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Penelope Bonneau Rouis

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Florence + the machine
Crédits : Autumn de Wilde

Trois ans après la sortie de High as Hope, Florence + The Machine revient ce vendredi 13 mai, avec un album plus sombre et plus fier que jamais, Dance Fever. Cet album, tout aussi introspectif que les précédents, présente Florence Welch comme nous ne l’avions jamais vue. Inspirée de l’épidémie de manie dansante du 16ème siècle, la grande rousse se livre à des danses endiablées avec des anges et des démons dans des champs de narcisses offrant au mythe de Cassandre un hymne encore inégalé. Fierté et audace féminine, désir de création, colère, quoi de mieux pour démarrer l’été ? 

Un album frénétique et horrifique

Féminité, sexualité, maternité, sobriété et mythologie grecque, tels sont les grands thèmes du cinquième album studio du groupe originaire du sud de Londres. Florence + The Machine, pour beaucoup, c’est sa chanteuse, Florence Welch. Un peu comme Debbie Harry et Blondie à l’époque, sauf que, cette fois, l’idole n’est pas blonde, mais rousse.

Dance Fever est le résultat d’une épidémie et d’une pandémie. L’une survenue au 16ème siècle, appelée manie dansante, sorte de psychose collective, où hommes, femmes et enfants se mettaient à danser de manière incontrôlable jusqu’à épuisement et sans réelle explication. Et l’autre, moins connue, survenue au 21ème siècle, le coronavirus. Durant le confinement, la chanteuse s’est retrouvée seule face à elle-même, se sentant punie d’avoir, peu de temps avant, songer à faire une pause dans sa carrière. Maintenant que cette pause lui était imposée, elle n’en voulut plus et tenta d’expier ses frustrations en créant Dance Fever, l’un des meilleurs albums du groupe à ce jour.

De nombreux films d’horreur ont inspiré et hantent cet album. Parmi eux, on retrouve Suspiria, The Witch, Dracula de Coppola ou encore Midsommar. La liste complète est disponible sur son compte instagram.

C’est King qui ouvre ce bal enfiévré. Le single sorti en février dernier est accompagné d’un clip réalisé par la photographe et réalisatrice Autumn de Wilde (Emma, 2020) avec qui le groupe avait déjà collaboré pour l’album précédent sur le clip Big God. Elle est la directrice artistique pour cet album. Dans une actualité aussi macabre, il est important de souligner que toutes les vidéos ont été tournées en Ukraine en novembre dernier avec une troupe de danseur/ses originaires de Kiyv. À l’heure de la rédaction, quatre clips sont sortis : King, Heaven is Here, My Love et Free. 

King est une ouverture puissante qui annonce Florence forte de sa féminité : le titre tourne autour de cette pression et ce dilemme subis par les artistes féminines de choisir entre fonder une famille et se consacrer pleinement à leur carrière. Ainsi, Florence entonne des paroles qui ajouteront sans aucun doute bientôt au mystique du groupe : I am no mother, I am no bride, I am King. 

La deuxième chanson et dernier single en date, Free fait écho à la chanson Hunger sur l’album High as Hope, et représente pourtant une nouvelle direction pour le groupe qui a expérimenté avec des tonalités plus lo-fi. On retrouve dans le clip, Bill Nighy (Love Actually, About Time) jouant le rôle quasi sur-mesure de l’anxiété de Florence + The Machine. 

Un retour aux sources malgré l’évolution

Car ce qui est frappant avec cet album, c’est sa composition. Si par bien des aspects il ressemble à une combinaison parfaite des précédents albums, la sauvagerie de Lungs, la grandiloquence de Ceremonials, l’introspection quasi exorcisante de How Big, How Blue, How Beautiful et la sobriété (dans les deux sens du terme) de High As Hope, on découvre une Florence nouvelle, encore plus fière avec de nouvelles approches et directions. Notamment avec trois chansons très courtes et très fantasmagoriques qui pourraient faire davantage penser à des interludes : Heaven is Here, Restraint, Prayer Factory. 

Choreomania, la troisième chanson de l’album, dont l’instrumental maniaque et fébrile en souligne parfaitement l’esprit, évoque également dans l’intro, un condensé de Lungs et de High as Hope avec la harpe, les légers applaudissements et cette première phrase qui nous gifle dès la première écoute : And I’m freaking out in the middle of the street with the complete conviction of someone who’s never had anything actually really bad happen to them but I’m committed now to the feeling. 

Sorcières, sorcières

À l’écoute de cet album, force est de constater la féminité affolante et frémissante qui en émane (Dream Girl Evil). À travers une vulnérabilité et une force dont Circé serait jalouse, Florence s’ouvre et se confie sans gêne, sur ses angoisses, sa peur de ne plus pouvoir monter sur scène à cause du Covid, et sur une certaine nostalgie (Back in Town). Elle exprime tout cela à travers des chansons comme Cassandra, Girls against God dont les progressions presque théâtrales sont comme une invitation à la danse énoncée dans le titre. 

Malgré certains thèmes angoissants, on observe un optimisme frappant nouveau pour le groupe, comme sur Daffodil où la première chose que l’on entend est une inspiration vive, comme si Florence était pressée de revivre après cette pandémie : I couldn’t help it, yes, I let it get in / The helpless optimism of spring. Sur des chansons comme The Bomb, où l’héroïne préraphaélite des temps modernes s’adresse directement à son inspiration qui la dévore, on ressent cependant cette sensibilité qui lui est propre.  

L’album se conclut sur une chanson émouvante et nostalgique, Morning Elvis dans laquelle Florence revient sur son passé dissolu qui l’a fait passer à côté de certaines opportunités, comme de voir Graceland à Memphis. Mais bon, comme elle dit, le King aurait compris. 

Avec ce cinquième opus, Florence + The Machine confirme sa place parmi les plus grands groupes de cette dernière décennie. L’album hantant et hanté, sorti symboliquement un vendredi 13, offre  autant aux fans de la première heure qu’aux novices, une expérience quasi-religieuse de 47 minutes. Que ce vendredi 13 leur soit bénéfique. Pour vivre l’expérience en live et voir la grande dame aux cheveux de feu tournoyer dans l’une de ces fameuses robes en voile, il vous faudra attendre le 14 novembre prochain à l’Accor Arena.