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Mercredi

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The Cramps sont de retour… du moins dans les oreilles. Remis au goût du jour grâce à la série « Mercredi », le plus gros succès Netflix du moment, voilà leur titre « Goo Goo Muck » diffusé en boucle grâce à la vidéo de la fameuse scène de danse de Jenna Ortega. Cette dernière devenue aussi culte que virale n’arrête plus de faire parler d’elle que se soit pour évoquer le mouvement gothique ou la Covid de son actrice… La chose a été retourné dans tous les sens jusqu’à y perdre tout son sens. Pour ce qui est des Cramps, le retour en bonne grâce n’est pas non plus de l’acabit d’un « Running up that hill » de Kate Bush propulsé dans une nouvelle vie orbitaire grâce à « Stranger Things ». Le groupe fait pourtant partie des incontournables. Et si la redécouverte obsessionnel  de leur premier jet suite à son acquisition en vinyle dans une version d’origine me pousse à écrire ces lignes, « Mercredi » servira de prétexte tout à fait honorable pour vous convaincre d’écouter les merveilles d’un groupe qui a cassé les codes du punk , du rockabilly et de l’amour du cinéma de genre de série b. On en parle.

cramps songs the lord taught usUn peu d’histoire

Le contexte est toujours primordiale. Les Cramps, comme beaucoup de groupes de rock d’un certain âge – et c’est d’autant plus vrai dans le punk – ont plus changé de composition que de pulls au cours de leur brillante carrière. Reste qu’il naitra et mourra par la main de son chanteur, l’incroyable Lux Interiori (de son vrai nom Erick Lee Purkhiser), dont le décès en 2009 signera la fin définitive (Queen aurait pu trouver une forme d’inspiration dans cette idée, on dit ça comme ça…)

C’est pourtant par une histoire d’amour que tout commence. Nous sommes en 1976, au mois de mars, à Sacramento (Californie). Et comme au début d’un film d’horreur classique Lux Interiori prend en stop une parfaite inconnue Kristina Kristy Marlana Wallace. Contrairement à leur cinéma favori, le trajet se passe bien. Les deux échangent sur leurs passion commune pour les films à petits budgets dopés aux monstres mal faits et aux litres d’hémoglobine mais aussi pour les musiciens méconnus. Elle devient Poison Ivy (comme le personnage de Batman) et ils décident ensemble de fonder un groupe.  Pour que le projet puisse fonctionner ils invitent à les rejoindre deux musiciens… ce qui est un grand mot puisque leurs nouveaux acolytes ne savent absolument pas jouer de leurs instruments respectifs. Syd Vicious non plus me direz-vous à juste titre. Greg Beckerleg, alias Bryan Gregory prend la guitare comme ils peut et Miriam Linna se met elle aussi tant bien que mal à la batterie. La basse ? Nique la basse, le combo fera sonner ses guitares à l’unisson et ça ira très bien.

the crampsIl faut encore choisir un nom. Ce sera The Cramps. Pour les crampes menstruelles des règles oui. Voilà encore une preuve de l’immense liberté, de l’intérêt social et de la modernité du punk. Notre groupe d’origine a en plus mis More Women on stage et on est toujours en 1977 !

L’idée que le groupe serait pénaliser par l’amateurisme de ces musiciens est pourtant une chimère. Au contraire le rendu musical est bluffant. Inspirés par les pionniers du rock dont le rockabilly, la formation y ajoute sa touche de psyché, de punk déluré, de surf music et une maîtrise sans limite de ses rythmes. L’excellence est là. D’ailleurs, il n’y a pas à s’y tromper, la troupe de californiens débarque à New-York et devient résidente du CBGB. Ils s’y produisent en alternance avec Suicide d’Alan Vega ( !!!!! je répète !!!!! – à quel point aurait-on aimé vivre ça ?). Mettons une parenthèse pour se plaindre à nouveau de ce qu’est devenu le CBGB : une boutique de luxe peuplé de vêtements certes rock mais que seuls les Rolling Stones peuvent se payer. Finalement Lina quitte le groupe pour fonder deux autres groupes et un fanzine (Kicks). Elle est remplacée par Nick Knox. Le groupe fonde son label Vengeance, enregistre ses premiers titres, se lance sur les routes, part à la conquête de l’Europe. Et puis vient enfin le premier album en 1980 : « Songs the Lord Taught Us ».

Un album messianique

The Cramps - Fever

Rien ne peut préparer à l’immense claque qu’est ce « Songs The Lord Taught US ». Si ce n’est pas sur cette pépite que vous trouverez « Goo Goo Muck » tout est à tomber sur cet album aussi lourd que barré, à l’esthétique singulièrement inspirée par le cinéma qui leur parle et par ceux qui les ont inspirés. Nos compères ne se contentent pas d’y poser leurs compositions personnelles : ils y ajoutent des reprises à l’opposé des originaux. C’est ainsi qu’on peut découvrir sous une nouvelle oreille  « Strychnine » des Sonics ou « Tear It Up » de Johnny Burnette. Mais aussi et surtout le tour de force « Fever » initialement signé par Little Willie John, l’un de leurs titres les plus connus. L’originale à une beauté jazz profondément rock’n’roll, elle respire l’amour, le groove, donne l’envie de bouger sensuellement ses hanches. Celle des Cramps se fait dangereuse dès ses premières notes chuchotées comme une menace. Les rythmiques brisées y sont obsédantes et donnent des sueurs froides. Le titre se délie à pas de velours et sublime toute l’élégance de l’originale, la canalise pour la rendre underground et la voix rauque de Lux Interior n’est pas étrangère à cette recette gagnante.

Il faut dire que le message était bien passé dès les premiers minutes de l’opus avec le titre complètement déjanté « TV Set ». Lux y crache ses mots dans le micro, les répétitions y deviennent un ADN. Pas de doutes possibles, les Cramps ont les sonorités et les cordes qui sifflent du punk mais ils s’élèvent vers une dimension bien plus écrite et construite. « Rock on the Moon » est la définition exacte du rockabilly sous acide, lunaire, délirant et exaltant. Mais ce qu’ajoute aussi le groupe à son album c’est sa touche californienne et son soleil surf. Là où la scène indé new-yorkaise capture une noirceur pour mieux la canaliser, nos acolytes convoquent les ténèbres et les rendent dansants. Comme aurait voulu le faire « Thriller » finalement… Mais faire la danse des zombies ne suffit pas. A moins qu’on ne parle de « Zombie Dance », huitième titre de l’album, dément de bout en bout et parfait accord entre les courants qui le précède et la modernité punk de l’instant.  La composition originale « Garbageman », quant à elle, est une inoubliable illustration des prouesses dont sont capables les Cramps.

« I was a Teenage Werewolf » à l’étoffe d’une bande originale efficace là où « Sunglasses after Dark » profite de la voix habitée de son frontman. Mais aussi et surtout d’une guitare sonnant de façon tonitruante, sans relâche pour mieux capturer l’âme des aigus et en faire cadeau au seigneur qui les habite.  L’album profite d’une cohérence parfaite de bout en bout, pas un seul morceau ne vient à être de trop. Révolutionnaire, indé, vivant. Il s’adresse à un public averti et sait pourtant se rendre accessible. « Mercredi » sera peut-être une belle occasion pour le public de le redécouvrir et d’y danser une danse endiablée qui ne lui permettra pas d’avoir des crampes.


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