Il aura fallu s’armer de patience pour découvrir la suite de Ginny & Georgia sur Netflix. Dévoilée en janvier 2023, la saison 2 du show s’était inscrite au top des séries les plus streamées de la plateforme. Et cette dernière avait laissé dans son sillon son lot de messages d’une importance capitale, mettant en son coeur la santé mentale pour mieux servir une intrigue très joliment menée. Qu’à cela ne tienne, il nous fallait une nouvelle salve d’épisodes pour retrouver Wellsbury et retrouver ses habitants. D’autant que la fin de la saison 2 s’arrêtait sur une cliffangher de taille : l’arrestation de Georgia à son propre mariage. Alors que la saison 4 a d’ores et déjà été annoncée, ce qui nous change du suspens qui avait habité les fans la dernière fois, on se fait un retour sur cette troisième saison. Un moment poignant qui garde en lui ce qui fait la force du show : aborder avec justesse des thématiques complexes, parler aux adolescents et toujours séduire les adultes. Attention Spoilers.
Ginny & Georgia : ou comment parler des problématiques adolescentes sans les édulcorer
Il ne faut que quelques minutes pour retrouver avec plaisir l’univers pastel de Ginny & Georgia. Ce qui pourrait être un spectacle commun, une série teen dans une petite bourgade américaine, et d’emblée loin de l’être. D’autant que cette saison va se découper comme une longue séance de psychanalyse pour ses nombreux personnages. Chacun et chacune verra ses actions et sentiments passés au peigne fin et se fera par essence le reflet de sentiments bien réels chez les spectateurs.trices. Il faut dire que les showrunners se sont entourés d’une psychologue pour l’écriture du show : le Dr Taji Huang, ceci expliquant donc cela.
Ginny, l’excellente Antonia Gentry qui bouffe de plus en plus la caméra le temps passant, est évidemment au centre de l’intrigue. Lors de la dernière saison les scénaristes avaient choisi de parler de ses problématiques d’auto-mutilation. Ginny se brûle pour échapper à ses douleurs. Elle en souffre, souhaite arrêter mais a pris le réflexe de se faire du mal comme forme de gestion de sa colère et de ses angoisses. Les dialogues autour de ce sujet central et existant massivement chez les adolescent.es (mais pas que) avaient alors autant pour but d’éduquer et de comprendre un personnage joliment écrit que le spectateur.trice peut-être lui même au prise de ses propres démons. Pour contribuer à tout ça mais aussi aider à faire entrer le sujet dans les mœurs et le normaliser, Ginny commençait à consulter une psychologue dans la saison précédente. Et cette thérapie va l’accompagner durant toute la saison comme un fil rouge léger mais existant. Si les douleurs de Ginny, une mère accusée de meurtre notamment sont très peu communs, le sentiment d’isolement face au monde peut lui parler au grand nombre.
Elle ne sera d’ailleurs pas la seule adolescente à être passée au microscope. La saison va tour à tour mettre en lumière les problématique des différents personnages et prendre le temps d’en parler. Mais aussi tenter de traiter toutes les formes de douleurs. Et ce qui fait toujours la force du show sera bien là : la faculté à parler de sujets graves sans perdre de ses couleurs, de ses instants de douceur, de légèreté et de rire. La dépression de Marcus, le beau Felix Mallard dont la nouvelle coupe de cheveux a fait jaser – le revers du succès- est elle aussi au centre des échanges. Avec Marcus, les showrunners interrogent le pouvoir des parents et de l’entourage face à une maladie invisible et pourtant si handicapante. Un sous-sol aménagé pour faire de la peinture pourrait-il être une solution ? La thérapie par l’art peut-elle aider ? Peut-être nous répond-on mais jamais suffire. D’ailleurs le personnage s’offre une monologue poignant lorsqu’il explique à Ginny ce que lui fait ressentir sa dépression. Le sentiment d’avoir un bras coupé, qu’on devrait l’aider mais que personne ne voit rien. Les solutions ne sont jamais évidentes, malgré les nombreuses sonnettes d’alarme tirées par sa sœur Max. Marcus finit par noyer ses démons dans l’alcool, l’occasion d’aborder sans cliché les drames causés par l’addiction chez l’adolescent sans nous offrir des scènes ridicules de vomi mal écrite. Et sans non plus tomber dans l’idée puritaine que boire une seule bière une fois serait en réalité de l’alcoolisme. Marcus reste à tout moment charmant, doux, important et le poids de sa dépression sera toujours bien écrite et mise en perspective.
Des personnages secondes aux nuances primordiales
Comme nous le disions, la force du show réside dans sa capacité à traiter de maux pluriels toujours avec une douceur et une bienveillance rare. Ainsi le personnage d’Abby (Katie Douglas) prend de l’importance dans la saison. Elle s’y affirme et gagne en personnalité. Elle incarne l’amie présente, l’adolescente blessée par le divorce de ses parents, un sujet commun et pourtant souvent difficile à accepter à cet âge particulier. Mais aussi et surtout, Abby permet de parler de troubles du comportement alimentaires. Là encore les gros clichés sont épargnés alors que la boulimie est abordée. Le personnage ne se limite jamais à son trouble. La série prend l’œil de la psychanalyse et tente de chercher les imparfaits remèdes. Ginny et Norah donnent d’ailleurs de la voix à l’aidant et se demandent comment aborder le sujet avec leur amie. Lui faire savoir qu’elle est comprise, non jugée et qu’elle peut se confier et d’importance primordiale. Et Abby cherche par ailleurs une personne qui vit la même chose qu’elle, repérant les signes chez les autres. Au milieu de ce parcours elle apprend doucement à se détacher d’une relation toxique, à trouver l’amour et surement à mieux s’aimer.
Max ( l’attachante Sara Waisglass) quant à elle aura un épisode entier pour mieux traduire ses émotions, son hyper sensibilité qu’elle cache derrière ses mimiques et son besoin de plaire. Elle est surtout une très belle façon de s’identifier pour nombre de spectateur.trices. On y voit l’importance qu’elle donne à son entourage, son besoin d’aimer et d’être présente et surtout sa peur profonde de la solitude et du rejet. Son traitement plus tragique que les autres ne connait pas de résolution heureuse à la fin de cette saison de Ginny & Georgia. Et son écriture a quelque chose de si vrai qu’elle semble murmurer à l’oreille de ceux qui regardent. A force de vouloir aider, peut-on s’aider soi même ? Comment se construit-on face aux autres quand leur présence est primordiale ? Comment vit-on l’effacement d’un groupe qui est pourtant notre structure ? Tant de thèmes qui prennent racine dans cette saison 3 et devraient être développés dans la 4.
Ginny & Georgia : ton monde adulte, comme celui d’un lycée
Côté psychanalyse c’est bien le personnage de Georgia (sublime Brianne Howey) qui vit la sienne le plus intensément. Jugée pour meurtre, c’est aussi tout son passé qui lui revient en pleine figure. L’occasion de subir de pseudo-analyses de sa psyché est à travers les média et la télévision. Sommes-nous l’image que l’on renvoie ? La fougueuse Gerogia semble finalement le penser. Est-elle un monstre ? Celui qui est décrite ? La noirceur du personnage a toujours plané. Prête à tout pour survivre et surtout pour le bonheur de ses enfants, son personnage ne recule devant rien, pas même le meurtre. Pourtant c’est une femme forte, qui tente de se libérer de l’emprise d’hommes toxiques. Et c’est par les hommes qu’elle existe, et c’est à cause d’eux qu’elle sombre. Abusée, violentée, elle pensait avoir trouvé en la personne de Paul un véritable compagnon. Point trop n’en faut, Paul comme les autres la juge, l’abandonne. Personnage odieux derrière son image de gentil il place sa carrière au centre de ses préoccupations. Il va même jusqu’à lui reprocher de ne pas y penser alors qu’elle risque la perpétuité. Si les scénaristes pensent donner à Paul (Scott Porter) le beau rôle, à l’écran ses apparitions laissent un goût amère. De celui qui se sent toujours trahi et dans son bon droit quoi qu’il arrive. Est-il réellement la victime de ce cycle ? Point du tout. Finalement, le besoin de survie de Georgia, l’idée que son parcours soit chaotique le rebute dès les problèmes arrivés. Et si le meurtre ne peut être cautionné, l’idée de tout tenter pour sa liberté résonne. Le message est on ne peut plus féministe. Ginny finit par damander à Georgia de changer et elle se remettra en question au point d’enfin embrasser le célibat bien plus que les lèvres de Joe, son plus fidèle admirateur. Cette force de la nature peut avoir bien plus les traits de modèle que ne le pense l’opinion public. Elle n’est point un monstre mais une incroyable survivante.
Des grandes thématiques, doigts d’honneur à l’Amérique conservatrice qui domine
Enfin dans l’Amérique trumpiste qui sévit aujourd’hui qu’il est bon retrouver dans le show des thématiques centrales à l’opposé des idées du président orange. Déjà de par les questions LGBT +, leur normalisation, leurs romances et leurs diversité. Notamment dans la relation lesbienne du personnage d’Abby qui y trouve son souffle d’oxygène. Si Netflix met souvent la pluralité des amours en avant, il est toujours bon de le saluer et de le souligner par les temps obscurs qui courent.
Enfin et surtout, la grossesse de Ginny et surtout la thématique de l’avortement méritent leur lot d’applaudissements. Le personnage enceinte à 16 ans n’est jamais prise de haut, jamais jugée. Au contraire, ses deux parents l’entourent, la rassurent et valident son choix de ne pas garder cet enfants. La thématique n’est pas prise avec gravité, avec sérieux oui mais sans le dramatiser. La télévision américaine a toujours été en retard sur le sujet, faisant l’apologie des pro-vies et n’évoquant pas la possibilité de pouvoir choisir de devenir ou non parent. Il est important d’enfin aborder ce thème, de permettre aux personnes qui seront concerné.es de se sentir moins seule dans cette décision et de rappeler que ce choix, même difficile, est entièrement le bon quant il est réfléchit.
Et la saison 4 de Ginny & Georgia alors ?
Avec un petit cliffangher final, on attend maintenant avec impatience la saison 4 de Ginny & Georgia déjà annoncée. Cette dernière avait déjà été commandée avant la diffusion de la troisième saison. Si la date de sortie n’a pas été communiquée, Sarah Glinski, la showrunneuse de Ginny & Georgia, a confié que « personne dans la famille Miller ne sera plus la même après cette saison 3. Nous parlons du changement de Georgia, mais Ginny a changé, Austin a changé, et il n’y a pas de retour en arrière possible ». et s’ajouter « e pense qu’une partie de ce changement pourrait être bénéfique. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Mental Health America et avec le Dr Taji [Huang], notre psychologue, qui nous aide à façonner le parcours mental des personnages depuis la saison 1. » Voilà qui explique l’importance de la psychologie de la série et voilà qui laisse rêveur quant aux nouveaux épisodes, qu’on espère voir vite pour reprendre une cure de « Well »sbury.
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