Du 25 au 29 janvier 2017, les amoureux du cinéma de genre avaient rendez-vous au festival du film fantastique de Gérardmer.

La journée du samedi, chargée en films de qualité avait pourtant son pic de demandes pour la séance de 20 heures 30. En effet était projeté de le très attendu « Split », nouveau film de M. Night Shyamalan, le petit génie à qui l’on doit « 6ème Sens » (on le dit mais vous le saviez déjà n’est-ce pas?) et dont la sortie française est prévue pour le 22 février 2017.

Ses excellents résultats en terme de box office aux Etats-Unis avaient de quoi rassurer les septiques. Pourtant être une jolie machine à pognon est-il encore synonyme de qualité? Dans un monde où une place de cinéma coûte un bras peut-être… mais là n’est pas le débat.

Toujours est-il que c’est avec espoir et méfiance que la rédactrice qui vous écrit s’apprêtait à voir ce petit bijoux. Espoir puisqu’il a fallu batailler dure pour obtenir le précieux ticket, tout le monde voulant assister à la projection. Espoir encore en raison d’une bande-annonce qui met l’eau à la bouche salement (façon Cujo qui matte une voiture m’voyez?). Méfiance pourtant puisque Shyamalan, l’incorrigible twister nous a habitué à une sérieuse descente en pression depuis l’incontestable et cultissime « 6ème sens » et a une série de métrages pour le moins inégaux. Dès lors l’envie de toujours twistter ses finals aura eu raison de la qualité irréprochable de ses œuvres. Sans jamais avoir basculé dans le carrément mauvais, le grand frisson de plaisir n’y était plus. « Phénomène », la fable écologique, « Le Village », « Signes » et ses verres d’eau et même « The Visit » found footage abouti pour un found footage n’étaient pourtant pas exempts de défauts. Et puis encore une fois, regarder un film en cherchant le twist-qui-va-trop-t’étonner-tellement-tu-l’as-pas-vu-venir peut complètement desservir une œuvre.

Ces bases posées revenons à nos moutons, « Split » donc est-ce que ça vaut le coup ? Arrêtons le suspens ici: c’est un très grand oui.

Commençons par un rapide rappel du pitch: Kevin ( James McAvoy) a déjà révélé 23 personnalités. Chacune d’entre elle possédant sa propre morphologie et ses propres caractéristiques psychologiques. Il est aidé par sa psychiatre dévouée le docteur Fletcher (Betty Buckley). Pourtant l’alliance de ses plus sombres personnalités prend le pas sur les autres bouleversant l’équilibre instaurée. Il enlève alors trois adolescentes dont la jeune Casey ( Ana Taylor-Joy que vous avez vu dans The Witch) qui possède une détermination sans limites. Le but de ce kidnapping provoque alors une lutte interne chez Kevin et révèle ce qui existe de plus sombre chez cet homme ‘brisé’.

Comme pour tout bon film à suspens, en dire plus serait pécher. Toujours est-il que le sujet aurait pu facilement sombrer dans les clichés de la pire espèce du schizophrène séquestrant trois ados écervelées. Et c’est avec soulagement qu’on peut dire qu’il n’en est rien. Dès ses premières minutes, le métrage présente nos trois adolescentes comme des personnes à part entière. On y croit, une phrase suffit à faire exister ces jeunes filles, et le père de famille bienveillant de l’astucieuse Claire. Il en va de même pour le personnage de Casey, loin du simple cliché de l’ado rebelle et à part , superbement interprétée par la brillante Ana Taylor-Joy. Un rendu opportun permettant de se lier au supplice de nos demoiselles et de créer un véritable malaise lors de scènes psychologiquement éprouvantes. Stephen King disait que pour qu’une histoire fasse réellement peur, il fallait faire aimer ses protagonistes. S’assurer que l’on se préoccupe de leur sort.

Et ça Shyamalan l’a bien compris. Puisque non content de nous faire aimer nos adolescentes, le métrage permet de créer un véritable lien avec Kevin et ses multiples facettes. Certaines étant aussi attachantes que d’autres peuvent être malsaines. Impossible de parler de « Split » également sans saluer l’incroyable jeu d’acteur de James McAvoy faisant exister des personnages si différents dans un seul corps. Une scène de manipulation avec le docteur Fletcher mérite rien qu’à elle le détours ne serait-ce que pour le jeu double de notre protagoniste. Tatiana Maslany d’ « Orphan Black » a face à elle une sérieuse concurrence.

Malgré la thématique de la schizophrénie et les évidents points communs avec Billy Milligan (véritable criminel américain possédant lui même 23 personnalités dont 13 indésirables), le film est loin d’un « Identity » qui jouait déjà avec le sujet ou d’un copier/coller fade d’une histoire réelle. Shyamalan prend ici soin d’aborder une thématique plus profonde, celle des « brisés », de ceux qui ont souffert et de la mettre en images, s’éloignant très rapidement de tout ce qu’on a déjà pu voir au cinéma.

Petit à petit « Split » tisse une toile d’angoisse prenante. Sa montée en tension particulièrement soignée ne laisse pas au spectateur le temps de souffler. Bien loin des métrages horrifiques proposés ses dernières années avec une très très longue montée en pression pour une véritable image choquante en bout de pellicule, « Split » promet son lot de rebondissements et de questions qui trouveront toutes leurs réponses. Plus que cela, l’œuvre va au bout de son sujet et respecte ses promesses créant enfin un personnage réellement effrayant et ce sans laisser derrière lui un lot d’incohérences.

Sans trop spoiler, la sensibilité de chacun, en fonction de ses peurs et ses gênes est mise à l’épreuve lorsque l’on regarde un film de genre. Une certaine déshumanisation poussée à son paroxysme auront eu raison de l’auteure de ses lignes. La projection me laissant tout bonnement bouche bée avec ce petit sentiment de malaise que seuls les meilleurs films de genre, ceux qui vous empêchent de dormir la nuit, ont su provoquer. Sensibilité personnelle? Excellentes circonstances pour le voir? Peut-être. Pour autant ce « Split » mérite amplement le détours en salle obscure pour en profiter pleinement et même la somme (trop élevée) que coûte une place de cinéma. Ne lisez pas les forums, ne cherchez pas à en savoir plus, courrez simplement le voir dès sa sortie et revenez nous dire ce que vous en avez pensé, puisque Dieu qu’il est difficile parfois de raconter une œuvre sans analyser en détails ses scènes clés. On a hâte de pouvoir en débattre sans la peur de trop en dire et de gâcher le suspens!

 

Write A Comment