Entretien avec un Vampire
Entretien avec un Vampire – affiche officielle

Chef d’oeuvre d’Anne Rice porté aux nus dans un film inoubliable en 1994 avec à son affiche Brad Pitt et Tom Cruise, Entretien avec un vampire, a sa place au panthéon des plus belles histoires. Il faudrait attendre un peu, quelques années de mortels seulement pour que l’histoire ressorte ses crocs sous forme de série télévisée. Diffusée sur Paramount et disponible en France via Amazone Prime, le show remet au goût du jour les aventures de Louis, Lestat, Claudia, Armand et les autres en apposant à l’histoire originale quelques nouveaux éléments. L’affaire était d’autant plus compliquée  que le matériaux d’origine regroupait une armée de fans prêts à mordre si l’adaptation n’était pas réussi. Ce ne sera pas nécessaire, la série de Rollin Jones s’avère être un bijoux d’écriture, une merveille de réalisation et l’une des plus belles réussite que l’on aie pu voir ces dernières années. De l’amour tout simplement qui coule dans les veines et fait pulser les coeurs.  Impossible de ne pas vous en parler, tant fascination et emprise ont peuplé le visionnage de ses deux premières saisons

Entretien avec un vampire, de quoi ça parle ?

Un jeune journaliste, Malloy, s’entretient dans une chambre avec un homme élégant, à l’allure aristocratique et au visage blafard, Louis, qui lui fait de bien étranges confidences. Malloy, subjugué par la séduction de son interlocuteur lui demande, à l’aube, de le faire pénétrer dans son monde, celui des vampires. D’après le roman « Entretien avec un vampire » d’Anne Rice. (Synopsis officiel)

Entretien avec un vampire, pourquoi je suis accroc ?

entretien avec un vampire Louis Lestat Claudia
Trois vampires vedettes : Lestat, Louis et Claudia

Le don obscure c’est bien ce dont il est question quand on visionne les deux saisons de la nouvelle série de Rollin Jones. Don, certainement, tant le scénario, parfaitement ficelé vient à vous transporter dans l’univers passionnel de la série, engouffrant sur son passage le reste de l’univers, pour vous laisser vous aussi seuls face à Louis et sa psychanalyse. Obscure, sans aucun doute alors que les noires émotions parfaitement contées, et la violence justement dosées s’invitent à ce théâtre bizarre aussi puissant que captivant.

Contrairement à sa version originale qui débutait en 1791, la version 2022 d’Entretien avec un vampire voit son origine en 1910. Un changement d’époque qui permet de créer un nouveau Louis et de pourtant faire parfaitement échos au propos qu’abordait le texte premier. Notre Louis de Pointe du Lac est un descendant d’esclave, homme noir à la Nouvelle Orléans, ce statut fera échos à la version d’origine et à la traite d’esclaves dont le personnage est coupable. Redoutable homme d’affaires, Louis tient un bordel et les affaires prospèrent. Tout comme le racisme omniprésent, dégoulinant de chaque recoin d’une ville où la liberté vient en réalité avec un prix. Obnubilé par le succès, le besoin de prouver qu’il ne vaut pas moins qu’un autre, il en oubliera l’humanité des femmes qu’il prostitue. Ce fait particulier, bien que brièvement évoqué est d’ailleurs l’un des axes narratif central de notre histoire. D’axes il y en a finalement deux, la quête de rédemption qui passe autant par la haine de soi que par celle pour celles et ceux qui nous ont créés, mais aussi l’acceptation de soi dans son entièreté qu’importe votre nature profonde.

Nul besoin d’être comme Louis ( incroyable Jacob Anderson) responsable des pires atrocités pour s’identifier à son envie de bien vivre, sa soif de réussite qui le poussent au pire. Le choix de changer la couleur de peau de notre narrateur s’avère donc particulièrement perspicace et intelligemment amenée et permet de mettre en scène les horreurs du racisme, de rendre la monnaie de leur pièce aux bourreaux mais aussi d’exploiter les conséquences qu’ont les préjugés sur les âmes.

Puisque, nous le disions, loin de la simple interview, Entretien avec un vampire, tient bien plus de la psychanalyse collective,  tant la juste écriture va venir titiller le spectateur et l’envelopper dans un banc d’émotions qui pourraient être siennes sans pour autant avoir le vécu d’un vampire de plusieurs siècle.

psychanalise aux dents pointues

entretien avec un vampire sérieLe journaliste que l’on connait, Daniel Molloy ( Eric Boosian),  a bien connu Louis en 1973 comme le veulent livres et films ( même si là aussi les époques changent passant des années 90 aux 70’s). De cette rencontre né un conflit entre les hommes. Louis attaque le journaliste lorsqu’il lui demande de le transformer et l’affaire reste en suspens. En 2022, voilà pourtant que les hommes se retrouvent pour écrire les mémoires du vampire qui se sent coupable et porte le poids du Monde sur ses épaules. Dans sa forteresse à Dubaï, alors que les richesses peuplent le récit, les certitudes s’effondrent. La véracité et l’exactitude d’un texte déjà hautement subjectif sont sans cesse remis en question. Peut-on croire la mémoire de notre narrateur ? Les actions découlent de plus de son ressenti. Un ressenti qui a évolué entre la première rencontre de 1973 et l’époque actuelle. Au lieu d’un moment neutre, nous voilà au coeur d’un tourbillon émotionnel, parfaitement composé et digne de l’opéra dont raffole Lestat, acte après acte. Le résultat à fleur de peau permet au spectateur de se laisser complètement embarqué dans les turpitudes et souffrances d’un homme auquel il s’attache tout particulièrement. D’autant plus que le jeu d’acteur et les traits angélique de  Jacob Anderson viennent à parfaite un personnage complexe qui a autant sa part d’ombre que de lumière. Au travers des époques, au travers du rejet pour sa condition de vampire, Louis peuple autant son récit de colère , de haine que d’amour. La série Entretien avec un Vampire n’est par ailleurs pas la première a utiliser le mythe vampirique pour faire échos aux pires travers humains. True Blood abondait, au moins à ses débuts en ce sens. Son simple générique permettant d’ailleurs de le souligner en une phrase « God hates fangs », pouvait-on y lire,  dont il sera facile de juger le caractère abjecte si l’on en retire une seule lettre. Ici, la bigoterie humaine parait prise de haut par le statut tout puissant de vampires, eux-mêmes semis divinités mais divinités torturées pas plus à même de régler leurs conflits internes. D’ailleurs de cette hauteur, il sera aussi question de sexualité, quête de la propre sienne pour Louis, vampire, noir, homosexuel. Et de répondre à l’intolérance avec poésie, sauvagerie et toute la violence qu’elle nécessite.

Un fable queer qui s’assume enfin pleinement

entretien avec un vampire Louis de pointe du lac Lestat de Lioncourt
Louis de pointe du lac et Lestat de Lioncourt

Une violence nommée passion. Ne nous y trompons pas, c’est bien d’une histoire d’amour féroce qu’il est question dans Entretien avec un vampire. L’amour entre deux hommes, ravageur, sulfureux, torturé, magnifique, insoutenable, toxique, puissante, triste. Et la de la peur profonde de la solitude, celle d’êtes qui vivront éternellement comme le reflet de notre peur d’être seul.es. Ces deux hommes se sont le réfléchi, conscient, humain aux nombreux travers Louis et Lestat, la magnifique, l’irrévérencieux. Si captivant qu’on l’aime, le déteste, le craint, le plaint. Sommes nous spectateurs psychanalistes comme notre journaliste vedette du regard que l’on porte sur cette histoire ? L’amour passion est-il toujours dangereux ?

Il n’y a pas de secret, la relation amoureuse entre Lestat et Louis existait comme une forme de sous-titre discret dans le matériel d’origine d’Anne Rice. L’homohérotisme s’y faisait discret, pointant le bout de son nez à demi-mots voir à quart de mot pour ne jamais révéler son nom. Ici, enfin l’histoire perd les barrières qui lui étaient également faites dans le film des années 90. Preuve que la société à évolué, la beauté n’a plus à se réserver à l’hétérosexualité, ouf enfin ! On peut maintenant compter avec fougue les histoires d’amour de toutes les sexualité, laissant la porte ouverte à l’amour avec un grand A. L’amour passion avec Lestat trouvera par ailleurs sans trop spoiler une réponse sage avec Armand mais finalement celui qui est supposé ne pas blesser ne cacherait-il pas ses travers dans ses plus sombres cercueils ?

Voilà qui rendra la relation de nos deux protagoniste beaucoup plus forte profonde. Cette relation, elle est pourtant avant tout malsaine. Le personnage de Lestat étant l’amant le plus attentionné et le bourreau de Louis. Lui si épris et pourtant si accablé d’être entièrement sous emprise. Mais qui des deux est le véritable bourreau de l’autre ? Finalement la narration d’un point de vue qui évolue lorsqu’il est confronté aux questions de Molloy, permet de n’adopter qu’un point de vue pour mieux le laisser évoluer alors que la lumière du jour pointe doucement le bout de son nez. Entretien avec un vampire prend en effet le temps de raconter un éveil à sa sexualité, à opposer le regarde du Monde à un coming out complexifié par son époque (ses époques même / mais aussi le comin off age). Le double standard d’un discours produit en 2022 et le regard d’un homme de 1910 y est d’autant plus intéressant. Si être un vampire fait de Louis une minorité, sa force renvoie sans condition à la douleur d’un rejet de la société. D’ailleurs c’est peut-être de là et des épreuves que vient sa plus grande force. Comme souvent avec les vampires ( quand c’est bien écrit), le fantastique sert à raconter une histoire plus profonde et plus humaine. Côté érotisme, si la pilote prend le plie de montrer son récit, le reste de la série s’assagit rapidement. Une notion un brin regrettable tant il est plaisant de voir des vampires utiliser leur sensualité, celle-là même qui fait partie de leurs caractéristiques pour quiconque aime à suivre ce mythe. Toujours est-il que bien des fois, le rejet de la société rappelle par des répliques bien senties que c’est bien l’intolérance qui est abjecte et qu’elle seule doit être condamnée. En ça, le sang versé sert d’exutoire. Un fameuse réplique de Lestat lors du procès de la saison 2 fera ainsi office de réponse générale à la bigoterie tout comme la première scène entre les deux hommes vampirisés qui prend sa place dans une église. Il n’y a rien à confesser, à se faire pardonner, celui qui juge, impose la prière est la coupable qu’il faut punir. Et il sera puni, épisode après épisode. Lui et ses basses convictions humaines.

La toxicité a la vie éternelle

En explicitant la relation amoureuse entre nos deux protagonistes, la série va pouvoir développer les rouages d’une relation conjugale toxique, parler de la dépendance affective, questionner ce qu’est l’amour véritable. Lestat, exubérant, dangereux, toxique va à de nombreuses reprises charmer autant les spectateurs que nos protagonistes. On en vient à lui pardonner, ses folies, ses excès, son plaisir à tuer et ses maltraitance. Et à mesure que c’est chose faite, via le personnage de Louis, et les questions de  Molloy, on finit par se demander, se questionner, s’en vouloir d’autant se laisser séduire. Serions nous aussi enclins à chercher des excuses au bourreau s’il nous est présenté sous les plus beaux traits ? Est-il lui aussi victime de son passé ? De son créateur, de son apprentissage, de ses peurs, de son amour ? Pour ne pas créer de monstres alors il faudra couper le mal à la racine.

Des adolescences

entretien avec un vampire claudia
Claudia de Lioncourt

Finalement au court de deux saisons, la série et son rythme progressif viennent à conter un éveil, une trajectoire de vie. Le personnage de Claudia, éternelle adolescente apportera elle aussi à sa touche de mordant à un récit qui sert le coeur. La fille peut elle garder ce rôle ? Comment des parents peuvent-ils accepter de voir l’enfant grandir ? Prend-on finalement plaisir à enfermer les générations qui nous suivent dans un rôle d’éternel enfant ?

Rien n’est épargné dans cette version d’Entretien avec un Vampire où les pires monstres se font aussi victimes en des cycles infinis. Les agressions sexuelles, les méfaits de la guerre, la honte que l’on doit laisser aux femmes, le rôle du parent s’ajoute à un récit aussi dense que lisible. D’ailleurs il serait grossier de ne pas parler de Madeleine, punie et persécuter pour avoir aimer un allemand pendant la seconde guerre mondiale. Il ne faut jamais juger l’amour nous dit la série. C’est lui qui met un terme à l’adolescence lorsqu’il est accepté. Louis a bien des travers adolescents en en voulant à son créateur, en cherchant à s’émanciper du groupe et de son statut. Le public est toujours pris à partie. Le Théâtre des Vampires de la saison 2 permettant un clin d’oeil bien senti au film dans le film. L’histoire est écrite de longue date, nous ne pouvons la changer, nous ne devons simplement la juger mais la ressentir. La série de regarde de bout en bout sans jamais perdre de son mordant, nous unissant par les liens du sang au sort de nos protagoniste. Du sang il y aura.

Entretien avec un vampire, qu’en est-il de la saison 3 ?

La série a été renouvelée pour une saison 3 en juin 2024 et promet son grand retour en 2025 sans qu’une date exacte n’aie été communiquée à l’heure où j’écris ces lignes. Toujours est-il qu’elle ne saura que se faire trop attendre, et se ressentir comme des siècles. Pour ce qui est de l’histoire ? Elle se concentrera sur Lestat le Vampire, magistral Sam Reid, à la beauté hors normes. Pour patienter, reste à se mettre sous la dent le communiqué officiel qui suit ce texte. D’ici là, regardez d’urgence les deux première saisons d’Entretien avec un Vampire, on vous promet que vous nous remercierez de ce conseil pour l’éternité.

« Lorsque vous achetez les droits des 18 romans d’Anne Rice qui se sont vendus à plus de 150 millions d’exemplaires, dans vos rêves les plus fous, vous espérez que cela donnera une série aussi bonne. Ce qui a été fait avec ces histoires et ces personnages a dépassé toutes nos attentes. Nous avons hâte de voir où cette équipe créative amènera la série » commente le diffuseur américain.

AMC a déjà livré le synopsis de la saison 3 : « Irrité par la représentation superficielle du best-seller trash Interview With The Vampire, le Vampire Lestat met son histoire au clair d’une manière que seul le Vampire Lestat peut faire – en créant un groupe de musique et en partant en tournée. Gabrielle. Nicolas. Magnus. Marius. Ceux qu’il faut garder. Ils rejoignent Louis, Armand, Molloy, Sam, Raglan, Fareed et d’autres dont nous ne pouvons pas encore vous parler dans un pèlerinage sexy à travers l’espace, le temps et les traumatismes. »

Entretien avec un vampire, saison 3, bande-annonce


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