Le 1er novembre 2024, The Cure faisait son immense retour. Le groupe mené par Robert Smith publiait en effet son nouvel opus : « Songs of a lost world ». Un digne retour aux sources, sombre et abouti et surtout une première depuis l’album « 4 : 13 Dream » sorti en 2008. Si ce nouvel opus crée évidemment une immense effervescence, il rassemble les fans de la formation et leur permet d’enfin se mettre de nouveaux titres sous la dent. Mais c’est aussi l’occasion d’en profiter pour redécouvrir la discographie de la troupe de Robert Smith et ses 14 albums salvateurs. Nous avons choisi de parler de ce qui est le chef d’oeuvre de la formation : l’album « Pornography » sorti en 1982. Un must qu’il faudra absolument avoir écouté.
The Cure : Pornography , d’où viens tu ?
Nous sommes en 1982, The Cure a déjà quelques années de carrière à son actif. Formé en 1978, le groupe de Robert Smith a donné sa définition, et sûrement l’une des plus importantes, de ce qu’est la cold wave. A ces côtés Joy Division est l’autre représentant indissociable du courant.
En 1979, nos Cure, formés depuis 1978, sortaient leur premier né « Three Imaginary Boys », un opus aux couleurs plutôt douces pour ses créateurs. Une prouesse indiscutable qui attire tous les regards et toutes les oreilles. S’en suivent deux très beaux albums, respectivement « Seventeen Seconds » (1980) et « Faith » (1981). Pourtant, très vite, les véritables aspirations de la formations vont faire surface. D’abord avec le single hors album « Charlotte Sometimes » qui convoque toute la noirceur de la psyché du trio en 1981. Les démons du frontman s’y matérialisent mais sont de plus en plus insistants. Il expliquera plus tard ne voir que deux options tout abandonner et se tuer ou composer un album sorte de thérapie musicale. Ainsi se crée ce qui deviendra avec les années, l’obsédante trilogie sombre qui vaudra à The Cure ses lettres de noblesses : « Pornography » en tête de liste puis « Desintegration » (1989) et « Bloodflowers » (2000). Triptyque glacé et glaçant, reflet d’un Robert Smith dompté par ses peurs, sa dépression, son obsession de la solitude mais aussi par l’emprise de drogues sur son psyché, le LSD en tête de liste. L’album de génie du gothique est créé avec la participation de Phill Thornalley, jeune ingénieur du son désireux de créer un album expérimental. Il apporte une vraie force aux compositions de Smith et sa bande lors de leur entrée en studio. Il n’était pourtant pas le premier choix de The Cure, le nom de Conny Plank avec lequel le groupe partage un intérêt commun pour Kraftwerk avait été envisagé. Le passage en studio s’étend finalement de janvier à avril 1982. Durant cette période alcool et drogues coulent à flot. Pour ne pas trop dépenser, la formation dort dans les bureaux de leur label. Côté travail, il seule obsession les réunie, faire l’album le plus intense possible. Smith se laisse complètement aller, auto-centrer il canalise tout ce qu’il y a de plus sombre en lui. Il avoue avoir alors involontairement fait le vide autour de lui, perdant tous ses ami.es sans exception.
Plonger dans les ténèbres, y chercher The Cure
Les deux précédents albums qui constituent la discographie de notre formation, « Seventeen Seconds » et « Faith », empruntent il faut le dire, à la mélancolie pour s’écrire. « Pornography », va beaucoup plus loin, touchant au nihilisme. Les mots « It doesn’t matter if we all die » y sont d’ailleurs les premières chantées. Il faut dire qu’à ce moment là, Smith et ses comparses sortent d’une tournée épuisante pour « Faith ». Marathon sans fin, tourbillon viscéral qui ne laisse aucune place à l’apaisement. Celle-ci aura visiblement fragilisé un chanteur déjà en proie à ses démons. Ceux-ci prennent alors entièrement le dessus, renforcés par la prise de stupéfiants. Nos musiciens sont alors à bout, presque paranoïaques. L’aire de l’après punk s’étend comme une traînée de poudre sur l’Europe, la cold wave porte bien son nom. Cette vague dépressive va tout balayer sur son passage, redéfinissant à tout jamais le monde du rock. « Faith » et son espoir de foi sont loin derrière, « Seventeen Seconds » a d’ailleurs passé la seconde en matière de noirceur dévorante.
A bout de souffle et enchaînant les prises d’anxiolytiques pour mieux supporter la vie de tournée, le meneur de la formation – et seul membre que l’on retrouve sur les 14 opus que compte le groupe à son actif- décide de tout exposer. Un dernier titre se dit-il pour vomir aux yeux de tous ses maux et les méandres de son esprit. C’est dans cet état d’esprit qu’il entre en studio. Il y trouvera sûrement une dose de rédemption puisque finalement l’album se conclut sur ces mots « I must fight this sickness, find a cure ». C’est au Rak Studio One de Londres que la magie opère. Pour parfaire la noirceur jusqu’au boutiste de notre galette Smith peut compter sur la batterie précise de Tolhurst, frénétique, entêtante, elle vient casser la mélodie de la guitare pour la rendre encore plus lourde, dense, infernale.
De son côté le bassiste Simon Gallup vient casser tous les codes de ce qui fait un morceau de rock, entrainant dans son sillage des années de créations musicales. Une colère poisseuse vient alors se déverser sur l’auditeur, titre après titre. Monstre de tristesse en trois étapes, adieu sans sourciller à un courant dont ils sont les visages les plus connus. « Pornography » glace autant le sang qu’il fascine. Impossible de ne pas être obsédé.e par les notes hantées de « One Hundread Years » qui ouvre ce bal du diable. Les huit morceaux qui le composent sont tous dans cette veine et s’offrent une montée en puissance phénoménale jusqu’à « Cold » qui porte divinement son nom et enfin son final sur « Pornography ».
Du remède au succès
L’album semble inaccessible … et pourtant. Il s’offre immédiatement une entrée dans le Top 10 britannique. Il va s’offrir aussi une très belle notoriété en Nouvelle-Zélande. Il est pourtant de ces opus qui s’appréhendent mieux avec le temps et demandent quelques années pour être mieux compris. C’est aussi grâce à la tournée qui le suit que le groupe développe pleinement son image, avec notamment les cheveux noirs que l’on reconnait entre mille.
L’album ne suffira pas à lui seul à offrir à Smith une thérapie salvatrice, il lui faudra des années pour poursuivre son oeuvre et offrir au Monde les deux albums qui succèderont et clôtureront cet essai musical. Il prendra ainsi un terme en 2000 avec « Bloodflowers ». Ses nombreuses récompenses viennent à encrer l’image culte de cet album hors cases : Brit Awards, NME ou encore MTV Awards. Seul Rolling Stone vient accabler l’album à sa sortie. Mais il arrive régulièrement à Rolling Stone de faire des erreurs.
Si « Pornography » a canalisé une bonne partie des humeurs sombres de The Cure et surtout de Robert Smith, son nouveau jet « Songs of a lost world » prouve que notre homme n’a pas encore trouvé le remède à ses souffrances psychologiques. Et que cette noirceur reste sa plus belle arme en matière de compositions.
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