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White Riot. Dans l’Angleterre de la fin des années 70, en pleine apogée punk, le fascisme gagne de plus en plus de terrain. Au travers d’un racisme décomplexé, le National Front fait preuve d’un nationalisme à toutes épreuves en embrigadant le plus de monde possible, dont la jeunesse, sa principale cible, dans des pensées conservatrices et réactionnaires. L’Angleterre connait à ce moment-là une période difficile, avec une situation économique désastreuse et un fort taux de chômage. La presse de droite ne manque pas de réveiller la peur en criant que le pays s’apprête à être envahi. Pour éviter la soi-disant catastrophe, le National Front parcoure les rues, les sorties d’écoles et d’universités, organise des manifestations et des marches… Leur but est simple : faire sortir les étrangers d’Angleterre. En parallèle, la répression policière envers les minorités s’accentue et installe un climat de tension extrême dans le pays.

En réponse à cette paranoïa réactionnaire, le punk va prendre les rênes de la révolte. Avec l’émergence de Rock Against Racism, mouvement politique au nom explicite, l’Angleterre bénéficiera d’une campagne de taille afin de contrer les élans fascistes d’une partie du pays, dont certaines figures de proue de la musique, comme Eric Clapton, Rod Stewart ou encore David Bowie, auraient encouragés de manière plus ou moins claires et explicites. White Riot, le nouveau documentaire signé Rubika Shah, se propose de revenir sur cette période de contestation d’une Angleterre divisée en deux.

 

White Riot En Echo avec la société d’aujourd’hui

Pour faire le récit de cette lutte antifasciste de la manière la plus authentique et honnête possible, la réalisatrice a choisi de se tourner vers le genre du documentaire. Témoignages, images d’archives et captations de concerts sont donc au rendez-vous afin de nous baigner dans la réalité de cette époque qui, malheureusement, résonne grandement avec le monde d’aujourd’hui où, on le rappelle, le racisme perdure plus que jamais et soulève encore très légitimement de nombreux combats de toutes parts dans le monde, et cela d’autant plus depuis la mort atroce de Georges Floyd à Minneapolis il y a quelques semaines seulement. Ainsi, White Riot bénéficie du climat du monde d’aujourd’hui, une société au bord de l’implosion, où l’intérêt pour les luttes antiracistes, non pas inexistant auparavant, loin de là, connaît néanmoins aujourd’hui un fort et magnifique rebond. Le film fait ressurgir le passé comme pour appuyer d’autant plus la réalité d’aujourd’hui qui, en l’espace de 40 ans, n’a pas bougé d’un poil. Les minorités continuent d’être persécutées et réprimées dans le silence général. Là où White Riot trouve sa solution en nous vantant les mérites de la musique dans la lutte contre les inégalités, il en est tout autre pour la réalité d’aujourd’hui qui ne risque pas de venir à bout de ses problèmes aussi facilement. Plus personne pour mener l’insurrection ou société tellement gangrenée que rien n’est plus à espérer ? C’est un autre débat. Concentrons-nous plutôt sur le contenu du film, son fond et sa forme.

 

Le rock est politique par essence

Retraçant l’histoire du mouvement Rock Against Racism, de sa création jusqu’à son apogée avec le tant attendu festival ayant réuni entre autres les Clash, Steel Pulse et Tom Robinson à Victoria Park, le film s’évertue à nous faire saisir la complexité du travail de communication ayant mené jusqu’à ce fameux point d’orgue où 100 000 personnes se sont réunies contre les poussées nationalistes du pays. Le chemin tumultueux et agité de Rock Against Racism, via tout d’abord de modestes fanzines distribués dans des concerts pour ensuite parvenir à rallier de plus en plus de monde, n’aura pas été vain puisqu’il sera parvenu à vaincre les pensées conservatrices de ses opposants par la musique et par le nombre, allié à l’Anti League Nazi. Rock Against Racism prend de l’ampleur et devient le principal mouvement de protestation. Comme le dit le créateur du projet : « c’est comme un train au bord duquel tout le monde monte ». L’alliance entre différents styles musicaux, allant du punk au reggae, est probablement la plus belle chose réussite de ce mouvement qui aura su privilégier une lutte intersectionnelle. Les blancs se rendent soudainement compte que le racisme existe en Angleterre et se doivent d’apporter leur soutien aux minorités qui en ont besoin, d’où le titre du film, lui-même tiré du fameux titre des Clash. Grâce aux témoignages d’acteurs importants du mouvement, nous sommes en mesure de saisir ce qu’était réellement ce mouvement, son essence et son aspiration : « nous voulons une musique rebelle, une musique de la rue, une musique qui anéantit la peur de l’autre, une musique de crise, une musique qui sait qui est l’ennemi ». Ainsi, tout passe par la musique qui, on le comprend, est l’arme principale pour lutter contre le nationalisme. Pour ce qu’il montre de cela, le film est digne d’intérêt, car il n’y a pas plus belle forme d’émancipation que celle dont le rock est la mère. Et en désignant ce dernier comme un état d’esprit et non plus simplement comme un genre musical, le film réussit son pari en nous montrant que la musique a le pouvoir de changer le monde oui, tant qu’elle dépasse son propre statut. Le rock sera toujours politique, plus que tout au monde et White Riot est une ode à cette pensée.

 

Un traitement aux limites visibles

Néanmoins, le film connait plusieurs lenteurs et baisses de régimes tout du long, prisonnier des limites de sa forme qui, petit à petit, a tendance à nous faire décrocher. Les images d’archives qui donnent régulièrement vie au genre documentaire, manquent à l’appel. Ici, White Riot semble plusieurs fois à court de contenu et ce ne sont pas les témoignages des quelques mêmes intervenants, dont les paroles ont tendance à tourner en rond, qui sauront nous tenir en haleine pendant une heure et demi (un peu moins). Le rythme relativement plat ne retranscrit pas avec assez de poigne et de volonté toute cette rage bouillonnante de l’époque. Le rock contre le fascisme. Deux mots que tout oppose. Rien qu’en les entendant, on s’imagine déjà des enceintes explosées, des gens fous furieux, de la jouissance, des esprits ravageurs portés par l’amour de la musique et essayant de mettre fin à la haine et aux inégalités, où l’utopie trouve enfin l’arme nécessaire pour se penser réelle. Le film reste trop bon enfant, à moins que ce ne soit réellement l’esprit du mouvement qui, dans ces cas-là, est fait pour être vécu et uniquement vécu. Car le regarder de loin n’a pas l’effet escompté. Même si le sujet reste intéressant en lui-même, il lui manque dans ce traitement une profondeur ainsi qu’un réel désir de nous faire voyager dans le temps : plus d’archives et plus de musique (live surtout) pour nous faire vibrer au rythme de l’époque auraient été préférables.

Aussi n’est-il pas dangereux de s’aventurer dans un sujet comme celui-ci, qui ne bénéficie pas de beaucoup de contenu, le temps d’un film complet ? Car sinon les Clash, Steel Pulse et Tom Robinson, qu’aura-t-on retenu en terme de musique ? La dernière prestation de « White Riot » des Clash lors du festival final peut-être. Autrement cela, aucun moment musical à proprement parler ne porte dignement le film dont on sent rapidement les limites liés à la forme et à son contenu. Quant au passage sur David Bowie et sa fameuse phrase en faveur de l’arrivée d’un leader fasciste, reprise dans le résumé du film, il ne constitue qu’un grain de sable vite oublié dont on ne cherche pas à expliquer plus en détails ni les raisons ni le contexte. Soi-disant l’une des causes de la naissance du mouvement, en plus du soutien plus explicite de Clapton pour un suprémaciste (lui c’est une autre histoire), cette phrase de Bowie aurait mérité des éclaircissements, au lieu d’être ainsi passée à la trappe. Bowie souhaitait-il réellement voir un leader fasciste arriver au pouvoir ? Ne faisait-il pas plutôt l’état des lieux d’un pays au bord de la catastrophe ?

Quoiqu’il en soit, White Riot peine à faire sentir toute la ténacité d’une génération à lutter contre l’un des plus grands maux de l’humanité, même s’il a la qualité de relater un épisode marquant de l’histoire de l’Angleterre de ces années-là. Mais si à la sortie, vous n’avez pas envie de vous refaire toute la discographie des Clash, il faudra vous faire une raison.

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By Léonard Pottier


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