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Julia Escudero

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Bartleby Delicate Deadly Sadly WhateverBartleby Delicate nous a habitué à la perfection, rien de plus, rien de moins. La talentueux musicien allie toujours raffinement et capacité à composer. Avec ses intonations folk qui côtoient la pop onirique, il touche directement au coeur ceux qui l’écoutent. Dans l’univers de cet artiste entier, la délicatesse est effectivement mot d’ordre, vous étiez prévenu dès le titre.

L’ancien chanteur de Seed to Tree frappe fort à chaque titre et s’installe naturellement dans les têtes et les playlists.  De « Sibling » à « A Little less home » en passant par « Beyond good and evil » ou encore le plus récent « Plastic Flowers », le musicien a su se conférer un univers à part sous forme de cocon qui n’aurait pas à rougir face à des musiciens comme Elliot Smith, Big Thief ou encore Half Moon Run.

Parce qu’il fallait bien apporter un peu de beauté dans ce bas monde, le voici de retour le 14 mai 2021 avec un EP à écouter en mode repeat « Deadly Sadly Wathever ».  En distillant un message de paix, en s’interrogeant sur son droit à s’exprimer en raison de son statut d’homme blanc cis-genre, Bartleby Delicate plonge son auditeur dans un monde où la bienveillance est enfin mot d’ordre. Il n’hésite pourtant pas à user du second degrés expliquant même : « Aussi dramatique que tout puisse paraître parfois, l’humour est une force. »

Le voilà donc de retour avec le titre « Sleeping song », une berceuse onirique qu’il est bon de retrouver. Plus qu’un simple titre, cette pépite s’avère être une expérience essentielle, une forme d’oasis dans un désert de lassitude. Une forme de réponse face à la violence de ce monde qui parfois subjugue. Pour vous faire entrer dans sa bulle , il crée une boucle instrumentale qui se répètera jusqu’aux dernières secondes de ce morceau clairement abouti. Le rêve y est forcément mot d’ordre alors que le clip aux dessins enfantins qui l’accompagne ne fait qu’ajouter une touche de magie à un moment que l’on souhaite garder pour toujours. Appropriez vous ce morceau, il a été construit pour devenir votre meilleur ami la nuit, lorsque l’on regarde la noirceur du ciel en rêvant de toucher les étoiles.

Découvrez le clip de « Sleeping song »


Alice Animal
Crédit Yann Orhan

Après un premier album « Théogonie » sorti en 2017, Alice Animal revenait en force et en rock le 28 mai 2021 avec un nouvel opus « Tandem » qui joue avec les codes de la pop française et du rock pour un résultat électrique.

« Tandem » c’est aussi le titre du premier morceau de l’album . Pas de temps à perdre pour Alice Animal qui envoie ses guitares déchaînées dès les premières notes du morceau. Sa voix puissante s’additionne à une guitare énergique. Aussi structuré que déstructuré, comme tout bon titre à l’esprit rock, cette entrée en matière annonce un album sincère, vif et sans concession. Difficile de ne pas penser à Zazie sur le refrain dans la phraséologie comme dans l’arrangement musical. Tout comme l’icône française, notre chanteuse féline calibre un titre accrocheur qui entre facilement en tête.

« Finir à L.A » vous en rêvez ? La chanteuse aussi. La cité des anges inspire de nombreux titres Outre-Atlantique mais aussi de notre côté de l’Océan. Entre soleil, gloire et misère, la chanteuse dépeint un tableau complet du rêve américain qui nous a été transmis malgré la distance – la faute peut-être à une culture sur référencée qui s’est glissée dans nos cerveaux dès le plus jeune âge par le biais d’écrans déjà omniprésents. Toujours est-il que le titre lui, est aussi pressé que les habitants de la ville qu’il décrit, les riffs précis s’enchaînent, s’additionnent comme une répétition, se font rapides et s’appuient sur une basse calibrée. Si à Los Angeles, les paradis artificiels sont réputés comme nombreux, ce sont « Tes Eléphants roses » que nous invite à découvrir la musicienne pour poursuivre la route. Ce morceau marque un véritable tournant dans l’album alors que la mélodie ralentit et que la guitare se décline avec douceur comme une confidence. Il faut dire qu’Alice Animal cette fois dénonce une relation toxique demandant au passage de ne plus être la victime d’un amour qui détruit. A fleur de peau, la belle s’offre même à 2 minutes 50 une aparté parlée qui évoque noirceur et profondeur et tranche clairement avec les couleurs vives qui habitaient jusque là les titres – et la pochette rose de l’album.

A fleur de peau

« Mauvais garçon » marque un retour tonitruant à un rock plus pop. Entre instruments clairement énervés et riffs dansant, le morceau s’offre une belle dualité qui fait joliment écho à ses paroles. Le refrain et ses montées dans les aigus invitent  au lâché prise et l’envie aussi irrépressible que viscérale d’assister à un concert, de faire des pogos, de vivre dans l’instant.  « Mon or » s’habille de références et de riffs à l’espagnol alors que la guitare suave reprend cette capacité à évoquer les douleurs amoureuses tout en invitant à la danse. Les français ont ce don naturel du texte pour parler des sentiments. La palette émotionnelle, le vocabulaire sont autant d’outils utilisés à l’infini dans la chanson pour parler de la perte amoureuse. Comme la tradition le veut, Alice Animal s’approprie la beauté de notre langue et en parle celle de ses instruments entre profondeur et teinte froide pour habiller ce texte intime et imagé.

La musique française a connu beaucoup de courants, tout comme cet album puisque cette fois « On est barock ». Rock toujours en tout cas, alors que le rythme répétitif se casse en vagues à mesure que le titre progresse.  Construit en couches, le titre change régulièrement de ton avec maîtrise. La chanteuse y évoque en paroles « l’ombre et la lumière » tout comme en mélodie. Tantôt énergique, tantôt à coup de paroles scandées, la musicienne n’a pas froid aux yeux et compose un morceau qui se réinvente avec régularité.

Kent se dévoile

« On n’a qu’une vie » clôture l’album en une déclinaison entre pop et chanson. Aidée à la voix par Kent qui se fait l’écho grave du texte qu’il a composé. Les compère s’étaient rencontrés au Café de la Danse en 2017 alors qu’ils partageaient une scène le temps d’une reprise de « Scary Monsters » de David Bowie. Leur alliance fait des étincelles dans une ballade qui ne perd jamais de vue les sonorités puissantes du rock. Très différent du reste de cette galette, ce dernier jet permet de quitter l’univers sauvage d’Alice Animal avec douceur. « On a qu’une vie pour tenir toutes les promesses et pardonner les maladresses » rappellent les compères avec douceur, mélancolie et notes aériennes. Voilà qui illustre bien cet album entier, construit, sincère et prometteur pour une chanteuse survoltée. Les maladresses de l’opus sont ainsi facilement oubliées au crédit d’un esprit rock, d’une puissance vocale digne des plus grandes stars de la chanson française et d’un amour sincère des instruments. A l’écoute de ce nouveau jet, impossible de ne pas penser que la musique d’Alice Animal mérite d’être vécue en live. Sa fougue promet d’être hautement contagieuse. Un grain de folie qu’on espère tous attraper, sans masque ni barrières, avant la fin de l’année 2021.


No money Kids
No money Kids -dr

Le nouvel album de No Money Kids, « Factory » est en préparation.  Le groupe nous a appris à faire des grands huits émotionnels : du rock lo-fi au blues sombre en passant par l’électro, il ne se refuse rien, créant sur son sillon une esthétique poignante et visuelle. C’est avec un titre sombre « Why I’m so cold » qu’il a choisi de présenter sa nouvelle galette.

Pour son clip réalisé par les frères McKeith, la formation explore la thématique de la maternité solitaire. De la fin d’une histoire à la redécouverte de la vie par une naissance, d’un berceau entouré de noir. Pour personnifié la détresse de la mère que l’on suit avec intimité à l’aide de plans serrés, un objet tenu comme un trésor : un synthétiseur pour enfants. Il devient le centre de l’image, l’objet auquel on s’accroche.

Un nouvel extrait poignant

Si l’image est forte, le titre en anglais, l’est encore plus. Avec une introduction puissante qui plonge immédiatement dans l’univers glacial qu’il dépeint, il prend immédiatement aux tripes et au coeur. La voix, presque chuchotée à demis-mots accompagne une instru lo-fi où douceur et intensité se côtoient avec aisance. C’est d’autant plus le cas sur le refrain composé comme des vagues se sentiments, qui frappent et frappent sans cesse. La voix se fait sensiblement aiguë, entraînant l’auditeur dans un tourbillon écrit, brillamment composé et à fleur de peau. Cette balade indie-rock illustre à la perfection la douleur sourde que l’on croyait disparue, celle qui rampe sous la peau et ne sort son visage qu’occasionnellement. Mais il sait aussi se faire apaisant comme un secret qu’on confierait à demi-mot. Une belle réussite donc qui tranche avec le ton donné par le premier extrait de cette nouvelle galette « Crossroads » dévoilé au mois de février qui n’était pas sans rappeler l’univers blues rock d’un autre duo talentueux : The Black Keys. Ce quatrième opus promet d’explorer le rock et l’électro et de se renouveler à chaque titre. Forcément, on a hâte!

Découvrez le clip de « Why I’m so cold »

 


ODGE
Odge « Love and other Disorders »

Et d’un premier EP pour Odge. Et quelle entrée en matière pour ce « Love and other disorders » dont le nom vous rappellera sans doute « Love (et ses petits désastres) » avec à son affiche la regrettée Brittany Murphy.

Si la comparaison pourrait largement s’arrêter  à une phonétique similaire, la fraîcheur des deux oeuvres et le talent de ses deux interprètes principales ne peuvent qu’être notés.  Les festivités s’ouvrent sur le puissant « Sad Love Song », petite bombe électro sombre aux notes suaves entre pop et rock. On pense volontiers à Fiona Walden et ses notes à la tristesse sucrée alors que la rythmique entre immédiatement en tête. Classique instantanée à la beauté pure, ce premier morceau prend la main de son auditeur et l’accompagne dans toutes les étapes de la rupture amoureuse. La perte de l’amour traité comme un deuil ? A la lumière d’une boule de disco tournant au ralentis, face au visage esseulée de la musicienne dans une chambre bien trop vide , les notes de cette comptine emplissent les esprits d’images net. Au détour d’une voix grave et puissante, ne serait-il pas possible que l’on soit finalement moins seul qu’on ne le pensait ?

Nuits de folies

« Champagne » , doit- on se servir une coupe pour célébrer sa rupture ? Point du tout, là encore le morceau a la bonne intuition d’avoir deux visages. Celui dansant de l’électro, qui donne l’envie de se déhancher follement. Oui mais la voix lancinante, elle s’inscrit dans une tout autre registre. Celui d’une ritournelle triste, d’une perte qu’on noie dans le champagne et des folies nocturnes pour moins s’y confronter.

La dualité, c’est bien ce qui fait la beauté de cette galette qui ose tout en maitrisant parfaitement son style. Voilà donc que le strombinoscope se lance à coup de notes psychédéliques. La voix se fait apaisante comme un cocktail, le tempo s’enflamme, se répète en boucle comme sur une piste de danse des années 90. Nous voilà en plein « Dancing in the heat ». La chaleur est là, l’été assourdissant que l’on oublie la nuit sur le dancefloor.  Le quoi ? Fermez les yeux, la crise n’existe plus, la nostalgie du moment se conjugue maintenant au présent, tout ce que vous avez à faire, c’est de vous laissez porter par le flow, la voix d’ODGE maintenant obsédante.

Maintenant que les bases ont été posée, Odge s’avoue être une « Weird Girl ». Là encore, le beat est aussi répétitif qu’envoûtant. Il prend le temps de s’installer, se développe avec naturelle, s’intensifie. Les notes de synthé se déploient à l’infinie. Pop et électro se racontent, la voix se fait narratrice, elle devient celle d’un’ confidence. A 1 minute 40, le titre prend en épaisseur en ajoutant des couches de tempos. Aïgue et grave se côtoient alors que la voix monocorde dévoile une part d’intimité, un mur de pudeur. La musique sous forme de journal intime ? Il est possible d’évoquer fête et noirceur, beauté et mélancolie sans jamais devenir antithétique.

C’est  « In Love » qui a la lourde tâche de conclure cette pépite hybride. D’ailleurs la musicienne lâche la bride dans une accélération vibrante et hynotisante. Dès ses premiers instants, le titre ne connait pas de barrière. Le rythme soigné est rapide. Il faut savoir rire de ses peurs, de relations amoureuses que l’on sabote inconsciemment. La douceur de la voix s’intensifie dans une flot de paroles maîtrisé, juste et pressé. Ce moment suspendu tient du besoin de tout exprimer avec rapidité, comme si les minutes étaient comptées, que le temps de parole accordé devait être au maximum utilisé. Au détour de cette sensibilité bouleversante, Eléonore Du Bois de son véritable nom, invite à une fête bienveillante. Celle qui permet à chacun de laisser sortir ses démons à coup de pas de danse effrénés, de paroles que l’on s’approprie et d’instruments vivants. La bille noire de la mélancolie y résonne comme un exutoire.

Ce premier jet fait honneur à celle qui avait appris le chant dès ses 11 ans à la maîtrise de Radio France. Tel un grand huit retournant,  il invite à l’introspection et promet de serrer les coeurs. Ce voyage en territoire obscure se vit comme un moment partagée avec une autrice complète et rassurante. « Love & other disorders » rappelle à juste titre que l’ombre appelle la lumière et que les deux peuvent cohabiter. Laissez vous porter, ici nuances, éclat et harmonie sont mots d’ordre.

Pour écouter le premier EP d’Odge, c’est par ici que ça se passe.