Cette semaine du 14 mars est marquée par la sortie physique d’un album déjà disponible à l’écoute depuis le mois dernier. Il se nomme See You Through et nous vient tout droit d’une cave crasseuse de Brooklyn où l’on tripote pédales et bidouille du matos extra-terrestre. Les scientifiques déjantés à l’œuvre s’appellent A Place to bury strangers. Ce n’est peut-être pas hyper approprié durant les temps qui courent mais il reste toujours le meilleur nom de groupe du monde. On profite de l’occasion pour parler de leur nouvel alien.
Avec See You Through, le goupe de rock indépendant américain qui compte déjà 20 années d’existence revient plus dévorant que jamais. Leur dernier album en date Pinned était une déjà sacré épreuve puisque, comme à son habitude, niveau production, le groupe n’est pas là pour mieller nos oreilles. Leurs morceaux, géniaux pour la plupart, peuvent s’avérer difficiles à écouter sans grincer des dents : voix distordues, basse crasseuse, effets saturés… Dans des airs de Joy Division sous acides, A Place to Bury Strangers produisent un rock sombre en débordement constant, où la musique est un scalpel. « The loudest band in the world » peut-on lire sur leur site internet. Toutefois, le groupe n’est peut-être pas aussi barré et loufoque qu’on pourrait le penser. Car derrière, la formation composée aujourd’hui de trois membres, Olivier Ackermann (chant, guitare), Sandra Fedowitz (batterie) et John Fedowitz (basse), mais qui en a vu défiler beaucoup d’autres, fait état d’un véritable talent de composition. Et ce nouvel album est là pour une nouvelle fois en attester.
Un volcan en éruption
Quatre ans après son prédécesseur, et dans un ton assez différent, See You Through prend des airs de maelstrom musical. Le groupe a décidé de voir les choses en grand, et de mettre le paquet. Là où les autres albums s’écoutaient volume 30, celui-ci n’a besoin que du niveau 15 pour jaillir avec la même puissance sonore. On imagine bien les voyants rouges de la table de mixage obligeant tout le monde à sortir du studio devant un tel raz-de-marée. La chanson la plus iconique à ce niveau-là semble être toute trouvée : « So Low », avec son titre trompeur de poti rigolo. Elle commence aux quarts de tour et ne s’arrête qu’après mise à terre de ses auditeurs. Le riff de guitare comme couche supplémentaire est la cerise sur le gâteau. Surplus total : tout dégouline et déborde dans un espace-temps chaotique. « So all » aurait été un titre plus annonciateur.
Dans la même veine destructrice, plusieurs autres morceaux nous font pousser des grimaces : « Dragged in a Hole » et son démarrage sur un contre-temps traître, « Anyone But You » et ses pleurs instrumentaux torturés, « Hold on Tight » et sa tension perpétuelle… Néanmoins, au beau milieu de ces ravages, on trouve toujours des repères. Car A Place to Bury Strangers, c’est aussi l’art des compositions remarquables. On y décèle sans cesse une recherche d’assemblages, une volonté de marquer les esprits dans des évidences dissimulées. Les morceaux, au-delà de leurs sonorités parfois douloureuses, font preuve d’un réel effort dans l’accompagnement de l’auditeur, qui sera toujours rattrapé par la force des mélodies.
Chaos CHARMEUR
See You Through aspire tout ce qui bouge, mais n’agit jamais seulement dans la terreur ou dans l’épreuve. Dès lors que l’on accepte son mode opératoire, il se révèle même être plutôt accueillant. Ses légères mais nombreuses variations nous tiennent en haleine : on circule parmi des morceaux directs et incisifs comme « My Head is bleeding » et « Let’s See Each Other », dansants comme le fabuleux et enflammé « Broken », et même mélancoliques comme les deux derniers titres qui clôturent l’opus sur une note enfin colorée, « I don’t know how you do it » et « Loves reaches out ».
A tort et à travers, See You Through prend progressivement racines dans nos organes. Réveil excessif, celui qui ne s’arrête jamais de sonner, il termine comme une obsession crânienne. Ce sont 13 titres à la fois difficiles d’accès (malgré de nombreux points d’accroches) et extrêmement généreux. A lire leurs noms à la suite, on croirait à une histoire impossible aux rebondissements multiples. A leur écoute, c’est encore plus que ça : tout y si malicieusement imbriqué, génialement cohérent et abondamment musical que l’ensemble transperce tous les récits. Son battement inexorable à allure inhabituelle, pareille à la rythmique défigurée de « I’m Hurt », est sa raison d’être : déchainer les sentiments, et cela jusqu’à la fatigue.
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