Venus défendre, leur nouvel opus, « The Big Picture » au Trianon de Paris, les rockeurs alsaciens de Last Train ont fait face à une salle pleine à craquer. Un concert maîtrisé et d’une grande maturité qui prouve que nos jeunes loups fous sont aujourd’hui des musiciens accomplis.
Bandit Bandit: ouverture féminine survoltée
Quatuor porté par une chanteuse à forte présence, Bandit Bandit ouvre les festivités face à un Trianon complet. La foule est au rendez-vous dès les premières minutes de cette soirée résolument rock. Meneuse au tambourin, la belle porte ce concert de haute volée entourée de musiciens talentueux. La front woman se déhanche volontiers. Chantant langoureusement tantôt en français tantôt en anglais, elle surfe sur son charisme indéniable et sa voix puissante pour faire face aux guitares saturées de ses comparses. Il faut dire que Bandit Bandit profite d’une belle cote dans le milieu et a su se faire un beau nom. Topo après un passage remarqué au MaMA festival, le groupe attire une foule désireuse d’y trouver la crasse viscérale d’un rock sombre mêlé à la nouveauté d’une scène française en effervescence.
Sans jamais rater son effet, le groupe est jeune. Pas de cette jeunesse folle qui lâche tout et sent bon la bière non. Plutôt de celle consciente qui sait où elle va. Le voilà donc qui sert un show certes bourré d’énergie mais également carré et extrêmement ficelé. Est ce mal? Du tout. Pourtant la véritable énergie du rock, ses folies et ses fausses routes sont plus mimées que vécues. Les interactions manquent à l’appel. Tout comme une pointe de folie assumée qui permettrait aux compositions de gagner en originalité. Reste néanmoins à saluer les parties phrasées et le déchaînement des instruments qui suivent, exutoire profond pour un public qui ne demande qu’à se déchaîner.
Last train : photographie rock
Deux titres et voilà déjà que Last Train fait trembler le sol d’un Trianon plein a ras-bords. Dans la foule on croise des trentenaires et des enfants, des cinquantenaires et des vieux de la vieille amoureux de rock à jamais. Venus défendre « The Big Picture », le groupe n’oublie pas « Weathering », son premier essai pour autant. D’ailleurs il ne faut pas attendre longtemps pour écouter le culte « Way Out ». Vêtu de noir et blanc puisque Last Train a son dress code, le groupe déchaîne immédiatement les cris de la foule alors que son chanteur Jean-Noël Scherrer prend d’assaut le devant de scène gilet de barman sur les épaules. La question du soir ne réside pas tant à savoir si Last Train est un groupe de qualité, des centaines de dates ont déjà largement entériné ce fait et répondu a la question par l’affirmative.
Non maintenant ce qu’il faut savoir c’est si la brillante carrière des supers copains, un label et un festival sous le coude, n’a pas eu raison de son énergie et de son authenticité rock.
Un bref « Bonsoir Paris » sous ce timbre si particulier,s’interpose entre deux morceaux. Exit les discussions et échanges, les compères leurs préfèrent des morceaux puissants issus de leurs deux opus. Plus aisés sur scène qu’ils ne l’étaient sur leur précédentes tournées, les musiciens se déchaînent et ne lâchent rien. En réponse à cette énergie déversée par torrents, le public pogote volontiers. Respectueuse, bienveillante, la foule y protège les plus faibles, fait attention aux photographes et danse en rythme. L’échange est bilatéral, et voilà notre chanteur qui descend la saluer et s’offre un slam mémorable. Le rock puissant s’alterne et laisse place aux ballades, Last Train est un projet entier et varié. Lors d’un temps calme alors que Jean-Noël fait face à la batterie, voilà qu’un « A poil! » se fait entendre. Au jeu de la maturité et de la conscience, le public de tout âge lui, a souhaité garder l’âme enfantine qu’il est bon de retrouver dans le milieu du rock. Last train n’est pas de cet avis. Ceux qui avaient toujours mis la qualité a l’épicentre de leurs sets, redoublent aujourd’hui de minutie. Les notes sont pesées, leur intensité est là, savamment calculée, déversées avec puissance. Un solo de guitare par-ci, une batterie au présentiel fort par la, une ligne de basse savamment ficelée d’un autre côté, le groupe a toujours et continue de sublimer ses titres en concert. Dans ce set carré, hyper travaillé, il offre à son public en fin de course l’excellent « Fire », masterpiece du premier album et égal de « The Big Picture » sur le second. Sublime en live comme il se doit, cette pépite aux nombreux visages fait vibrer tout amateur de rock en pleine possession de ses oreilles. Pour néanmoins répondre à la première question qui nous intéresse, Last train s’est aujourd’hui perfectionné au détriment de la fougue et du grain de folie qui l’évoquait. Ses premiers sets rappelaient la candeur des 20 ans de BB Brunes et des Kooks. Exit l’adolescence farouche, les mimiques propres au punk, en 2019, le rock, seul rempart contre la mascarade sociale, la politique désastreuse de notre monde et la bienséance, a choisi lui aussi de se lisser. Et au profit d’une maîtrise qui au vu de leur jeune âge donne à nos amis toutes leurs lettres de noblesse, le groupe chouchou a choisi d’adhérer au rock protocolaire plutôt qu’au lâcher prise étudié et faussement adolescent.
Pour autant et si les titres sont aussi savamment interprétés sur scène qu’en studio, la passion qui habite le groupe est palpable. C’est cette même passion qui se transmet à la foule comme une onde, qui parcours chacun et garanti que chaque concert de Last Train sera toujours un grand moment de live. Arrive le rappel et l’occasion pour le groupe de remercier tout le monde, son entourage, son public mais aussi « Nos mamans et nos papas qui sont dans la salle ». Enfin les premières notes de l’excellent « The Big Picture » se font entendre. Dix minutes de perfection allant du blues au rock, touchant au somptueux, brisant les cœurs pour mieux souder les âmes. Sur scène, Julien Peultier est habité, le reste de sa troupe ne lâche rien, envoie la totalité de son énergie et captive jusqu’à la toute dernière note.
Le groupe salue la foule et s’offre ses traditionnels câlins, ceux qui ont fait leur marque de fabrique, ceux qui permettent enfin de lâcher prise. Il fait déjà partie des grands du rock français, de ceux dont on se rappellera longtemps tout comme de cette soirée au Trianon qui garantie que le rock a toujours sa place en France et qu’il est porté haut et fort par ces jeunes prodiges.
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