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A l’occasion de leur premier concert depuis le confinement, qui eut lieu mercredi 07 octobre 2020 à la maison de la radio, le groupe irlandais Fontaines D.C, en pleine explosion depuis la sortie de leur album Dogrel l’année dernière, était de passage dans la capitale française. A Hero’s Death, leur brillant second opus (vous pouvez aller jeter un œil à notre critique juste ICI), a été dévoilé fin juillet dernier. Pour la reprise d’activité, dans un emballement certain à l’idée d’enfin pouvoir présenter sur scène leur nouveau bébé, le groupe étaient donc les invités de France Inter, à qui ils ont offert un set d’environ une heure, réservés à quelques chanceux et chanceuses (mesures sanitaires obligent) dont nous ne fûmes malheureusement pas partie. Le concert tant attendu était néanmoins retransmis sur France Inter.

La veille, nous étions conviés dans un hôtel parisien pour les rencontrer. Quel honneur se fut pour nous, qui apprécions tant leur musique. Aujourd’hui plus que reconnus dans la scène rock actuelle, Fontaines D.C dégage une certaine aura, et sont aussi cools que tout rockeur qui se respecte, ne manquant tout de même pas de préserver un côté mystérieux. Arrivés sur place, on nous présente Tom Coll, le batteur, avec qui nous allons pouvoir discuter. Bienveillant et engagé, il répond avec sourire à toutes nos questions et s’exprime à propos du nouvel album, de santé mentale et de rock. Sans plus attendre, on vous laisse avec la discussion !

 

Tom Coll, batteur de Fontaines D.C

 

Je tiens d’abord à m’excuser puisqu’on ne va pas commencer très gaiment mais c’est un sujet que j’ai abordé l’année dernière avec Murder Capital et sur lequel je voulais avoir votre ressenti. C’est à propos de la santé mentale des artistes du monde de la musique, dont on dit souvent qu’elle n’est pas toujours au meilleur de sa forme, surtout pour des groupes de votre envergure qui connaissent un succès fulgurant. Cela vous concerne directement. Comment le vivez-vous ?

L’année dernière a été intense. On était pas habitués à tourner autant. On a passé 18 mois sur la route. De fin 2018 jusqu’à mars dernier, on était constamment en train de bouger. Ca a été difficile de s’y habituer. Rien que le fait d’être loin de sa famille, alliée au sentiment de ne pas avoir de maison, était étrange. Aussi, on était quatre ou cinq personnes sans arrêt ensemble, c’était difficile d’avoir son propre espace. On a même du annuler des festivals l’été dernier parce qu’on était pas en mesure de les assurer.

 

On ne se rend pas compte de l’extérieur mais les tournées doivent être épuisantes et doivent vous demander beaucoup d’engagement.

On va d’hôtel en hôtel. Tellement d’heures sont passées sur la route à simplement rouler. A un moment, on a eu envie de réécrire de la musique. Parce qu’on jouait les dix mêmes chansons depuis un an, ce qui était difficile. S’enfermer dans une pièce pour écrire de nouvelles choses, qui ont finalement abouti à ce nouvel album, c’est ce qui nous a permis de nous en sortir.

 

Si je comprends bien, ce deuxième album a donc été composé essentiellement en tournée ?

On a eu beaucoup d’idées qui ont émergé du fait d’être en tournée. Et l’été dernier, on est rentrés à la maison. Du lundi au jeudi, on passait notre temps à écrire de nouveaux morceaux. Puis le week-end, on partait en festival. C’était fatiguant mais on avait besoin de ça pour se sentir réellement accomplis.

 

Combien de temps vous a pris la composition de ce nouvel album ?

Ca nous a pris trois mois entier je dirais. De juin à août 2019. Même si on avait déjà commencé à composer de nouvelles choses depuis la sortie de Dogrel environ.

 

Dogrel, qui, on le rappelle, a connu un succès immédiat. Appréhendiez-vous la sortie de ce nouvel opus ?

Hum… Oui et non. C’est quelque chose qui nous tenait réellement à cœur de présenter un nouvel album, parce qu’on est tous attachés à cette idée de vouloir sortir autant de choses que possible. C’est venu comme une nécessité. En ce sens, on ne l’a pas tant appréhendé.

 

Le premier album avait quelque chose d’instinctif et abrupt. Celui est plus porté vers une certaine ouverture. Il y a des morceaux très divers. Avez-vous aussi vécu ça comme une nécessité de changer de style et d’atmosphère ?

Oui, ce nouvel album est plus lent je dirais. « Lucid Dream », « Televised Mind » et « A Hero’s Death » sont des chansons énergiques. Elles se démarquent. Le reste de l’album est plus relaxant, contrairement au premier. On avait besoin d’aller chercher ailleurs.

 

Album « A Hero’s Death »

J’ai aussi la sensation que ce nouvel album convient mieux à des écoutes séparées. Les morceaux ont chacun une identité propre, très marquée, autant qu’ils s’inscrivent bien dans un ensemble. Vous avez peut-être cherché à construire des identités de chansons plus qu’une identité d’album ?

C’est intéressant. Mais ce n’est pas quelque chose de volontaire en tout cas. Tu as peut-être raison je ne sais pas. Cela dépend de comment on aborde l’album.

 

 

On parle beaucoup des Beach Boys comme influence sur ce nouvel album. En quoi vous inspirent-ils ?

En effet ils sont définitivement une influence. On est tous fascinés par leur musique dans le groupe, surtout au niveau de leurs arrangements vocaux. Ce qu’ils sont arrivés à faire est incroyable. Tout est si bien imbriqué dans leur musique, c’est vraiment un modèle de construction. On les a énormément écouté pendant nos voyages, dans un van, en Amérique. C’était une expérience formidable.

 

La chanson « Televised Mind » renvoie un message très fort, avec peu de paroles. Vous y pointez du doigt le fait que nos esprits ont pour habitude de suivre des pensées impersonnelles, que l’on a tendance à être confirmé dans nos opinions et à ne jamais être confronté à nos tords. C’est quelque chose que vous avez réalisé récemment ?

Tout le monde vit dans une bulle. Une chambre d’écho. Entourés de personnes qui pensent la même chose que nous. Parfois, on ne remet pas en questions nos pensées, et pourquoi on pense certaines choses. Ce n’est pas enrichissant. Personnellement, je me suis rendu compte au fil du temps que mon entourage ne me faisait pas m’interroger sur mes propres pensées politiques par exemple. Je me suis souvent dit : tout le monde pense ça, alors moi aussi. Sans le remettre en question. Ce n’est pas quelque chose de sain je trouve.

 

Il y a ce côté très obsessionnel dans les paroles. Beaucoup de phrases sont répétées inlassablement. Je pense notamment à : « I don’t belong to anyone », « Love is the main thing », « Life ain’t always empty ». Ce sont des idées qui guident votre façon d’être et que vous répétez chaque matin devant le miroir ?

Ce qui est intéressant avec le fait de répéter quelque chose plusieurs fois, c’est d’en perdre son sens premier. Notre cerveau s’embrouille. Du début à la fin de la chanson, on n’entend plus vraiment la même chose et on perçoit quelque chose de nouveau et de différent au fur et à mesure. On aime ce procédé qui dénature le sens pour rendre les mots encore plus forts.

 

Vous aimez la musique répétitive ?

Beaucoup. Le Krautrock par exemple. On joue avec les bruits, on répète les mêmes choses pendant sept minutes. Ca nous entraine dans un ailleurs. C’est quelque chose qui me touche.

 

Votre musique dégage à la fois un côté vaillant et courageux et à la fois quelque chose de résigné. De quel côté vous vous voyez ?

Dans la vie de tous les jours, on est des gars très optimistes. Notre musique penche peut-être plus vers ce côté résigné dont tu parles, en tout cas pour ce qui est de notre deuxième album, plus introspectif. Et cela est surement dû à notre état d’esprit au moment de la composition. On a voulu s’éloigner de cette énergie constante qui rythmait nos nuits. On s’est mis à écouter des musiques plus lentes et confidentielles, qui ont joué sur notre propre créativité.

 

Vous n’aimez pas que l’on vous mette dans des catégories, comme on a souvent tendance à vous qualifier de post-punk. Vous préférez qu’on décrive votre musique comme du rock tout simplement ?

Le rock est un terme si vaste maintenant. Il a perdu son sens premier. Ca ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui et je crois que c’est aussi pour cette raison que l’on nous qualifie de post-punk. Pour mieux nous cerner. Mais on ne voulait pas s’enfermer dans un style. On aime tous les styles de rock et de musique. On veut explorer plein d’autres choses. La qualification de post-punk avait tendance à mettre des barrières. Avec ce deuxième album, on a réussi à les dépasser.

 

Vous avez des collègues/amis dans le milieu. Je pense à des groupes comme Murder Capital ou Girlband, qui sont aussi originaires d’Irlande. Et est-ce que vous êtes en contact/partagez entre vous ?

On partage un espace commun, c’est-à-dire qu’on répète dans un même bâtiment. Parfois quand on joue, il nous arrive par exemple d’entendre Girl Band répéter à côté. Et en se promenant dans les couloirs, il est toujours enrichissant d’aller voir et écouter ce que les autres sont en train de faire. Le rock venu d’Irlande est spécial. On se serre les coudes. C’est une belle communauté.

 

Les médias parlent d’ailleurs de cette dite communauté dont vous faites partie comme étant un nouvel espoir du rock. Avez-vous parfois l’impression de porter un poids trop lourd sur vos épaules ?

Ca peut être un handicap c’est vrai. Mais on essaye de ne pas trop le prendre en compte. Avant tout, on profite de notre musique et on écrit ce qu’on a envie d’écrire. C’est plus sain de ne pas y accorder trop d’importance, même si on est reconnaissants de ce qu’on dit sur nous. L’égo peut vite dégénérer dans ces cas-là. Il faut rester lucide.

Merci beaucoup, c’est tout pour nous !

 

Tom Coll, batteur de Fontaines D.C

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