Il est en France une tradition de prix décernés par l’industrie dont la justesse des lauréats semble parfois manquer de cohérences. Des découvertes qui n’en sont pas, des albums oubliés, la pluralité musicale de notre pays effacée. En ce sens le Prix Joséphine fait office d’OVNI dans le paysage. En 2024, il célébrait sa troisième édition et faisait face à son succès fulgurant étant même dans l’obligation de refuser certaines accréditations tant la demande était forte.
Concrètement, des journalistes musicaux font un premier tri des albums français qui ont marqué l’année via une liste de candidats. Cette année 350 artistes ont candidaté et envoyer leurs album. Un lourd travail pour le jury chargé de réduire ce nombre à 40. C’est finalement un jury composé d’artistes qui a la lourde tâche de choisir 10 finalistes parmi les albums qui leur sont proposés puis de sélectionner un ou une seul.e gagnant.e. Une démarche originale qui permet aux artistes valoriser d’autres artistes en ayant pleinement conscience de leur travail et de leur processus créatif. Cette année, Disiz était le président de ce jury et particulièrement ravi de pouvoir effectuer ce travail de sélection et de récompense. Autre particularité, il récompense l’album qui marque une année et se base uniquement sur le format album. A ces côtés, un jury pointu dont les échanges ont été d’après son président fournis et houleux. On y trouvait Adé, Agoria, Irma, Dinos, Izïa, Léa, Bachar Mar-Khalifé, Maïa Colette, Rone et November Ultra.
C’est d’ailleurs November Ultra, première lauréate du prix, qui a joué les maîtresse de cérémonie le temps de la soirée, profitant des interludes du live pour interviewer les artistes mais aussi échanger sur leur profession commune et leur processus créatif.
C’est le 26 septembre en partenariat avec Fip Radio que le prix Joséphine révélait donc son grand lauréat à la suite des performances lives des 10 finalistes. Il est essentiel de relever la grande qualité de la sélection. La diversité y était de mise, faisant la part belle à des courants musicaux pluriels, des albums divinement écrits et produits mettant en lumière une nouvelle scène en pleine éclosion d’une immense richesse.
And the winner is …
C’est Bonnie Banane qui remporte le prix Joséphine 2024 pour son album Nini, un condensé de modernité, brouillant les pistes et les genres pour mieux ressembler à la personnalité déluré de la chanteuse. Cette dernière n’a pas manqué de remercier toute son équipe, dont celle du studio Motorbass, avant de … faire tomber son prix !
Le prix Joséphine en profitait pour présenter son nouveau prix, remis par les jeunes de 18 à 20 ans sélectionnés par le pass culture. C’est ce jury à part qui récompensait sur scène Luidji pour sa musique à fleur de peau et sincère.
Retrouvez le palmarès du Prix Joséphine 2024
A noter que les 10 finalistes sont toutes et tous les gagnant.es du prix.
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King, au masculin. Hannah, au féminin. Le duo britannique composé d’Hannah Merrick et Craig Whittle était de passage à La Maroquinerie jeudi 12 septembre dernier. Une occasion de présenter leur dernier album Big Swimmer, nuage électrique hypnotisant, successeur du non moins génial I’m not sorry, I was just being me sorti deux ans auparavant (2022). Un moment de pur délice et d’intense légèreté. On vous raconte.
Pina Paula
En première partie : Pina Paula, une chanteuse et musicienne suisse contactée quelques jours plus tôt par King Hannah sur Instagram : « je n’y croyais pas ». Pourtant, la jeune chanteuse a déjà fait les premières parties de Courtney Barnett. Avec sa guitare et son harmonica, elle envoûte déjà la salle avec des morceaux doux et simples, inspirés de ses modèles Julia Jacklin, Phoebe Bridgers, Joan Baez… Elle est émue d’être ici. « J’ai aussi un groupe mais il n’y avait plus qu’une place dans la voiture de King Hannah » dit-elle en rigolant.
A vos marques…
On trépigne d’impatience pour King Hannah, tant on connait le dernier album sur le bout des doigts. Les musiciens arrivent sur scène à 21h05 : Craig Whittle accompagnés d’un bassiste et d’un batteur. Hannah Merrick se fait attendre sur une introduction atmosphérique, lente, en suspension. Lorsqu’elle apparait dans sa sublime robe rouge, élégante dans ses mouvements volontairement timides, on devine quelle va être la chanson qui s’apprête à ouvrir le concert. Et tout de suite l’étonnement, puisque c’est la plus intense du dernier album. Celle qui prend le plus de temps à se construire, et qui se termine en apothéose électrique. « Somewhere Near El Paso » est le sixième morceau de Big Swimmer et, déjà en studio, c’est celui qui intrigue et déflagre le plus. Véritable bijou de composition. Commencer sur ça, c’est confronter tout de suite le public à l’essence de la musique de King Hannah, là où elle se dresse petit à petit pour finir par s’imposer dans une sorte d’évidence absolue. Et quand on sait qu’en début de concert parfois, le son n’est pas encore parfaitement calibré, on craignait un peu que l’effet de ce grand morceau soit estompé. Et bien heureusement pas du tout ! Quelle claque ! Quel sommet ! On sent directement que le son sera fidèle à la précision du groupe et à ses subtilités de compositions. Hannah Merrick est déjà au maximum de son envoutement. Elle ne bouge que très peu, attarde son regard sur des points d’horizons précis, chante/parle de sa manière si particulière comme si elle voulait se noyer dans les accords de guitare. Puis quand vient l’explosion, annoncée quelques secondes auparavant par la chanteuse qui enfile sa guitare, on reste bouche bée. Voilà en dix minutes tout ce qui fait King Hannah : une sublime montée en pression, lente, longue, amenant jusqu’au point de non-retour, celui d’un même riff joué par empilement de guitares/basse, et qui, par sa lourdeur, son intensité, sa répétition, finit par asphyxier toute la salle. Le son est puissant, fort. La plupart des morceaux sont composés selon ce modèle. Et pourtant, on ne s’ennuiera jamais de la suite.
… Prêt…
Le set se concentre sur l’album sorti en mai dernier uniquement. Le duo ne jouera aucun morceau du précédent album et même si on adore celui-ci, on ne trouve pas ça dommage de ne pas l’entendre ce soir-là, car la musique de King Hannah est tellement une ligne continue, une œuvre cohérente, qu’on ne parvient même plus à distinguer ce qui vient de l’un ou l’autre. Le nouvel opus est peut-être plus doux et un peu moins énergique que celui d’il y a 2 ans, mais sur scène, cet aspect s’oublie vite. Les morceaux naviguent bien entre une certaine légèreté, « Davey Says », « the Matress » « Suddenly your hand », et quelque chose de plus dur et tranchant, « Milk Boy », « Lily Pad ». Mention spéciale à « New York, let’s do nothing » qui, après un départ un peu brouillon, se termine en apothéose dans une liberté totale par rapport à la version studio. Le côté un peu plus rythmé apporte en plus une vague de fraicheur bienvenue.
… Partez !
Hannah Merrick ne cesse d’exprimer sa joie d’être là, à Paris, devant un public ultra chaleureux. Elle dit d’abord, au bout du 3e morceau, que ce concert est déjà « le meilleur de la tournée », pour se corriger elle-même un peu plus tard en affirmant que c’est « en réalité le meilleur concert de King Hannah depuis le début ». Son émotion se transmet dans toute la salle pour finalement être personnifié par deux personnes particulières présentes ce soir-là : ses parents, qu’elle désigne de sa main. Le public est conquis du début à la fin. Les applaudissements se font progressivement de plus en plus vigoureux, jusqu’au rappel final, se faisant sur le morceau titre du nouvel album, pièce manquante jusque-là et qu’on est très heureux de pouvoir écouter en live. Car « Big Swimmer » est de ces chansons qui restent en tête, devenant pierre angulaire d’un style, et nouveau trésor du marchand de sommeil (tant elle nous berce).
Quelle nage en tout cas ce soir-là à la Maroquinerie !
Et voilà que l’automne est déjà arrivé ! Si la saison n’a pas officiellement commencé, les températures elles invitent déjà à se lover dans son plaid et à…
« Soft tissue ». C’est le nom du nouvel album de Tindersticks, aussi doux que son titre le laisse entendre. Meilleur que les deux précédents, rivalisant même avec leurs albums…
La fille en rouge, Girl in Red donc, c’est comme ça que Marie Ulven s’était décrite par SMS à une connaissance pour être retrouvée au milieu d’une foule. C’est ce qui lui a valu son pseudo. Aujourd’hui, en ce 11 septembre 2024, c’est aussi ce qu’elle est. La fille en rouge, certes au milieu d’une foule toujours, mais une foule qui réagit comme un corps unique à chacun de ses mouvements et de ses mots. Rouge de plaisir, rouge de ne faire que danser, la foule du Zénith de Paris avait pris pour étendard les codes couleurs de la chanteuse pour les faire siens le temps d’une soirée ouverte par Nieve Ella. Retour sur un concert de rentrée où unicité et union faisaient bon ménage.
Ella, elle l’a….
Ce mois de septembre ressemble à nouveau au mois de novembre, deux petits mois seulement après avoir pu expérimenter une certaine dose de soleil. Le temps se décline comme une boucle sans fin. La grisaille continue ayant raison des humeurs et de l’élan certain qu’évoque le top départ de la rentrée. Si la chaleur et l’entrain refuse d’envahir nos extérieurs, ils pourront bien s’inviter en intérieur. C’est face à un Zénith qui affiche complet que démarre la soirée sur le set de Nieve Ella accompagnée de ses amis comme elle aime à les décrire. La musicienne britannique dévoilait en 2023 un EP qui lui valait de piquer la curiosité : Lifetime of Wanting. Et comme si le public avait passé une vie entière à attendre ce moment, le voilà qui dès les premiers instants, réagit avec puissance à chaque note de guitare posée. A tel point, que, fait rare pour une première partie, il ne faudra attendre que quelques titres pour que le Zénith se jonche de petites lucioles de lumières, constellant ses sièges d’étoiles importées par les téléphones. L’avantage certain d’avoir à faire à un public d’adeptes, jeune et prêt à tout pour rendre le moment magique. Toute la soirée durant, le concert se construira comme un miroir. L’artiste sur scène dévoilant de se personne face à un par-terre d’êtres tout aussi uniques. Elles et ils pourraient être la fille sur scène, désireuse de se raconter, de se dévoiler. Nieve Ella, a ce je ne sais quoi que d’autres n’ont pas. Cette façon de faire du pop rock avec modernité et une telle aisance que chaque titre est une évidence d’écoute. En juin, elle sortait le titre Sugarcoated qui parle du syndrome de l’imposteur. Et là encore, le miroir est là, présenté au public, qui de par son jeune âge a besoin d’icônes qui va toucher son coeur et ses angoisses, durant le long cheminement qu’est celui d’apprendre à se connaître. Nul doute que Nieve Ella sera de celles qui montrent la voie en utilisant sa voix. La chemin qui transforme les jeunes femmes en héroïnes, il se fait plus facilement en écoutant du pop rock.
Petite Marie
« Marie ! Marie ! » scande la foule durant le changement de plateau. Côté public, les looks sont travaillés. La mode est un vaisseau, elle reflète ce que l’on veut dire de soit. A l’âge charnière de l’adolescence, elle permet de parler fort quand les mots viennent à manquer. C’est aussi vrai en grandissant. Et elle va de paire avec le musique en ce mercredi, comme la preuve de l’appartenance à un clan dans lequel chacun.e a le droit à ses différences.
C’est l’album « If I could make it go quiet » (2021) qui a fait le succès de Girl in Red. Et ce soir pourtant, sera bien à l’opposé du silence, c’est une promesse. « Il faut rendre nos petits moments iconiques » expliquera la chanteuse en fin de set. Un mantra qui permettra sûrement de mieux appréhender la totalité d’un concert diablement travaillé et parfaitement écrit de bout en bout. « DOING IT AGAIN BABY », qui est aussi le nom de son dernier jet, ouvre le bal. L’iconique Marie porte bien son nom tant il est évident qu’elle est une figure sanctifiée. Chacune de ses interventions permet à son audience de réagir immédiatement, chaque blague est accueillie par des rires fournis, chaque parole est chantée comme un acte de foi. Il n’existe pas un mot qui n’est ici pas connu de tous et de toutes. Face à un tel engouement, il lui est forcément plus facile de se confier. C’est ainsi qu’on apprendra qu’elle est à son premier jour de règles, sa red line. Les temps ont bien changés. S’il serait aisé de penser aux débuts de carrière d’une autre icône pop rock en découvrant l’univers scénique de Girl in Red : Avril Lavigne. Pourtant un océan sépare les débuts des deux musiciennes. Une telle annonce en 2002, aurait paru impossible. Et pourtant, le féminisme a fait de tels bons en avant qu’aujourd’hui, l’information se livre avec aisance, rendant obsolète les hontes qui n’auraient jamais dû exister. Tout comme la canadienne à ses débuts, la norvégienne Girl in Red porte ce soir une cravatte sertie d’un costume. Un accessoire que l’on retrouve aussi dans le public. Elle pouvait avant représenter une prise de liberté en empiétant sur des codes vestimentaires masculins. Aujourd’hui, les genres ont été questionnés, les frontières brouillées. Nous sommes loin du simple retour d’un élément détourné mais bien en en train de vivre une nouvelle ère. Et celle-ci est peuplée d’un public qui chante de tout son coeur ses maux d’amour, s’appropriant ceux de Marie pour mieux les crier. Des drapeaux LGBT peuplent le Zénith, Marie est aussi une icône queer comme aime à la décrire le magazine Paper. Elle fait donc partie de ses artistes essentiels, de ceux qui montrent l’exemple tout en utilisant sa sensibilité comme une force.
Elle jouait sur un piano rouge, c’est peut-être un détail pour vous …
Il ne faut pas attendre longtemps pour que le premier album de la chanteuse s’invite à la soirée. Il peuplera ainsi largement sa set list . Body and Mind ou encore Hornylovesickness sont vite interprétés alors que les morceaux défilent à toute allure. Sur les planches, dont la scénographie entre écran et bonnet rouge géant habillent parfaitement l’instant, un piano rouge a été installé. Il est, pour Girl in Red, un lieu pour tout dire et s’amuser. Elle y démarre des titres, cafouille en riant, parle beaucoup et se fait la bonne amie d’un soir. Bout-en-train et confidente à la fois. We fell in love in october est un temps fort de la soirée, chanté par toute l’audience. Il aura l’occasion d’être vécu une seconde fois, plus tard, alors que la chanteuse s’offre un medley de ses titres guitare en main et en changeant radicalement les rythmes de ses compositions. Tordant ses morceaux comme un jeu aux possibilités infinies pour mieux surprendre ses adeptes et ami.es d’un soir. Ou peut-être d’une vie si l’on compte les nombreux « Je t’aime » qu’elle lance dans la langue de Molière et qui s’inscrivent dans la continuité d’un court morceau également revisité en français en début de soirée.
Serotonin est une bonne occasion de comparer les versions lives et albums des titres de la chanteuse. La prod de l’album leur offrant une puissance pop plus directe, là où le live, accentue les guitares et tire plus vers le rock. Il est d’ailleurs interprété à la suite de You Stupid Bitch, hit qui frappe fort et à l’efficacité indiscutable. « The perfect one for you is me » disent les paroles. Ce soir Marie, est the perfect one de toute l’assemblée. Le besoin de perfection, on pourrait même le ranger, l’expédier au loin tant il peut être vecteur d’erreurs . La perfection est dans l’unicité. Son dernier né n’est pas non plus oublié, notamment grâce à A Night to Remember. Un titre en bonne illustration de la soirée. Parce que ces nuits de concerts entre amis, ce sont elles qui vous forgent et vous créent. Et cette nuit, elle touche déjà, si vite, bientôt à sa fin. Une reprise de Seven Nation Army des White Stripes mais au paroles changées fait une brève apparition, certains morceaux n’existent que le temps de quelques secondes éphémères. Evidemment You Need Me Now ? initialement en duo avec la super star Sabrina Carpenter arrive en bout de course. Et puis, pour finir sa folle soirée avec ses ami.es, Marie demande à l’audience de se diviser en deux et de lui laisser de la place pour traverser la foule. Un baiser à son guitariste et puis les premières notes d’ I Wanna be your girlfriend, le titre qui lui a valu le succès se font alors entendre. Et la voilà qui transporte sa bedroom pop au milieu du monde, loin de l’intimité et des mots chantés en secret. Ce soir l’intimité aura été collective et partagée. Les mots d’amour et les relations torturées auront été utilisés comme une arme qui rend plus fort. Tous les maux de toutes les filles et les garçons « en rouge » dans le public auront pris de l’importance. Uniques et puissants au milieu d’une foule et pourtant visibles de tous.tes.
Emily in Paris a débarqué dans nos vies voilà déjà 4 saisons. Série doudou, plaisir coupable par excellence, le show de Darren Starr avec en vedette Lily Collins…