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Julia Escudero

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Circuit des Yeux, le projet musicale d’Haley Fohr sera de retour le 14 mars avec un album envoûtant et hors cases « Halo on the Inside ». Originaire de Chicago, la multi-intrusmentiste brillante y livre des mélodies synth-waves, un vent de nouveauté qui souffle sur l’indie folk hantée à laquelle elle nous avait habitués. Sa précédente galette « -io », était portée, il faut le dire par les douleurs et le deuil. Celle-ci malgré son apparente noirceur raconte une toute autre histoire. Celle du retour à la vie, de la découverte de soi et d’une nouvelle forme d’amour propre, celle surtout de toutes les formes d’amour. 

Nous avons rencontré Haley Fohr dans les locaux de son label, Beggars à Paris. Avec elle nous parlons de musique, de boucles, de mythologie grecque, de cinéma, de science-fiction, de quête philosophique de la vérité et d’enfant intérieur. Interview.

Circuit des Yeux credit Dana Trippe
Circuit des Yeux credit Dana Trippe

Interview Circuit des Yeux

Pop&Shot : Bonjour, comment vas tu ? Tu enchaînes les concerts et la promo, tu reviens d’ailleurs tout juste d’Australie. Cette vie , elle n’est pas trop fatigante ?

Circuit des Yeux : Tu vas aussi loin que tu peux et quand tu rentres, tu ne fais que dormir. Ca fait partie du travail.

P&S: Parlons de ton nouvel album. Il sort le 14 mars. Commençons simplement. Comment le décrirais-tu à quelqu’un qui ne l’a jamais écouté ?

Circuit des yeux : C’est un album de danse façon opéra. C’est très actuel et dramatique.

P&S : Son titre « Halo on the Inside » est très lumineux, il semble annoncer que quelque chose de beau est en train d’arriver.

Circuit des Yeux : Ca vient d’une session d’écriture que j’ai fait au tout début. Les paroles semblaient couler de moi et j’ai pensé que c’était une bonne réplique. Et après y avoir réfléchi en profondeur, j’ai réalisé que je m’étais embarquée dans un voyage d’amour propre et d’auto acceptation. Je pense que tout le monde passe par là. Mais ce voyage je l’ai entamé depuis un bon moment. Je vis une dichotomie et je pense que ça arrive aussi à d’autres personnes. La société et la vie paraissent lourdes et sombres. Et je voulais donner corps à  tout ça que ce soit comment c’est perçu de l’intérieur comme de l’extérieur. Je voulais donner à ce sentiment les traits de l’enfant intérieur doux et espiègle qu’on a tous en nous. C’est de là d’où vient ce titre. Parce que je pense qu’on a tous ça. Le plus on passe de temps sur Terre, le plus on l’éveille.

En tant qu’Américaine, j’ai honte actuellement.En tant qu’Américaine, j’ai honte actuellement.

P&S :  la société actuelle comme les informations qu’on peut suivre sont très sombres en ce moment. Est-ce quelque chose dont tu avais besoin de parler avec ta musique ?

Circuit des Yeux : En tant qu’Américaine, j’ai honte actuellement. La manière dont la réthorique politique existe ne colle pas avec mes valeurs morales. Il y a aussi un nouveau gap de passé avec la technologie. Je me sens empoisonnée et je ne peux pas mettre le doigt sur ce qu’est ce poison. Je me sens hors de contrôle et je voulais personnifier cette confusion. Mettre des notes sur ce que je ressens. C’est ce que je traduis avec les instruments. Alors que la voix est pure. Je chante des idées simples et douces. C’est mon combat actuel : lutter contre le chaos et rester pure.

P&S : La bio de l’album parle beaucoup de métamorphose, d’un nouveau départ. Pourquoi as-tu ce besoin de nouveau départ ?

Circuit des Yeux : En toute honnêteté, je n’ai pas choisi ce nouveau départ. La vie a changé, beaucoup de choses ont changé ces deux dernières années pour moi et j’ai du faire corps avec ce changement. il arrive un moment dans la vie où quelque chose d’énorme t’arrive et tu dois y faire face et avancer. La musique m’a aidée à le faire d’une certaine manière. Elle m’a permis de me connecter au monde et pas de seulement rester chez moi à regarder la télé.

Quand je chante ma musique, je me sens soulagée, calme et en contrôle.

P&S : La musique, tu le dis souvent, t’aide à tout affronter dans la vie. Est-ce que l’écriture de cet album à eu ce même effet pour toi ?

Circuit des Yeux : Oui, toujours. Plus je fais ce travail, plus je n’aime pas l’écriture des albums. Je n’aime pas m’asseoir et faire face aux ténèbres parce que c’est ce que je fais. Mais d’un autre côté, j’aime chanter. C’est physique, comme un athlète et il y a de l’endorphine qui se libère. Quand je chante ma musique, je me sens soulagée, calme et en contrôle. Ca me fait le plus grand bien physique et psychologique.

P&S : J’ai lu que tu parlais de trouver ton son intérieur. J’avais eu une discussion similaire avec Julia Holter quand elle sortait son dernier album. Elle parlait de sa grossesse et donc son « son intérieur » était très aquatique, puisque très proche du son du corps. Et pour toi, ça sonne comment ?

Circuit des Yeux : Le mien est composé de deux choses : la sexualité et c’est une chose à laquelle je n’ai jamais vraiment fait face de façon à me donner du pouvoir. Et le second sonnerait comme une comédie. Comme une enfant. Quand j’écrivais ça, je m’autorisais à simplement réagir et ce qui sortait de moi était si surprenant. C’était mon humeur d’enfant. Et c’est ce son intérieur qui caractérise mon travail.

Circuit des yeux- credit Dana Trippe
Circuit des yeux- credit Dana Trippe

P&S : La pochette de l’album fait aussi penser à l’enfance. Ta coiffe dessus n’est pas sans rappeler celle de Maléfique de « La belle aux bois dormants ». C’est une idée à laquelle tu as pensé ?

Circuit des Yeux : L’imagerie est très important à mes yeux. Ca représente le diable et l’histoire de Pan dans la mythologie grecque.  Il est mi chèvre / mi humain. Il y a une sorte de retour karmique. Je suis un peu obsédée par les figures animales, ils n’ont pas de pouces ! C’est fou tu ne peux t’accrocher à rien. Tu ne peux pas t’exprimer. Je voulais donc représenter l’anti-héros et j’aime aussi à quel point j’ai l’air relaxé dessus. Je ne veux pas avoir l’air parfaite, être humaine suffit amplement. Le fait de faire la fête est associé avec cette image d’anti-héros et ça fait partie de la vie.

Malgré la musique, la fête, le sexe, c’est l’humanité qui finit par gagner.

P&S : Tu es devenu obsédée par l’histoire de Pan suite à un voyage en Grèce. Pourquoi cette histoire au milieu de toutes les histoires qui peuplent leur mythologie ?

Circuit des Yeux : J’aime le fait que Pan meurt dans cette histoire. Ils sont à demi Dieu, à demi humains. Et souvent ils libèrent leur moitié  Dieu. Ils veulent atteindre quelque chose de plus grand qu’eux même. Et j’aime le fait que Pan termine son histoire sur la mortalité. Malgré la musique, la fête, le sexe, c’est l’humanité qui finit par gagner.

P&S : Le fait que les choses finiront quoi qu’on fasse ?

Circuit des Yeux : Tout finira et il y a une forme d’acceptation à tout ça. Tout ce qui se passe maintenant est assez bien, suffit. L’acceptation de soi, aussi naïf que ça puisse sonner, c’est très important.

P&S : L’album est aussi cinématographique. Dans les inspirations, tu parles de John Carpenter et de Donnie Darko. Tu avais ces films en tête en créant l’album ?

Circuit des Yeux : J’aime l’approche cinématographique. Ma musique a toujours été plus épisodique que celle des pop stars classiques. Et dans les films noirs, ou ceux de SF on découvre toujours une vérité psychologique. Une vérité émotionnelle que les mots ne peuvent décrire. Et ma musique parle de ça.

P&S : Donnie Darko, c’est une référence importante pour toi ?

Circuit des Yeux : Ce n’est pas mon film culte mais je l’ai vu adolescente. Il était étrange et sombre et marquant. Je me souviens y avoir découvert une forme de fatalité que je ne connaissais pas.

La fatalité m’effraie, ce serait une perte de contrôle.

P&S : C’est quelque chose que tu as expérimenté par la suite, la fatalité ?

Circuit des Yeux : J’étais trop naïve. La fatalité m’effraie, ce serait une perte de contrôle. Quand tu es jeune, tout semble être possible. Donc je pense que cette partie de l’histoire m’a frappée plus tard.

La musique ce n’est pas si sérieux. Ce qui compte c’est que tout le monde soit en bonne santé et en vie.

P&S : J’ai remarqué que quand on regarde la couverture de ton précédent album -io, sa couverture est lumineuse, les couleurs sont solaires. Pourtant le thème y est bien plus sombre et grave. Alors que le nouveau a cette pochette sombre mais des thématiques plus lumineuses. C’est aussi vrai pour les compositions. C’est quelque chose que tu avais en tête ?

Circuit des Yeux : C’est vrai mais je n’y avais jamais pensé ! C’est très cool ! Je suis dans un moment plus lumineux de ma vie clairement. Je ne sais pas si on peut voir l’arc narratif des différents albums. Visuellement sur le dernier j’étais en chute libre. Je devais faire face à beaucoup de chagrin et de deuil. J’ai l’impression d’être tombée. Spirituellement d’être tombée à un niveau plus bas. J’ai le sentiment depuis, d’avoir transcendé quelque chose. Quand quelque chose de très difficile t’arrive ça t’apporte de l’élévation plus tard dans la vie. Et c’est encore plus vrai avec la musique. La musique ce n’est pas si sérieux. Ce qui compte c’est que tout le monde soit en bonne santé et en vie. Et finalement avec tout ça j’ai pu plus librement utiliser la comédie et d’autres parties de ma personnalité. J’étais peut-être trop sérieuse avant.

P&S : Sur cet album, comme sur le précédent tu as dû composer en solo. Tu as même composé celui-ci de nuit. Comment s’est passé ce processus ?

Circuit des Yeux : J’ai toujours été plus ou moins entourée. Mais pour l’écriture, j’aime faire ça de façon isolée. Sur ce nouvel album en revanche j’ai eu un producteur pour la premier fois. C’était très collaboratif. Et puis il a aussi transcendé des idées que j’avais qui pouvaient ne pas être si bonnes ou pas entièrement terminées.  Tout ça m’a rendue très vulnérable. Mais pour l’écriture j’étais seule et je travaillais tard dans la nuit. C’était moins stressant. J’avais l’impression que je pouvais me laisser aller et travailler sans arrière-pensées parce que tous ceux que j’aime étaient en train de dormir et relaxés. Je pouvais mieux m’entendre que durant la journée. Et puis quand les choses étaient plus compliquées, que je n’aimais ce que j’écrivais, avant j’aurai forcé et continué et là je laissais tomber mes propre règles et habitudes. Je prenais un snack, j’allais danser, j’appelais un ami… Et je pense que la musique a été améliorée par ça.

Circuit des Yeux - Canopy of Eden - credit Dana Trippe
Circuit des Yeux – Canopy of Eden – credit Dana Trippe

P&S : Tu es toujours très honnête sur tes sentiments et ta santé mentale. Que se soit sur scène, sur les réseaux sociaux ou en interview. Est-ce que ça fait partie du travail d’artiste de se livrer comme ça ?

Circuit des Yeux : Je ne dis pas forcément tout. J’ai des secrets que personne ne saura jamais. Mais quand il s’agit de santé mentale c’est autre chose. Ca a été un gros travail sur moi, j’avais l’impression de ne pas entrer dans les cases et c’est important de faire savoir à des gens qu’ils ne sont pas seuls sur ce sujet. Etre neuro-divergeant, déprimé, c’est quelque chose qui existe, qui est naturel et il y a des gens que tu peux trouver pour te comprendre. C’est spécifiquement vrai dans l’art. Je veux être un exemple sur ce sujet.

On pense, et c’est encore plus vrai en tant que femme, que si on ne fait pas telle ou telle chose les choses ne se passeront pas comme on le souhaite.

P&S : La santé mentale dans l’industrie de la musique est devenue un gros sujet de nos jours. On en parlait également avec Bill Ryder Jones, qui se disait très concerné. Est-ce aussi un sujet sur lequel tu souhaites t’exprimer ? Notamment sur les besoins des musicien.nes ?

Circuit des Yeux : Je veux dire que c’est vraiment difficile. Si vous vous sentez mal vous avez une réaction normale à quelque chose qui n’est pas  naturel. Je pense qu’il est important d’avoir des limites et de les respecter. Je l’ai appris plus tard dans ma vie. Suis ton intuition, si tu ne veux pas être photographié par exemple, n’hésite pas à le dire. On pense, et c’est encore plus vrai en tant que femme, que si on ne fait pas telle ou telle chose les choses ne se passeront pas comme on le souhaite. Il faut rester soi-même pour que les choses se passent comme elle doivent se passer.

P&S : Je voulais aussi te parler de tes paroles. Il y en a peu par morceau mais chaque mot semble être pesé comme pour lui donner encore plus de sens …

Circuit des Yeux : La plupart des paroles sur cet album me sont venues d’elles-même sur le moment. Et je les ai laissé couler. C’est comme le morceau qui donne son titre à l’album « Halo on the Inside ». Il y a cette coquille et ce son très lourd mais le message et la voix sont doux et pures. Ces concepts d’amour et vulnérabilité j’essaie de les garder au plus simple.

Parfois on a besoin d’entre quelque chose encore et encore pour y croire…

P&S : Et côté mélodies tu utilises beaucoup de boucles et de répétitions. C’est quelque chose que je trouve toujours très intéressant dans la musique, pourquoi utilises-tu ce procédé ?

Circuit des Yeux : Les mantras m’aident beaucoup. J’en ai toujours utilisé dans ma musique. Les répétitions fonctionnent. C’est comme dans le yoga et la méditation, il y a beaucoup de répétitions.  Dans la religion, la prière est un mantra, pleine de répétition. Parfois on a besoin d’entre quelque chose encore et encore pour y croire…

P&S : Sur le titre Truth, tu répètes « Truth is just imagination of the mind ». Tu crois que la vérité n’existe pas ?

Circuit des Yeux : C’est un genre d’énigme avec des mots que j’adore. Parce qu’il n’y pas de réponse. Je pense que les histoires qu’on se raconte sur nous même et ce que le monde extérieur dit de nous peut être très loin de la réalité. Ca dépend comment on voit ça, de façon positive ou négative.

P&S : C’est un débat philosophique. La vérité est-elle unique ou est-elle celle dite par le plus grand nombre ?

Circuit des Yeux : C’est une question qui concerne aussi les journalistes. C’est aussi ton travail de savoir ce qu’est la vérité. Ca dépend aussi de si on parle d’une chose subjective. Pour moi, même si c’est naïf, la seule chose véritable est l’amour. Je ne veux pas dire forcément l’amour romantique. Ca peut simplement être le fait d’aider quelqu’un à traverser la rue. La gentillesse est l’antidote à tout.

Circuit des Yeux sera en concert à Paris le 12 mai 2025, au Point Ephémère. 


Gus Englehorn, ce nom ne vous dit peut-être rien pour l’instant. Et pourtant, voilà qui va changer dès l’écoute de son excellent « The Hornbook » paru le 31 janvier 2025. Chaque année, les promesses sont nombreuses, de nouveaux talents, de pépites à suivre, d’album à écouter…  Les promesses ne sont pas toujours tenues. Pourtant, certains sortent pourtant du lot tant leur première écoute vient à faire monter une soif insatiable de la découverte de leur royaume entier. C’est le cas de l’époustouflant « The Hornbook ».  L’écoute de son premier titre  donne le La d’un album psyché-pop qui pousse ses idées aux confins du rock. Un opus qui ose tout, voit tout en grand et réinvente enfin le genre en lui prêtant des airs de conte pour enfants. On en est fous ! On vous explique pourquoi, vous nous remercierez plus tard !

Gus_Englehorn by Kealan Shilling
Gus_Englehorn by Kealan Shilling

The Hornbook  : le livre des révélations

Il est arrivé dans mes mails un triste jour de janvier, il faisait froid, je me plaignais que ce début d’année ne m’avait pas encore apporté mon lot de révélations musicales. C’est un peu de ma faute aussi, j’étais passée à côté de Gus Englehorn. Génie nomade aux multiples patries, aujourd’hui basé à Portland, hier au Québec, dans l’Utah, Hawaï ou l’Alaska où il est né, le maître n’en est pas à son coup d’essai. Un premier album en 2020, « Death & transfiguration » donnait le ton d’une oeuvre importante, la suite en 2022 avec « Dungeon Master » continuait d’écrire l’histoire avec une pochette qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre génie du rock : Kurt Vile. Un titre comme je le disais, a suffit a me donner l’envie, urgente, brulante, d’écouter l’intégralité de sa discographie. Il y aurait tant à dire de ces deux premiers jets, de cet oeil novateur qui les habite, de ces morceaux pluriels, de cet univers à part. Il faudra pourtant se concentrer, et c’est déjà beaucoup sur « The Hornbook », dernier objet fascinant et ses rythmes qui pulsent le sang pour mieux faire battre les coeurs.

Tout y commence fort bien. Si on oublie la longueur de son titre : « One eyed Jack Pt I & II (The interrogation / the other side), le premier morceau touche à la perfection. On y fait une plongée hypnotisante dans le psyché. Le morceau, à la précision millimétrée, dose savamment les répétitions obsédantes et les parties parlées. L’âme de Madlib y plane, dans son introduction et dans son fond musicale. Un autre génie, du Hip Hop cette fois mais les registres souvent croisés sur notre albums, ne seront jamais une frontière pour notre maître d’orchestre. Le Rubicon est franchi, le retour en arrière est déjà impossible. En un titre, on en veut beaucoup plus. Cette proposition résolument rock est surtout une montée en puissance qui annonce parfaitement la suite.

La loi de The Hornbook

Mais au fait qu’est ce que ce Hornbook  au juste ? Il s’agit d’un outil d’enseignement pour enfants datant du 15ème siècle où était gravé l’alphabet, des chiffres et souvent des versets de la Bible. Gus Englehorn l’explique : « « Quand j’écrivais ces chansons, j’avais l’impression de rédiger un livre pour enfants — chaque chanson racontait une petite histoire ».  Difficile de le contredire, chaque titre à son univers propre et semble conter sa propre histoire. La sienne personnelle comme celle du rock. On passe des années 50 aux années 90. Du garage au Lo-fi. Des Libertines à Cage the Elephant, au moins pour son entrain et sa capacité tubesque. « Thyme », deuxième titre de l’opus vaut un arrêt sur image et une écoute en boucle. Il y a du Gorillaz dans son génie d’écriture. Sa répétition parfaitement orchestrée, les aléas de sa voix. Elle chuchote pour mieux trouver place dans nos cerveaux. Comme un enfant, on apprend, par coeur, chaque titre. Et on le répètera encore et encore, comme une comptine. The Hornbook dans sa définition, c’est aussi une loi si ancienne qu’elle est encrée dans nos habitudes et donc quasi impossible à changer. Et cet album va doucement se faire loi d’une nouvelle Bible du rock. Un classique, on le disait.

Il était une fois … Gus Englehorn

Gus Englehorn the hornbook
Gus Englehorn the hornbook

Composé sur l’île de Maui et enregistré à Montréal aux côtés de Marc Lawson, l’album OVNI nous prend par la main pour nous entraîner dans la beauté de ses paysages. L’introduction de « Roderick of the Vale », toute en douceur s’inscrit comme un temps calme pour mieux reprendre notre souffle. Il faut le dire, comme des enfants pendant la récrée nous voilà en train de sauter partout, les joues rosies de joie. Pas étonnant de voir le nom de Daniel Johnston cité dans le communiqué de presse de l’opus. De l’immense génie du lo-fi on retrouve la candeur et l’honnêteté.  Vous pensiez avoir repris votre souffle et mieux pouvoir appréhender ce conte obscure ? C’est sans compter sur le très énervé « Metal detector » comble de la modernité et ses rythmiques endiablées. A s’approprier dès son plus jeune âge.

Le titre le plus enfantin de notre coup de coeur est sans nul doute  » A song with arms and legs ». Certainement en raison de ce nom qui fait doucement sourire. Pour autant sa texture musicale, envolée joyeuse au milieu d’un périple au cours duquel on ne reprend que rarement son souffle, y est pour beaucoup. D’ailleurs, pas étonnant d’y retrouver une voix d’enfant pour accompagner celle si atypique de notre romancier, envoûtante à souhaits. Père Gus, raconte nous encore une histoire s’il te plait. Le voeux sera exaucé une dernière fois. L’épilogue « One Eyed Jack (Pt III) » vient à merveille répondre au premier bijoux de l’opus.  La saga nous raconte l’histoire d’un messie mythique. Clin d’oeil à notre hôte ?  La folk s’invite à l’instant, la guitare s’y fait précise, un fond post-punk persiste, tapis dans l’ombre comme le plus beau des dragons. Une dernière révérence et on se dit au revoir. Et ils vécurent heureux et eurent, on l’espère beaucoup d’albums. Ce livre musical aura au moins beaucoup d’écoutes et il peut compter sur nous pour y participer. Des première lueurs du jour aux heures où les carrosses sont depuis longtemps devenus des citrouilles et où les anciens enfants pas si sages voient les musiciens sous les traits de mages légendaires.


Voilà qu’Orange Blossom posait ses graines dans la célèbre salle parisienne de la Cigale ce 21 janvier 2025. Pour l’accueillir un vent glacial venait geler les os de ses spectateurs dehors, en ce premier mois de l’année, particulièrement rude . Pour le contrer, venait alors lui répondre le sirocco du groupe. Ces vents puissants et chauds que l’on retrouve habituellement dans le Sahara. Loin d’être une traversée du désert pour autant, la soirée qui montait crescendo laissait place au chant de la sirène Maria Hassan, fraichement débarquée dans le groupe.

Orange Blossom - La Cigale 2025 - Crédit photo : Louis Comar
Orange Blossom – La Cigale 2025 – Crédit photo : Louis Comar

Premiers bourgeons

Orange Blossom - La Cigale 2025 - Crédit photo : Louis Comar
Orange Blossom – La Cigale 2025 – Crédit photo : Louis Comar

Un simple décors, sans fioritures se dévoile ce soir. Devant lui, une femme. Mais surtout une voix puissante, unique. Celle d’une chanteuse qui venait prendre sa place dans le jardin d’Orange Blossom en mars 2024 lors d’un concert au Bataclan. Le public la découvrait avec surprise, apprenant par la même occasion le départ d’Hend Ahmed sans plus de communication. Orange Blossom n’est point de ces groupes qui aiment à s’exposer. Au contraire, la formation nantaise aime à enrichir son jardin secret. Une hérésie en 2025 ? Point du tout finalement. Seule la musique vient à compter et c’est par elle seule que l’inclassable OVNI réuni ce soir une Cigale pleine à ras-bords. On peine à se frayer un chemin au milieu d’une foule dense et compacte venue danser. Il faudra pourtant retenir quelques instants encore, les pas de chats qui nous démangent. Ce sont les pas de velours et la voix  tout aussi douce de notre maîtresse de cérémonie qui viennent nous accueillir sur deux premier morceaux sans instruments, habituel phare du chant, pour la guider. »Dounia » puis « Ya Sîdî » se succèdent, clouant sur leur chemin toutes les bouches. Les saisons défilent en un claquement de doigts. L’hiver sans pitié fait alors place à un printemps puissant. Les feuilles poussent et la nature prend ses droits. Nous voilà en train de vivre l’éclosion d’un immense moment de live. C’est pour défendre l’opus « Spells from the drunken sirens » que la formation nous a donné rendez-vous ce soir. Mais doit on seulement défendre une telle beauté ? Les percussions s’invitent à la soirée et ne nous quitteront plus. Elles sont obsédantes, maîtrisées, précises, endiablées. Une tornade musicale à couper le souffle. « Pitcha » et « Mawj » permettent de monter encore d’un ton. D’un périple dans les musiques arabes, nous voilà propulsés dans un décors inconnu.  Est-ce du rock ? du trip-hop ? de l’électro ? Avons-nous suivi la sirène, hypnotisé.es, bien trop loin ? Plus tard dans le set « Nouh Al Hamam » issu du dernier jet d’Orange Blossom donnera un début de réponse à ces questions. C’est un tout, un tout harmonieux, venu nous bouleverser. L’incantation fonctionne et les hanches s’activent. Le cardio suit les rythmes. En quelle saison sommes-nous déjà ?

Rock chéri

Le violon effréné de Pierre-Jean Chabot, créateur du projet et dernier de ses membres fondateurs, vient habiter le moment. Il faut dire que le groupe voyait pousser ses premiers bourgeons en 1993. Ne n’y en trompons pas. Orange Blossom est un secret qui se susurre aux oreilles des connaisseurs.ses. Parmi eux, le chanteur de Led Zeppelin, Robert Pant, avait lui aussi planté ses mots doux dans le terreau du groupe. Par delà les maltraitances de cet hiver, la musique elle continue d’habiter les âmes. Les riffs se font de plus en plus effrénés et seuls quelques mots de remerciements viennent interrompre le répertoire qui puise dans la discographie complète  de nos artistes. Quelques part durant le voyage, ces derniers viennent nous murmurer quelques mots d’amour à l’oreille. « Habibi » que l’on retrouve sur l’album « Everything must change » permet de chérir l’instant. Le titre profondément rock, aux guitares saturées est un pont puissant entre musique du Monde et l’amour de la formation pour Joy Division et Tindersticks. Si l’idée de faire cohabiter les deux pourrait faire bourgeonner en vous des vagues de joie, imaginez l’alliance qu’ils font mélangés à des sonorités arabisantes. Les frontières n’existent plus. On traverse le Monde à pieds, le sol est chaud, nos visages aussi. Au milieu de la Cigale, notre groupe qui ne joue pas la fourmi, a semé une généreuse forêt.

Orange Blossom - La Cigale 2025 - Crédit photo : Louis Comar
Orange Blossom – La Cigale 2025 – Crédit photo : Louis Comar

Le bouquet final

Il faudra achever notre périple, retourner aux froid rugueux et retrouver les réalités parfois difficile qui l’accompagnent bientôt. Avant de se dire au revoir, Orange Blossom nous offre un dernier bouquet : « Maria » issu de « Under the saheds of violets » qui, comme tout le set, baignera dans des effets de lumière sublimes, à ravir les photographes. La valse baroque laisse les têtes étourdies comme si des verres doublés avaient été consommés. Les joues rosies, comme si le sable les avait piquées, l’odorat captivé par la sensation que laisse le parfum des roses, les muscles tendus d’avoir trop dansés, nous voilà toutes et tous, un peu perdu.es alors que la sirène ne nous indique plus où aller. Tous et toutes ensemble néanmoins, comme des mélodies mélangées, plus fort.es, on devrait s’orienter, au moins jusqu’à notre prochaine écoute des morceaux d’Orange Blossom.

Orange Blossom - La Cigale 2025 - Crédit photo : Louis Comar
Orange Blossom – La Cigale 2025 – Crédit photo : Louis Comar

Adrien Comar, journaliste

top album 20241. Amyl and the Sniffers – Cartoon Darkness

L’australienne et ses australiens ont réussi avec cet album à affiner leurs compositions : c’est moins bourrin, c’est plus varié – résultat : c’est génial. Le tout avec la même rage, la même énergie, la même riot grrrl, Amyl and the Sniffers 2.0, on en redemande !

  • IDLES – TANGK
  • English Teacher – This could be Texas
  • Charli xcx – brat
  • METZ – Up on Gravity Hill

Top concerts 2024  :

LCD SOUNDSYSTEM TOP ALBUMS 2024
LCD SoundSystem – Rock en Seine 2024 @ Louis Comar
  • LCD Soundsystem –  Rock en Seine
  • Porridge Radio – Centre Georges Pompidou
  • Nick Cave & the Bad Seeds – l’Accor Arena

Pénélope Bonneau Rouis, journaliste & photographe

top album 20241. IDLES – TANGK
Difficile de passer à côté de cette bombe qu’est Tangk. Sans perdre leur puissance,
malgré une nouvelle direction musicale remarquable, le groupe bristolien laisse la
rage de côté pour explorer une autre émotion forte. L’amour se glisse ici dans tous
les recoins de cet album, avec toute sa vitalité, sa tendresse, sa force. Idles a bien
changé depuis Brutalism, mais une chose est sûre, leur énergie, elle, est intacte.
Bref. Love is the fing.

  • Florence + The Machine – Symphony of Lungs
  • Vera Sola -Peacemaker
  • The Last Dinner Party – Prelude To Ecstasy
  • Fontaines D.C. – Romance

Top concerts 2024 :

PJ Harvey - @Pénélope Bonneau Rouis
PJ Harvey – @Pénélope Bonneau Rouis
  • Stevie Nicks – Ziggo Dome, Amsterdam
  • Anohni & The Johnsons – Philharmonie de Paris
  • PJ Harvey – Gunnersbury Park, Londres

Léonard Pottier, journaliste, community manager

top album 20241. Kit Sebastian – New Internationale
Il fallut attendre leur troisième album pour que je découvre enfin la magie Kit Sebastian. Le duo franco-turc, composé de Merve Erdem et Kit Martin, m’ayant laissé jusque là relativement indifférent, m’a cette fois-ci comblé d’un bonheur inattendu. « New Internationale » est une perfection. Sa qualité de composition et de production se dévoile au fil des écoutes, jusqu’à faire de cet opus, sous ses airs mielleux et légers, un monument de l’année 2024. Comme l’indique son titre, les influences vont piocher dans différents coins du monde : Brésil, Ethiopie, Indonésie… au service de morceaux astucieux, accrocheurs et réconfortants. Chacun d’eux vous restera en tête très longtemps.
« New International » fait de ses subtilités sa force majeure et de ses compositions une évidence. Nouvel album de chevet.

English teacher – This Could Be texas
Geordie Greep – The New Sound
Sylvie Kreusch – Comic trip
Anton Serra & Goomar – C’est grave Docteur ?

Top concerts 2024 :

King Hannah - La Maroquinerie - Photo : Théophile Le Maitre
King Hannah – La Maroquinerie – Photo : Théophile Le Maitre

 

  • King Hannah, La Maroquinerie
    Marc Ribot, l’Orangerie (Bruxelles)
    Vampire Weekend – Adidas Arena

Théophile Le Maitre, vidéaste, photographetop album 2024Yellow Days  – Hotel Heaven

Hotel Heaven est un pur produit des années 70’s, comme s’il avait été enregistré par Phil Spector. Yellow Days entreprend un sublime hommage à John Lennon, particulièrement dans son travail sur la voix, tout en proposant quelque chose de parfaitement original. Les sept chansons invitent au lâcher prise, par un groove funk et des paroles légères. Une production bluffante qui vous tient en haleine le temps d’une petite demi-heure, c’est le meilleur album de Yellow Days à ce jour, et pour les fans, il existe une extended version de plus d’une heure.

  • Vince Staples Dark Times
  • Idles – TANGK
  • Grande Mahogany – As Grande As
  • Saya Gray – QWERTY II

Top concerts 2024 :

  • RVG – 11/09/2024, Le Hasard Ludique
  • AIR – 17/08/2024, La Route du Rock
  •  Cimafunk – 13/07/2024, Les Nuits de Fourvière

 

Louis Comar, photographe

top album 20241.  Fontaines DC – Romance

Un album intense et addictif qui fait passer le groupe Irlandais dans une autre dimension. Les 11 titres sont transcendent et ne demandent qu’à être vécus en live.

  • The Vaccines – Pick-Up Full of Pink Carnations
    Soft Play – HEAVY JELLY
    Frank Carter and The Rattlesnakes – Dark Rainbow
    Justice – Hyperdrama

Top concerts 2024 :

Miles Kane – La Cigale 2024 – Crédit photo : Louis Comar

 

 

  • Miles Kane – Cigale 19/02/2024
    Maneskin – Rock en Seine 22/08/2024
    Nick Cave – Accor Arena 17/11/2024

 

Kevin Gombert, photographe

top album 2024 1. Leon Bridges – Leon

Ce nouvel album de Leon Bridges explore les racines de sa musique. On plonge dans un univers très soul / rnb des années 60. L’influence de la scène texane et de la Louisiane est plus forte que jamais dans ses compositions. « Leon » est un chef d’œuvre intemporel qui marquera par sa qualité et sa production presque parfaite. Avec ce 4ème LP, Leon Bridges fait bel et bien parti des grands noms de la soul au même titre que Bill Withers ou Sam Cooke.

  • Bill Ryder-Jones – IECHYD DA
  • Fontaines D.C. – Romance
  • Micheal Kiwanuka – Small Changes
  • Kamasi Washington – Fearless Movement

Top concerts 2024 :

Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
Lana del Rey à Rock en Seine 2024 @ crédit : Louis Comar
  • Nick Cave – L’Accor Arena
  • Paul McCartney – La Défense Arena
  • Lana Del rey – Rock en Seine

 

Julia Escudero, rédactrice en chef

top album 20241. Bill Ryder Jones – IECHYD DA

Il n’aura pas fallu longtemps pour déterminer de l’album qui gagnerait la première place de mon année 2024. IECHYD DA est sorti en janvier et n’a, malgré de très belle sorties cette année, jamais perdu sa place dans mon classement. En cause, un opus à fleur de peau qui profite de l’immense sensibilité et de l’honnêteté radicale de Bill Ryder Jones. Le musicien qui est aussi producteur touche la perfection sans jamais basculer dans l’hyper démonstration. Une lumière tamisée, une douceur amère peuplent et hantent ses compositions trop personnelles pour ne pas transpercer les cœurs. Pour ne rien gâcher, le morceau de l’année  » This can »t go on » vient parfaire l’instant. Comme si Bill Ryder Jones avait voulu personnifier toutes nos émotions. A notre santé, donc.

  • Hamish Hawk – A Firmer Hand
  • Vampire Weekend – Only God was above us
  • English teacher – This could be Texas
  • Adrianne Lenker – Bright Future

Top concerts 2024 :

Crédit photo : Louis Comar
  • Nick Cave -L’ Accor Arena
  • Anohni & The Johnsons – Philharmonie de Paris
  • Bill Ryder Jones – la Maroquinerie