage c’est sympa sauf quand ça devient une norme sans fin, notre réalisateur a donc choisi de se livrer ici à un jeu de caméra plus « classique » servi par un huit clos.
Mais de quoi ça parle ? Le shérif d’une petite ville américaine est appelé sur une scène de crime sordide. En effet, trois personnes sont retrouvées mortes dans une maison et aucune effraction ne semble avoir été commise. Au sous-sol, la découverte du corps d’une femme nue, à moitié ensevelie dans la terre est une surprise. La cause de la mort de l’inconnue(une Jane Doe, comme on dit aux States) tout comme son identité pose un certain nombre de questions. Il débarque donc dans la nuit chez Tommy Tilden et son fils Austin (interprétés par Brian Cox et Emile Hirsh) tous deux médecins légistes. A mesure que l’autopsie avance, des éléments de plus en plus étranges et de plus en plus angoissants se multiplient. Quels secrets notre Jane Doe cache-t-elle? Mychtère.
Voilà donc notre postulat, simple, efficace. En guise d’inspiration, Andre Ovredal s’amuse à citer « Conjuring », « Seven » et Hitchcock, rien que ça. Vous avez des étoiles dans les yeux? Le mélange des trois paraît magnifique? Détendez-vous, on est toujours en 2017 et on a déjà eu un excellent film de genre avec « Split » alors réitérer deux fois l’expérience, faut quand même pas déconner.
Le film démarre à merveille. Le mystère est là, épais, dense, il vous englobe et vous emballe. D’où vient cette inconnue? Qu’est-il arrivé dans la maison? On veut savoir, tout, vite. L’autopsie devient rapidement une enquête et avec la minutie de nos personnages principaux, l’idée d’une explication scientifique qui se heurte à des éléments paranormaux fait palpiter le petit cœur plein de bonne volonté du spectateur que je suis. Le duo père-fils fonctionne. Sans pour autant avoir un amour sans fin pour nos personnages, en leur donnant un vague background familial, « The Jane Doe Identity » arrive à faire exister ses héros, du moins dans leurs très grosses lignes. Ça c’était pour le côté « Seven », deux hommes sur une enquête. C’est maigre pour penser à « Seven » ? Oui c’est vrai, on pense surtout aux premiers pas de « CSI », ceux de Vegas hein ? Pas ceux de l’antipathique Horatio à Miami.
Vient ensuite l’inspiration « Conjuring ». Ce serait quoi ça ? Faire peur, multiplier les jump scares et ce avec du classique. Jouer avec les codes établis, les traditionnels « derrière toi mon gars, regarde derrière toi », les esprits frappeurs, les objets placés pour faire peur plus tard. Une clochette au pieds des morts par exemple. Bref, aucun besoin d’être constamment dans l’ultra originalité pour créer l’angoisse. Et c’est une bonne chose finalement. Ça évite d’être lourd. Et là dessus, le film fonctionne plutôt bien. Le lieu clos permet de créer une angoisse croissante, tout comme l’image qui s’assombrit au fur et à mesure des minutes qui passent. La musique, utilisée comme un levier à angoisses, tout comme dans « Jeeper Creepers » ajoute sa pierre à l’édifice et à l’identité de l’œuvre. Quelques scènes sont certes prévisibles mais le tout donne un ensemble harmonieux qui fait plaisir à voir.
On passera sur ce qui pourrait être l’inspiration Hitchcockienne du film parce que si on ne veut pas se la jouer honteusement tiré par le cheveux la seule explication rationnelle serait, euh c’est un film angoissant?
Tout ça mis bout à bout, qu’est-ce qui empêche ce film d’être une totale réussite ? Qu’est-ce qui fait qu’en sortie de salle on se dise « c’est bien, mais… » ?
Probablement son besoin improbable de trop mélanger les genres et de se perdre. Une enquête, des réponses surnaturelles mais cohérentes, le point de vue de la médecine légale pour corroborer sa thèse aurait en soit été grisant. La révélation finale elle, tombe à plat, tant elle correspond peu à son postulat de base.
Thématiques autour de l’œuvre
Si d’aucun parlait en avant-première d’un message féministe ou non, le réalisateur évoquant une femme qui a le contrôle sur deux hommes, le sujet premier du métrage est bien loin de ces considérations. L’art actuel ne devrait en rien se résumer continuellement en une perpétuelle lutte des sexes (ou des classes ou des communautés comme le tentait le décevant « Get Out »).
Si la magie de « Conjuring » opérait, le premier hein, parce qu’on ne dira jamais assez de mal du second métrage, ce film tellement lourd qu’en sortie de salle t’as l’impression d’avoir mangé un hamburger-au lasagne-gratin dauphinois- et kebbab- c’est bien parce qu’il savait se réapproprier des codes et en jouer à la perfection. Il constituait d’ailleurs certainement le meilleur du surcoté James Wan qui a beaucoup de mal à savoir comment doser ses effets et donc éviter de passer du flippant au grotesque. C’est probablement ce qu’a voulu faire Overdal, bien décidé à avancer dans sa carrière en proposant un film aux enjeux simples: faire peur.
Dis comme ça, l’idée pourrait sembler saugrenue. Loin de là, on n’accuse pas une comédie de simplement vouloir faire rire alors pourquoi un film d’horreur ne devrait-il pas simplement vouloir faire peur? Et si on le regarde sous l’œil de la bienveillance et de l’indulgence, le pari dans son ensemble est réussi. Pas de quoi se réveiller en sursaut la nuit? Oui certainement mais simplement ce qu’il faut pour passer un beau moment de divertissement en n’ayant ni perdu son temps ni son argent.
Au milieu de tout ça, de ce renouveau du genre qui puise dans l’ancien et se détache-enfin- de la caméra à l’épaule, le film qui nous réunit ici est une belle surprise. Loin d’être parfait, certes, mais qui promet quelques jolis sursauts et une montée en tension bien menée. Dommage donc de s’être perdu au moment de l’atterrissage.
Et pour répondre plus simplement à la véritable question que pose n’importe quelle critique, dois je aller le voir? La réponse est oui. Allez-y pour prouver aux distributeurs qu’il faut donner sa chance aux petits films de genre. Allez-y pour leur montrer que le cinéma d’horreur n’est pas une sous espèce destinée à un micro public de weirdos. Allez-y pour qu’on arrête de toujours nous imposer des œuvres « grand public » en ne laissant pas leurs chances aux autres et en partant du principe qu’il faut un bon gros budget pour mériter un grand écran. Allez-y pour passer un agréable moment, pas pour voir un chef d’œuvre ultime mais pour voir un film honnête, plaisant, parce qu’on pardonne les imperfections et pour donner leur chance à de véritables chef d’œuvres d’être projetés en salles. Sinon allez-y simplement pour sursauter une ou deux fois en acceptant de vous laisser prendre au jeu.
Vous pouvez aussi retrouver notre critique de « Grave » et « XX », histoire de vous donner quelques nouvelles idées de visionnage.