Présenté à la dernière édition du fameux festival du film fantastique Gégardmer ainsi qu’à celle de l’Etrange festival, Vivarium de Lorcan Finnegan faisait partie des films attendus, suscitant une certaine curiosité avant sa projection. Et pour cause, le pitch avait de quoi séduire, annonçant quelque chose de tordu, mystérieux, et ancré dans le réel. La présence de Jesse Eisenberg, un acteur/romancier/dramaturge subtil et talentueux qui a fait ses preuves à de nombreuses reprises, n’en mettait pas moins l’eau à la bouche.
L’histoire est la suivante : un jeune couple, Gemma et Tom, est à la recherche d’un premier bien immobilier. Curieux des manières d’un agent drôle et bizarre, mais plus bizarre que drôle, ils vont rapidement se trouver pris au piège à l’intérieur d’un quartier résidentiel aux allures futuristes et labyrinthiques, désert et terriblement angoissant. A partir de là, comment s’en échapper ?
Une vision accrue d’une société en perdition…
Vivarium fait tout d’abord l’état d’un monde aseptisé et inodore. A travers le film de genre, Lorcan Finnegan partage sa vision douloureuse d’une société antipathique où chacun ne peut compter que sur soi-même. Partant d’une première critique qui est celle du prix démesuré des biens immobiliers, Vivarium pousse ses accusations à mesure que son histoire progresse : perte d’autonomie, pression sociale, cycle sans fin, monde moderne sans saveurs… Des situations somme toute de la vie courante, ici poussées à l’extrême. Sous couvert d’un univers fantastique, c’est toute une réalité qui s’écroule. Prisonniers, les personnages principaux, merveilleusement interprétés par un couple d’acteurs brillant (Imogen Poots aux côtés de Jesse Eisenberg), représentent les victimes parfaites, amoureux et crédules, dont la joie et l’espoir sont rapidement étouffés, et qui n’ont pas d’autres choix que de vivre aux dépens d’un monde sectaire. L’entrée en matière du film, qui refuse d’habituer le spectateur à tout cadre « sain » en empêchant à l’introduction de s’éterniser (le couple mord à l’hameçon dès les dix premières minutes), nous laisse plonger la tête baissée dans le piège tendu.
… renforcée par un univers claustrophobe intelligemment mis en scène
Les décors donnent de quoi émoustiller notre regard, avec une esthétique de l’artificialité, qui sert au film à appuyer son propos. Ce quartier de rêve, dans lequel on promet aux personnages une vie idéale, a tout d’une devanture en carton, pourtant impossible à démolir. Habitations dont la similarité grotesque fascine tout d’abord avant de nous écœurer aussitôt le piège mis en place : nuages en papier-mâché, terrain de vie construit comme un gigantesque plateau de jeu que les plans en extrême plongée nous permettent de visualiser explicitement… Car oui, Vivarium est avant tout un jeu, qui tend à priver les humains de leur sensibilité, et où l’on repense avec nostalgie à des sensations primaires disparues : odeurs, sensation du vent sur la peau… Ils ne sont plus que des robots réduits à leurs fonctions sociales primaires et destinés à une vie monotone et claustrophobe. Les sentiments s’essoufflent à mesure que les actions deviennent mécaniques. Alimentés (nourriture, papiers toilettes, savon…) par une aide extérieure invisible et inatteignable, leurs êtres ne sont plus que besoin vitaux, pions d’une société qui, sous couvert de soutien, laisse pourrir les esprits au profit des corps reproductibles.
Un film surprenant
Construit autour d’un mélange subtil et bien dosé entre réel et surnaturel, le scénario n’échappe cependant pas à quelques faiblesses ou grossièretés, à force de tentatives visant à pousser l’histoire dans ses retranchements, quitte à en perdre tout pragmatisme. Bien que l’idée du cycle semble se tienne assez justement, la fin peine à convaincre, tant elle restreint notre imagination. Atteint d’un léger essoufflement dans sa seconde moitié, Vivarium n’en reste pas moins une aventure atypique, à la fois jouissive de par le cadre qu’elle vise à fabriquer, et angoissante par les ressorts qu’elle utilise pour attiser notre empathie.