Pour ceux n’ayant pas vu le film Suicide Squad de David Ayer sorti en salles le 3 août cet article contient des spoilers.
Difficile de passer à coté de Suicide Squad cet été. La faute à un marketing plus qu’agressif mais efficace de la part de DC qui jouait son va tout pour sauver son « Cinematic Universe » mis à mal par des résultats et des critiques plus que frisquets à l’encontre de son Batman vs Superman. Les rumeurs de reshoot de scènes en catastrophe pour coller à un esprit plus « fun » suite au succès surprise de l’irrévérencieux Deadpool alternaient avec les frasques d’un Jared Leto ayant pris, soi disant, son rôle de Joker un peu trop à cœur…
Poussé par la curiosité morbide de savoir si le regretté Heath Ledger serait supplanté par la performance de Jared Leto dans le rôle du Joker ou bien par un sentiment mêlé de nostalgie et d’espoir fou de voir Will Smith revenir sur le devant de la scène dans une grosse production digne de ce nom ( After Earth et Men In Black 3 étaient de regrettables accidents, n’est ce pas?), le public, débordant d’impatience, ne demandait qu’à être cueilli par le déjanté Escadron Suicide…
Inutile de rappeler, plus d’un mois après les faits, la grande désillusion ajoutée à la claque (dans le mauvais sens du terme) qu’a été la sortie du film. Rythme mollasson, humour approximatif (pour ne pas dire à coté de la plaque), enjeux flous, Cara Delevingne se déhanchant devant un mauvais fond vert en guise de menace ultime, réactions incompréhensibles des personnages… Un accident industriel comme on en a peu vu ces dernières années dans l’industrie du cinéma hollywoodien…
Néanmoins, le sujet de cet article reste Harley Quinn. Particulièrement mis en avant au cours de la promotion et dans le métrage, cela pouvait s’expliquer par la popularité du personnage auprès des fans et par la progression fulgurante de Margot Robbie. En effet, il y a encore trois ans, l’actrice australienne sortait de l’éphémère série Pan Am. Depuis, elle a pu participer au Loup de Wall Street, Diversion ou bien encore Tarzan. Une trajectoire ascendante dans la lignée du personnage crée non pas sur papier mais sur le petit écran pour les besoins de la série animée des années 90 dont le concept ne pouvait que plaire. Harleen Quinzel, psychiatre à l’asile d’Arkham (sorte d’auberge espagnole ou tout les ennemis de Batman finissent par passer à un moment donné ou à un autre) est le médecin en charge de l’analyse d’un certain Joker. Finissant par tomber amoureuse de lui, elle tombera aussi progressivement dans la folie en le suivant dans ses méfaits au gré d’une relation chaotique faite d’abandons et d’éloignements successifs. Un personnage fantasque, une sorte de Deadpool (sans la grossièreté gratuite du film). Adoptant un costume d’arlequin (d’ou le surnom d’Harley Quinn), son personnage va devenir en quelque sorte l’incarnation du jusqu’au boutisme de la folie amoureuse, quelqu’un abandonnant tout ce qu’elle est, ce qui la caractérise pour l’être aimé.
Cette présentation se veut sommaire et bien évidemment, comme beaucoup de personnages de comics, les origines d’Harley Quinn ont déjà connus plusieurs subtiles variations, mais force est de constater que tout était réuni pour que l’incarnation de Margot Robbie soit la meilleure possible. Couple terrible avec le Joker, personnalité « borderline » comme il est coutume de plus en plus de les aimer au cinéma dernièrement, décomplexion totale…
Force est de constater que pendant une grande partie du naufrage métrage, elle tire son épingle du jeu, se réservant les rares bons mots (la grande majorité se trouvant dans les diverses bandes annonces fournies par Warner/DC les mois précédant la sortie du film, mais ceci est une autre histoire), restant un des rares membres de l’équipe cohérents avec ce qu’ils sont censés être, à savoir des bad guys forcés de faire le boulot des « gentils ». Bref, le film avance, on sait déjà qu’on assiste à une purge mais on se dit qu’au moins la Harley Quinn de Margot Robbie sera une des rares satisfactions du film (avec le Joker par Jared Leto ? Le débat est ouvert), figure dynamique et libre d’un métrage engoncé dans les limites d’une industrie.
C’est alors que la scène de la discorde arrive. On est à la fin du métrage, l’Enchanteresse (toujours incarnée par la dodelinante Cara Delevingne) plonge les divers membres de la Suicide Squad dans une sorte de rêverie ou chacun y va de son fantasme personnel. L’un rêve de pas avoir commis l’irréparable au moment de l’apparition de ses pouvoirs, un autre rêve de pouvoir vivre pleinement le grand amour avec l’alter ego humain de la fameuse Enchanteresse… Bref, une sorte de « milk scène » tardive pour nous faire rendre sympathique des personnages dont le scenario approximatif et le montage erratique ont fini depuis de nombreuses minutes par nous désintéresser totalement de leur devenir. C’est donc le moment onirique d’Harley Quinn… Et voilà que son fantasme, son rêve le plus fou se trouve incarné par elle, dans une cuisine américaine type, avec une chevelure permanentée dont on imagine les bigoudis fraîchement enlevées, entrain de donner la becquée à deux charmants bambins et en faisant la bise à un Joker sans « maquillage » aucun ! Voilà, la vision du métrage d’Harley Quinn, une psychiatre ayant tout plaqué par amour pour le plus grand fou que la Terre ait porté mais qui au fond d’elle n’aspire qu’à être une ménagère ?! L’Arlequin du Joker, selon le scénario de Suicide Squad, n’aspirerait donc qu’à être une wanna-be Momonne ! Une desperate housewife de banlieue cédant quelques temps aux caprices de son excentrique mais ne désirant en secret qu’à préparer les sandwichs pour le midi des mômes, prendre un emprunt pour la nouvelle Lexus et mitonner des petits plats pour son doux et tendre au retour du boulot ?!?!
Voici au final, quand on demande de creuser un personnage au concept fort ce que ça donne ? Un personnage de femme forte et indépendante ne le serait donc que parce qu’elle n’a pas trouvé les moyens d’être une bonne femme au foyer ?!
Au final, si Suicide Squad accumule les ratés, l’un des plus grands sera celui du personnage d’Harley Quinn…