Vous vous souvenez des années 2000 ? MTV était au sommet de sa gloire, tout comme le pop punk, ses guitares solaires, ses textes légers et ses riffs propices aux pogos. Nous étions les enfants de Blink 182, nous chantions « What’s my age again? « . Un titre qui a pris sens bien des années plus tard quand il a vraiment été question de se demander où étaient passées nos folles années d’insouciance où il faisait bon faire n’importe quoi pourvu que l’idée puisse sembler amusante et peut-être même vaguement dangereuse. A notre époque aseptisée, où il est bon de s’isoler dans une bulle réduite et surtout prendre soin de soi, l’insouciance passée et salvatrice vient clairement à manquer. Essentiel ou non (mais ho que si essentiel, ne disons pas de bêtises), l’art est le vecteur principal de petites et grosses révolutions. Qu’il soit politisé et invite au débat ou qu’il permette simplement de se détacher des codes sociaux convenus pour mieux y trouver notre place, c’est bien lui qui nous fait nous sentir en vie. Historiquement, les courants punk et rock ont toujours été ceux qui portaient en eux cette énergie provocante. Le pop punk prônait le laisser-aller et il se laissait aller même sur le travail de composition qui souvent se contentait du minimum syndical pour mieux se concentrer sur des refrains accrocheurs et des paroles entre amusement et ton adolescent.
Les années sont passées, MTV a perdu de sa superbe. Et la musique elle, a choisi de focaliser sa scène indée sur une qualité musicale bien plus poussée. Au Royaume-Uni, au temps de l’avant Covid, on faisait du post-punk et ses sombres mélodies enragées et mélancoliques. Une merveille nécessaire mais qui ne suffisait plus à être le seul exutoire de notre besoin primaire de bouger nos fesses et de nous accorder un superficiel amusement bien au-dessus de toute forme de profondeur intellectuelle. La superficialité même des gens qui en ont marre d’être profonds. voilà donc que les tee-shirts de Blink 182 et des logos MTV ont repris leur place dans les boutiques tendances. Et côté musique ? Me demanderez-vous. Et bien bonne nouvelle, elle aussi a choisi de reprendre le rock solaire, avec une nouvelle formule, soyons-en certains, mais la même énergie. Et c’est inconsciemment pour répondre à ce besoin que DYE CRAP a fait son apparition en France.
DYE CRAP, de la vitamine D sous forme de morceaux
Anciennement The Baked Beans, DYE CRAP s’est formé suite au départ de son ancien chanteur. L’idée ? Créer un projet feel good où pop rime avec danse et coups de folie, où on fait de la musique sérieusement sans pour autant se prendre au sérieux. Le groupe prépare alors son tout premier album éponyme à paraître le 30 avril 2021. Pour le teaser en beauté, il sort un premier extrait « MY SHITS », à la batterie travaillée, aux notes qui sentent l’été dont l’inspiration pourrait se situer entre la pop de Foster the People et le rock plus brut de décoffrage. Le tout est pourtant franchement accessible à toutes les oreilles alors que son clip coloré rappelle la bande de Steve-O et s’écoute sur un donuts multicolore. Maintenant que l’oreille est happée et que l’envie de danser est bien présente, DYE CRAP récidive avec une second extrait qui pourrait bien vous donner votre dose de vitamine D pour l’année. Et c’est tant mieux, la vitamine D est recommandée pour éviter d’attraper la Covid, nous aurions donc tord de nous en priver. « Cooloroonie » s’avère plus punk que son prédécesseur, il en garde pourtant les notes sucrées. Alors que la gimmick des guitares qui saturent légèrement se fait entendre il est évident qu’une bande de potes qui s’amuse est derrière ce titre savamment construit. Le refrain prend l’inclinaison d’un hymne à scander et sent bon les influences rétros maitrisées, digérées et re-crées avec modernité. Vous avez besoin de l’écouter, nous en avons tous besoin. Attention néanmoins, ce titre est réalisé par des professionnels, à ne pas reproduire chez soi, à moins qu’à l’inverse de Jackass cette fois, tout ce que vous verrez et écouterez soit justement à reproduire en boucle. Fun, flowers and rock’n’roll.
Le 12 mars 2021, Thérèse fêtera son anniversaire. Le 12 mars un an plus tôt Emmanuel Macron lui volait la vedette, nous plongeant tous par la même occasion…
Pour bien débuter ce mois de février dont on espère qu’il sera aussi satisfaisant que sa disposition visuelle sur le calendrier, même s’il y a peu de chances…
Si 2021 part avec les mêmes difficultés que 2020, la lassitude en plus, le Monde de la musique continue lui de tourner. Au ralentis en ce qui concerne le live, mais à toute allure, en ce qui concerne les compositions. En ce début d’année, trois sorties musicales sortent du lot et promettent leurs doses d’émotions fortes. On vous raconte.
Whico Skyla : tourbillon rock
Groupe parisien formé en 2016, Whico Skyla revenait planter sa graine rock en décembre 2020. Au programme un second EP « Seeds are back » à l’énergie communicative et aux guitares endiablées entre maîtrise de ses références et laissé aller survolté. Impossible de ne pas le répéter : les temps sont dures pour les artistes indépendants. Crise du Covid vous dites ? Aussi mais pas seulement, puisqu’il leur est aujourd’hui extrêmement difficile de se rémunérer convenablement grâce à leurs créations. En cause, les plateformes de streaming et les tous petits revenus proposés aux jeunes artistes (pourtant talentueux) qui y sont présents. Par conviction, pour prouver que c’est possible, pour récolter les premiers fruits de leur travail, les musicien de Whico Skyla ont donc choisi de proposer dans un premier temps leur nouvelle galette uniquement sur leur site et ce bien avant de l’ouvrir aux géants du streaming, aujourd’hui figures inéluctables pour (sur)vivre dans le milieu. L’EP devrait pourtant pouvoir se passer de ces énormes compagnies tant la qualité est au rendez-vous et l’âme folle du rock underground qui n’a besoin que d’un grain de folie et de bouche à oreille pour devenir culte. La formation menée par Alex Dusii (guitare chant), Florian Mensah (batterie) et Nicolas Moge (basse) s’offre une belle promenade dans les contrées lointaines du rock en 5 titres, n’hésitant pas à explorer sur chaque piste une nouvelle approche de ses classiques. Une intro sombre au jeu de basse profond laisse pressentir un univers technique, le premier titre « Fast Club » change pourtant de donne avec une introduction à 100 à l’heure, un chant punk 80’s et un refrain accrocheur, passionnel et énergique. La maîtrise des instruments est là, évidente et pourtant c’est le grain de folie, l’ascension des notes qui gagne l’oreille et occupe le terrain. « Fearless » fait la part belle à la batterie, gardant l’énergie du précédent morceau, touchant au rock alternatif, s’appuyant sur un gimmick à la guitare pour mieux entraîner son auditeur dans un tourbillon où la décontraction devient géométrique. L’âme d’Arctic Monkeys plane clairement sur ce titre. Cour de punk 101, permettant de rassembler passionnés et débutants, cette entrée en matière sent bon les pogos et la bière qui nous manquent aujourd’hui tant. « Twisting Road » permet de faire une pause sur fond de ballade rock et de voyager à travers les époques. C’est « Reaching for the stars (my face on the ground) » qui conclut la galette en un tourbillon lumineux et dansant où le rock se déguste avec une Pina Colada. L’âge d’or du rock revient, la France fera partie de ses précurseurs.
ODGE : mélancolie galvanisante
Difficile de ne pas immédiatement s’éprendre de l’univers d’ODGE. Avec une voix passant avec aisance du grave à l’aigu flirtant parfois avec l’androgynie, la musicienne n’est pas sans rappeler le talent d’Imogen Heap. Il faut dire qu’Eléonore Du Bois de son vrai nom a appris le chant à la maîtrise de Radio France dès ses 11 ans. Depuis elle a acquis un CV des plus impressionnants : composition de musiques de films (Nos enfants Chéris, Les Acteurs Anonymes) et tournées en tant que claviériste et choriste (Gaël Faure, Jo Dahan), elle assoie sa réputation. L’envie de se lancer en solo lui permet de créer ODGE. Diminutif du nom du chien de la famille : Roger. Seule, elle sort un titre magistral « Sad Love Song » une pop sombre et mélancolique teintée d’électro et surtout d’émotions vibrantes. Il y a là la grâce de composition toute en retenue qui était propre à la l’excellente de Fiona Walden dans ce premier titre. La musicienne excelle à appeler l’oreille sans jamais choisir la facilité, ritournelle bien construite s’ajoute à une puissance vocale et une faculté à construire un récit en musique. Celui de la fin d’une histoire d’amour vécue comme un deuil. Celui-là même raconté en image par une série de souvenir qui défilent comme dans les tous derniers instants d’une vie. Certains morceaux peuvent briser des coeurs pour notre plus grand plaisir. « Sad Song Love » fait définitivement partie de ceux-là.
Brisa Roché et Fred Fortuny : madeleine de l’oncle sam
Brisa Roché c’est LA voix de la musique américaine en France. Multi-casquettes elle chante, compose, écrit et peint. Découverte dans le jazz mais ayant depuis brillé dans la folk, la pop ou encore l’électro pop arty, la voilà de retour aux côtés de Fred Fortuny. Ce dernier rêvait de longue date de faire un album « américain » où mélodies et naturel se convoitaient. Voilà chose faite avec une pépite solaire écrite en duo : « Freeze where you U R ». C’est bien un road trip musical que propose la galette à travers des compositions lumineuses aux mélodies candides où la naïveté semble donner des ailes. Pour autant voix angélique et instruments travaillés rappellent avec beauté la précisions des grands musiciens qui l’ont composés. De la comptine rétro 50’s (« Tempted Tune ») à l’hymne galvanisant (« I Don’t want a man ») en passant par l’essaie artistique (« I Love You ») ou encore la ballade easy listening à la sauce 50’s, le duo ne se refuse rien en terme de créativité. L’âge d’or de l’Amérique illumine ses titres hors du temps qui conjuguent au passé et au présent dans la même phrase. Point de nostalgie piquante pour autant. Non ici tout n’est que calme et volupté. L’échos des voix appelle au calme et au bien-être (« The Pattern ») jusqu’à l’euphorie de la profusion pop des années 70’s Outre-Atlantique (« Window gun »). C’est d’ailleurs sur un touche de douceur portée presque uniquement par une voix candide (« Quite Clean ») que se conclut cette parenthèse onirique. Une bouffée d’oxygène dont nous aurions tord de nous priver.
Depuis 20 ans, le Chantier des Francos accompagne chaque année une sélection des artistes francophones les plus prometteurs de l’année. Malgré la crise qui sévit dans le monde…
Luke Pritchard, vous le connaissez déjà puisqu’il s’agit du chanteur du célèbre groupe de rock britannique The Kooks. Marié à la sublime et talentueuse Ellie Rose, le musicien…
Prudence vous la connaissez déjà, sûrement sans le savoir, puisqu’il s’agit du tout nouveau projet de l’époustouflante Olivia Merilahti connue pour être le voix de The Do. La tornade brune s’était fait la solide réputation, à raison, d’être une bête scénique hallucinante tandis que sa capacité à construire des morceaux sublimes n’avait jamais été remise en question. Aujourd’hui en solo, il y avait tout à parier que la même qualité soit au rendez-vous. Un pari gagné alors que la chanteuse dévoilait un premier extrait de son premier album « Be Water » disponible depuis le 4 novembre. Intitulé « Offenses », le morceau, en français et anglais dans le texte, profite de la voix atypique de son interprète mais s’aventure dans un renouveau face à ses premiers essais dans la musique. Le ton est grave, les accords envolés, le refrain accrocheur cristallisé par la voix de son interprète. Grand public, le morceau a la force que l’on connaissait au duo. Ce nouveau projet qui se décline déjà en 5 titres s’offre des revirements musicaux façon grand huit où morceaux dansants (More Love notamment repris avec Kiddy Smile) donnent le change à des titres viscéraux à l’intensité et à la profondeur palpables. Avec Prudence, la musique est organique et se ré-invente. Une très belle façon de faire ses premiers pas seule. Découvrez notre critique de ce premier EP.
Süeur – Bad
Süeur a la rage. Le groupe qui rend rock le rap (à moins que ce ne soit l’inverse ?) est en bad. « La fureur me rend taré » scande la formation de Théo Cholbi qui n’hésite pas à remettre quelques seconde du discours d’Emmanuel Macron sur la difficulté de la jeunesse face aux mesures prises pour lutter contre le CoronaVirus dans ses premières notes. Une détresse qui peine à être entendue à l’échelle nationale qui préfère encore accabler une jeunesse qui subit le virus voyant son présent (et ses meilleur années) tout comme son possible avenir sacrifié. Accablée, délaissée, maltraitée, elle peine à être visible. Süeur tient à mettre des mots dans la bouche de ceux qui ne peuvent que lascivement attendre d’avoir le droit de (re)vivre à défaut de survivre. Avec justesse, la troupe tord les boyaux rappelant que la rage qui se dégage de cette période flirte dangereusement avec la dépression. Pour habiller ce titre actuel, le groupe dévoile quelques images de lives à public restreint, rase son chanteur comme Britney Spears, dévoile son intimité, se fait la voix à coup de refrain rentre-dedans d’une génération perdue. Ecologie, virus, perspectives d’avenir, voilà un cri du coeur coup de poing nécessaire pour laisser sortir les maux violents qui l’habite. Toute guerre sacrifie sa jeunesse, la génération « Fight Club » est terminée, la nôtre n’est plus uniquement spirituelle.
Magenta – boum bap
Magenta vous les avez connus sous le nom de Fauve. Ce n’est un secret pour personne. Pourtant si le collectif a choisi de se reconstruire sous un nouveau nom, c’est aussi et avant tout pour entièrement se redéfinir. A coup de sa force lyrique, tournant la page sur sa jeunesse désabusée, le collectif traite d’une détresse de trentenaires bien encrés dans leur âge. Si le rap phrasé est toujours de la partie, le tempo lui change radicalement se faisant suave, dansant, électro comme ça avait été le cas sur le morceau Assez. Un parti pris que l’on reconnait d’ailleurs dès l’introduction du titre. De Fauve le collectif garde le franc-parlé mais aussi le visage dans l’ombre profitant d’un anonymat pour universaliser son message. C’est d’ailleurs à visages cachés que le groupe dévoile ce clip à la dominante rouge et noir qui suit une histoire d’amour entre collègues. Fauve a été la voix d’une génération, cette dernière a grandit et c’est aujourd’hui vers Magenta qu’elle peut se tourner.
Pépite – Mirage
Dire que l’année manque de douces rêveries et de moments de légèreté reviendrait, nous sommes d’accord, à se jeter à pleine puissance sur des portes grandes ouvertes. De fait, dire que nous avons besoin de réconfort, d’horizon, de douceur parait tellement tomber sous le sens qu’il est presque risible de l’écrire. Ce qui l’est moins en revanche, c’est de vous indiquer où trouver en quelques 5 minutes 29 ce réconfort fleur bleu tant désiré. Il se situe comme bien souvent d’ailleurs, au coeur du nouveau titre de Pépite « Mirage ». Apparemment décidés à faire coller ses sorties aux mois de confinements sans fin, le groupe dévoile ainsi le successeur de « Désert » lui-même sorti en avril. Avec ses accents à la Michel Berger, sa poésie à la Christophe, le groupe navigue sur des riffs solaires, évoque le mouvement et la nature en quelques accords, s’envole dans ses refrains. Pépite c’est le soleil, c’est le voyage, à porter d’oreilles en attendant de pouvoir les emporter avec nous dans de futurs périples à travers le Monde dès qu’il recommencera à tourner.
JakE Bugg- All I NEED
Et d’un nouveau single pour l’excellent Jake Bugg à qui l’on devait l’iconique et profondément rock « Lightning Bolt » publié en 2012. Le britannique de 26 ans, qui compte déjà 4 albums à son actif n’hésite pas à constamment se renouveler et se re-créer. En mai 2020, le petit génie présentait « Saviours of the City », une ballade rock très joliment écrite en amont de la sortie de son nouvel opus prévu pour 2021. Celui-ci devait d’ailleurs s’accompagner d’une tournée mondiale, mais reste à découvrir si 2021 autorisera les concerts – Allo les pogos, les mouvements de foule, la bière dans des eco cups vous nous manquez, c’est d’ailleurs tout ce dont j’ai besoin. Pour Jake Bugg, le besoin a en croire son nouveau titre « All I need » se situe au coeur de combats et de passion. Pour sa mise en forme, le musicien choisi de jouer sur une rythmique forte et répétitive, un refrain calibré et un rock accessible et joyeux. Une dose de bonne humeur face à la morosité ambiante.
Wax Tailor- Misery (Feat Rosemary Standley)
Changement d’ambiance avec le sublime nouveau clip de Wax Tailor qui n’hésite pas à dénoncer une société déshumanisée à coup d’ambiance post-apocalyptique peuplée de visages couverts par des smileys. Les paroles de ce « Misery » feat Rosemary Standley (l’incroyable voix de Moriarty) sont scandées tels les slogans d’une manifestation. Pauvreté, désespoir, quartiers difficiles, société morose, tout y passe alors que le clip dépeint une société dystopique où surveillance et autoritarisme sont de mise. Les émoticones sur les visages des habitants de cet état où le droit est bafoué sont la représentation d’une prédominance des réseaux sociaux où l’humain et ses nuances sont gommés. Entièrement réalisé en motion design par Berkay Turk, cette vidéo glaçante agit comme le miroir obscure de notre réalité et s’avère aujourd’hui essentiel. Cette atmosphère pesante se dégage également de ce titre à la construction parfaite où hip hop et électro se côtoient. Un titre poignant, une réussite absolue, à écouter en boucle.
Apre -I Know I’ll find it
Duo anglais formé en 2018, APRE connait bien les codes de la pop alternative. Le groupe sortait début novembre son album « All in my head ». Un premier projet long format pour les compères qui s’étaient fait repérés dès leurs débuts avec le titre « All Yours » dévoilé sur leur premier EP. La capacité tubesque de nos voisins britannique est connue et APRE n’échappe pas à la règle avec ce « I know I’ll find it » bordé de riffs bien écrit, porté par un refrain puissant et fédérateur. Le duo pourrait bien être composé des dignes rejetons des frères Gallagher d’Oasis. Tout comme ces icônes absolus, APRE sait écrire des morceaux construits qui entrent facilement en tête tout en exacerbant les émotions. Ce tourbillon pop s’invite comme un hymne à vivre, avancer, garder l’espoir. Et l’espoir n’est-il pas aujourd’hui difficile à concevoir ? Il existe dans les paroles répétées d’un bon morceau pop, alors que les mots appuyés s’enchaînent et donnent corps à un message universel. God save la pop britannique!
Archibald sortait le 24 avril un album bien particulier intitulé « Out of Sight ». Ce dernier avait en effet été composé au court d’une résidence artistique en plein milieu…
Chaque année, l’automne est synonyme de très belles découvertes musicales et ce grâce au Crossroads Festival. L’événement qui se déroule traditionnellement à Roubaix est soutenu par la région…
White Riot. Dans l’Angleterre de la fin des années 70, en pleine apogée punk, le fascisme gagne de plus en plus de terrain. Au travers d’un racisme décomplexé, le National Front fait preuve d’un nationalisme à toutes épreuves en embrigadant le plus de monde possible, dont la jeunesse, sa principale cible, dans des pensées conservatrices et réactionnaires. L’Angleterre connait à ce moment-là une période difficile, avec une situation économique désastreuse et un fort taux de chômage. La presse de droite ne manque pas de réveiller la peur en criant que le pays s’apprête à être envahi. Pour éviter la soi-disant catastrophe, le National Front parcoure les rues, les sorties d’écoles et d’universités, organise des manifestations et des marches… Leur but est simple : faire sortir les étrangers d’Angleterre. En parallèle, la répression policière envers les minorités s’accentue et installe un climat de tension extrême dans le pays.
En réponse à cette paranoïa réactionnaire, le punk va prendre les rênes de la révolte. Avec l’émergence de Rock Against Racism, mouvement politique au nom explicite, l’Angleterre bénéficiera d’une campagne de taille afin de contrer les élans fascistes d’une partie du pays, dont certaines figures de proue de la musique, comme Eric Clapton, Rod Stewart ou encore David Bowie, auraient encouragés de manière plus ou moins claires et explicites. White Riot, le nouveau documentaire signé Rubika Shah, se propose de revenir sur cette période de contestation d’une Angleterre divisée en deux.
White Riot En Echo avec la société d’aujourd’hui
Pour faire le récit de cette lutte antifasciste de la manière la plus authentique et honnête possible, la réalisatrice a choisi de se tourner vers le genre du documentaire. Témoignages, images d’archives et captations de concerts sont donc au rendez-vous afin de nous baigner dans la réalité de cette époque qui, malheureusement, résonne grandement avec le monde d’aujourd’hui où, on le rappelle, le racisme perdure plus que jamais et soulève encore très légitimement de nombreux combats de toutes parts dans le monde, et cela d’autant plus depuis la mort atroce de Georges Floyd à Minneapolis il y a quelques semaines seulement. Ainsi, White Riot bénéficie du climat du monde d’aujourd’hui, une société au bord de l’implosion, où l’intérêt pour les luttes antiracistes, non pas inexistant auparavant, loin de là, connaît néanmoins aujourd’hui un fort et magnifique rebond. Le film fait ressurgir le passé comme pour appuyer d’autant plus la réalité d’aujourd’hui qui, en l’espace de 40 ans, n’a pas bougé d’un poil. Les minorités continuent d’être persécutées et réprimées dans le silence général. Là où White Riot trouve sa solution en nous vantant les mérites de la musique dans la lutte contre les inégalités, il en est tout autre pour la réalité d’aujourd’hui qui ne risque pas de venir à bout de ses problèmes aussi facilement. Plus personne pour mener l’insurrection ou société tellement gangrenée que rien n’est plus à espérer ? C’est un autre débat. Concentrons-nous plutôt sur le contenu du film, son fond et sa forme.
Le rock est politique par essence
Retraçant l’histoire du mouvement Rock Against Racism, de sa création jusqu’à son apogée avec le tant attendu festival ayant réuni entre autres les Clash, Steel Pulse et Tom Robinson à Victoria Park, le film s’évertue à nous faire saisir la complexité du travail de communication ayant mené jusqu’à ce fameux point d’orgue où 100 000 personnes se sont réunies contre les poussées nationalistes du pays. Le chemin tumultueux et agité de Rock Against Racism, via tout d’abord de modestes fanzines distribués dans des concerts pour ensuite parvenir à rallier de plus en plus de monde, n’aura pas été vain puisqu’il sera parvenu à vaincre les pensées conservatrices de ses opposants par la musique et par le nombre, allié à l’Anti League Nazi. Rock Against Racism prend de l’ampleur et devient le principal mouvement de protestation. Comme le dit le créateur du projet : « c’est comme un train au bord duquel tout le monde monte ». L’alliance entre différents styles musicaux, allant du punk au reggae, est probablement la plus belle chose réussite de ce mouvement qui aura su privilégier une lutte intersectionnelle. Les blancs se rendent soudainement compte que le racisme existe en Angleterre et se doivent d’apporter leur soutien aux minorités qui en ont besoin, d’où le titre du film, lui-même tiré du fameux titre des Clash. Grâce aux témoignages d’acteurs importants du mouvement, nous sommes en mesure de saisir ce qu’était réellement ce mouvement, son essence et son aspiration : « nous voulons une musique rebelle, une musique de la rue, une musique qui anéantit la peur de l’autre, une musique de crise, une musique qui sait qui est l’ennemi ». Ainsi, tout passe par la musique qui, on le comprend, est l’arme principale pour lutter contre le nationalisme. Pour ce qu’il montre de cela, le film est digne d’intérêt, car il n’y a pas plus belle forme d’émancipation que celle dont le rock est la mère. Et en désignant ce dernier comme un état d’esprit et non plus simplement comme un genre musical, le film réussit son pari en nous montrant que la musique a le pouvoir de changer le monde oui, tant qu’elle dépasse son propre statut. Le rock sera toujours politique, plus que tout au monde et White Riot est une ode à cette pensée.
Un traitement aux limites visibles
Néanmoins, le film connait plusieurs lenteurs et baisses de régimes tout du long, prisonnier des limites de sa forme qui, petit à petit, a tendance à nous faire décrocher. Les images d’archives qui donnent régulièrement vie au genre documentaire, manquent à l’appel. Ici, White Riot semble plusieurs fois à court de contenu et ce ne sont pas les témoignages des quelques mêmes intervenants, dont les paroles ont tendance à tourner en rond, qui sauront nous tenir en haleine pendant une heure et demi (un peu moins). Le rythme relativement plat ne retranscrit pas avec assez de poigne et de volonté toute cette rage bouillonnante de l’époque. Le rock contre le fascisme. Deux mots que tout oppose. Rien qu’en les entendant, on s’imagine déjà des enceintes explosées, des gens fous furieux, de la jouissance, des esprits ravageurs portés par l’amour de la musique et essayant de mettre fin à la haine et aux inégalités, où l’utopie trouve enfin l’arme nécessaire pour se penser réelle. Le film reste trop bon enfant, à moins que ce ne soit réellement l’esprit du mouvement qui, dans ces cas-là, est fait pour être vécu et uniquement vécu. Car le regarder de loin n’a pas l’effet escompté. Même si le sujet reste intéressant en lui-même, il lui manque dans ce traitement une profondeur ainsi qu’un réel désir de nous faire voyager dans le temps : plus d’archives et plus de musique (live surtout) pour nous faire vibrer au rythme de l’époque auraient été préférables.
Aussi n’est-il pas dangereux de s’aventurer dans un sujet comme celui-ci, qui ne bénéficie pas de beaucoup de contenu, le temps d’un film complet ? Car sinon les Clash, Steel Pulse et Tom Robinson, qu’aura-t-on retenu en terme de musique ? La dernière prestation de « White Riot » des Clash lors du festival final peut-être. Autrement cela, aucun moment musical à proprement parler ne porte dignement le film dont on sent rapidement les limites liés à la forme et à son contenu. Quant au passage sur David Bowie et sa fameuse phrase en faveur de l’arrivée d’un leader fasciste, reprise dans le résumé du film, il ne constitue qu’un grain de sable vite oublié dont on ne cherche pas à expliquer plus en détails ni les raisons ni le contexte. Soi-disant l’une des causes de la naissance du mouvement, en plus du soutien plus explicite de Clapton pour un suprémaciste (lui c’est une autre histoire), cette phrase de Bowie aurait mérité des éclaircissements, au lieu d’être ainsi passée à la trappe. Bowie souhaitait-il réellement voir un leader fasciste arriver au pouvoir ? Ne faisait-il pas plutôt l’état des lieux d’un pays au bord de la catastrophe ?
Quoiqu’il en soit, White Riot peine à faire sentir toute la ténacité d’une génération à lutter contre l’un des plus grands maux de l’humanité, même s’il a la qualité de relater un épisode marquant de l’histoire de l’Angleterre de ces années-là. Mais si à la sortie, vous n’avez pas envie de vous refaire toute la discographie des Clash, il faudra vous faire une raison.
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