Second long-métrage de Léa Mysius (réalisatrice de l’acclamé Ava) présenté hors compétition à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, Les Cinq Diables souffrait d’une bande annonce un peu taciturne mais intriguait par son visuel léché. Difficile donc de savoir vraiment où aller avec ce film si ce n’est à une nouvelle rencontre du talent d’Adèle Exarchopoulos, à la tête du casting. Mais tout de même, comment refuser de découvrir ce qui s’annonçait a priori comme un nouveau drame français glacial, se démarquant par une originalité hors du commun ? Que les adjectifs élogieux de la presse sélectionnés sur les affiches ne mentent pas, car cette fois nous avons bien envie d’y croire à la touche personnelle de la cinéaste. Enfin bref, retour sur une implacable réussite.
L’ENFER OLFACTIF
Pour vous donner une idée de ce qui vous attend, Les Cinq Diables c’est l’histoire d’une petite fille (Vicky) qui adore sa maman (Joanne), les odeurs et l’odeur de sa maman. Elle les reproduit puis les enferme dans des bocaux après le goûter plutôt que de regarder des dessins-animés. Puis la soeur (Julia) du papa pompier (Jimmy) revient habiter chez la belle petite famille et le parfum prend des allures de fermentation méphitique. Les bocaux sont ternis, l’odeur de Julia emmène la petite Vicky à la découverte des secrets de papa et maman et croyez-moi, cela sent mauvais.
UN SCÉNARIO À L’ORIGINALITÉ INFERNALE
En effet l’originalité tant espérée s’incarne dans le versant fantastique du métrage: Vicky découvre les travers de l’histoire de sa famille grâce aux flashbacks permis par ses bocaux d’odeurs. Sans en dire trop non plus, ces déplacements temporelles sont savamment intégrés à la ligne narrative du récit et au précieux dénouement de tout ceci. Car la force du film ; en deçà d’un visuel à la sensibilité impitoyable ; réside dans une inventivité scénaristique indéniable. Le surnaturel occupe progressivement un tournant barbare divulguant les ressorts de cette histoire sombre et subtile. Puis il devient impossible de s’absoudre de cette obstination malsaine à pénétrer l’enfer des Cinq Diables.
PAUVRES PÊCHEURS TORTURÉS
Car Les Cinq Diables a cela de réussi qu’il installe une atmosphère fatalement angoissante. Du mal aise naissant graduellement aux caractères des personnages tous plus arides les uns que les autres, « l’enfer c’est les autres », surtout dans ce petit village où tout se sait. Alors que l’inéluctable révélation s’abat violemment, la paradoxale libération des protagonistes se confronte à l’enfermement sempiternel dans leurs tragiques existences. Tout cela sur un fond d’homophobie, de racisme et de revanche – un alliage démoniaque duquel il est impossible d’être exempté. Bien que, somme toute, l’atmosphère sordide de l’ensemble aurait encore pu être renforcée ; Léa Mysius a préféré ménager ses spectateurs.
RIEN NE SERT DE MOURIR, IL FAUT AIMER À POINT
Cette fable sur l’engouffrement maladif dans la bienséance et la complaisance mérite donc amplement le détour. Tout n’est pas parfait mais une fascination mécanique émane de ce scénario au magnétisme terrifiant. Devant cette machine infernale, l’oeil, subjugué par la splendide photographie, est écrasé. Il est impossible de lutter contre ce voyeurisme, de résister à l’appât des ressorts d’un récit troublant, clinique et sauvage, savamment dessillé. Les Cinq Diables consume minutieusement les travers de ses personnages pour conclure sur un final non moins déconcertant, exaltant la revue absurde et amer d’une oeuvre fantastique, imprimée dans une cruauté malheureusement peu fictive.
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