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Thérèse Toxic
crédit : Marilyn Mugot

Elle nous a séduit alors qu’elle remportait le tremplin du Zebrock avec La Vague, la tornade Thérèse est de retour et cette fois-ci en solo. Il faut dire que le confinement a permis à la chanteuse, musicienne, styliste, icône de la bienveillance de se retrouver seule à seule avec elle-même.  De ce face à face sort un projet personnel, abouti et d’une modernité sans fausse note. Avec son aisance vocale, la lumineuse chanteuse entraîne son auditeur dans un tourbillon joliment écrit et parfaitement produit. Ce premier jet laisse présager le meilleur pour la suite. Un premier EP est déjà en préparation et une date de concert parisienne en octobre est également programmée. Thérèse a accepté de répondre à nos nombreuses questions concernant ce nouveau départ. Fascinante, engagée, la musicienne nous raconte son parcours, nous parle de relations toxiques à soi et aux autres, de l’avenir de La Vague mais aussi de la place de la culture dans notre société.

Retenez bien ce nom Thérèse ( T.H.E.R.E.S.E) vous assistez aux premiers pas d’une future grande étoile de la scène française.

Tu te lances en solo. Quel a été ton cheminement pour en arriver là ?

Voilà un peu plus de 3 ans qu’on avait monté La Vague avec John. C’était mon tout premier projet musical après une première vie qui ne me prédestinait pas du tout à la musique (bac S, prépa HEC, école de commerce, marketing dans une maison de luxe, burnout haha…). On a sorti 2 EP (« Serotonin » 2017, « Lemme Be » 2019), fait de super dates, aggloméré pas mal de monde autour du projet, c’était une super expérience ! Au fil du temps, j’ai grandi, en tant que personne. J’ai expérimenté différents métiers avant que celui de styliste me tombe dessus par hasard (ou pas), puis j’ai traversé des questionnements identitaires qui m’ont fait faire des rencontres, puis exposer publiquement ma démarche. A travers tous ces podcasts, tables-rondes etc. mes idées, mes convictions devenaient plus fortes, plus claires. Et j’ai eu envie de les assumer pleinement. De là est venue l’idée de monter un projet musical qui portait ces messages sans compromis. J’ai commencé à y songer en janvier dernier, sans trop me fixer de deadline. Puis le confinement est arrivé, me laissant le temps de me mettre à Ableton… La suite a été extrêmement rapide : Adam Carpels (producteur / beatmaker lillois) s’est proposé de se greffer au projet, ainsi que mes anciens partenaires (label, éditeur, DA, ingé son etc.), pour m’aider à porter cette vision. Quand les planètes s’alignent, il faut laisser les choses se faire !

En solo, il n’y a pas l’étape douloureuse de la confrontation dès la genèse.

 Comment composes-tu seule ?  As-tu l’impression de juger ton travail plus sévèrement en solo ?

Je démarre mes chansons seule, oui. Avec un texte, une mélodie et une prod plus ou moins aboutie selon les morceaux. Ensuite je passe le relais à Adam qui selon sa vision de la pertinence de la maquette, geeke sur les sons pour un rendu plus complet et propose aussi sa touche (harmonique, de structure, d’arrangements) que j’accepte ou non selon qu’elle entre dans la DA globale que j’ai envie de mettre dans le projet. Jusqu’à présent, j’ai vraiment le sentiment que son travail prolonge et complète le mien. A sa partie s’ajoute celle de mix et de complément de prod d’Alexandre Zuliani qui vient renforcer encore le propos.

Étrangement, je n’ai pas l’impression de juger mon travail plus sévèrement en « solo »… C’est presque plus léger comme processus. En fait, j’ai une idée, puis je la matérialise. Il n’y a pas l’étape douloureuse de la confrontation dès la genèse. Je peux aller au bout de ce que j’imagine. En revanche, il est important pour moi de travailler avec d’autres personnes pour enrichir le propos, ou parfois le simplifier quand je suis trop bavarde. Travailler en équipe permet de prendre du recul plus vite et d’être plus efficace au final. Puis c’est motivant de bosser en famille, c’est un peu comme ça que j’ai toujours fantasmé le métier ! Aussi, je pense que j’aurais du mal à « finir » les morceaux toute seule, pour des raisons techniques évidentes, mais également parce qu’au moment d’appuyer sur le bouton, psychologiquement c’est plus facile d’avoir plusieurs mains que d’être seule.

 Le titre s’appelle T.O.X.I.C., dans sa description tu parles de relations toxiques, même avec soi-même.  Souffres-tu de ce rapport à toi ? Tes rapports avec toi-même s’améliorent-ils en travaillant sur ce projet solo ?

Oui, évidemment 🙂 Mais de moins en moins, heureusement ! J’ai eu une éducation et une histoire qui m’ont rendue très dure avec moi-même. L’illusion de l’existence de la perfection imposée par mon père et par la société m’a rendue un peu tarée je pense. Et j’observe qu’on est très nombreux.ses dans ce cas ! Ce projet solo me pousse à assumer pleinement mes choix, mes convictions, mes décisions, mes erreurs. Quand tu portes l’image d’un projet seule (même si encore une fois je ne suis pas vraiment seule dans les faits, sur les plans créatif, opérationnel et financier), tu ne peux accuser personne d’autre que toi sur la tournure que prennent les choses. C’est une façon de me responsabiliser dans l’échec et dans la réussite vis-à-vis de moi-même et du public. Ça me fait plus peur, mais ça me rend plus forte je crois.

 De quelles autres relations toxiques as-tu souffert et comment se défait-on selon toi de ce type d’engrenage ?

Il y en a eu quelques unes : parents, amis, partenaires, collègues… Mais avec le recul, je me suis rendue compte que je n’avais pas réellement croisé dans ma vie de psychopathe qui me voulait délibérément du mal. En vrai, nos relations sont les miroirs de notre relation à nous-mêmes. La toxicité apparaît quand on est dans l’incapacité de fixer ses limites. Faire des compromis est essentiel pour bâtir une relation humaine, mais quand elle se fait à sens unique, de façon perverse ou simplement de façon non consciente, alors ce n’est pas un compromis.

Je crois que pour se défaire de ce type d’engrenage, il faut apprendre à se connaître, dans son entièreté. Et à partir de là, déterminer ce qui nous correspond ou non (situation, environnement, type de relation etc.) et délimiter son périmètre de liberté qui va nous permettre d’évoluer sainement avec soi et avec l’autre.

Ce que je défends, c’est l’acception de soi dans sa globalité : au niveau corporel, émotionnel et intellectuel.

 Tu prônes le body positive, l’acceptation de soi. Tout cela résulte d’ un grand travail sur toi-même. Peux-tu  nous parler de ton parcours personnel pour en arriver là et donner des conseils à celles. Ceux qui souffrent de leurs complexes ?

La notion de « body positive » seule m’a toujours posé problème. Car elle ramène à l’acceptation de soi uniquement au niveau physique. Or, ce que je défends, c’est l’acception de soi dans sa globalité : au niveau corporel, émotionnel et intellectuel. En effet, j’ai compris ces dernières années que pour combattre mes complexes physiques – si c’est de ça dont on parle – j’ai dû en parallèle bosser sur mon cœur et ma tête aussi. Car ces 3 piliers sont, à mon sens, interdépendants et forment un tout.

Je pourrais en parler des heures tant la recherche de cet équilibre est un sujet qui me passionne. C’est mieux développé sur ma chaîne YouTube, mais en gros, mon conseil c’est : creusez à l’intérieur de vous-mêmes pour vous connaître honnêtement, le bon comme le mauvais, et acceptez-vous, chérissez tout. Faites le bilan de ce que vous aimez chez vous, de ce que vous avez envie d’améliorer pour vous sentir mieux. Et bossez dessus. Testez des choses qui vont vous aider à vous développer (psy, sophro, sport, ostéo, astro…). Questionnez vos croyances, définissez vos propres concepts (« qu’est-ce l’amour, le travail, le bonheur etc. pour moi et comment j’atteins mon idéal ? »), trompez-vous, recommencez… Se libérer, c’est accepter cette fluidité.

Thérèse solo
crédits : Marilyn Mugot

 Ton titre est d’une grande modernité. On connaissait avec La Vague ta capacité à osciller entre les registres, à casser les barrières. Quelles ont été tes inspirations pour ce nouveau projet ?

Merci ! Que ce soit dans La Vague ou dans ce nouveau projet Thérèse, il s’agit toujours de mélanges. De fluidité, justement. On retrouve de façon assez logique dans ce projet des consonances avec La Vague, mais disons que le côté rock qu’apportait John a disparu au profit de mes influences plus hiphop et bass music UK qu’Adam arrive très bien à traduire. Le tout restant dans un format pop-électro, car, à l’image de ma position « politique », j’ai cette volonté de faire de la musique qui rassemble. Les influences asiatiques sont toujours là, plus feutrées. M.I.A reste une référence évidemment. Dope Saint Jude, Tommy Genesis, Billie Eilish, Die Antwoord, Skip and Die, Lexie Liu, Nicolas Jaar sont aussi des figures dont vous trouverez des échos dans les tracks à venir !

La Vague prendra fin lorsqu’on pourra organiser un concert pour vous dire au revoir !

Avec ce passage en solo, qu’en est-il de La Vague ?

La Vague est actuellement en vacances hahaha. Le projet prendra fin lorsqu’on pourra organiser un concert pour vous dire au revoir ! On va pas vous laisser comme ça après 3 ans d’aventure tous ensemble !

Un Ep se prépare, que peux-tu nous en dire ?

Qu’il sera magnifique. J’espère fort qu’il trouvera son public 🙂

 Le 10 octobre,  tu retrouves la scène au Hasard Ludique. Comment se prépare un concert dans les circonstances actuelles ? Quelles sont tes attentes et tes craintes ?

J’ai trouvé ça très beau que le programmateur du festival booke le projet avant même qu’un titre ne soit sorti (euh il a entendu toutes les maquettes quand même, je précise hein). Je me dis qu’il y a encore des gens qui font des paris. Ca donne vraiment envie de se défoncer pour honorer cette confiance. D’ailleurs on entre en résidence fin août à Lille (Maison Folie Wazemmes) pour monter le spectacle avec Adam et Théau (ingé son). J’ai super hâte. Je n’ai pas joué depuis tellement longtemps que j’ai n’ai aucune autre attente que me retrouver sur scène haha. J’essaie de me dire que j’ai de la chance de faire ce métier. Qu’une équipe entière y croit au moins autant que moi et me pousse à développer tout ce bordel à un moment où l’industrie n’en mène franchement pas large ! Mes craintes actuelles, c’est qu’on se retape un second confinement et que le concert soit annulé. Pour le reste, j’essaie de faire confiance à la vie. J’ai plein d’amour à donner et plein de place dans mon coeur pour en recevoir ! Ceci étant posé, je vous laisse maître.sse.s de votre décision ! En plus on me dit dans l’oreillette que l’entrée est gratos.

Ce fameux contexte actuel n’a pas été tendre avec la culture.  Elle a été malmenée, délaissée, en souffrance. En tant qu’artiste, selon toi, à quoi sert-elle, la culture ?

On a souvent dit que la culture, c’est ce qui nous différenciait des animaux (remember tes cours de philo de Terminale). Dans la société dans laquelle on vit, j’ai l’impression que la culture est ce qui nous empêche de devenir des robots. C’est ce qui nous permet de ressentir plus, de penser et voir les choses autrement, de questionner la vie, de rassembler physiquement des gens qui ne se seraient jamais croisés ailleurs, ou simplement d’échapper au quotidien souvent aliénant. Je trouve qu’on est à une période cruciale de l’évolution où il est important de se poser la question du type « d’humanité » qu’on souhaite pour le futur.


Découvrez le titre « T.O.X.I.C » de Thérèse

Si Thérèse s’est souvent revendiquée inspirée par M.I.A, elle n’a aujourd’hui plus rien à lui envier. Lui emprunter ses aisances vocales comme sa capacité à réinventer les genres et registres. Ce premier single « T.O.X.I.C » a l’audace des grosses productions américaines, elle en a le professionnalisme, le sens du  rythme mais aussi la capacité tubesque. Pourtant loin de ne reprendre que les codes pop qui font mouche outre-atlantique, et qui avaient leur place sur MTV quand MTV voulait encore dire quelque chose et n’était pas qu’un autocollant sur un tee-shirt tendance, la musicienne innove. Elle tord les codes, s’offre des accents HIP HOP, passe du phrasé au chanté, garde la fougue de ses débuts rock, joue des intonations de sa voix, met en valeur un texte au message aussi fort que joliment lyrique. Le refrain s’invite naturellement dans la partie pour mieux rester en tête. Ce « T.O.X.I.C » vous accompagnera volontiers en quotidien pour aller danser, peupler vos soirées, mais aussi en boucle dans vos oreilles et ce dès le réveil.  Bien plus addictif que toxique, il vous laissera chaos.

Si ce n’est pas déjà le cas, vous pouvez suivre Thérèse sur ses réseaux sociaux. Au programme, débats, féminisme, politique, cuisine, stylisme, musique et surtout beaucoup d’intelligence et d’écoute.

Therese single toxic


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