Immense artiste que Kae Tempest. À la beauté et la douceur de ses mots s’ajoute la même précision de création. Une faculté insensée à composer, sublimer le hip hop, le rendre spoken word. Sûrement parce que le mot est au cœur de sa démarche poétique. Philosophe, l’artiste et auteur.trice écrit autant des albums que des ouvrages. En 2021 iel signait l’une des plus belles prouesses qui fut, l’incroyable « The Line is a curve » dont le simple titre était déjà une invitation à la réflexion et  à la perfection. Il fallait attendre 2025 pour enfin célébrer son retour avec un nouvel album : « Self Titled ». Verdict.kae tempest self titled

Kae Tempest : face à l’instant

Alors qu’on lance la précieuse galette, écoutée en avance comme un immense cadeau offert, une pensée vient à nous hanter. Ce n’est pas l’album qu’on devait avoir. Kae Tempest avait en effet écrit un tout autre opus, mais voilà, il ne collait plus au moment présent. Et l’instant présent, ne doit-il point toujours n’être que grâce comme iel le chante sur le single chef d’œuvre de son précédant jet ? Le.a voilà donc en séance avec le producteur Fraser T Smith (Adele, Stormzy…) pour débloquer un morceau. Et là, la magie opère, un autre album était en gestation, devait être écrit, une autre histoire devait être contée.  Il m’a dit : qui d’autre peut raconter l’histoire que tu peux raconter ? » explique Kae. L’album se fait d’abord rapidement, 3 morceaux par semaine puis iels lui laissent le temps de murir et de le regarder de loin. Le résultat est avant tout éclectique. En écoute globale, cette histoire racontée, la sienne, prend bien des visages. D’un hip hop franc et puissant en ouverture, force brute de la nature (« Stand on the Line »), les choses prennent d’autres tournants. L’âme de « The Line is Curve », elle va doucement planer sur « Know yourself » où le flow familier se pose plus légèrement. Toujours obsédant, il invite une base moins sombre, plus électro à prendre le dessus. Les riffs sont aussi pressés que pointus. Et puis, le chant s’invite, souvent sur les refrains. Non plus le flow mais les envolées lyriques. En parlant de iel, Kae Tempest, se fait plus dansant sans jamais perdre de sa superbe. L’introspection serait elle vectrice de joies ?

Kae Tempest : tes morceaux obsédants

Ce sont 13 titres qui composent cette incroyable galette. Parmi eux, « Bless the bold future », bénédiction bien nommée. Des chœurs viennent y parfaire un temps répété, dans son riff dès ses toutes premières notes, ses mots posés comme une certitude viennent cueillir l’auditeur.trice. Pour autant le morceau sait se découper, monter dans les tours. Kae Tempest sait créer toutes les émotions avec une retenue sublime, une élégance rare.

La joie sait aussi s’inviter dans les compositions de l’artiste, comme une célébration, une réflexion sur la vie, sur la prise d’âge à travers l’émouvant « Prayers to Whisper ». Il faut dire qu’en touchant sa vérité, Kae Tempest espère atteindre celle des autres. Ainsi « Self Titled » est un dialogue entre passé, présent et futur. Une façon d’atteindre en musique son soi d’un autre temps, celui d’une jeunesse passée. Le temps, cet ami / ennemi a  ouvert à notre musicien.ne un recul sur la vie, des amours aux frustrations, surtout la liberté propre à l’acceptation. Cette capacité à se raconter, elle se ressent, titre après titre.

« Le but, c’est que je m’amuse  » confie-t-iel en parlant du morceau « Statue in the Square » deuxième pépite de l’album. Et il est vrai que tout l’opus respire ce besoin de lâcher prise, de se vivre pleinement, loin de la gravité de « The Line is a Curve ». Ce dernier puise d’ailleurs dans les débuts de le.a chanteur.euse MC dans les soirées open mics. On vous le disait le passé est bien de la partie !

Universal self love

ll faudra finalement attendre « Til Morning », le tout dernier titre de l’album pour perdre en joie et prendre un temps plus introspectif, plus doux et moins électro. Avec sa voix si bienfaisante, ce temps calme fait toujours écho à un instant de bien-être où la réflexion est porteuse de beautés.

Pour cet album miroir d’une vie, Kae Tempest s’est bien entouré.e. On retrouve ainsi les écossais de Young Father sur « Breathe » en toute fin d’album. Le morceau coup de poing, s’emballe à toute vitesse, le flow est puissant, se débite sans jamais justement reprendre son souffle. Quelle modernité sans concession nous est ici offerte !  De son côté Tawiah pose sur « Bless the bold future ». 

L’amour dans un symbolisme universel, l’amour dans toute sa perfection est toujours présent dans les textes de Kae Tempest. « Laisse moi n’être rien d’autre qu’amour » chantait-iel d’ailleurs sur « Grace ». Il s’exprime encore pleinement et follement sur cet album. Pour Kae, le coup de cœur est toujours instinctif et surtout universel. Et ça fonctionne ! A chaque fois que je passe sa musique dans notre disquaire (The Mixtape à Abbesses), nombreux.ses sont celles et ceux à me demander qui crée un si beau son. Je réponds toujours son nom avec une joie non feinte. Ce « Self Titled »  n’échappera pas à la règle. Aimé universellement il sera aussi sans nul doute, un miroir qui permettra à chacun.e de mieux s’aimer soi-même.

Kae Tempest au YOYO du Palais de Tokyo (2025) Crédit Photo : Pénélope Bonneau Rouis
Kae Tempest au YOYO du Palais de Tokyo (2025) Crédit Photo : Pénélope Bonneau Rouis

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