Et puis il n’y eu plus de concerts. Aucuns, zéro, nada. A la place, un vide terrifiant et cynique, une absence d’enthousiasme de son, de convivialité. Au début 2021, il n’y avait rien. Les jours passaient, ils n’apportaient qu’un quotidien privé d’une culture pourtant base de nos civilisations, de nos modes de vies. Ces mêmes modes de vies à la fois si proches et si variés dont le monde avaient le secret. Les mêmes donc qui trouvaient leurs reflets dans la musique, celle qu’on appelle musique du Monde ou World music. Celle-là même qui rassemblait le Monde en le réunissant le temps de quelques notes rappelant que nos différences pouvaient nous unir et de fait être la plus grande beauté de notre planète – humaine.
Cette diversité créatrice, le festival Au Fil des voix avait à coeur depuis des années de l’apporter à Paris et d’offrir tant aux novices qu’aux amateurs éclairés un coup d’oeil sur le Monde entier, ses instruments atypiques, ses notes, sa joie, sa convivialité, ses luttes communes et diverses. Cette énergie là, elle ne pouvait pas être stoppée ni par un virus ni par des décisions politiques. Cela reviendrait, en temps de crise, à réduire notre perception humaine en un vaisseau qui ne serait que notre salon. Alors, le festival a choisi de se battre avec cette arme que l’on connait malheureusement trop de nos jours : la diffusion de performances lives en streaming et sur écrans. Et puis le 4 février, comme une chance qui croiserait notre route, nous voilà invités à un concert au 360 dans la Goutte d’Or de Paris, là où la diversité vit tout en adoptant les codes de la vie parisienne. Impossible de refuser. L’Argentine sera donc au programme avec le groupe Cuerteto Tafi.
Il serait en un sens bon, avant d’entrer dans le détail de cette performance haute couleurs où énergie et passion se mélangent, de rappeler qu’un concert et une performance scéniques sont néanmoins deux choses distinctes. Un concert est une grande communion. Un partage entre les différents membres d’un public d’un moment transcendé par la musique. Une performance se passe de public. Bien que peut-on réellement se passer pleinement d’un public pour pratiquer un art vivant ? C’est ce qu’a essayé de faire Cuarteto Tafi, il faut le reconnaître avec succès, en ce jour et sur cette scène face à un public restreint pour mieux le faire vivre dans des salons face à un public semi-confiné.
Une performance transcendante
Voilà donc notre quatuor qui s’élance mené par la jolie et hypnotisante Leonor Harispe pieds nus et en robe de soirée noire. D’entrée, l’humeur est à la fête. Retrouver une salle de concert est un plaisir qu’on ne boude pas qu’on soit artiste ou public professionnel. Ou même un jeune bébé au deuxième balcon, peut-être lui peu conscient de sa chance. « Est-ce que vous êtes chauds ? » lance la chanteuse devant ses trois musiciens entre guitares, percussions, oud et bezouki. C’est une histoire d’amour entre la France et l’Argentine qu’est venu nous raconter le groupe. Dans cette histoire, la musique se vit avec le corps et le coeur. La danse est un atout, une importance capitale que des chaussures ne sauraient arrêter. Les morceaux s’enchaînent à toute allure alors que les mélodies solaires viennent remplacer les froideurs extérieur. L’opération marche tant que dehors, la froid de février renonce à la journée s’abandonnant à une chaleur printanière, laissant apparaître quelques jolis rayons de soleil. Dedans, les luttes convergent. Les problématiques du Monde se rejoignent nous disions vous en début de papier. Celle des femmes cherchant à s’émanciper par exemple. En Europe elle a pris le nom d’un hashtag, en Argentine d’un regroupement de femmes et d’artistes qui ont réussi à gagner en indépendance, en droit à l’IVG. Cette histoire là nous est aussi contée à corps et à instruments, en argentin dans le texte. Et finalement, il est bon de se rappeler que face à la musique, la barrière de la langue n’existe pas.
Les notes, l’énergie se suffisent à faire passer un message collectif, audible par tous. Comme lors d’un concert et non d’une performance, l’équipe invite un public réel et virtuel à se joindre au mouvement, en se levant, en partageant un temps donné. La chaleur de l’Amérique du sud, ici dans nos beaux bâtiments loin de ces vertes contrées, nous la connaissons, nous l’identifions. Elle se retrouve dans cette performance aux chants traditionnels et vivants. Les douleurs de l’amour nous sont contés et introduits en français pour mieux que les comprendre. Tout comme les failles et les douleurs. Les souffrance, le groupe les transforment en énergie positives qui donnent l’envie d’oublier les masques et les chaussures, de se laisser transcender et de s’oublier au grès de mouvements de danse en espérant avoir la grâce de ceux proposés sur scène. La reprise n’a toujours pas de date, le vide semble vouloir s’éterniser. Il est pourtant bon de se souvenir que le bruit de la musique couvrira toujours tous les maux, et que nous serons là, le Monde entier, au rendez-vous pour vivre à nouveau notre langue commune ensemble. En attendant, nous soutiendrons ses meilleurs interprètes, nos artistes.
Le festival au Fil des Voix se vit en streaming juste ici du 15 au 28 février.
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